Scène 7
Adélaïde et Jean Laroche font irruption dans la pièce, sans même prendre la peine de frapper à la porte, l'air épuisé. Ils sont tous deux habillés de noir.
Adélaïde Laroche : Ah, seigneur, nous voilà enfin ! Nous sommes en retard, n'est-ce pas ?
Louise Laroche : Oh non, vous arrivez à temps, nous passions à table.
Jean Laroche : Rien qu'à l'odeur, je ne regrette finalement pas d'être venu. Angélique a encore passé des heures aux fourneaux !
Adélaïde et Jean enlèvent leurs blousons et s'apprêtent à les poser sur le porte manteau.
Louise Laroche : Allons, allons, attendez plutôt qu'on vienne vous aider ! (criant) Angélique ? Angélique !
Angélique ne vient pas.
Louise Laroche : Cette fille n'est décidément là que lorsqu'on a vraiment besoin d'elle !
Elle se tourne vers Edith Volage.
Louise Laroche : Est-ce que vous pourriez, ma chère, débarrasser les affaires de mes invités ?
Edith Volage : Mais...
Louise Laroche : Allez, ma fille, exécution !
Edith, intimidée, va prendre les vestes pour les accrocher sur le porte-manteau.
Jean Laroche : Une nouvelle domestique ?
Louise Laroche : Non, une inconnue, mais c'est tout comme, n'est-ce pas ? Trêve de bavardages inutiles, comment allez-vous ?
Adélaïde Laroche : Ma foi, l'automne me fait grincer les os mais...
Louise Laroche : Bien, bien... Et vous, Jean ? Comment se porte la gendarmerie parisienne ?
Jean Laroche : Elle est débordée, mais que voulez-vous, l'immoralité des uns fait le gagne-pain des autres !
Louise Laroche : Vous m'en direz tant, vous m'en direz tant...
Un silence gêné s'installe, personne ne sachant quoi dire.
Adélaïde Laroche : Florian n'est pas là ?
Louise Laroche : Si mais il a décidé de se rebeller contre sa mère... Ça lui passera...
Adélaïde Laroche : Oh, il ne faut pas lui...
Louise Laroche lui coupant la parole : Il fait plutôt froid pour un mois d'octobre, n'est-ce pas ?
Nouveau silence gêné.
Adélaïde Laroche : Avez-vous entendu les nouvelles, aujourd'hui ?
Louise Laroche : Non.
Adélaïde Laroche : Oh... Et bien, il parait qu'ils ont découvert une nouvelle maladie mortelle. Elle ne toucherait que les...
Louise Laroche : Les ?
Adélaïde Laroche : Et bien, comment dire...
Louise Laroche : Avec des mots, voyons, avec des mots !
Adélaïde Laroche : Les homosexuels !
Louise Laroche : Oh, Adélaïde, pendant un instant, vous m'avez fait peur ! Haha, il n'y a donc rien à craindre pour nous !
Florian Laroche : Ma parole, si tu n'étais pas ma mère, je te traiterais sans problème de monstre...
Jean Laroche : Florian, arrête de faire ton sentimentaliste, ce sont eux les monstres...
Louise Laroche : Laissez donc, Jean, il ne sait pas ce qu'il dit...
Florian : Je le sais plus que vous, apparemment...
Jean Laroche : Non mais sincèrement, Louise, si vous pouviez voir les descentes que l'on fait dans le Marais, vous vous évanouiriez sur le champ !
Florian Laroche : Ridicule !
Jean Laroche : Ce n'est que luxure, beuverie et irrespect ! Ils ont leurs bars, leurs restaurants, leurs cabarets, et même leurs icones. Ils appellent ça des artistes, moi j'appelle ça des grosses folles se trémoussant à moitié nues sur scène. Quelques billets de 50, et elles passent la nuit avec vous. Immondes !
Edith Volage : Des femmes font la même chose, et pour beaucoup plus cher...
Jean Laroche : Ca n'a rien à voir !
Florian Laroche : Bien sûr que si !
Louise Laroche : Est-ce si important ? Les gens font bien ce qu'ils veulent, non ?
Florian Laroche : Maman, des personnes meurent, et mon oncle les traite comme des pestiférées... Alors, si, c'est important...
Jean Laroche : S'ils meurent, c'est bien qu'ils le méritent, non ?
Adélaïde Laroche : C'est bien triste, tout de même...
Edith Volage : Chaque année, de nombreux enfants meurent... Est-ce qu'ils l'ont mérité ?
Louise Laroche : S'il vous plait, cessez de faire polémique, ça ne sert à rien et le repas est bientôt prêt...
Adélaïde Laroche : Oui, mettons-nous à table et calmons nous... Ces hommes-là ne nous ont rien fait...
Jean Laroche : C'est cela, c'est cela...
Ils s'installent à table, sauf Florian qui reste dans son fauteuil.
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