Scène 4
Des coups sont frappés à la porte. Edith Volage sursaute.
Edith Volage : Oh, un peu plus et j'étais persuadé que le diable s'invitait à la soirée !
Tristan Minois : Vous êtes bien trop émotive, ma chère...
D'autres coups, plus bruyants cette fois, sont frappés.
Edith Volage : Vous croyez que l'on devrait aller ouvrir ?
Tristan Minois : Oh non, attendons plutôt que cette personne meure de faim devant la porte, ça sera plus simple...
Edith Volage : Ha, si vous le dites...
Tristan Minois : Je crois que nous venons d'inventer le meurtre par manque de second degré !
Tristan Minois décide finalement d'aller ouvrir mais Angélique apparait et accoure pour l'arrêter.
Angélique : Ha non ! Déjà que je ne fais pas grand-chose dans cette maison, vous n'allez pas m'enlever le devoir d'ouvrir aux invités !
Tristan Minois : Oh mais excusez-moi, je vous laisse la place ! Je m'en voudrais trop de vous voler l'intense plaisir de laisser les convives pourrir sur le paillasson !
Angélique : Laissez votre langue de vipère traîner partout si vous le voulez, mais ouvrir cette porte me permettra au moins de recevoir ma prime de fin d'année !
Tristan Minois : Retirer de l'argent à une si bonne servante, il faudrait être fou !
Edith Volage : C'était là du second degré, n'est-ce pas ?
Tristan Minois : Vous apprenez vite !
Angélique : Et là aussi, je pense...
Edith Volage : Vous ne parlez donc jamais au premier ?
Angélique : Au premier quoi ?
Edith Volage : Et bien, degré !
Des coups brutaux sont frappés à la porte et une voix en colère résonne.
Florian Laroche : Vous allez m'ouvrir, nom de Dieu !
Angélique en sursautant : Et bien voilà, vos bêtises me font tout oublier !
Tristan Minois : Parce que vous aviez besoin de nos bêtises pour cela ?
Angélique se précipite pour ouvrir la porte. Florian Laroche fait son apparition, décoiffé, et referme la porte derrière lui.
Angélique : Ah ! Mais c'est toi, Florian !
Florian Laroche, rieur : Toujours aussi distraite, à ce que je vois !
Angélique : Moi ? Mais qui est-ce qui est en retard ? On commençait à te croire mort ! Tu te vantes sans cesse de ta moto mais elle ne va guère plus vite qu'un tricycle !
Florian Laroche : Mon dieu, que ta mauvaise foi m'a manqué !
Angélique : C'est un compliment ou une moquerie ?
Florian Laroche : Je te laisse le choix. Je ne suis pas en retard, Angélique, j'ai juste eu l'occasion de m'essuyer les pieds pendant un quart d'heure ! Enfin, disons que grâce à toi, mes chaussures n'ont jamais été aussi propres !
Angélique : Oh mais ce n'est pas de ma faute ! Il faut croire que je suis la seule assez dégourdie ici pour venir t'ouvrir la porte !
Tristan Minois : Dégourdie, je ne sais pas, mais vous êtes effectivement la seule payée ici pour le faire...
Florian Laroche surpris : Et bien, Tristan, qu'est-ce que tu... Enfin, qu'est-ce que vous faites ici ?
Tristan Minois : Il faut croire que c'est toi qui me suis !
Florian Laroche : Je suis chez mon père, je ne suis personne... Vous, en revanche...
Tristan Minois : Moi, j'ai été invité...
Florian Laroche : Par papa ?
Tristan Minois : Par le tien, en tout cas...
Edith Volage : Vous vous connaissez ?
Tristan Minois : Non, pas du tout, on fait semblant...
Angélique : Là aussi, c'est du second degré...
Edith Volage : Oui, je crois que je commence à saisir... Vous êtes amis ?
Florian Laroche : Amis... Amis... Disons plutôt connaissances... Mais ce n'est pas la seule relation de mon père dont j'ai eu l'honneur de faire la rencontre...
Tristan Minois : Non, mais j'étais le seul assez jeune pour nouer des liens affectifs avec toi...
Florian Laroche : Oui, j'imagine qu'il existe une certaine solidarité juvénile... (se retournant aussitôt vers Angélique et changeant de sujet). Mon père est ici ?
Angélique : Il y a un profond débat sur ce sujet en ce moment même...
Florian Laroche : Et pourquoi donc ?
Angélique : Je suis moi-même persuadée que Monsieur votre père est présent dans la maison... Mais il semblerait que les autres ne soient pas de mon avis...
Edith Volage : Personne ne l'a croisé. De la cave au grenier, c'est le grand silence. C'est un fait, une constatation, ce n'est pas la peine d'aller plus loin ! Monsieur Laroche n'est pas ici...
Florian Laroche : Enfin une bonne nouvelle !
Tristan Minois : Le grand méchant loup a encore frappé ?
Florian Laroche : J'ai eu quelques différents avec mon père, oui... Mais cela ne vous regarde pas...
Tristan Minois : En es-tu bien sûr, petit chaperon rouge ?
Florian Laroche reportant subitement son attention sur Angélique : Comment va maman ?
Angélique : Votre mère ? Et bien...
Louise Laroche apparait, exaspérée, mais ne remarque pas son fils.
Louise Laroche : Ce n'était pas Charles au bout du fil mais sa mère... Une preuve de plus que le mauvais sort s'acharne... Enfin, quoi qu'il en soit, Adélaïde et son fils seront en retard... Rien d'étonnant, j'imagine...
Angélique : Madame, Monsieur est arrivé...
Louise Laroche : Allons, Angélique, je suis riche mais je ne suis pas encore sénile. Mes yeux n'ont pas besoin de lunettes pour voir et je ne vois justement pas mon mari dans cette pièce.
Florian Laroche : Maman, je crois que...
Louise Laroche, soudainement épanouie, prête à se jeter dans les bras de son fils : Oh ! Florian ! Mon enfant, mon tendre enfant, te voilà enfin ! Penses-tu qu'Angélique aurait annoncé ta présence à ta pauvre mère ? Bien sûr que non, puisqu'elle est trop occupée à aider Charles dans ses fourberies !
Angélique : Je vous l'ai dit Madame, Monsieur est arrivé, et je ne pouvais le dire autrement puisque vous m'en avez donné l'ordre...
Louise Laroche : Oh mais qu'importe comment tu l'appelles ! J'ai retrouvé mon fils, il est de nouveau entre mes bras protecteurs, mes bras de mère ! Alors ? Comment est la vie à Paris ?
Florian Laroche : Tu as demandé à Angélique de m'appeler Monsieur ?
Louise Laroche : Non non non, tais-toi donc, je veux tout savoir de la capitale !
Florian Laroche : Maman, s'il te plait, arrête de faire l'autruche.
Tristan Minois : Autruche et vautour à la fois, un spécimen rare. Préparez-vous à finir empaillée, ma chère.
Louise Laroche : Arrêtez de vous moquer, Maunois ! Et puis, qu'avez-vous à tous être contre moi ce soir ?
Edith Volage : Ah mais non, je n'ai rien contre vous, moi !
Tristan Minois : J'ai bien l'impression que vous n'avez rien contre personne, vous, de toute façon...
Florian Laroche : Maman, sérieusement, Angélique et moi, nous nous connaissons depuis longtemps, depuis des années mêmes. Nous nous sommes toujours tutoyés et nous nous considérons comme des amis, alors il n'y a pas besoin de toutes ces mondanités !
Louise Laroche : Comme des amis ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
Florian Laroche : Tu as toujours voulu une fille, n'est-ce pas ? Et bien, moi, j'ai toujours voulu une sœur. Et Angélique fut ma sœur, tout comme toi tu fus ma mère. Vous l'abaissez au rang de domestique, au rang de simple service rendu aux meubles, mais pour moi, elle fait d'avantage parti de la famille que de la décoration. Le droit à l'amour d'une mère n'est-il pas un droit inaliénable ? Et Angélique n'est-elle pas, au fond, comme ta fille ?
Louise Laroche : Oh, tu réveilles en moi mes déceptions maternelles ? Est-ce là ta façon de me reprocher l'irréprochable ? De me reprocher la volonté de mettre au monde une fille à moi, avec mes cheveux, ma voix et mes yeux ? La volonté d'éduquer une fille riche et cultivée qui aurait eu toutes ses chances après mes conseils bourgeois ? La volonté d'avoir une fille de notre rang, tout simplement ? Car regarde à quoi aboutit la folie de ton père, ce bon mécène qui préfère accueillir une adolescente orpheline en tant que domestique que mettre sa femme enceinte. Non, Angélique n'a jamais été comme ma fille. Je n'aurais jamais voulu d'une fille en uniforme noir et blanc, je n'aurais jamais voulu d'une bonne ! Car c'est la vérité, Florian : Angélique n'est que ma bonne, rien qu'une bonne.
Angélique : Je ne suis peut-être rien qu'une bonne, mais sachez que je le suis certainement plus que vous, madame... Puis il faut croire que la jeune femme s'est perdue depuis longtemps dans ce corps si imparfait à vos yeux car moi-même, je ne vois plus que la domestique... Et la domestique, dans sa tâche ingrate d'esclave, voit maintenant venir l'heure de préparer l'apéritif en cuisine... La mère de Monsieur et son frère ne doivent plus être très loin...
Angélique s'apprête à quitter la scène mais Edith Volage, émue, la rattrape.
Edith Volage : Attendez-moi, Angélique, je vais venir vous aider...
Les deux jeunes filles sortent. Un silence de gêne plane un instant.
Louise Laroche mal à l'aise : Je... Je pense que j'ai besoin de me remaquiller... A nouveau... Excusez-moi, je n'en aurais pas pour longtemps...
Elle se précipite en dehors de scène. Les deux hommes restent ensemble.
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