Chapitre XI - Celui où je perds ...
Le lendemain matin on profita de notre dernière matinée d'activité en silence. Notre amie vampire s'éclipsa sous sa forme de loup, pour aller boire le sang de je ne sais quel animal sans doute. Nous on se dévisageait sans rien dire. Nous étions fatigués de notre courte nuit, nous nous en voulions les uns les autres et nous étions déçus d'avoir gâché le restant de notre sortie. Je transformais avec ma magie tout ce que je voyais. J'en voulais à Kaïa de nous avoir entraînés là-dedans, j'en voulais à Clément de nous avoir vendus, j'en voulais à Nicolas qui scintillait, j'en voulais à Camille par habitude. J'étais en colère contre les professeurs, la directrice, ma famille, celle des autres. La vaisselle suivant le déjeuner ne se fit pas dans une meilleure ambiance. Car oui, il fallait bien nous occuper toute l'après-midi, comme si tout ranger n'était pas suffisant.
Je lavais donc avec Clément et Kaïa, pendant que Nicolas essuyait avec ma sœur et Christine. Notre vampire, qui n'avait jamais fait la vaisselle de sa vie, dois-je vous rappeler qu'elle vient d'une famille royale, trouvait cela amusant. Moi je pensais à Nicolas. C'était la punition préférée de Nina quand on faisait une bêtise, bon d'accord quand je faisais une bêtise, faire des tâches ménagères sans magie. Mais Nicolas réussissait toujours à finir par faire craquer sa mère, inutile de vous redire qu'il est fils unique. Mais là, ce n'était pas Nina qu'il fallait faire craquer. Et un visage d'ange ne suffirait pas à fissurer la carapace de la directrice.
J'étais tellement en colère que je réussis à casser deux verres. Mon meilleur ami, cassait lui aussi presque tout ce qui lui passait dans les mains. Je n'y fis pas attention, il n'avait jamais été très adroit, même si, là, c'était vraiment bien plus que d'habitude.
- Calme-toi ! me souffla Kaïa. C'est moi qui suis censé avoir une force colossale. Là tu me fais de l'ombre.
Elle avait dit cela pour me tirer un sourire mais je la fusillai du regard. Nicolas cassa alors une autre assiette.
Clément soupira d'agacement. Je me tournai vers mon ami tout aussi exaspéré.
Il était entre Camille et Christine. Chacune lui dédiaient ses plus grands sourires, jouaient avec leurs cheveux devant lui, se penchaient vers lui pour le complimenter. Cela me fit légèrement sourire. Surtout que mon ami faisait tout pour ne pas y prêter attention.
- Tu crois qu'elles vont en venir aux mains ? chuchotais-je à mon amie.
- Au moins ça mettrait un peu d'animation, commenta-t-elle.
Évidemment, voir ma sœur se comporter ainsi ne me plaisait que moyennement. On pouvait même dire pas du tout. Pour Christine cela ne m'embêtait pas et ne m'étonnait même pas. Clément de son côté ne se préoccupait pas de cela. Il laissait faire sa sœur en général. Pas moi. Et pourtant, d'habitude, il y avait plus à s'en faire pour Christine. Mais revenons-en à ma sœur. Ce n'était vraiment pas une attitude responsable et digne.
- Je devrais peut-être me comporter en grand-frère et meilleur ami, affirmais-je à Kaïa.
- Attends encore un peu qu'on s'amuse de sa tête.
Et on gloussa pendant cinq petites minutes.
C'était mal.
Et je n'aimais pas voir ma petite sœur agir comme cela. Mais j'adorais me moquer de Nicolas. Quel horrible meilleur ami je suis ! En même temps, il le fait aussi. Je finis par dire à Nicolas de changer de place avec moi. Il me fit un sourire reconnaissant. Et bizarrement, les filles eurent alors un comportement normal. Pour des filles. Ou plutôt habituel pour elles.
Cette nuit-là, on dormit tous à la belle étoile, sous prétexte d'observer les étoiles. Pendant l'après-midi on avait, tous les six, installé des couvertures pour tout le monde.
On se coucha tard cette nuit-là, après une soirée assez sympathique à faire un feu de joie, à griller soi-même sa nourriture et à observer les planètes et étoiles dans le ciel. Je m'allongeai entre Nicolas et Kaïa. Et encore une fois, j'eus du mal à dormir. Je me réveillai vers minuit, mort de froid.
Je me tournai vers Kaïa, qui évidemment ne dormait pas. Je pensais pouvoir me rendormir en pensant à elle. Mais c'était sa disparition du matin qui me revint en mémoire. Et alors, la nuit et les arbres aidant à créer une atmosphère angoissante, j'eus peur. Le bruit des dents de Nicolas qui grinçaient à ma droite n'aidait pas.
Elle n'avait rien mangé depuis ce matin. Et si elle avait faim cette nuit ? Elle me prendrait peut-être comme nouveau sandwich. Je regrettai de ne pas être plus sec. Je devrais peut-être arrêter de manger tant de dragées. De toute façon, c'était trop tard maintenant. Kaïa allait me vider de mon sang. Est-ce que cela faisait mal ? J'essayais de me raisonner. C'était impossible. Et puis nos lois l'interdisaient. Certes mon amie n'aimait pas beaucoup les règlements. Mais c'était une des lois des fées. On ne pouvait pas les transgresser sans le regretter, pour le restant de ses jours. Il est vrai pourtant, que mon amie ne se préoccupait jamais des conséquences de ses actes. Si seulement Kaïa avait un voisin plus grand que moi, qui aurait plus de sang que moi, qu'elle préférerait donc manger. Mais elle était entre Camille et moi. Ma sœur était encore plus petite que moi, mais plus ronde aussi. Et puis elle ronflait toujours beaucoup trop fort. D'ailleurs, elle ne devait pas dormir non plus, puisqu'elle était silencieuse.
Lequel de nous deux, elle préférerait ? Je me redressai pour comparer mes atouts à ceux de ma sœur. Mais je fus glacé d'effroi. Elle n'était plus là.
Je me rallongeai inquiet et mon esprit s'emporta dans des hypothèses encore plus improbables.
Cela ne pouvait être que notre amie, qui après avoir vidé ma sœur de son sang, s'en était débarrassée. Et si maintenant elle s'attaquait à moi ? Je me tournais et retournais sur mes couvertures avec inquiétude, faisant grogner Nicolas.
Nicolas ! Voilà la solution. Mon meilleur ami avait un sommeil très léger. Et s'il y avait une personne qui faisait attention à ma sœur, c'était lui. Il l'aimait, alors il faisait attention à elle non ? Il devait savoir s'il lui était arrivé quelque chose.
- Pst ! chuchotais-je.
J'avais peur que Kaïa m'entende alors je fis cela discrètement. Mais du coup, Nicolas ne m'entendit pas plus.
Je le secouai alors. Il se tourna vers moi avec colère en s'appuyant sur son coude :
- Quoi !
- Où est ma sœur ? chuchotais-je à voix basse en lui faisant signe de baisser d'un ton.
Il fronça les sourcils, n'étant pas réveillé, il ne comprenait pas vraiment ma question.
- À côté de Kaïa, dit-il en se rallongeant.
- Non, elle n'y est plus !
Il se leva, regarda, comme si je pouvais ne pas voir la différence entre une couverture vide et occupée, consulta son astrolabe et s'exclama paniqué :
- Elle n'est toujours pas revenue !
- Tu l'as vue partir ?
Selon moi, notre amie vampire avait dû la poursuivre.
- Elle s'est levé il y a un peu plus d'une demi-heure. Je pensais qu'elle avait une envie pressante.
- Elle était seule ?
- Évidemment ! Tu crois que quoi ?
- Par où est-elle allée ?
À présent, c'était moi qui paniquais totalement. Et plus pour une improbable attaque de vampire, mais pour ma sœur qui avait disparue.
Il m'indiqua un chemin dans la forêt.
On se regarda, terrifié. Je savais que lui comme moi, on s'imaginait les pires scénarios pour ma sœur.
J'hésitai sur l'attitude à adopter. En parler aux professeurs ? Attendre pour voir si elle revenait ? Un sort d'attraction pour l'attirer ? Attendre qu'il fasse jour ? Évidemment, elle avait laissé son communiqueur ici. Nos professeurs ne prendraient sans doute pas cela au sérieux. Si on attendait, on risquait de la perdre à jamais. Et un sort d'attraction, même avec mes pouvoirs, fonctionnait mal sur des êtres vivants.
Je voulais crier, hurler, l'appeler. Autant dans l'espoir de l'entendre répondre que pour évacuer ce sentiment qui m'oppressait la poitrine. Où était-elle passée encore ? Elle faisait à nouveau une bêtise ! Ne pouvait-elle pas être un peu plus mûre par moment ? Et Xavier allait tout me mettre sur le dos ! On n'avait pas idée de se promener en forêt en pleine nuit ! Surtout seule et dans un monde qu'on ne connaissait pas ! C'était dangereux ! Il pouvait lui arriver quelque chose.
Je soupirai. Je devais y aller. C'était ma sœur. Quand je mettrais la main sur elle, elle allait en entendre parler !
- Il faut qu'on aille à sa recherche, déclarai-je.
Nicolas ne protesta pas. On mit des chaussettes, des chaussures, une veste et on se leva, le tout sans un mot. Mécaniquement.
On mourrait tous les deux d'inquiétude.
- On devrait peut-être aller voir les profs ? suggéra Nicolas.
- Réveillons plutôt Kaïa. Avec son flair ou instinct, elle arrivera peut-être à retrouver sa trace. Prévenir les profs prendrait trop de temps.
Notre amie, ne mit pas longtemps à être prête.
Comme nous, elle était inquiète. Elle se transforma en loup et renifla le lit de ma sœur, avant de courir. On la suivit tant bien que mal.
Je remarquai quand même que Clément nous regardait. Il secoua la tête et nous fit signe de ne pas y aller. Qu'est-ce que cela pouvait-il lui faire ? Cette fois il ne nous suivrait pas. Peut-être nous dénoncerait-il. Mais je ne m'en préoccuperais pas si on retrouvait ma sœur.
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