Chapitre VIII - ... aux fantômes de mon passé
La maison était dans un état indescriptible. Camille appela les Cadowell, moi la police. Ma voisine arriva la première. Elle nous serra dans ses bras. Pour se rassurer autant que nous.
Quelques minutes plus tard, le chef de la brigade du quartier, Julien Maine, ainsi que deux autres hommes, des membres de la patrouille sans doute, arrivèrent chez nous. Après mon récit des événements, ils appelèrent le palais et Nina redoubla d'attention.
Kamélia arriva alors, en compagnie de Simon Wells, l'érudit de Camille et chef des renseignements. Ils toisèrent Julien Maine et ses subalternes.
Je fus surpris par toutes ces personnalités, Camille également. Mais la fée me fit répéter mon histoire. Elle me regarda alors perplexe :
- Vous ne me croyez pas c'est ça ? finis-je par demander.
Le sourire que me firent les agents m'apprit bien leurs doutes. Mais Nina intervint :
- Évidemment que l'on te croit !
Simon et le chef de la police montrèrent leur désaccord, pas Kamélia. Ce qui les plongea dans un profond embarras.
- Madame la maire a raison, affirma la fée. Bien sûr que nous te croyons. Seulement on se demande ce qu'ils pouvaient bien faire ici.
- Peut-être pour Monsieur Gironnant, supposa Julien Maine.
- Tout le monde sait qu'il passe son temps au palais, et peu de gens connaissent son adresse ici, rétorqua l'érudit de ma sœur.
- Et puis, que pourraient-ils lui vouloir ? Interrogea Nina.
Ils devaient faire référence au mystérieux métier de mon oncle.
- C'était Théophile qu'ils voulaient ! rappela ma sœur. Pas Xavier.
- En otage peut-être ? proposa l'un des soldats.
Kamélia secoua négativement la tête en ayant l'air songeur.
- Non. Ils ne savent pas.
- Peut-être que Mathieu le Terrible a découvert la vérité, avança Nina.
- Non ! crièrent en même temps la fée et Simon.
- On le saurait si c'était le cas, précisa l'érudit.
- Ils ont dû atterrir ici par hasard. Cherchant à kidnapper quelqu'un pour trouver des fonds. C'est un quartier aisé et ils ont dû deviner que Théophile était seul, grâce à sa musique, supposa la fée
Nina allait ouvrir la bouche, mais la fée déclara que l'incident était clos. Les officiels partirent. Avant, j'entendis Monsieur Maine déclarer :
- Ces terroristes semblent avoir quelque chose contre les Gironnant.
Je frissonnai en y pensant. Ils avaient tué mon père, rendu folle ma mère. Que m'auraient-ils fait ? Les deux membres de la brigade firent le tour de la maison pour se donner bonne conscience avant de repartir. Kamélia traîna, paraissant hésiter avant de partir. Au moment où elle semblait s'être décidée à nous laisser, Nicolas arriva avec son père. Il nous regarda avec pâleur et atermoiement.
- Ça va ? me demanda-t-il.
- Oui très bien. Il y a rien de mieux pour la santé que d'affronter des terroristes.
- Au moins t'as fait un peu de sport aujourd'hui, plaisanta-t-il un peu rassuré.
- Ah ça j'en ai fait ! Je promets de ne plus jamais me plaindre que ma vie manque d'action.
On se sourit.
Je savais qu'il avait manqué de mourir d'inquiétude, qu'il était vraiment très heureux de me voir en pleine forme, mais jamais il ne l'avouerait et moi non plus. On est des hommes. Les hommes sont forts et il ne se montre pas leurs sentiments. Si on avait été des filles, il aurait sans doute pleuré de soulagement et je l'aurais serré dans mes bras. Mais on est des hommes, des vrais.
Peu de temps après le départ de la fée, ce fut au tour de Kaïa et de ses parents, qui grâce à leur relations savaient déjà tout, d'arriver chez moi. L'étreinte de mon amie vampire me soulagea bien plus que je ne pus le dire (c'était une fille, elle, elle pouvait me serrer dans ses bras).
Les adultes nous laissèrent discuter entre nous au salon et s'éclipsèrent à la cuisine. Mais ils n'arrêtaient pas de passer voir si tout allait bien.
- Pourquoi ils nous couvent ainsi ? m'agaçais-je au bout d'un moment.
- Je ne sais pas. On n'a pas tenté de t'agresser il n'y a même pas une heure ? ironisa le fils de la maire.
- Ils doivent avoir peur que les sans-visages reviennent dès que vous serrez seuls, supposa la ravissante princesse.
Cette idée me donna des frissons. Peut-être reviendraient-ils nous enlever pendant notre sommeil.
- Oui. Parce que quoi que dise Kamélia, on sait tous qu'ils ne se sont pas trompés, affirma ma sœur.
Nous nous tournâmes tous vers elle.
Depuis qu'elle m'avait défendu, Camille n'avait pas ouvert la bouche. Nicolas avait même essayé de la prendre dans ses bras en arrivant. Mais il avait abandonné l'idée, en croisant mon regard furieux. Pourtant elle n'avait pas bougé alors qu'ordinairement elle en aurait profité pour se serrer contre lui et l'aurait suppliée de la prendre dans ses bras.
- Ils m'ont appelé par mon prénom, ça ne peut pas être une erreur, approuvais-je. Et puis, Kamélia peut se tromper. Tout le monde fait des erreurs.
- La fée ne fait pas d'erreur. Mais elle veut que tout le monde le pense, intervint la belle brune qui faisait battre mon cœur.
Nous la fixâmes tous, méditant ses paroles.
À ce moment la porte s'ouvrit.
Camille pâlit et je sursautai. Mais ce n'était que Xavier.
Quand mon oncle vit le monde qu'il y avait chez lui et l'état de son salon (personne n'avait pensée à remettre un peu d'ordre), il me fusilla du regard avec l'expression qui signifiait : Qu'est-ce que tu as encore fait ? Nina lui expliqua la situation. Il ne dit rien. Mais sa colère tomba, faisant place à un masque blanchâtre. Il devait sans doute penser à la dernière attaque des sans-visages. Il se tourna vers Camille et moi, et j'y songeai aussi. Kaïa me serra la main, ce qui me soulagea. Au fond, j'avais eu de la chance.
Mon oncle désira que tout le monde parte, pour nous laisser en famille. Camille et moi on se regarda mal assuré. On pensait qu'il allait nous punir. Si Nils coupa court à toutes les protestations que pourraient emmètre sa femme et sa fille en indiquant la porte, les Cadowell furent plus hésitant. Mais mon oncle tint bon. Il l'emporta contre des Cadowell éreintés.
Camille et moi, on n'avait pas bougé du salon. On était resté assis à la même place. Entre nous se dressait l'espace vide que quelques minutes plutôt, Kaïa et Nicolas avait occupé. Mon oncle s'y assit. On resta ainsi en silence. Pas un silence pesant, mais plutôt un silence de recueillement.
- Théophile si tu appelais le traiteur pour nous commander de quoi manger ? Pendant ce temps, Camille et moi on va ranger un peu.
Grâce à la magie ce fut fait en quelques minutes.
On mangea en silence. Quand j'eus fini, je me levai pour regagner ma chambre. Où je pourrais m'allonger et souffler. Mais mon oncle, encore en train de manger, me fit signe de rester. Je m'assis, sentant qu'il avait quelque chose d'important à nous dire.
Enfin on attendit que Camille eût mangé son dernier raisin, avant qu'il prenne la parole, tout en regardant le fond de son verre de bière, qu'il tournait doucement :
- Quand votre père est mort, son notaire m'a contacté. À propos de beaucoup de choses, assez administrative, dont je vais vous épargner les détails. Mais il avait aussi en sa possession, une lettre. Qui ne peut être lu que par l'un de vous, ou par Charlotte.
Il hésita. À chaque fois qu'il évoquait ma mère, il était très ému.
- Cette lettre n'était à ouvrir qu'en cas de disparition étrange. Évidemment, à ce moment-là, vous étiez bien trop jeune pour la lire. Mais maintenant, vous êtes plus âgés. Peut-être que, ce qu'elle contient pourrait nous aider à éclaircir ce que nous veulent les sans-visages. Il faut que vous la lisiez.
Camille et moi on se regarda très hésitant.
Mon oncle reconnaissait que l'heure était grave. Il nous considérait comme suffisamment mature pour ouvrir cette lettre. C'était exceptionnel.
Et puis je pensais à son contenu. Je pourrais enfin tout savoir. Mais une autre pensée arriva : Que pouvait nous révéler cette lettre ? Des informations que mon père tenait à cacher à tous prix. Et pourquoi ? Parce qu'elles nous attireraient des ennuis. Et peut-être nous révélerait-elle des secrets trop lourds à porter. Tout cela nous amènerait énormément de problème. Peut-être même qu'on serait plus en danger encore. C'est sans doute ce qui l'avait tué. Je repensais à ma peine ressenti plus tôt juste en revoyant l'écriture de ma mère. Comment réagirais-je ne découvrant ce qui liait mon père à ces terroristes ? Nous n'avions pas les épaules pour supporter tous cela.
- Non, affirmais-je.
Mon oncle et ma sœur me regardèrent surpris.
- Non, répétais-je. Ils étaient ici par erreur.
Aucun de nous ne le pensait. D'ailleurs mon oncle semblait me regarder comme si j'avais perdu l'esprit. Camille, elle, avec colère. Mais si Kamélia elle-même devait faire semblant d'y croire, alors qu'elle était si puissante, nous aussi. Je t'entai de le faire comprendre à ma sœur. Mais je ne savais pas comment. Je n'avais pas encore appris la télépathie.
- S'ils reviennent, alors nous l'ouvriront, déclarais-je.
- Bien. En espérant juste que ce ne soit pas trop tard, dit mon oncle. Allons nous coucher ! On en a tous bien besoins.
Quand j'expliquai ma réaction à ma sœur, le lendemain, elle trouva cela stupide. Bien sûr, elle m'en voulut un peu. Mais sa colère contre moi monta d'un cran, quand mon oncle nous cria dessus à notre retour. Il avait vu que j'avais fouillé son bureau et la scène qu'il nous fit fut tout à fait mémorable.
Elle m'en voulut vraiment. Et on fut de nouveau en froid.
Malgré le fait qu'évoquer la disparition de ma mère calma mon oncle et qu'il tenta de tout nous expliquer, qu'il avait pensé à une disparition comme une autre et qu'il n'avait pas su évoquer le sujet avec nous une fois qu'on avait découvert que cette fois c'était plus grave. Ce qui n'adoucit pas le caractère de ma cadette, encore plus en fureur. Elle se disputa longuement avec Xavier, qui l'envoya se calmer dans sa chambre.
Juin s'approchait. C'était un mois très rempli pour les élèves de l'école magique. Il y avait en début de mois les examens. Ensuite, une réunion parents-professeur, pour évoquer notre avenir. Puis, un voyage dans le monde réel. J'attendais donc avec impatience ce mois-là, pour être enfin débarrassé de mes cours.
Mais un événement bouleversa les choses, le dernier jour de mais. J'étais au lit, entrain de fixer mon plafond, attendant le sommeil, quand elle apparut.
J'eus un hoquet de surprise. J'avais d'abord cru à une attaque des sans-visages. J'hésitai à appeler ma sœur, la seule à être là ce soir. Mais il était clair que ce n'était pas eux. Je la reconnus au bout de quelques secondes, grâce à toutes les photographies que possédait Xavier et au nombre de fois où on m'avait dit que je lui ressemblais.
Je me levai, approchant la silhouette.
- Maman ? interrogeais-je incrédule.
Cela ne pouvait pas être elle. C'était impossible.
Et pourtant, elle lui ressemblait. Étais-je en plein milieux d'un rêve ? Ou était-ce la fatigue qui me donnait des hallucinations ? Ou bien, un nouveau pouvoir me permettait d'invoquer qui je le souhaitais ? Je me rapprochai encore. Elle me fixa en souriant. D'un air serein. Elle ne semblait pas folle. Peu importait le pourquoi du comment. Elle était là. Autant que j'en profite. Moi qui n'avais jamais vraiment eu de mère.
- Oh mon chéri !
Elle tendit ses bras vers moi.
D'apparence spectrale, mais en couleur, elle semblait plus maigre et plus fatigué que sur les photos de mon oncle. Mais elle se souvenait de moi. C'était la première fois dans mes souvenirs que ma mère m'appelait par un petit nom. La joie qui me pénétra fut immense. Je voulus la toucher. Je passai au travers. Ma main fut parcourue de frissons.
- Tu es un fantôme ? interrogeais-je.
Si c'était le cas, cela signifiait qu'elle était morte. Mon dernier espoir partirait en fumée. Je sentis ma gorge se serrer. Je ne voulais pas entendre qu'elle était morte. Au fond de moi, j'avais toujours l'espoir de la revoir un jour. Et puis, est-ce que les fantômes existaient ? C'était comme les extraterrestres, nous n'en étions pas certain. Il y avait des tas de théories circulant affirmant que oui et d'autres expliquant le contraire.
- Non une projection. En réalité je suis dans les Alpes, au repaire des sans-visages. Je suis ici grâce à Mathieu le Terrible. Il m'a soigné et il est prêt à me renvoyer auprès de vous.
- Vraiment ?
Cela m'étonnait vu la réputation de cet homme. Je ne voyais pas pourquoi il me faisait un cadeau alors que je venais de lui échapper.
- Oui, si en échange, tu lui donnes la pierre des mers.
- La quoi ?
Je n'avais jamais entendu parler d'une pierre des mers. Qu'est-ce que c'était ? Et pourquoi le chef des sans-visages pensait que je l'avais ? Et que comptait-il en faire ?
- C'était à ton père. Il la possédait. Mais la gardait rarement sur lui.
- Mais où l'a-t-il caché ?
- Je suis sûre que ton père t'a laissé des instructions pour la retrouver. Une lettre ou je ne sais quoi. C'est trop précieux et dangereux pour la laisser à l'abandon. Et il se savait en danger.
Je pensai à la lettre dont mon oncle avait parlé. Elle devait contenir l'endroit où était la pierre. Ou la pierre elle-même. Pierre que Mathieu le Terrible voulait à tout prix. Voilà pourquoi il était venu et avait tué mon père. Et voilà pourquoi il était revenu. C'était la pierre qu'il voulait.
À moins que ce ne soit la folie de ma mère qui la poussait à inventer une telle histoire. Mais dans mes souvenirs, ma mère ne ressemblait pas à cela. Elle avait le regard vide, disant des phrases sans queue ni tête, quand elle ne restait pas juste immobile, en silence. Elle devait donc être guérie.
- Je chercherais, affirmais-je.
Si je pouvais avoir à nouveau une mère je ferais tous ce qu'il fallait. Peu importe les conséquences. À ce moment, un bruit se fit entendre en bas, dans le salon. L'apparition l'entendit.
- Merci. Maintenant il est temps que je parte mon chéri.
Et elle partit sans un je t'aime. Et moi je partis pour une nouvelle nuit blanche.
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