Chapitre IX : ... un objet invisible
Je pensais que mes amis ne voyaient rien de mes soucis.
Mais je me trompais. Un après-midi, après les examens, on eut notre réunion parents-professeur, où Nina réussit à me rejoindre en vitesse pour devoir repartir juste après. Je devais également venir avec Christian, parce qu'il était mon érudit.
On passait dans l'ordre d'arrivée. Avant nous, il y avait les Blanktest et le père de Clément, un homme sombre que j'avais toujours détesté. Kaïa vint s'asseoir à côtés de moi en me souriant. Son père et sa mère dissertaient avec un peu tout le monde. Nina, qui avait gardé de bonne relation avec Monsieur Thibert, discutait avec lui. Et mon érudit semblait prendre un grand plaisir à discuter avec la générale. Mon amie, comme moi je l'avoue, était anxieuse. On allait découvrir nos notes et entendre un bilan de nos trois dernières années. Quand elle passa, après que je fus un moment seul au côté de Clément sans rien lui dire, Tom arriva et me sauva de cette situation gênante. Bien qu'une fois sortie, je n'avais plus d'yeux que pour mon amie qui affichait un grand sourire.
- Papa est content. Il a dit que j'avais eu un comportement pas si mauvais.
C'est vrai qu'en dehors de quelques bavardages et insolence, la magnifique vampire avait était exemplaire.
- Je t'attends du coup. J'aimerais bien qu'on discute.
Je ne m'y attendais pas. Et pendant l'entretien, je me demandai les raisons de cette discussion. Une déclaration d'amour peut-être.
On s'installa face à l'équipe pédagogique : la directrice, Korrigan, l'entraîneur de natation, mon professeur de danse, la jolie professeure d'équitation, et le maître d'arme.
Korrigan parla de chaque matière en me remettant les notes de l'examinateur pour l'oral, ainsi que l'épreuve écrite corrigé. J'avais de bons résultats, à part la rhétorique. Quant à la géométrie, c'était tout juste. Il se plaignit de mon comportement. Et me poussa à me concentrer davantage pour les années suivantes, qui seront plus difficiles. Enfin, chacun des entraîneurs fit un bilan. Je sortis, soulagé. Je remerciai Nina qui fila immédiatement pendant que je partais avec mon amie. Kaïa fut contente que tout se soit bien passé. Et elle m'entraîna à l'extérieur où on était seuls.
- Dis-moi ce qui ne va pas ! déclara-t-elle tout de suite.
- Tout va bien ! Comment peux-tu penser le contraire ?
- Mon petit doigt et Nicolas me l'ont dit.
- Nicolas ?
- Il m'a dit qu'il sentait que tu lui cachais quelque chose et que ce quelque chose te tracassait. Il pense qu'alors tu te confierais plus à moi qu'à lui. Évidemment, il ne me fera pas répéter ce que tu me dis.
Je souris. Nicolas était le meilleur des meilleurs amis et lui, il m'avait moi.
Bien sûr, je dis tout à mon amie. Elle saurait m'apaiser. Et je me promis de tout raconter à Nicolas ce soir-là. J'étais si perdu et me confier me soulagea. Kaïa m'écouta patiemment avant de se plaindre que je lui avais menti, ne lui ayant jamais dit que ma mère étant en vie. Puis elle finit par dire :
- Si on demandait l'avis de quelqu'un d'autre de ta famille ?
Je pensai à Jeanne, ma grand-mère, avec dégoût. Lui demander quelque chose ? Jamais !
- Pas elle ! Bruno !
- Eh ! Tu es télépathe ! m'offusquais-je.
Si c'était le cas j'avais de sérieux souci à me faire. Combien de fois j'avais eu des pensées pas très catholiques à son sujet ?
- Non, mais je peux ressentir les gens.
Je ne voyais pas la différence, mais n'insistai pas.
- Alors, on va voir Bruno ?
- Xavier me l'a interdit.
- Je ne comptais pas lui dire.
Je souris à mon amie vampire.
On réussit à obtenir de lui qu'il nous rejoigne à un café, où il me paya une crêpe.
- J'ai été vraiment épaté par ce que tu as fait à la cérémonie du vingt-sept. Avec mes collègues on en a parlé toute la journée.
- Comme tout le monde, soufflais-je maussade.
- C'est vrai. J'étais en déplacement à Maris la semaine dernière et mes collègues étrangers m'en ont parlé aussi.
Il continua de m'interroger avidement sur mes pouvoirs. Il m'écoutait attentivement et réfléchissait. On aurait dit que j'étais un phénomène qu'il étudiait. Je n'aurais pas été surpris qu'il me demande s'il pouvait me disséquer. Cela me mettait vraiment mal à l'aise. Surtout son regard calculateur et son sourire cupide à chacune de mes réponses.
- Théophile aimerait en savoir plus sur son père, intervint mon amie.
- Xavier ne t'en a pas parlé ?
Il avait un sourire railleur en me posant la question.
- Si. Seulement pour le critiquer.
Son sourire narquois ne quitta pas ses lèvres avant un moment. Puis, voyant qu'on attendait une réponse, il reprit un air sérieux avant de m'examiner sinistrement. Je ne pouvais expliquer pourquoi, mais sa posture me laissait présager le pire.
- Tu sais, Xavier, comme toute la famille, ne l'a jamais aimé.
- Vous aussi ? interrogea Kaïa.
Il me jaugea un moment avant de répondre sans détour.
- Oui.
- Pourquoi ? demandais-je.
Il remua d'un air inconfortable sur sa chaise.
- Pour la majorité de la famille, c'est parce qu'il n'était pas scientifique. Xavier et moi pour d'autres raisons.
Il fit une pause avant de reprendre :
- Je suppose que Xavier a du te dire que ta mère et lui était très proche. Alors un homme plus âgé qui débarque de nulle part ne l'enthousiasmait pas vraiment.
Je pouvais me l'imaginer sans peine. Déjà que je n'appréciais pas de voir mon meilleur ami et ma sœur amoureux qu'est-ce que cela aurait été avec un inconnu.
- Moi je le trouvais trop âgé pour elle et trop mystérieux. Il refusait même de nous dire son vrai nom. Et il n'avait pas vraiment de situation. Il travaillait un peu au rythme de ses envies. Et crois-moi, je déteste les gens qui ne font rien sous prétexte qu'ils ont de l'argent.
- D'où il venait cet argent ? interrogeais-je.
Bruno semblait réfléchir un moment avant de poursuivre.
- Je l'ignore. Mais pas de ce qu'il écrivait. Il était totalement inconnu avant de venir ici et il écrivait à un rythme trop irrégulier de toute façon pour gagner quelque chose de conséquent. Et les polémistes sont payés une misère quand ils sont payés. Charlotte pensait qu'il avait dû recevoir un héritage.
- Elle vous l'a dit ?
- On était proche elle et moi.
- Alors pourquoi Xavier ne veut pas que nous vous voyons ?
Il s'enfonça dans sa chaise, croisa ses doigts sur son ventre avant de supposer :
- Par jalousie sans doute. Ou, à cause de certaines bêtises que j'ai faites avec ta mère dans le passé.
Il eut un rire nerveux.
- Je ne peux pas t'en parler sans te mettre en danger de mort. Mais je jure que je l'ai regretté, même si c'est elle qui m'y a entraîné. Ce que ton oncle n'a jamais accepté.
Je ne savais que penser de tout cela. Est-ce qu'il était vraiment sérieux en parlant de danger de mort ? Et quelle était cette bêtise ?
- On parlait de la fortune du père de Théophile, rappela mon amie.
- Ah oui ! Il venait sans doute d'une famille aisée qui payait sans souci pour lui.
Il secoua la tête, insupporté et but un peu de sa bière pour se donner une contenance.
- Mais ? demanda Kaïa.
Il eut un sourire de félicitation pour la princesse.
- Il était assez nerveux en présence de nobles ou des personnes de Barcelia. Il refusait même de mettre les pieds là-bas, sans donner de raison. Et il connaissait des tas de détails intimes sur les cours du monde entier. Il savait même presque tout de la plupart des nobles, même leurs petits secrets honteux. J'ai supposé et je continue à croire qu'il était de la cour de Barcelia et qu'il y a fait quelque chose qui l'en a bannis. Peut-être un détournement de fond d'ailleurs.
Il nous jaugea en tergiversant pendant que mon amie faisait des suppositions :
- C'est pour cela qu'il aurait changé de nom ! Pour éviter le déshonneur.
Mais que fallait-il faire pour être bannis d'une cour ? Kaïa et sa mère, malgré tout ce qu'elles ont fait, n'ont jamais été bannis définitivement, toujours temporairement. En même temps, elles sont membres d'une famille régnante, c'était peut-être pour cela.
- Pourquoi tant de questions ? Vous avez découvert quelque chose ?
Son sourire me semblait trop satisfait pour que je fusse honnête avec lui. Je prétextai une simple curiosité au sujet de mon père. Son regard entendu me fit comprendre qu'il n'insisterait pas, bien qu'il sût que je mentais.
- Tu sais, il y a des cités plus souples que d'autres. informa mon amie une fois qu'on fut seuls.
Je doutais que Barcelia, dont on disait toujours des monarques qu'ils étaient implacable, puisse être de ce genre-là. Mais je ne pense pas non plus qu'ils bannissaient des gens sans raison.
- Il n'a sans doute rien fait de malhonnête, ajouta-t-elle. Regarde ma mère et moi.
- Mais vous avez déjà été exilée définitivement ?
- Non bien sûr. Peut-être que lui non plus.
Je fit la moue. S'il avait volé une relique, il avait dû être banni à vie. Et s'il ne l'avait pas été pourquoi tant de précautions auprès de Barcelia.
- Et puis, s'ils savaient, qu'il avait la pierre les rois de Barcelia l'auraient arrêté et récupéré leur joyau, m'expliqua-t-elle.
- Pas s'il avait fui avant. Sachant qu'il était découvert, il est parti et a changé son identité pour ne pas se faire arrêter. Ils l'ont donc banni par contumace.
Elle ne trouva rien à redire. Mais elle essaya. On se sépara, sans savoir quoi penser de tout cela.
En rentrant à la maison, je fis un détour chez les Cadowell. Je devais cela à Nicolas. Je lui proposai de faire un tour pour échapper aux oreilles de politiciennes de Nina. Comme pour mon amie vampire peu avant, je lui dis tout.
- Merci de t'inquiéter pour moi, lui dis-je. Tu es plus observateur que je ne le pensais.
- C'est parce que je te connais bien, balaya-t-il en rougissant.
Il était toujours mal à l'aise quand je lui faisais des compliments. Les autres ça ne le gênait pas, loin de là, mais moi... Disons que c'était assez inhabituel entre nous.
- Sans doute. Parce que d'habitude, tu ne verrais pas de l'eau dans la mer, plaisantais-je alors pour détendre l'atmosphère.
- Venant de quelqu'un qui ne verrais pas un éléphant fluorescent passer devant lui, c'est assez déplacé.
On rit. Une partie de moi, avait envie de le prendre dans mes bras, ou juste de lui dire combien cela me touchais. Mais lui et moi, on était assez pudique avec nos sentiments.
- Tu devrais parler de tout ça avec Camille, me dit-il alors. C'est ta sœur. Elle est tout aussi concernée.
- On se parle plus beaucoup elle et moi en ce moment.
- Je sais.
- Ma parole, Sherlock Holmes s'est réincarné en toi ! Ou elle te l'a dit ?
- Elle l'a laissé sous-entendre.
- Et tu as réussi à comprendre son sous-entendu ? Mais que t'arrive-t-il ?
Il leva les yeux au ciel, prenant son air faussement vexé.
- Je suppose que vous ne vous parlez plus parce que tu as encore été aussi délicat qu'un rasoir.
- C'est elle qui a un caractère de cochon !
Il soupira d'extase :
- C'est vrai qu'elle a du caractère.
- Ça suffit ! protestais-je. Tu crois qu'il y a une chance pour qu'elle ait les gènes de voleuse de mon père ? Heureusement que je n'ai pas de journal intime.
- Pour y écrire quoi de toute façon ? Kaïa est parfaite ! Kaïa est trop belle ! Je suis super amoureux de Kaïa, mais est-ce qu'elle m'aime ? Je sens qu'elle va me déclarer son amour aujourd'hui ! Finalement non, elle était juste plus étrange que d'habitude ! se moqua-t-il.
Je le regardais avec agacement, n'appréciant pas vraiment ses moqueries mais, sachant qu'il se moquerait plus encore de n'importe quelle remarque sortant de ma bouche je patientais.
- Et puis, je ne pense pas que ton père soit un voleur.
Venant de lui, j'arrivais à être convaincu. J'ai toujours eu tendance à croire tout ce que disait Nicolas. Il était plutôt intelligent et plus cultivé que moi.
- Si tu veux, j'en demanderais plus à ma mère sur lui et à mon père sur la pierre.
Nina à l'arrivée de mon père travaillait déjà à la mairie, pas comme maire certes, mais elle devait savoir quelques détails. Et Christophe, avec tous ses voyages avait dû en apprendre plus sur la pierre.
- Tu ferais ça pour moi ? Toi ?
- Absolument. Tu sais, si tu regardais quelqu'un d'autre que toi, tu serais qu'il y a des gens serviables, qui aident leur prochain.
- On dirait que tu me récites la Bible ! me plaignis-je.
Et évidemment on continua de plaisanter. J'avais le meilleur ami du monde, et je ne lui rendais pas vraiment la pareille.
Et voilà pour ce chapitre !! Des théories maintenant qu'on a plus ou moins commencé à soulever tous les sujets ?
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