Acte I, Scène 4
Sacha Guitry (s'époumone)
Non ! Je ne saurais être manipulé de cette façon. Nonobstant ce que nous avons vécu ensemble, cher Premier Ministre, nos rires, nos peines, les claques dans le dos à l'urinoir, les batailles d'eau avec le robinet alors qu'on se lavait les mains... Je dis non. Vous ne pouvez décider discrétionnairement de cette façon, il y a des codes, la coutume, la loi à respecter. Vous ne pouvez en toute impunité déclarer ouvert un match de shifumi, qui plus est dans le Palais. La Cour de cassation sera mise au courant, ainsi que la Cour européenne des droits de l'homme, voire l'entièreté de la communauté internationale s'il le faut. Les citoyens du monde ne vous laisseront pas faire ces atrocités, le Conseil de sécurité enverra des casques bleus qui mettront fin à cette dégoûtante et illégale mort de la démocratie.
M. Le Président (profite de l'absence de souffle de Sacha pour disserter)
Je dis non également. Vous qui êtes mon subordonné. Vous qui êtes mon ami, mon camarade joueur, que dis-je, mon compagnon dans la joie, les jeux et les joutes. Vous ne pouvez pas effacer avec autant de facilité notre passé. Rappelez-vous, s'il vous plaît, oui, rappelez-vous les matins à sautiller comme des biches en chaleur dans les bois, les après-midi bronzage dans la cour du Palais pendant que ces sales prolo' manifestaient, les soirs fumettes avec le bédo confisqué à cette souillure de bande de hippies. En toute bonne conscience de ce que vous faites et des risques que vous nous faites encourir, iriez-vous jusqu'au bout ?
Le Premier Ministre (dont la posture corporelle dénote un malaise évident malgré sa détermination)
J'irai jusqu'au bout car la question que vous semblez écarter et/ou ne pas prendre en considération est fondamentale et est la suivante : resterez-vous jusqu'à la fin des enfants ou alors prendriez-vous votre vie en main afin de vous élever, sur un fond sonore de Wagner, et de combattre en homme le shifumi ? Oui, je suis moi-même déjà passé par là et je sais que le shifumi n'est pas acte à remplir un cœur de paysages roses, d'oursons au ventre doux et de licornes pétant des papillons mais il est le duel honorifique et incontestable des litiges qui ne trouvent pas solution. Le Conseil d'État le pratique couramment et certes, il y a eu quelques bavures mais cela est propre à cette tradition. On ne peut pas faire d'omelettes sans casser des œufs. On ne peut pas ouvrir une porte fermée à clef sans la clef. De même qu'on ne peut uriner par le balcon si on n'a pas de balcon. Ou encore...
Davy et Mickey (passent seulement la tête par l'embrasure de la porte et coupent le Premier Ministre)
Est-ce enfin terminé ?
Sacha Guitry, le Premier Ministre et M. Le Président (de concert)
Non !
(les deux têtes disparaissent)
Le Premier Ministre
Bref... Commencez et cessez ces enfantillages.
(Guitry et M. Le Président ont les yeux dans les yeux)
Le Premier Ministre (désespéré)
Commencez le shifumi ! Pas le duel de regard !
(ils s'exécutent, désormais face à face et chacun ayant une main dans le dos, peu importe laquelle tant qu'il y en a une)
Le Premier Ministre (précise)
Cela se joue en trois points gagnants, un « BO 5 » comme on dit dans l'e-sport. Soyez bons, soyez gagnants mais surtout soyez fair-play. Ne montrez pas à la jeunesse des sportifs de bas étages se taclant comme les brutasses de chèvres écervelées qu'ils sont sur le gazon, ne désirant que marquer un but pour aller ensuite marquer aux putes.
(le shifumi débute et se finit en moins de deux minutes par la victoire de Guitry 3-1, un beau match qui restera dans les annales)
Le Premier Ministre
Ainsi vous pourrez vous présenter, Sacha.
(M. Le Président semble abattu et titube)
Sacha Guitry (content il balance son chapeau en l'air et le rattrape, tel un gros étudiant états-unien bouffi et abruti)
Yes. Et bim, je serai candidat. Vous pouvez aller vous acheter un télescope pour regarder les étoiles et trouver une nouvelle étoile filante.
M. Le Président (pleure)
Ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin ouin
Sacha Guitry (moqueur)
Haha. Vous pleurez parce que vos chaussettes sont moches ?
Le Premier Ministre
Allons, Sacha, pas la peine de le blesser davantage.
Sacha Guitry
Je dis ce que je veux. Je suis candidat.
M. Le Président (puisant dans la Force quelques forces)
Et bien allez candidater ailleurs, Guitry ! Vous n'êtes plus le bienvenu.
Sacha Guitry (fait une révérence avec son chapeau)
Très bien, Votre Majesté.
(il sort ; le Premier Ministre le regarde partir et ne sait plus où se mettre)
M. Le Président
Toi aussi tu peux t'en aller. Je ne veux plus te voir, tu m'as brisé ma dopamine. Après ce que j'ai fait pour toi, tu as choisi ce minable parfumé moustachu au foulard et au chapeau. Va-t-en. Pars loin et ne reviens jamais.
Le Premier Ministre
Tout ceci n'est que trop dramatique.
M. Le Président
Dans le derrière du pommier le drame. Quitte la pièce !
(le Premier Ministre s'en va penaud, la tête basse, la queue entre les jambes mais lance en dernier recours un œil par dessus son épaule puis décide de rejoindre Guitry)
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro