Chapitre 2 : Mardi 31 mars 2009
– Alice ! s'exclama Elijah.
Le garçon se mit à courir vers elle dès qu'il l'aperçut sur son banc habituel et s'installa à côté d'elle, tout sourire. La veille, il n'avait semblé être que joie et bonheur, tout autant qu'en cette heure matinale. Lui arrivait-il d'être triste ?
– Alors, vous avez fini de vous installer ?
Elijah acquiesça. Ses parents, sa petite-sœur et lui étaient arrivés en France quelques jours plus tôt et logeaient chez Isabelle Lebrun, la grand-mère d'Elijah, jusqu'à la rentrée. Ewen et Denise Macken avaient déjà loué une maison non loin de l'école mais elle nécessitait des aménagements et les meubles n'étaient pas encore tous achetés. Le garçon ignorait quand tous les préparatifs seraient terminés mais cela ne le dérangeait pas d'être chez Isabelle. Depuis sa naissance, il n'avait pu la voir qu'à deux reprises et profitait donc de l'occasion. Et puis, elle faisait de délicieux cookies au chocolat, ce qui n'était pas pour lui déplaire.
– Mama a dit que la maison sera faite dans dix jours mais on restera un peu plus chez mamie !
Alice pencha la tête sur le côté, cela faisait un bon nombre de « dodos » tout cela. Elle avait hâte pour lui que sa nouvelle maison soit terminée. Il ne le montrait sans doute pas et s'attardait bien plus sur le côté positif d'être chez sa grand-mère, mais il devait être impatient de pouvoir découvrir son nouveau chez-lui. Elle n'avait déménagé qu'une fois, quand elle avait deux ans, et ne s'en souvenait plus, mais elle était persuadée que cela aurait été son sentiment.
– Il va falloir aller en classe, remarqua-t-elle quand la cloche sonna.
– Oh no, soupira Elijah, je voulais encore te parler.
Alice sourit, son cœur se réchauffant sous les propos de son nouveau camarade. Elle aussi appréciait la compagnie du petit franco-écossais et c'est avec moins d'empressement que d'ordinaire qu'elle rentra en classe. Les élèves de CE2 rentrèrent dans la salle du rez-de-chaussée où Sébastien se tenait déjà, assis à son bureau. Il finit de remplir un document qu'il rangea dans une pochette et se leva. Ses yeux se posèrent sur les enfants qui rentraient, pour voir si un absent ou plus était à noter.
– Eh bien, commença-t-il avec enthousiasme quand tous furent installés, sortez vos agendas dès maintenant !
Avec un regard étonné, tous s'exécutèrent et attendirent la suite.
– Comme chaque année, nous allons soutenir les Cœurs Restaurateurs avec le cross annuel qui aura lieu au Château de Pellac. Il aura lieu le six mai après-midi, mais nous irons au château dès le matin donc il faudra que vos parents prévoient un pique-nique. Notez-le.
Les crayons s'activèrent et un instant plus tard, l'inscription était marquée noir sur blanc sur chaque cahier de texte. Alice n'avait accueilli qu'avec peu de joie la nouvelle, elle détestait le cross. Il y avait de nombreuses autres écoles qui venaient et leurs regards... Les souvenirs de l'année précédente affluèrent dans l'esprit de la petite qui inspira pour refouler ses larmes. Cela allait bien se passer, tout irait bien. Après tout, cela avait été le seul jour où ses camarades l'avaient défendu, sans qu'elle ne comprenne bien pourquoi. Culpabilité soudaine et éphémère ou était-ce le simple fait que, malgré tout, elle était l'une des leurs ? Alice avait cessé depuis bien des mois de se triturer les méninges et rangea son agenda en mettant de côté ses pensées parasites. La matinée s'écoula comme d'ordinaire, faite de mathématiques et de français. Enfin, la cloche pour annoncer le repas de midi retentit dans la salle de classe. L'enseignant acheva la correction d'un exercice et les laissa sortir dans la cour devant la cantine.
Les noms de famille d'Alice et d'Elijah commençaient par la même lettre, aussi la petite put rejoindre son nouveau camarade pour patienter. Chaque élève se rangeait dans l'ordre alphabétique, qu'importe sa classe, pour rentrer dans le réfectoire. L'école de laquelle ils faisaient partis avait, en comparaison des autres de la ville, peu d'élèves. Cela était dû à sa situation géographique, assez excentrée, mais cet emplacement convenait à Alice. Elle n'aimait que peu les endroits bondés, cela lui rappelait bien trop les hôpitaux qu'elle fréquentait régulièrement depuis plus d'un an maintenant.
— Alice Marino, l'appela l'enseignante qui se chargeait de faire entrer les enfants.
Aussitôt son nom prononcé, la petite traversa le couloir qui menait à l'intérieur de la cantine, où se trouvait les tables, et elle s'assit à sa place. Ses voisins ne tardèrent pas à arriver et, une fois toutes les tables remplies, ils purent commencer à manger.
– Eh, après manger, on joue aux billes ? demanda Ludivine.
Elle ne s'adressait pas à Alice mais à Pierre, un CM1 de leur table. Alice ne l'aimait pas. Avec ses boucles blondes et son sourire angélique, tout le monde la trouvait adorable, mignonne, mais derrière cette façade se trouvait sa pire ennemie. La première qui avait commencé les remarques quotidiennes qu'elle recevait était Ludivine, et tous l'avait suivi. Elle se mordit la lèvre, bien trop plongée dans ses pensées pour entendre la réponse de Pierre et les autres discussions autour d'elle. Elle n'avait qu'une hâte, que le repas se finisse et pouvoir retrouver Elijah, qui lui, ne lui disait rien.
XXX
Alice s'arrêta. Elijah l'imita, intriguée par sa brusque réaction. Elle se trouvait stupide. Comment avait-elle pu penser qu'il ne dirait rien ? Les autres allaient bien lui en parler, lui faire remarquer à quel point elle était, selon eux, étrange.
– Alice ? Tu vas pas bien ?
Si elle avait relevé la tête, elle aurait pu voir le regard sincèrement inquiet d'Elijah. Ses yeux restèrent braqués sur ses chaussures, pour dissimuler les larmes qui pointaient.
– Je n'en parlerai plus, si tu veux que j'en parle plus, continua le garçon. Mamie dit tout le temps que c'est pas bien de dire des choses méchantes sur les autres. Moi, je suis d'accord avec mamie. T'es pas bizarre, c'est eux qui sont bêtes.
La petite resta muette, soudain attentive aux propos de son camarade. Disait-il vrai ? Face à son mutisme, Elijah poursuivit :
– J'étais curieux, c'est vrai que j'avais pas vu d'autres comme toi avant, mais tu es pas bizarre ! Moi, le grand Elijah, je veux être ton ami !
Un petit sourire apparut sur les lèvres d'Alice.
– Le grand Elijah ? répéta-t-elle, amusée.
Le garçon hocha la tête avec sérieux.
– Trèees trèeees grand même !
Alice rit et lui tapa l'épaule.
– Idiot !
Elijah se moquait bien qu'elle le trouve idiot, elle avait retrouvé le sourire et c'était le plus important.
– J'ai réussi, dit-il. Tu souris !
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