
13 Personne ne la sauverait.
Musique en média : Max Richter (Vivaldi recomposed, The Four Seasons) -Spring 1
- On poursuit la sélection, lentement mais sûrement ! N'hésitez pas à laissez un avis :) -
Les yeux noirs de Greudge glissèrent sur les gosses qui boulottaient une viande si faisandée que lui-même y aurait regardé à deux fois. Ce que la faim vous faisait pas faire...
Il n'arrêta pas son regard sur les mômes occupés à becqueter, non, celle qu'il cherchait serait parmi ceux qui n'en avaient plus pour longtemps à vivre.
La silhouette frêle accrocha rapidement son regard, il la reconnut même de dos. Sa longue tresse blonde contrastait sur ses nouveaux vêtements, les mêmes peaux grisâtres qu'ils portaient tous ici et qui sentaient la mort. Greudge réprima un grognement en imaginant le fumet rance des fripes sur la petite femelle.
Céleste se retourna et l'Acéphale ressentit un vif déplaisir à voir qu'elle était terrifiée. En temps normal, la peur excitait ceux de son espèce, mais plus la blonde regardait autour d'elle avec cet air d'affolement perdu, plus c'était la merde dans sa poitrine. Il avait comme des crampes à l'intérieur.
Elle allait mourir.
Il passa une main dans ses cheveux de jais, laissés libres ce matin-là. Quel abruti putain, il savait depuis le début qu'elle allait clamecer, pas la peine d'en avoir des aigreurs d'estomac. Alors que Greudge l'observait, son agacement ne fit qu'augmenter.
Ce qui le contrariait le plus c'était de la voir plantée au milieu de tout ça comme une godiche, le visage si livide qu'elle semblait sur le point de tourner de l'œil. Putain, elle ne faisait vraiment aucun effort pour survivre et ça le gonflait un max.
En principe, ils avaient tous du potentiel. Tous les Glanés avaient du sang de Loup. Ils avaient donc tous une chance de s'en tirer. Mais elle, là, il pouvait sentir qu'elle n'en glanderait pas une pour faire sortir son Essence.
Greudge savait mieux que quiconque qu'on ne sauvait pas les gens d'eux-mêmes. Or, les mains jointes et les prières silencieuses de la blonde ne lui avaient pas échappé. Il avait vu les doigts tremblants qu'elle portait à son cou, là où s'était trouvée sa croix avant qu'on la lui ôte.
La religion. Il avait découvert le concept en séjournant dans le monde des Hommes et n'avait su que penser alors de tous ces cultes fleuris. Magiquement, il venait de se forger une putain d'opinion. Un ramassis de conneries. Voilà ce que c'était.
Un condensé d'âneries bornées qui précipiterait la petite femelle six pieds sous terre. Ça le faisait bien marrer. Ce truc était censé la rassurer dans les heures les plus sombres... à voir sa tête, ça ne marchait pas tellement.
Plus tôt, Céleste comprendrait et mieux ce serait : Dieu n'existait pas. Pas ici en tout cas. Personne ne la sauverait. La souffrance et la mort étaient les seules réalités de ce monde.
Greudge contint avec peine l'envie de marcher droit sur cette espèce de timorée pour lui enfoncer la bouffe avariée dans le gosier. Sanathe désapprouverait sans aucun doute. Pourtant, maigrichonne comme elle l'était ça ne lui aurait pas fait de mal, en plus de lui sauver la peau.
Alors qu'il la regardait foirer sa sélection sans broncher, Greudge songea que les prunelles bleues épouvantées de la blonde étaient bien la seule chose qu'elle aurait jamais en commun avec leur espèce.
« On passe à la deuxième étape », dit soudain Sanathe.
Ce sera plus divertissant.
Greudge détourna les yeux de la femelle maigrichonne et son regard tomba sur la gamine qu'avaient attrapée Reidge et Spline. Elle gerbait, ou du moins elle essayait. Il soupira d'exaspération et Sanathe ajouta d'un air entendu : « Ça nous débarrassera du surplus. »
« Vous trois là, et toi, toi et toi », beugla Greudge à l'attention de plusieurs des Loups. « On bouge vers l'arène. » Il se mit à distribuer les instructions pour la suite des opérations, invectivant ses pairs avec plus de politesse encore qu'à l'accoutumée.
L'arène n'était rien d'autre qu'une cour naturelle un peu plus grande que les couloirs et donc plus pratique pour ce qu'ils avaient prévu de faire. Le sol y était relativement plat et, pour l'occasion, dégagé de toutes les pierres. Soit dit en passant, les mioches avaient tout intérêt à être intéressants parce que ça les avait gonflés de faire du ménage.
Le long des parois rocheuses, des coursives en plein air permettaient l'accès direct aux galeries supérieures. Ces chemins escarpés serviraient de gradins de fortune.
Avant leur retour du Glanage, Greudge avait anticipé avec une excitation presque enfantine le divertissement qu'ils s'apprêtaient à recevoir. Maintenant qu'il y était, il avançait d'un pas morne.
Le mâle ne se faisait aucune illusion.
Céleste était exactement ce dont elle avait l'air. Une humaine faiblarde qui s'était retrouvée avec juste ce qu'il fallait de sang de Loup pour s'offrir un ticket direct vers les Enfers. Si la femelle savait ce qui était bien pour elle, elle rejoindrait son Dieu aujourd'hui. Il secouait la tête pour lui-même, s'efforçant de ne pas regarder de son côté quand soudain il crut capter une odeur étrange. Quelque chose de plus qui se mêlait à la poussière encore froide du matin et l'air sec des canyons.
À l'affût, Greudge libéra un peu de son Essence, déployant ainsi plus largement son odorat. Il fronça les sourcils, avec toutes les odeurs nouvelles qu'apportaient les humains c'était dur de savoir si ce qu'il avait senti venait d'eux ou non. Il secoua derechef la tête, vivement que tout ça se termine.
Cette femelle lui retournait complètement le cerveau.
« Faustine, qu'est-ce qu'ils font ? Qu'est-ce qu'on fait ? Où va-t-on ? »
Depuis qu'on les avait conduits dans ce qu'ils appelaient l'arène, Céleste ne cessait de poser des questions toujours plus pressantes, auxquelles Faustine aurait malheureusement bien voulu pouvoir répondre, mais s'en trouvait incapable ; d'une part elle n'en savait rien, d'autre part elle était trop occupée à chasser le goût répugnant qui s'attardait dans sa bouche... sans succès.
Le mieux qu'elle pouvait faire pour le moment, c'était de suivre Alban qui la tenait par la main en tâchant de ne pas lui cracher dessus par mégarde.
De toute manière, les questions de Céleste finiraient fatalement par recevoir une réponse. On les avait fait se placer en cercle, libérant le centre de la placette. La majorité de leurs ravisseurs était montée en hauteur et les surplombait.
« Toi, toi. » Deux garçons furent sortis des rangs par l'homme imposant aux longs cheveux noir corbeau. Il se pencha et regarda droit dans leurs yeux marron puis il se redressa avec une expression vaguement satisfaite. « Vous allez vous battre. À mort. »
Les deux jeunes furent poussés sans ménagement au milieu de l'aire poussiéreuse sous les huées et les sifflets des spectateurs. Alors que les humains désignés regardaient fébrilement autour d'eux, Faustine et les autres retinrent leur souffle.
Donner la mort à main nue ou mourir. C'était la nouvelle épreuve.
« Si vous ne commencez pas bientôt », s'impatienta Greudge, « Je rentre dans ce putain de cercle et je fais de vous deux un exemple pour les autres. »
L'un des garçons, grand et mince, resta médusé. L'autre, par contre, comprit parfaitement la menace. Il se jeta sur son partenaire de misère avec un cri plus désespéré que féroce. Il le déséquilibra et tous deux roulèrent à terre sous les vivats du public.
L'excitation ne tarda pas à retomber quand il devint évident que les deux gosses se battaient comme des chiffes molles. Il n'y aurait ni nez cassé, ni os brisés, ni morsure sauvage. Ils se battaient comme de beaux diables en se tirant les cheveux, se pinçant cruellement et se griffant au sang. S'ils continuaient à ce rythme-là, il faudrait attendre qu'ils meurent de vieillesse.
La scène parfaitement ridicule tourna alors au drame.
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