Partie 3 : L'inexorable
Le ciel était noir. Chargé d'épais cumulus orageux, il semblait presque s'effondrer sur la terre. Le clochet de la chapelle venait de sonner, et le chant funèbre venait d'être entonné. Le prêtre, accompagné de son cortège donnait la dernière onction funèbre. Autour de lui, la famille et les invités, tous vêtus de noir observaient la scène certains avec afflicition, d'autres avec indifférence.
Orvate, assis à l'écart contre le gazon du sépulcre regardait dans le vide. Personne n'osait s'approcher de lui... Sauf une personne.
Les cheveux d'ébène, et les yeux d'un vert perçant, elle s'approcha d'Orvate s'abaissa à son niveau malgré son opulente robe.
- Orvate, mon cher cousin... Dit-elle, en lançant son regard dubitatif dans celui de son interlocuteur.
Celui-ci, qui n'avait pas le moins du monde remarqué son arrivée se retourna lentement vers elle avant de lui répondre.
- Blue, c'est vous.
- Eh bien, cher cousin pourquoi ne venez-donc pas vous joindre à nous ? Vous savez, c'est assez mal vu que le fils du défunt se mette ainsi à l'écart.
Rétorqua celle qui répondait au nom de Blumen, Blumen Verborgene Eldërweiss, fille de Natch Verborgene Eldërweiss, Oncle d'Orvate.
- Sachez que c'est encore plus mal vu qu'une femme de votre rang s'abaisse ainsi au niveau d'un misérable tel que moi. Si Tante Chatëlayne vous voyait...
- Vous savez, je comprends parfaitement votre douleur, mais laissez-moi au moins vous aidez à l'encaisser...
Orvate laissa s'échapper un léger rictus d'amusement.
- Eh bien, vous ne devriez pas. A vrai dire, je suis épuisé, je suis fatigué de toutes ces rengaines à ne pas en finir. Plus rien n'a d'importance. Laissez-moi plutôt en paix, voulez-vous bien...
Sur ces mots, le visage de Blumen vira à des teintes tristes, bien différentes de son visage d'habitude si enjolivé.
- Tout le monde dit que votre vie est fichue, qu'il n'y a plus d'espoir...
- Oui, c'est vrai, ils ont raison. Que voulez-vous que je vous dise ? Cette vie me semble un peu plus incolore chaque jour. Je passe mes journées à me triturer le cerveau, encore et encore, mais je n'arrive pas à m'y faire, je suis épuisé. Pourquoi a-t-il fallu que ça n'arrive qu'à elle ?
- Vous savez, la vie est faite ainsi. La pluie choisit-elle sur quel toit tomber ? Non... Alors sachez qu'il n'y a que Dieu pour penser vos blessures. Faites-lui confiance...
Sur ces mots, le visage d'Orvate prit une expression divisée entre l'exaspération et la peine.
- Dieu ? Dieu ?! Vous entendez-vous parler ? Si Dieu existait, pourquoi a-t-il laissé ainsi Sévinque me quitter ? Pourquoi m'aurait-il arraché ma femme et mon enfant ? Hein, dites-moi. Ne partais-je pas à la messe tous les Dimanches ? M'étais-je pas fait baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ? Dites-le moi ?! Pourquoi la vie est-elle ainsi ? Pourquoi sommes-nous donc comdamnés à cette cruelle mécanique ?!
- Non ! Vous n'avez rien compris. Hurla Blume, visiblement irritée par les propos d'Orvate.
En l'espace d'un instant, les regards se dirigeaient vers elle avant de se reconcentrer sur le prêtre et son cortège qui s'en allaient déjà.
- Pardon, mais vous vous trompez. Ce n'est pas parceque vous faisiez tout cela que vous méritez quelque chose en retour ! Vous dites vous être baptisé, mais pensez-vous réellement connaître Dieu, ou vraiment faire ce qu'il demande ? Je vous connaît bien Orvate, vos défauts, vos forces et surtout vos faiblesses. Car ce qui compte le plus, sachez le, c'est votre foi et vos oeuvres. Elles parleront plus que vous-même.
- Donc, serait-il de ma faute si ma femme et mon enfant sont morts ?!
- Non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire, c'est juste que vous êtes... trop... Enfin je veux dire que vous ne pensez parfois qu'à vous même...
- Egocentrique, c'est cela ?
- Non ! Ce n'est pas-
Sur ces mots, Orvate se leva brusquement, suivit par Blume qui réagit aussi promptement en l'agrippant la main.
- Ne vous en allez pas, s'il-vous-plaît !
- Je pensais que vous étiez différente des autres, que vous n'étiez pas du genre à juger... Mais il semblerait que je me soit trompé, Blume.
Il se défît ainsi de la prise de Blume et s'en alla vers la forêt, au loin. Aussitôt qu'il s'en alla, les nuages se mîrent à déverser toute leur eau sur la terre. Blume essaya tant bien que mal de le rattraper, mais en vain, celui-ci s'éloignant toujours un peu plus d'elle. Il finit par disparaître dans la forêt.
Au même moment, les autres personnes qui étaient à l'extérieur se ruèrent vers l'intérieur du château. Blume, impassible, les suivit...
La pluie au même moment, battait son plein. Blume, assise depuis le fauteil à l'intérieur observait à travers la fenêtre.
- Orvate... Mais que faites-vous... Non, c'est de ma faute. Je n'aurais pas dû vous dire cela. Vous en pâtissez déjà beaucoup. Pauvre de vous, je suis vraiment horrible...
Le monde autour faisait un tel bruit qui se confondait facilement à celui de l'orage. Puis de cette foule sortit une femme aux cheveux châtains légèrement plus âgée que Blume, mais pourtant à l'apparence plus mature.
- Anneliese, c'est vous ? Demanda Blume qui la reconnût immédiatement. Comment vont vos enfants ?
Il s'agissait là de l'élegante Anneliese, fille du Maréchal Hadlar et épouse d'Eurysthe.
- Oh, ils vont merveilleusement bien, merci. Mais parlons plutôt d'autres choses, si vous me le permettez. Blue, comment allez-vous ? Vous me semblez bien triste. Répondit Anneliese, en s'empressant de s'asseoir en face de celle-ci.
Blume éclata immédiatement en sanglots, des sanglots qu'elle semblait avoir du mal à contenir.
- Mais ma pauvre, que vous arrive t-il donc de si grave ?
- Pardon... pardon. C'est juste que j'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de grave à l'encontre d'Orvate... Répondit-elle, en essuyant les larmes qui perlaient déjà sur son visage clair.
- Calmez-vous, ne vous inquiétez pas, vous pouvez tout me dire, vous savez. Prenez votre temps.
Anneliese appuya ses paroles avec un bras réconforfant qu'elle passa autour de son épaule.
Pendant ce temps, sous la pluie battante, Orvate courait dans la forêt, ne sachant réellement s'il cherchait un abri ou essayait d'échapper à la vérité. Il la détestait, il ne voulait pas l'admettre, cette triste, funeste et fatale vérité qui le terrorisait tant. Mais c'était inexorable, il ne pouvait point s'en défaire.
Essouflé, trempé et le corps frissonnant, il vacillait déjà dans les bois essayant d'esquiver comme il le pouvait les pierres et racines qui jonchaient la piste. Mais il ne pouvait jouer à ce jeu éternellement. Soudainement, il trébucha et perdant ainsi son équilibre, il tomba, puis dégringola dans un endroit souterrain sombre.
Il essaya de se relever, mais y parvint difficilement. Il semblait s'être blessé dans sa chute. Ses gémissement résonnèrent dans toute l'immensité de cet espace creux et sombre, qui semblait d'ailleurs être une sorte de caverne, ou de grotte. Difficile de savoir lorsqu'on ne voit déjà plus pas plus loin que soit. Une voix relevé, il s'adossa contre les pierres à côté de lui. Leur froideur s'entremêlant ainsi à la chaleur dégagée par ses blessures brûlantes. Au moins ici, il était à l'abri de la pluie. Mais l'eau arrivait quand même à pénétrer la caverne par ruissellement.
- Mais pourquoi la vie s'acharne t-elle sur moi ? Ai-je fais quelque chose de mal ? Je n'en peux plus...
C'est à ce moment là qu'il se rappella le conseil que leur père les prodiguait souvent; selon lequel il fallait faire attention lorsqu'ils se promenaient dans la forêt, car visiblement la région regorgeait de cavernes souterraines bien dissimulées sous le tapis végétal, trop fin pour les recouvrir complètement. Il fût même arrivé qu'un chasseur soit prit dans un de ces pièges. Et l'on mît près d'un mois à le retrouver... Ce n'était pas très rassurant de penser à cela vu la profondeur de la caverne où Orvate fût tombé.
Mais selon les dires de plusieurs, ces cavernes souterraines étaient en réalité des tunnels ancien creusés dans la terre avant même l'arrivée des premiers habitants de la région. D'étranges rumeurs et légendes circulaient d'ailleurs au sujet de ces cavernes, des plus loufoques aux plus étranges... Mais l'heure n'était pas à s'égarer en futiles théories.
Du sang coulait de son front, et il semblait avoir une fracture au bras gauche et à la côte droite. Cela avait du probablement lui causer une hémorragie interne qui ne tarderait pas à empirer si rien n'était fait. Ses mains toutes égratignées semblaient se consumer tant la douleur qu'ils lui infligeaient était forte.
- Cette vie vaut-elle encore réellement la peine d'être vécue ? Devrais-je tout arrêter ? Tout ceci ne me sert à rien, autant mieux mourir ici alors. Se dit-il en relâchant ses muscles, jusque-là contractés. Puis, il ferma doucement les yeux.
"Tu comptes vraiment donner raison à ton frère de te traiter d'incapable ? "
Ces mots sortis de nulle part résonnèrent dans le vide intersticiel de son esprit. Il sursauta aussi-tôt. Eurysthe ne lui avait jamais traité comme tel. Du moins, pas ouvertement.
- Non, je ne dois pas rester ici, j'ai quelque chose à accomplir... Il y a des gens pour qui je compte qui m'attendent. Je ne peux guère m'attarder ici d'avantage.
Il se souvînt alors du visage de Blume, inquiète. Et de tous ceux qui lui étaient chers. Orvate puisa dans ces dernières ressources et se releva, malgré la douleur lancinante qui parcourait son corps entier. Mais il faisait si sombre qu'il ne savait pas où aller.
Soudainement, de petites lumières se mirent à briller d'un éclat turquois.
De petites pierres incrustées le long du couloir de la grotte semblait indiquer le chemin... Enfin c'est ce que Orvate pensait. Aussitôt, il n'eût d'autre choix que de suivre le chemin qui venait de s'être dévoilé à lui. Il s'engagea ainsi dans le couloir en boîtant. Au fûr et à mesure qu'il avançait, les lumières qu'il avait traversé s'éteignaient, et les autres s'allumaient. Où ce chemin le mènera t-il donc ?
Un chemin incertain se dresse...
Et une fleur en proie à la culpabilité...
Un avenir pour le moins inconnu.
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