Chapitre 10 : Révélations
« Toi, Orvate, mon frère, toi qui partage le même sang que moi, toi avec qui j’ai tout vécu, tout supporté, toi mon semblable, mon rival… Tu as toujours tout su faire comme l’on attendait de toi. Je n’ai jamais reussi à egaler ton talent; ta facilité. J’avais beau être ton aîné, mais comparé à toi, je ne ressemblais qu’à une pâle copie aspirant à ta perfection. Quand nous nous sommes séparés, nous nous étions promis de ne jamais oublier l’autre. Mais tu as failli à ta promesse, me laissant esseulé. Quant à moi, je n’ai jamais cessé de penser à toi. Saches que j’ai toujours vécu dans ton ombre, caché derrière ta lumière, et à cause de cela, il existera toujours un fossé entre nous… »
-Eurysthe Eldërweiss
- Ressaisissez-vous maintenant et allez-y. Vous pouvez reprendre là où vous vous êtes arrêté tout à l’heure. Dit Orvate à Lemrina dont la vision brouillée par les larmes peinait à regarder son interlocuteur.
Celle-ci essuya les larmes qu’elle avait au visage et se racla la gorge avant de commencer à parler. Le silence revint à nouveau un court instant avant d’être interrompu par la voix de la vérité.
-Je…Je vais vous raconter tout dès le début. C’était lorsque nous n’avions que treize-ans. Je me rappelle de ce jour pluvieux où nous nous sommes rencontrés. C’était à l’une de vos habituelles réunion de famille... Comme vous le savez, mon père qui était un ami proche du vôtre était là, et moi aussi, en tant que sa fille. Tout le monde vous regardait. Vous aviez réussi à les subjuguer grâce à votre violon. Moi aussi, je vous admirais. Un son si pur, si expressif, et si beau ! C’était splendide.
-Oui, ça je le savais déjà…
-Effectivement. Puis, dès que vous eussent fini de jouer, au moment où tout le monde vous acclamait, je pu apercevoir votre frère, qui était en haut de l’escalier. Il avait aussi un violon à la main. Mais voyant le triomphe que vous veniez d’accomplir, il lâcha l’instrument qu’il avait entre ses mains et s’enfuit aussitôt. Je le suivis et alla le rejoindre à la terrasse. Il était accroupi, en train de pleurer. J’avançai et dès qu’il suivit mes pas, il se dit que c’était vous et essuya ses larmes en se relevant tout en esquissant un faux sourire. Dès qu’il vu que ce n’était pas vous, il voulut immédiatement s’en aller, mais je le retins. Ensuite nous avons fîmes connaissance et il finit par tout m’avouer. C’est depuis ce jour qu’il se mit à tout me confier.
Orvate, dont la mine était il y a quelques minutes confiante, se parue d’une expression défaitiste.
-Je ne savais pas… Comment ai-je pu le causer tant de mal sans m’en rendre compte ? Et pourquoi vous ne me l’aviez jamais dit, Lemrina ?!
-Vous savez, moi aussi, je trouvais ça triste pour votre frère, mais je ne pouvais pas non plus tout vous dire, ça aurait été trahir votre frère. Il souffrait en silence et faisais bonne mine devant vous pour ne pas vous faire souffrir, mais je voyais au plus profond de lui ce qu’il ressentait. Il était si noble à cette époque. Vous ne le remarquiez pas, car vous étiez trop candide. De plus, votre frère savait cacher avec subtilité ses sentiments, mais pas assez pour que je ne m’en aperçoive pas. Eurysthe m’avait fait confiance en m’ouvrant son cœur. De plus je pensais que tout cela pouvait vite tourner autrement. Donc j’ai décidé de faire autrement. Pour veiller aux intentions de votre frère, j’ai choisi de demeurer sa confidente pour m’assurer du fait qu’il ne complote rien contre vous, pour le contrôler.
-Et que s’est-il passé par la suite ?
-Je pensais avoir la situation en main, mais de jour en jour, sa colère et sa frustration grandissaient. Comme lors de la fête de Pâques, lorsque tous les œufs semblaient avoir disparu et que l’on les avait retrouvés dans votre cachette habituelle au creux de l’arbre. L’on vous avait accusé à tort de les avoir volé. En réalité, c’était votre frère qui les avait mis là.
-Cette fois-là j’ai dû rester seul le reste de la journée… Il aurait donc fait tout cela à cause de moi ? C’est incroyable. J'aurais du faire plus attention à lui...
Sur ces mots, Orvate baissa son regard, se sentant coupable de l'amertume de son frère.
-Peu à peu, je me faisais une place dans votre cœur, les choses semblaient se stabiliser. Pendant que nous nous rapprochions et que nous étions ensemble, Eurysthe en profitait pour gagner des crédits auprès de vos parents. Votre ombre se dissipait peu à peu sur lui. Tout cela me semblait bien, car chacun en sortait gagnant. Mais c’était jusqu’à l’arrivée de Sévinque.
-Quoi ?! Qu’a à voir Sévinque avec tout ça ? C’est vrai qu’à l’époque j’avais des sentiments pour vous mais c’était avant que nous nous séparions.
-C’est justement à cause de votre départ que ce que vous vivez actuellement s’est produit. Vous ne le saviez pas, mais votre frère était éperdument tombé amoureux d’elle, et vous aussi. Y-a-t-il deux choses au monde qui puisse détruire des frères plus que l’amour d’une femme ? Vous conviendrez avec moi que non. Malheureusement pour Eurysthe, c’est vous que Sévinque aimait. Il aimait Sévinque, et moi je vous aimais. Quelle situation risible n'est-ce-pas ? Dès lors, nous nous sommes donc donné pour ambition de vous séparer. Nous avions tout essayé, mais sans succès apparent. Et l’annonce de votre départ prochain pour la Prusse aux côtés de Sévinque ne faisait que nous troubler. Votre frère, désespéré, tenta alors le tout pour le tout.
-Allez, dites-le-moi ! S'impatientait-Orvate.
-La veille de votre départ, il infecta votre nourriture d’une levure utilisée dans la fabrication de bières.
-Donc c’est pour cela que le lendemain je fus incapable de me lever ! Vous le saviez et ne vous ne m’avez rien dit.
-Non ! Ce n’est pas ce que vous pensez ! Il ne m’a rien dit à ce sujet ! Je ne l’aurais jamais permis de porter atteinte à votre vie ! Je ne le permettrai à personne, vous le savez, car je vous aime ! Rétorqua Lemrina, en se jetant dans les bras d’Orvate.
-Vraiment ?
- Bien-sûr ! Rétorqua t-elle avec vivacité.
-Alors…Pardonnez-moi de mon impertinence. Vous pouvez continuer.
Lemrina resta acrrochée à lui un instant, comme un singe à son arbre.
-Comme vous le savez si bien, vous aviez frôlé la mort et êtes resté malade pendant près de deux mois. Ne pouvant pas supporter cette situation, je me disais que c’était de ma faute de n’avoir pas pu empêcher cela en régulant les émotions de votre frère. *Pleure*
-Ne vous en voulez pas Lemrina…Vous auriez dû m’en parler, et je vous aurai compris.
-Vous avez raison, j’ai été stupide ! *Pleure* Et au lieu de cela, je suis partie à Paris en vous abandonnant. Je ne pouvais plus supporter mes remords. Puis après votre rétablissement, j’ai reçu cette lettre venant de vous où vous regrettiez mon départ. Je m’en voulais, *Pleure* je m’en voulais de n’avoir pas pu rester à vos côtés ! Et pour cela, je décidai de renoncer à mes sentiments envers vous, mais je ne les enterrai pas complètement. Puis quelques années plus tard, j’ai appris votre mariage avec Sévinque, la mort de votre père, puis celle de Sévinque elle-même et de votre enfant avec… Vous souffriez forcément, mais je n’eus pas le courage de venir vers vous. Malgré tout, je vins quand même peu de temps après les funérailles de votre père ici pour essayer de vous revoir, mais vous étiez déjà parti pour Heidelberg. Il y a près de trois mois, votre frère m’envoya une lettre m’annonçant votre retour prochain. Une fois de plus, je vins ici pour m’assurer qu’il ne fasse rien contre vous. Et mes intuitions étaient bonnes. Il me demanda de ne pas me montrer à vous je ne sais pour quelle raison… Mais au bout d’un mois, je ne supportai plus de vous voir à distance sans pouvoir vous approcher. Comme la fois où il vous avait convié à Klavar. Vous savez, votre frère a beaucoup changé, faites attention. Jusque-là je n’ai pas réussi à découvrir ce qu’il manigançait. Vous savez maintenant toute la vérité.
Orvate, qui l’écoutait avec une grande attention était sidéré par ce qu’il venait d’entendre. Il réalisait à cet instant tous les gestes et actes manqués que son frère avait à son égard, ses murmures occasionnels, sa colère injustifiée, tout s’expliquait, et les masques venaient de tomber.
-Vous ne savez pas à quel point ce que vous me dites me perturbe… Tout cela se passait sous mon nez sans je ne m’en aperçoive… Lemrina…
-Oui ? Demanda celle-ci en soulevant son minois vers celui-ci.
-Merci. Dit-il en déposant un baiser sur les lèvres de celle-ci.
Spontanément, elle sentit son corps contre celui d’Orvate. Il la serrait contre elle, et de plus
en plus, elle sentait son cœur battre. Après cette étreinte plutôt longue, il la lâcha délicatement avant de reposer sa tête contre le coussin à côté. Mais celle-ci, l’agrippa alors de plus belle.
-Non ! Je ne peux vous laisser partir à nouveau ! Je veux m’endormir dans vos bras ne serait-ce que cette nuit ! Réclama celle-ci tel un caprice d’enfant.
-Si vous le voulez, qu’il en soit ainsi… Se résigna Orvate, avant de laisser Lemrina s’emparer de son corps. Les nuits les plus belles sont les plus courtes, et celle-là fut fugace.
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