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Un cas rarissime


 Hébétée, Charlotte Brieuc rentra chez elle et s'offrit cette glace au chocolat qu'elle ne se permettait que les jours de grande détresse ou de parfaite allégresse, comme réconfort ou comme récompense.

C'était un mardi soir ordinaire et pourtant. Elle savait, bien qu'elle aurait préféré encore ne jamais avoir à le savoir. Depuis Pâques, ces maux de tête qui lui enserraient le crâne comme dans un casse noisette étaient le fruit d'une tumeur au cerveau qui faisait déjà la taille d'un litchi. « Mal placée, impossible à retirer » avaient dit les médecins, à la fois distants et consternés. Les mots tourbillonnaient dans son esprit. « C'est un cas rarissime, à votre âge qui plus est » , ils avaient encore dit, froids et compatissants. Certes, mais ce patient exceptionnel et incurable c'était elle, elle avait vingts quatre ans et hier encore, elle n'imaginait pas devoir faire son propre deuil. La vie l'avait condamnée à mort, elle n'en avaient plus que pour... trop peu de temps ! « Avec de la chance, vous pourrez vivre un dernier Noël » avait prononcé l'oncologue qui avait prit la peine de la raccompagner dans le hall.

Charlotte se mit alors à imaginer son propre enterrement, ses parents qui ne lui avaient pas parlé depuis plus d'un an seraient ils là ? De quel droit trouvons nous légitime de rendre visite à un mort pour qui on ne juge pas utile de s'inquiéter lorsque qu'il est encore vivant ?

La rage ne fit qu'une bouchée de la morne tristesse qui l'envahissait et elle se leva d'un bond, alla chercher son plus beau papier à lettre, celui que sa tante Séverine lui avait offert pour sa première communion et qu'elle n'avait jamais osé utiliser... Pourquoi avait elle toujours économisé, sou après sou alors qu'elle n'en profiterait certainement jamais ? Pourquoi s'était elle maintes fois refusée cette robe ou ce foulard qui lui faisait envie ? Pour plus tard ? Pour rien ?

Elle avait toujours vécu simplement, cherchant à être invisible, elle était celle si ordinaire que personne ne la remarquait, que sitôt l'année scolaire passée, personne ne pouvait se rappeler son nom sur la photo de classe... Elle ne portait jamais de couleurs trop vives ou de hauts trop audacieux, elle n'haussait jamais la voix. On pouvait le dire, elle avait été une petite fille modèle, puis une jeune fille à la vanille et enfin, elle était devenue une jeune femme bien comme il faut. Avec emportement elle entama une liste des choses qu'elle aimerait faire avant de mourir, premier point :

- M'offrir ce que je veux, quand je veux !

Plus encore qu'un penchant naturel pour la sobriété, c'était pour faire plaisir à sa mère, à son père, qu'elle avait vécu ainsi. Elle se souvint du jour où elle avait voulu faire du théâtre, en faire son métier, devenir comédienne. On lui avait alors répété que ce n'était pas un métier, que ce n'était pas convenable et que de toutes manières, elle n'avait pas le moindre talent. Comptable, expert comptable, c'était bien ça, secrétaire médicale ou même psychologue c'était bien mais le théâtre, hors de question !

Qu'était elle devenue ? Comptable dans le cabinet de Monsieur Calme qui n'avait de calme que le nom et qui se rapprochait plutôt du tyran. Elle trouvait ce métier insipide mais elle ne s'en était jamais plainte. Elle attendait patiemment... Quoi au juste ? Elle n'y retournerait plus. Rageusement elle griffonna :

- Appeler Monsieur Calme et DEMISSIONNER !

Avait-elle eu des passions qui l'animaient dans sa vie ? A vrai dire, elle avait beaucoup aimé lire durant son adolescence mais ça devait faire au moins cinq ans qu'elle n'avait pas lu autre chose que des magasines féminins et des romans commerciaux, de ceux que l'on trouve dans chaque supérette. Là encore, un douloureux souvenir remonta à la surface de sa conscience tourmentée. Alors qu'elle était dans le parc du FIM où elle venait d'entrer en BTS comptabilité et gestion et qu'elle lisait Jane Eyre, un groupe de garçons était passé , et l'un d'eux, l'interpella :

« Eh l'autre intello ! Arrête de te donner un air en lisant des trucs classiques là ! On sait tous que tu es une croqueuse d'hommes en vrai ! »

Suivit des rires gras de ses congénères. Pas grand chose, diriez vous ? Et pourtant, pour Charlotte, c'était un raz-de-marée ! On venait de la remarquer, pire encore, de la prendre pour une fille sans pudeur... Le garçon continua de lui lancer des piques libidineuses pendant un mois avant de se lasser et Charlotte décida qu'elle ne lirait plus rien qui ne sorte de l'ordinaire puisque cela pouvait porter à confusion sur sa nature. Ainsi s'était-elle privée de son plus grand plaisir ? Pour quoi ? Pour qui ? Tout cela lui semblait si futile désormais, qu'elle se sentit presque l'âme d'une grande plume. Elle fit un autre tiret, et de son écriture la plus brouillonne elle s'inscrivit :

-Me rendre à la bibliothèque et lire les livres qui me plaisent même si ça ne plaît pas aux autres.

Elle hésita un instant puis nota un quatrième point :

-Ecrire ! Sur tout et n'importe quoi et surtout n'importe quoi.

Elle se leva, alla prendre un énième anti-douleur, tant pis pour son foie, il tiendrait bien autant longtemps qu'elle. Puis elle regarda par la fenêtre de sa petite cuisine, la pluie s'abattre sur Cherbourg. Sa ville, qu'elle avait toujours connue, qui jusque là lui avait parue tout à fait correcte et qui aujourd'hui lui apparaissait aussi oppressante que le mal qui s'acharnait sur ses tempes. A l'exception d'une excursion au Mont Saint Michel en primaire, d'un voyage à Lourdes avec le diocèse, et d'un autre en Espagne au lycée, elle n'avait guère voyagé. Un jour, une grande amie lui avait proposé de partir avec elle en Thaïlande, un voyage pour deux qu'elle avait gagné. Charlotte avait refusé, elle ne pouvait pas se le permettre, les voyages à deux, c'est pour les couples, comment le justifier auprès de ses parents ? Non, ce n'était pas possible... Charlotte hurla de rage, de désespoir, à en faire déguerpir Pimprenelle, sa sacrée de Birmanie. Non, ça n'était plus possible ! Mais ça l'avait été ! Un voyage à deux ! Le début de... Et ça elle l'avait laissé passer ! Les larmes mouillèrent le papier, tandis que, sanglotante, Charlotte nota un nouveau tiret :

- Partir. Loin et Vite !

Elle pleurait, elle s'en voulait, affreusement ! Car il y avait une chose qu'elle avait connue, une chose qu'on devrait tous connaitre avant de mourir. Le grand amour. Elle l'avait rencontré au détour de la Librairie Ryst qu'elle fréquentait activement. Ce grand amour l'avait abordé, un sublime sourire rayonnant aux lèvres lui disant:

« Ce bouquin est génial, prend le, tu me remerciera ».

Le livre en question n'était pas exceptionnel, et le grand amour lui avouera par la suite ne jamais l'avoir lu et avoir dit ça juste pour m'aborder. Ce sourire était comme vissé à ses lèvres, c'était le genre de personne spontanée, qui décide d'aller danser sous la pluie un jour comme ce mardi, d'acheter un chaton parce qu'il est mignon et le baptiser « Pimprenelle » parce que c'est tout aussi adorable ou de participer à ce jeu concours pour gagner un voyage parce que si on ne joue pas , on ne le gagnera pas ! Mais ce grand amour se nommait Alice, et s'il s'était nommé Alain, tout aurait été plus simple... Il fallu plus d'un an à Charlotte pour accepter qu'elle pouvait aimer Alice comme elle l'aimait. Cette Alice qui l'appelait Charly, qui lui disait :

« Le fuchsia et le turquoise te vont très bien, pourquoi tu t'obstine à porter du gris ? Le gris il y en a déjà plein le ciel ! »

Ce soleil qui croyait en elle, qui semblait lui renvoyer une infinité de possibilités, avec qui tout pouvait être possible... Même gagner à un jeu concours de Carrefour et partir en Thaïlande, encore que...

« La Thaïlande n'est que le début, Charly ! Après on pourra faire le tour du monde ! »

Seulement voilà, dans une famille comme celle de Charlotte, on a un mari si l'on est une femme et une femme si l'on est un mari, point. Et Alice finit par se lasser de vivre dans l'ombre, de vivre cachée, dans la peur que leur relation soit découverte. Alors un jour, elle décida de quitter Charlotte, qui, dans un élan de tristesse et de colère avoua tout à sa famille. Ce souvenir, peut-être le plus douloureux de tous apparut, comme tiré des tréfonds de sa mémoire. Rouge à lèvres carmin, mascara coulant sur ses joues, rouge de colère dans sa robe pourpre, comme jamais personne ne l'avait vu auparavant, affirmée, fière, Charly cria ses mots comme on lance une bombe, en dernier recours, quand il n'y a plus aucun espoir.

« Oui, je suis lesbienne, j'aime une fille, on n'est plus ensembles. Et ça devrait juste être normal ! »

Depuis, à l'exception de sa tante Séverine, tout sa famille a tourné le dos à Charlotte, l'a oublié, au fond, pour eux, elle est déjà morte. Morte et enterrée. La jeune femme essuya ses larmes d'un revers de main. Plus de temps pour être triste. Avec entrain, elle écrivit son dernier point :

- Recontacter Alice et commencer à VIVRE.

Proprement, elle souligna trois fois cette dernière résolution et prit une grande inspiration. Cette tumeur, ce mal de crâne, tout cela n'avait plus d'importance, au contraire, elle ne s'était jamais sentie aussi bien, aussi libre... Il lui restait peut-être peu de temps, mais elle se sentait enfin vivre. Elle allait renaître.

Béate, elle s'endormit dans son rocking-chair, Pimprenelle sur ses genoux, avec l'envie, l'impatience d'être demain pour tout recommencer.

Dans le Paris-Normandie du mercredi, à la rubrique des faits divers était mentionné :

« Cherbourg. Cas rarissime: une météorite s'abat sur un immeuble. Un décès et deux blessés légers. »

Quelques pages plus loins, dans la rubrique nécrologique:

« Pascal et Marie-Sophie Brieuc ont la douleur de vous faire part du décès brutal de leur bien-aimée fille, Charlotte Brieuc, survenu à l'âge de 24ans. Les obsèques auront lieu vendredi à 15h à l'église Saint Clément de Cherbourg. »

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