26 - Jade
Jade
Jeudi 14 février
Oxford
Il riait.
Il riait...
Mais pourquoi diable riait-il ? Je ne m'étais pas attendue à une telle réaction lorsque j'avais eu l'idée de son cadeau. Je pensais qu'il sourirait, qu'il me dirait que ça lui faisait plaisir, que c'était une bonne idée — car je n'avais jamais douté de cela —, mais qu'il rit ? Alors ça, jamais, et sa réaction me rendait si perplexe que j'étais là, bloquée dans mon élan, avec l'écrin d'une boutique de luxe posé dans ma main.
— Pourquoi rigoles-tu ?
J'avais besoin de comprendre, c'était trop inattendu pour passer outre sa réaction. Alex leva les yeux vers moi et m'accorda un sourire. Il y avait quelque chose de différent dans son sourire, mais je n'arrivai pas à déterminer ce que c'était.
— Jade, me dit-il d'une voix douce, ouvre ton cadeau.
J'aimerais pouvoir lire dans ses pensées et avoir une réponse à ma question, mais je laisse la curiosité prendre le pas et ouvris l'écrin avec une pointe d'appréhension. Un bracelet y était déposé, avec en son centre un joli papillon qui étincelait de mille feux. Et là, je commençais à comprendre pourquoi il riait. Parce que nous nous étions offert le même type de cadeaux... Et puis, mon regard quitta le papillon pour se poser sur l'intérieur du bracelet.
« Mon début ».
Tout devint clair alors. Nous n'avions pas seulement eu la même idée de cadeau. Nous nous étions offerts exactement le même cadeau, à deux mots près.
— Alex...
J'avais toujours la tête baissée, toujours si surprise, touchée et subjuguée par ce cadeau, par sa signification, par notre synchronisation. Je n'arrivais même plus à trouver les mots pour expliquer à quel point je l'aimais. J'étais bouleversée sans même trouver une explication pour ma propre personne, alors pour l'expliquer à Alex...
— Est-ce que ça te plaît ?
Je relevai enfin le regard vers lui, interloquée par une telle question.
— Dans quelle réalité je ne pourrais pas apprécier un tel cadeau ?
J'aurais pu laisser Alex répondre, mais je ne pouvais plus résister. J'avais besoin de le sentir tout contre moi, d'être près de lui. Je fermai l'écrin et, le tenant toujours dans la main, me précipita dans les bras d'Alex. J'ignorai ce qui me touchait autant.
J'imaginais que c'était de l'avoir enfin trouvé qui me mettait dans un tel état. De pouvoir de nouveau y croire, à l'amour avec un grand A. Il y avait aussi la peur, celle d'en être séparée, de le perdre. Je savais que la situation n'était pas idéale lorsque j'étais retournée vers lui quelques semaines auparavant. J'étais consciente de tout ça, de la distance qui s'imposerait entre nous, de nos modes de vie si différents, de sa notoriété.
J'avais conscience de tout ça. Mais en dépit de tout ce qui pouvait nous séparer, j'avais fait le choix d'y croire et de me laisser guider par l'amour qui nous animait et nous unissait. Je voulais croire que c'était plus fort que tout. Je voulais croire qu'il y aurait toujours un nous.
La mort de grand-père m'avait tellement brisée, que je savais une chose : si un jour je devais perdre Alex, je ne pourrais jamais m'en remettre. Il était devenu, en quelques mois à peine, la personne la plus importante dans ma vie. Je ne pouvais plus le nier, mais accepter cette vérité, c'était aussi me rendre compte que j'avais immensément peur de le perdre. Je n'aurais pas dû penser comme cela, j'aurais dû profiter du moment, rejeter ses pensées dans un coin de ma tête... Mais c'était important de comprendre l'importance qu'il avait prise dans ma vie. Maintenant, quoi qu'il pût arriver, je savais que je me battrais pour lui trois fois plus qu'hier, mais deux fois moins que demain.
— Jade ?
Alors que sa voix me ramena à la réalité de cet instant, elle me fit réaliser également que mes yeux s'étaient embués sous le coup de l'émotion. J'étais toujours dans ses bras, tenant fermement l'écrin dans ma main, et à l'abri de son regard. Mais Alex s'écarta, et il n'allait donc pas tarder à remarquer mon état. Je ne pouvais pas arrêter le temps ni même faire disparaître ce que je ressentis en un instant, mais ce n'était pas grave : je voulais être moi-même avec lui, lui montrer tout de moi.
Son regard croisa le mien et je mordis la lèvre aussitôt, tentant de garder mes larmes pour moi. Je vis l'incompréhension se dessiner sur mon visage alors que ses mains se posaient délicatement sur mes joues.
— Hey... Qu'est-ce qui ne va pas ?
Je lui adressai un sourire avant de fermer les yeux pour apaiser le picotement que me provoquaient mes larmes. En les rouvrant, l'une d'entre elles s'échappa et s'écroula sur ma joue, ainsi que sur sa main.
— Je vais bien, Alex. Je vais même plus que bien. Je ne pleure pas parce que ça ne va pas. Je pleure parce que je n'ai jamais été aussi heureuse qu'en ce moment, avec toi. Pas de toute ma vie. Tu te rends compte que j'ai dû parcourir plus de six mille kilomètres pour te trouver ? Est-ce que tu étais obligé d'être aussi loin ?
Je choisis la plaisanterie, car ça avait toujours été ma meilleure technique pour repousser mes larmes et pousser mon interlocuteur dans une autre direction. Choisir la plaisanterie, c'était aussi émettre un sujet sérieux sans que la conversation ne prît un sens trop dramatique.
— Si j'avais su où tu étais, je serais venu te chercher il y a bien longtemps, m'annonça-t-il d'une voix pleine d'assurance. Je n'aurais pas hésité un seul instant, même si tout le monde m'avait pris pour un fou. Où que tu sois, je reviendrais toujours vers toi.
Toute ma vie, j'avais toujours senti un manque en moi, une sorte de solitude que personne d'autre n'avait pu combler jusqu'ici. Jusqu'à Alex. J'avais quelques membres de la famille et des amis, mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'il représentait pour moi. Il me complétait. Alex était mon espoir.
— J'adore vraiment ton cadeau, Alex. Il est parfait, je n'aurais pas pu rêver mieux.
— Tout comme j'adore le tien... Ils ressemblent à notre couple. Ils sont deux pièces d'un même puzzle.
Je hochai la tête, encore émue et prête à laisser cette émotion prendre le pas sur le moment. Je pris quelques instants pour m'en remettre, et Alex me laissa faire. Puis, nous fîmes ce que nous savions faire de mieux : nous aimer, de toutes les manières que nous connaissions. L'une d'elles était l'incapacité à nous séparer. Alex aurait dû retourner dans sa chambre, là où l'attendaient toutes ses affaires pour ses cours du lendemain. Mais, encore une fois, il nous fut impossible de rester loin de l'autre et nous trouvâmes suffisamment de place dans mon lit une personne pour ne pas nous quitter.
Lorsque je me réveillai au petit matin, Alex avait déjà disparu. C'était le moment de la journée que je détestai le plus : lorsqu'il n'était plus là. Cette idée me rappela d'ailleurs qu'il ne serait pas là de tout le week-end pour cause de repas familial et d'essayage de costume avec son frère, le futur marié.
De ce que j'avais compris, sa famille était du genre curieuse. Je m'attendais donc à ce que des questions à mon sujet lui fussent posées ce week-end... Et, tout comme sa famille, j'étais moi-même curieuse et j'avais hâte de savoir ce qu'il se serait dit... Tout en étant légèrement anxieuse pour la même raison.
Une part de moi avait très envie de les rencontrer, car Alex me parlait d'eux avec tant d'affection que je ne pouvais faire autrement. Mais j'étais terrifiée par ce qu'ils étaient pour tous les Anglais, par ce qu'ils représentaient pour le reste du monde.
Mes divagations sur l'importance de sa famille furent interrompues par la vibration de mon téléphone. C'était Mila :
« Alors ? Ça lui a plu ? »
Je n'attendis pas une seconde de plus pour lui répondre, mais aussi pour la remercier. Si Mila n'avait pas été là, je n'aurais pas pu lui offrir le bracelet. J'étais si suivie, que je n'aurais eu aucune chance de me rendre dans cette bijouterie sans être prise en photo. Et cela aurait pu gâcher la surprise, car je savais qu'Alex s'inquiétait de l'impact que les paparazzi pouvaient avoir sur moi et de ce fait, ne pouvant s'empêcher de se renseigner sur ce qui était publié. J'avais donc beaucoup de chance de pouvoir compter sur Mila, qui s'était révélée être une véritable amie. Lorsque mes études à Oxford seront terminées, elle serait la deuxième personne à me manquer terriblement. Je m'étais attendue à me lier d'amitié avec quelques personnes, mais ce n'était que maintenant que j'étais avec Alex, que je me rendais compte de la difficulté que j'aurais à retourner dans mon pays, même si ma famille me manquait terriblement chaque jour.
La journée passa à une vitesse folle, mais la soirée avec Alex passa d'autant plus vite. Le week-end risquait de me paraître bien long sans lui, bien que cela me donnait une excuse pour pouvoir enfin travailler sur mes cours, et mon mémoire, mais aussi pour passer un moment en compagnie de mes amis.
Je les retrouvai d'ailleurs le samedi soir, à notre point de rendez-vous habituel, à la même heure. Gordon, Mila et Kathy étaient déjà présents alors que je prenais place près de cette dernière. Quatre verres étaient déposés sur la table et Kathy me fit glisser le mien d'un sourire. C'était étrange, pourquoi n'y avait-il pas sept verres comme à l'accoutumée ?
— On n'attend pas les autres ?
Kathy adressa un regard gêné à Gordon et Mila, alors que le seul homme de la table soupira.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Vous commencez à me faire peur. Il s'est passé quelque chose ?
— Josh a trompé Emma, m'avoua Gordon avant d'ajouter d'une petite voix, avec Ashley.
J'ouvris grand la bouche, ainsi que mes yeux, étonnée par une telle nouvelle tant Emma et Josh avaient toujours été collés l'un à l'autre... et qu'Ashley n'était pas spécialement la plus sympathique du groupe. C'était inattendu : je n'avais vu aucun signe avant-coureur d'une telle catastrophe. Mais peut-être avais-je été trop obnubilée par ma propre relation pour m'en rendre compte ?
— Comment l'avez-vous appris ?
— Emma m'a appelée, m'apprit Mila d'une voix triste, ce matin. J'ai pas tout compris parce qu'elle pleurait beaucoup, mais apparemment elle les aurait surpris en train de...
Mila fit la grimace, et je compris de suite. Un frisson de dégoût me parcourut tout le corps : s'il y avait bien une chose que je ne pourrais jamais, ô grand jamais, pardonner, c'était bien l'infidélité.
— Bref, reprit-elle, Josh a envoyé un message à Gordon en prétextant je ne sais quel symptôme et...
— Une grippe, commenta-t-il en levant les yeux au ciel.
— Et Ashley a prétexté une urgence familiale. Bref, je crois que nous ne verrons plus ces deux-là avant un bon moment, mais je vais faire en sorte qu'Emma ressorte avec nous assez rapidement. Je refuse qu'elle broie du noir à cause d'un sale petit con de...
— Mila, l'arrête Kathy, prend une profonde respiration et calme toi.
Au lieu de suivre les conseils judicieux de notre amie, Mila se saisit de son verre avec rage et but quelques gorgées. Après ce moment quelque peu gênant en révélation, elle se tourna vers moi avec son éternel sourire optimiste et il ne fit aucun doute que c'était à mon tour de donner plus de détails.
— Alors, cette Saint-Valentin ? me questionna-t-elle d'une voix pleine de sous-entendus.
— Eh bien, je t'ai dit qu'il avait aimé son cadeau, non ?
— T'es vraiment avare en détail, toi.
— Et toi, t'es vraiment trop curieuse, s'interposa Gordon.
J'adressai un sourire de remerciement à mon seul ami masculin, mais Mila revint à la charge sans attendre.
— D'ailleurs, où est-il donc ce beau prince ?
— Dîner familial et essayage de costume pour le mariage de son frère.
— Ah oui, le mariage. Tu vas voir, c'est quelque chose un mariage princier chez nous. C'est un peu comme si c'était un jour de fête. Mes parents sont surexcités.
Mila m'expliqua par la suite que ses parents étaient de fervents admirateurs de la famille royale et avaient indiqué la date du mariage sur leur calendrier, bloquant la date pour qu'aucune autre activité ne s'ajoutât d'ici là. Ils avaient prévu de faire des petits plats et de regarder, bien évidemment, le mariage en direct, comme une grande partie de la population — toujours d'après Mila —.
Et comme je n'étais pas invitée au mariage (fort heureusement), Mila m'invita à venir regarder le mariage dans sa famille... qui lui avait fait promettre de rentrer à la maison ce week-end-là, au risque de créer un vrai drame familial.
J'avais accepté sans trop réfléchir, mais une fois rentrer dans ma chambre, j'avais reconsidéré la question. Cela n'avait rien à voir avec Mila ni même avec sa famille. Je n'étais juste pas à l'aise à l'idée rencontrer de nouvelles personnes, maintenant que j'étais la petite amie du prince.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro