22 - Jade
Jade
Samedi 9 février
Quelque part entre Oxford et Northampton
Alex rejoignit le couloir tandis que j'attrapai mon téléphone afin de répondre à mes nombreux amies et membre de la famille qui n'avaient pas pu attendre plus de vingt-quatre heures avant de se laisser envahir par la curiosité. Alors que je m'apprêtai à ouvrir le premier message, je ne pus m'empêcher de tendre l'oreille, moi aussi curieuse...
— Salut Sophie ! s'exclama Alex joyeusement.
— T'es sérieux, Alex ? répondit cette dernière d'une voix massacrante.
— Je peux savoir pourquoi tu es d'aussi mauvaise humeur ?
— T'as osé répondre à grand-mère avant moi, alors que je te harcèle de messages depuis hier soir !
— Oh, donc tu l'avoues ?
— Avouer quoi ?
— Que tu me harcèles.
— Je... Je... Tu sors mes propos de leur contexte !
— T'es sérieuse ? dit-il en éclatant de rire. C'est toi qui as utilisé ce terme, pas moi ! Et puis, comment tu sais que j'ai répondu à grand-mère ? Pourquoi t'es déjà avec elle ?
— On doit aller essayer ma robe pour le mariage, et grand-mère voulait absolument venir avec nous. Tiens, Alex, dis bonjour à tout le monde !
Au loin, j'entendis plusieurs voix féminines, dont l'une devait sûrement être sa grand-mère. Comme Sophie venait de parler de mariage, j'imaginais qu'il devait y avoir Cécilia, et aussi leur mère. Alex les salua à leur tour et un autre bruit me stoppa dans mon investigation. La bouilloire s'était mis à siffler et je me levai précipitamment pour l'éteindre. Le temps qu'il me fallut me it perdre quelque peu le fil de la discussion. Alors que je retournai vers ma chaise, j'étais plus proche du couloir, ce qui me permit d'entendre les propos d'Alex qui avait baissé d'un ton.
— Non, Sophie, il en est hors de question. Avec tout le respect que j'ai pour grand-mère, je pense que cette rencontre était trop rapide. Même si elles ont eu l'air de s'apprécier, évidemment. Mais c'est trop tôt pour ça.
— Mais c'est pour...
— Sophie, la coupa-t-il. On doit déjà gérer les journalistes, par pitié ne me force pas à te dire non une nouvelle fois. Elle ne serait pas prête pour tout ça.
— Je pense que c'est plutôt toi qui ne serais pas prêt.
— Oui, aussi. Tu m'en veux ?
— Non, je comprends... T'as intérêt à me trouver un super cadeau alors, bien que j'ignore ce que tu pourrais trouver mieux que de me faire rencontrer ma belle-sœur.
J'avais cru comprendre que Sophie parlait de moi, de me rencontrer. Mais en parlant de cadeau, je compris qu'elle parlait aussi de son anniversaire. Venait-elle de demander à son frère de m'inviter à sa fête d'anniversaire ?
J'étais à mi-chemin entre la panique, à l'idée de rencontrer sa famille, et l'émotion due au fait qu'elle souhaitait me voir. Le fait qu'elle eut utilisé le mot « belle-sœur », me touchait d'autant plus. Nous nous étions remis ensemble depuis peu de temps, mais elle semblait avoir déjà hâte de me rencontrer. Je me demandais ce qu'elle savait bien de moi, ce qu'on lui avait été dit, autant par Alex que sa grand-mère que j'avais eu la joie, et aussi la panique, de rencontrer brièvement.
Je me rassis sur ma chaise haute, ma curiosité suffisamment rassasiée pour le moment. Intérieurement, je remerciai Alex d'avoir dit non. Je n'étais clairement pas prête à rencontrer sa famille, et quelle famille ! Il était certain que j'allais mettre plus de temps à me sentir prête à les rencontrer que s'il s'agissait d'une famille plus « normale ». Dieu que je détestais ce mot, mais je n'en avais pas d'autres qui me venaient en tête pour le moment.
En parlant de famille, je décidai de me consacrer à la mienne et ouvris le premier message du haut... ou devrais-je dire : les premiers messages. Brooke m'en avait envoyé une bonne dizaine depuis hier soir. Le dernier datait de huit heures ce matin, soit il y avait moins d'une heure. Or, il devait être deux heures chez elle au moment où elle me l'avait envoyé. Cette femme ne dormait-elle jamais ?
Elle avait attendu plus ou moins trente minutes entre chaque message.
« Hello toi ! »
« Comment vas-tu ? »
« Tu gères la situation ? »
« Ton chéri t'a confisqué ton portable pour tout le week-end ? »
« Écoute, je ne veux pas t'inquiéter, et je pense que ta mère ne te dira rien, mais je crois que tu es en droit de le savoir. Ta mère a appelé ma mère. Apparemment, y aurait quelques journalistes devant chez vous. »
« Elle dit que ça allait, mais je pense que ce serait bien que tu l'appelles quand t'es levée... »
« Euh non, ne l'appelle pas quand t'es levée, parce qu'elle sera sûrement en train de dormir, alors envoie-lui un message. »
« Oh et, avant de paniquer, ne t'en fais pas, ta mère gère trop bien la situation. »
« Mais tu devrais quand même lui envoyer un message à ton réveil, juste au cas où. »
« Et sinon, ça se passe bien avec ton prince ? Il t'a embarqué où exactement ? »
« C'est nul ce foutu décalage horaire, je dois toujours attendre avant que tu me répondes, je me fais chier les soirs du week-end maintenant. C'est pas drôle les soirées sans toi... Bref, réponds-moi quand t'es reveillée, sinon tu sais... je vais m'inquiéter ».
J'étais passée par plusieurs sentiments à la lecture de ses messages. De l'amusement, bien entendu, car Brooke était incapable de réfréner son envie de savoir. Puis de la panique, lorsque je compris que les journalistes avaient déjà trouvé notre adresse. Et, pour finir, de la tendresse à l'écart de ma cousine tant adorée. Mais le sentiment qui prit le pas sur les autres, ce fut bien évidemment la panique. J'arrivais à ne pas la laisser m'envahir, grâce aux mots de Brooke, mais je ne pouvais nier que cela m'angoissait. Je refermai la conversation sans même lui avoir répondu et ouvris l'onglet « maman » qui m'avait également envoyé des messages.
« Je viens d'apprendre que Brooke avait vendu la mèche. Ta cousine est vraiment incapable de tenir un secret, c'est fou ! Mais ne t'en fais surtout pas ma chérie, tout va bien. Il n'était que trois, je ne leur ai pas parlés, ils sont restés derrière la barrière et sont partis peu après vingt-deux heures. Alors, s'il te plaît, ne panique pas. »
« Au fait, comment allez-vous ? Ton week-end se passe bien ? »
« Ps : Je t'aime. »
La lecture de ces messages arrivait un peu à m'apaiser, mais l'idée que maman fut prise comme cible n'était vraiment pas rassurante. Trois, c'était déjà beaucoup, et j'avais peur que ce ne fût que le début.
— Jade, qu'est-ce qu'il se passe ?
La voix inquiète d'Alex me ramena à l'instant présent, ici, en Angleterre. Je levai à nouveau mon regard vers lui alors que la petite bulle s'était à nouveau fissurée.
— Ils ont trouvé mon adresse, lui appris-je d'une petite voix. Je veux dire, l'adresse de maman.
— Oh non...
Alex s'installa à mes côtés et me prit les mains.
— J'aurais tant aimé qu'il ne la trouve pas aussi rapidement. Je suis désolé... Comment va ta mère ?
— D'après ses messages, elle va bien. Ele ne voulait pas me le dire à la base, mais elle l'a dit à sa sœur, ma tante, et Brooke a dû entendre et elle a préféré m'avertir. Ils étaient trois et ils sont restés derrière la barrière du jardin avant, de ce que je comprends.
— Jade, je...
Alex soupira et je m'en voulus de ne pas avoir pu rester en mode autruche plus longtemps, mais je ne pouvais pas non plus lui cacher cette information. Nous nous étions promis de tout nous dire à présent.
— Elle va bien, lui répétai-je avec conviction, et je vais bien. D'accord ? Maintenant, prenons ce petit-déjeuner, je meurs de faim !
Alex hocha la tête avec un faible sourire avant de se remettre à la préparation de ce premier repas de la journée. Il fut étonnamment silencieux et je profitai de son manque de parole pour continuer à répondre à tout le monde. Alex servit ensuite le petit-déjeuner et nous nous mîmes à reparler en oubliant cette fâcheuse histoire.
— Au fait, tu ne devais pas m'expliquer quelque chose ? me lança-t-il d'un air amusé.
Je fronçai les sourcils, sans trop comprendre où il voulait en venir. Son sourire en coin finit par me mettre sur la piste et me ramena à notre activité d'hier soir. Alors que nous étions sur le point de nous dévêtir de nos derniers vêtements, la voix de Scarlett s'était écriée « protection » dans ma tête et avait réveillé mon côté rationnel.
— Je te promets que je n'avais pas prévu que toi et moi... Que, enfin.. qu'on, balbutai-je bien malgré moi. Enfin, tu vois. C'était pas prémédité.
— Je n'ai rien dit à ce sujet et je n'ai aucun avis là-dessus, me dit-il d'une voix rassurante. C'est juste que tu m'as dit que tu allais m'expliquer le pourquoi du comment. Alors, c'est quoi cette fameuse histoire ?
— C'est Scarlett...
— Scarlett ? Ta meilleure amie que tu appellerais si tu devais cacher un corps ? Hum, cette histoire est déjà croustillante. Alors, c'est quoi le rapport entre ta meilleure amie et les préservatifs ?
Alex prit une bouchée de son petit-déjeuner, l'air visiblement très amusé d'apprendre pourquoi j'étais équipée, malgré les nombreuses fois où j'avais dit que je ne voulais pas de relations amoureuses en Angleterre.
— Scarlett ne couche pas le premier soir. C'est une règle très importante pour elle. Sauf qu'un jour, elle a rencontré un gars à une soirée. Et, d'après ses mots à elle, c'était vraiment très électrique entre eux et ils l'ont fait. Mais Scarlett n'avait pas du tout planifié ça ni le garçon d'ailleurs, et dans le feu de l'action ils n'ont pas pu s'arrêter. Durant les trois semaines qui ont suivi, Scarlett était en mode panique à l'idée d'être tombée enceinte ou d'avoir attrapé une infection. Depuis cette soirée, qu'elle qualifie toujours de la meilleure nuit de toute sa vie, elle nous a fait promettre, à Brooke et moi, d'avoir toujours des préservatifs à portée. C'est même elle qui les a foutus dans ma trousse de toilette. Je n'ai pas eu à cœur de les retirer. À vrai dire, je les avais même oubliés, jusqu'à ici, hier soir. Voilà, maintenant tu sais tout.
Alex hocha la tête sans trop savoir quoi dire, les lèvres retroussées pour tenter de camoufler son amusement.
— Merci à Scarlett alors, se contenta-t-il de dire avant de reprendre une bouchée.
— Au moins, elle est là pour penser à ce genre de choses... Tu n'en avais vraiment pas ?
— Nope... Je dois t'avouer qu'en préparant mon sac en vitesse, je n'avais qu'une seule chose en tête : vite te retrouver et nous éloigner le plus d'Oxford. Je n'avais pas d'idées derrière la tête.
— Je n'ai jamais pas supposé que tu en avais.
— Je sais, je voulais juste que tu le saches.
Alex m'adressa un sourire avant de déposer sa main sur la mienne dans un geste tendre. Il déposa ensuite un baiser sur ma joue avant de finir son petit-déjeuner.
— Comment va ta sœur, au fait ?
— Très bien, elle va essayer sa robe pour le mariage et elle m'a engueulé parce que j'ai répondu à grand-mère avant elle.
— Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre. J'ai entendu quelques bribes de la conversation en t'attendant.
— Qu'as-tu entendu d'autre ?
— J'ai cru comprendre qu'elle voulait me rencontrer... à son anniversaire ?
— Effectivement... je lui ai dit que c'était hors de questions. Ce n'est pas que je ne veuille pas que tu la rencontres, loin de là, c'est juste que j'ai supposé que c'était peut-être trop tôt... et puis, nos anniversaires, ce sont toujours des grandes fêtes, avec une tonne de personnes. Ce n'est pas comme ça que je veux te présenter ma sœur, ça me paraît beaucoup trop angoissant. Je ne veux pas que ça se fasse de cette façon, et j'ai pensé que tu serais de mon avis. J'aurais dû te demander ton avis, je...
— Pas du tout, tu as bien fait. Et tu as raison, j'aurais trouvé ça beaucoup trop angoissant pour une première rencontre. Au fait, son anniversaire c'est quand ?
— Dans trois semaines.
— Je vois... Oui, je pense que ça aurait été trop rapproché aussi. Je ne me sens pas encore prête pour ça, pour rencontrer ta famille. Surtout en sachant qui ils sont.
— Tu parles de royauté ? Est-ce que ça te fait peur ?
— Non ! Enfin... si, un peu. Beaucoup. Je veux dire, c'était déjà un stress de rencontrer les parents de son copain, mais là ce ne sont pas que tes parents. C'est la Reine et je suis... je suis qu'une fille de la classe moyenne avec un prêt étudiant, je suis loin d'être dans ce même milieu. Et je ne parle pas que de l'argent, je parle de ce cercle social, du protocole, des titres et de tout ce que ça implique. Je n'y connais vraiment rien, je ne veux pas décevoir tes parents.
— Jade... Mes parents n'en ont rien à faire que tu aies un prêt étudiant ou que tu n'aies pas de titre. Lorsque tu les rencontreras, et je sais que ça arrivera, tu ne rencontreras pas leur titre, tu rencontreras mes parents. Ils sont comme n'importe quels autres parents. Ils vont faire des blagues, poser des questions, essayer de te mettre à l'aise et je sais qu'ils seront aussi mal à l'aise et maladroits avec toi que toi avec eux. Ils veulent juste que je sois heureux, et si mon bonheur c'est toi, ça leur convient tout à fait. Maman était en panique quand elle a appris que la nouvelle sur nous allait sortir. Dès qu'elle a su, elle a tout fait pour ça se passe le mieux possible et elle a immédiatement voulu savoir si tu allais bien. Vous ne vous êtes pas encore rencontrées toutes les deux, mais je sais qu'elle t'a déjà acceptée dans son cœur à la minute où elle m'a vu resourire. Tu sais, je crois même que la personne qui sera la plus stressée entre elle et toi le jour de votre rencontre, ce sera elle. Parce qu'elle sera terrifiée à l'idée que tu prennes la fuite.
Alex reprit son souffle après cette très longue tirade tandis que je lui caressai la main. Tout ce qu'il venait de me dire m'apportait beaucoup de réconfort et une partie de moi avait désormais hâte de les rencontrer. J'aimais également le fait qu'Alex se projetait et savait avec une certitude sans faille que cela finirait par arriver. Que c'était une évidence.
Néanmoins, je savais que je serais à nouveau une boule de nerfs le jour où cela se produirait.
**
Encore un peu de tendresse ♡
Et demain, je vous publie un chapitre de The Lady et The Prince, avec Cécilia ♡
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