13 - Alexandre
Alexandre
Vendredi 8 février
Oxford
J'avais été stupide. Si stupide de penser que j'aurais pu attendre dix-sept heures trente avant de la retrouver. Comment avais-je pu être si naïf au point de croire que nous pourrions attendre jusque-là ? Comment avais-je pu penser qu'il n'y aurait rien ?
Évidemment, ce n'était pas précisément ce que j'avais pensé. Mais de là à ce qu'un paparazzi l'attendît à la sortie de son bâtiment ? Qu'il la poursuivit durant plusieurs centaines de mètres avant d'être arrêté par l'un des policiers de la ville ?
Non, je devais bien avouer que cela, je ne l'avais pas vu venir. Pas aussi vite, pas maintenant, pas comme ça.
« Ce n'est qu'un incident mineur, une exception à la règle » m'avait répondu maman lors du bref coup de fil que nous nous étions échangé peu après onze heures, juste après que je fusse sorti de mon premier cours et que Craig m'eut informé de la situation qu'avait vécue Jade.
Un incident mineur ? Je détestais ces mots. Comment pouvaient-ils décrire de la sorte ce que Jade avait dû vivre comme une agression, comme une intrusion dans sa vie ? Bien sûr, nous nous doutions que certains aspects de sa vie allaient devoir changer. Allaient changer. Mais se faire coller un objectif à moins de dix centimètres de son visage, à peine réveillée ? Se faire suivre dans la rue en l'accablant de questions ?
Je soupirai alors que je regardai les rues défiler sous mes yeux, assis sur la banquette arrière de la voiture. Je soupirai parce que oui, je m'y étais attendu. C'était juste difficile à accepter. J'aurais aimé qu'ils eussent un peu plus de respect pour elle, pour moi, pour nous, pour la famille royale. J'aurais aimé avoir... plus de temps. Plus de nous, rien que de nous.
— Nous sommes arrivés, monsieur, m'indiqua Craig alors que la voiture s'immobilisait.
— Merci... Cela ne devrait pas prendre plus d'une demi-heure. Vous savez ce que vous devez faire.
— Très bien, monsieur.
Je descendis la voiture et regagnai le complexe d'appartements qui l'hébergeait, Craig sur mes talons. Comme je m'y étais préparé, quelques personnes, tous des hommes, arpentaient le trottoir à proximité, guettant. Nous guettant. Même sans mon garde du corps, et affublé d'une casquette et d'une paire de lunettes, je n'aurais pas pu passer inaperçu. En l'espace de quelques secondes, j'étais devenu la proie des paparazzis. Dès que j'eus mis un pied dans l'enceinte du bâtiment, en passant les grilles, je fus seul. Vu l'entêtement de certains photographes, j'aurais très bien pu être suivi. Mais entre Craig et la possibilité pour eux d'un procès, c'était assez peu probable qu'une telle chose arrivât. J'avais donc la certitude de ne plus en croiser.
Je montai les escaliers avec une certaine appréhension. Même si Jade avait paru forte hier soir, m'assurant que ça irait, j'avais peur de la retrouver dans un tout autre état. J'étais terrifié à l'idée qu'elle eut pu changer d'avis entre-temps, après avoir été confrontée à une part de cette nouvelle réalité. Je m'attendais aux pires scénarios : les pleurs, les cris... et la rupture. Je n'avais pas envie de penser à de telles perspectives, mais je m'y devais. Il fallait que j'y fusse préparé afin de pouvoir la rassurer et d'arranger les choses, si tout du moins c'était possible.
Arrivé devant sa porte, je mis une longue minute avant de toquer. Je fis les cent pas, tentai d'arranger mes pensées, inspirai plusieurs fois une bouffée d'oxygène dans l'espoir que ça me regonflerait d'énergie, d'espoir, de courage.
Comme rien ne marchait et que je ne pouvais pas décemment faire l'autruche plus longtemps, je finis par annoncer ma présence. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit de quelques centimètres et, me reconnaissant, Jade agrandit l'ouverture.
— Alex ! Tu devrais être en cours !
Oui, je m'étais attendu à tout... Sauf peut-être pas à la possibilité de me faire réprimander d'avoir séché mes cours.
— Je m'inquiétais, lui dis-je d'une petite voix.
— Alex... Je t'avais promis que je t'enverrais un message si ça n'allait pas. Est-ce que je t'ai envoyé un message ?
— Non... mais... tu es sûre que tu vas bien ?
— Oui.
— Je peux entrer ?
Jade sembla hésiter, mais un sourire en coin finit par se dessiner sur son visage et eut pour effet de chasser toutes les affreuses possibilités que je m'étais imaginées ces quinze dernières minutes. Elle s'écarta ensuite et je ne me fis pas prier pour quitter ce couloir. Une fois la porte close, je me tournai à nouveau vers elle, mais n'eus pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, que Jade prit possession de mes lèvres. Un peu surpris, il me fallut une bonne seconde avant de lui rendre son baiser. Un baiser doux, peut-être un peu bref, mais suffisant pour recréer cette bulle autour de nous.
— Je vais bien, me confirma-t-elle à nouveau. J'avais juste besoin de reprendre mon souffle, besoin de me laisser du temps pour assimiler la situation. Mais je vais bien. D'accord ?
J'ouvris les yeux et croisai les siens. Une douce chaleur m'envahit le cœur alors que son sourire s'étirait un peu plus et que le mien naissait enfin sur mon visage. Je levai le bras et fis glisser délicatement ma main sur sa joue, mes lèvres toujours à quelques centimètres des siennes.
— Je suis désolé. Je crois que j'ai paniqué.
— Oui, un peu... mais je trouve ça mignon que tu t'inquiètes pour moi. Maintenant que tu es rassuré, tu vas pouvoir retourner en cours.
— Oh ça non, dis-je d'un rire. Et toi ? Comptes-tu y retourner ?
— Ce n'est pas dans mes habitudes de faire l'école buissonnière, mais je crois que je vais faire une exception pour aujourd'hui.
— Et que comptais-tu faire ce week-end ?
— Je n'en sais encore rien, j'imagine que nous irons au pub demain pour retrouver nos amis. Pourquoi ? me questionne-t-elle d'un regard intrigué.
— J'avais envie de t'enlever tout le week-end, de partir d'Oxford, rien que tous les deux.
L'idée avait l'air de lui plaire si j'en crus son large sourire et ses yeux pétillants.
— Et qu'avais-tu en tête ? me demande-t-elle avec malice. Où veux-tu m'emmener ?
— Tu me fais confiance ?
— Évidemment, répond-elle dans un murmure.
— Alors, prépare un sac pour le week-end, on part dans trente minutes.
— Trente minutes ?
Jade eut l'air surprise et éclata de rire avant de s'écarter et de jeter un œil à sa chambre.
— Je serai prête en quinze minutes, ajouta-t-elle sur un ton de défi.
Jade recula encore de quelques pas, se tourna légèrement vers sa penderie, avant de revenir sur ces pas à une vitesse si impressionnante que je fus une nouvelle fois surpris par son baiser. Et avant même d'avoir pu en profiter, ma bien-aimée s'activa et se saisit d'un sac, me laissant là, pantois et heureux. Un peu incrédule aussi face à la facilité avec laquelle elle avait accepté ce projet spontané. Et fier. Fier qu'elle fut toujours là, qu'elle eût accepté sans demander plus d'explications. Elle me faisait confiance, même après lui avoir caché la vérité, même en sachant globalement ce qui l'attendait en sortant avec quelqu'un comme moi.
Elle me faisait confiance et je me promis de lui donner raison.
Mon téléphone vibra dans ma poche, me sortant de cet état de quasi-transe dans lequel son baiser m'avait enfermé. Je revins à moi et me saisit de l'engin avant d'ouvrir le dernier message reçu.
« Elle est en cours d'inspection. Ce sera terminé pour votre arrivée. Ils ont mordu à l'appât. Départ dans vingt minutes. »
Bref, mais concis, comme on pouvait s'y attendre d'un garde du corps. J'étais soulagée que les deux points les plus importants de mon plan, conçu il y avait moins d'une heure, avaient été réglés avec une facilité aussi déconcertante que la décision de Jade. Je me serai attendu à plus de bâtons dans les roues, mais je ne vais pas me plaindre que quelque chose dans cette journée fût aussi agréable.
Je me tournai vers Jade qui entassait des affaires dans son sac tout en marmonnant. En tendant l'oreille, je compris qu'elle listait ce qu'il lui fallait emporter. Je ne l'arrêtai pas, de peur de lui faire perdre le fil de ses idées, mais aussi car je me voyais mal fouiller dans ses affaires pour l'aider. Je restai donc à nouveau là, jetant de temps en temps un regard à l'écran de mon téléphone pour vérifier que nous étions bien dans les temps.
— Je pense être prête, annonça-t-elle avec enthousiasme.
Je regardai à nouveau l'heure.
— Dix-sept minutes, perdu !
— Tu m'en avais donné trente, me rappela-t-elle.
Jade me jeta un regard faussement désapprobateur avant de fermer son sac, de l'attraper et de me rejoindre. Voyant que je ne bougeai pas d'un iota, Jade reprit la parole.
— On y va ?
— Dans deux petites minutes, dis-je en jetant un nouveau regard à l'écran de mon téléphone.
— Pourquoi ? Qu'attendons-nous ?
— Le bon timing.
— C'est très mystérieux, Alex.
— Oui, je sais.
Jade hocha négativement la tête tout en me toisant du regard, l'air revêche. Mais son sourire apparut, la trahissant dans sa tentative de me tirer silencieusement les vers du nez.
— Promis, je t'expliquerai une fois que nous serons en route.
— J'espère bien... Mais comment on va faire pour semer les photographes qui sont devant mon immeuble.
— Quels photographes ? l'interrogeai-je avec un sourire en coin. Il n'y a pas de photographes.
— Quoi ? Mais si, je te jure qu'il y avait des photographes lorsque je suis revenue de mon cours. Ils sont sûrement encore là, comment n'as-tu pas pu les vo...
Cette fois-ci, ce fut à mon tour de surprendre Jade par un baiser. Un furtif baiser qui, je l'espérai eut le même effet que les siens sur moi. Ce fut du moins mon impression, car la pointe de stress que j'avais discerné en parlant des paparazzis avait été remplacée par un nouveau sourire.
Je la débarrassai ensuite de son sac et lui tendis la main, le regard plein d'amour et de confiance. Elle parut hésiter l'espace d'un moment, peut-être en pensant à nouveau à ces vautours.
— Crois-moi, Jade, ils ne sont plus là.
Jade n'hésita plus et se saisit de ma main sans attendre. Nous sortîmes ensuite dans le couloir et, une fois qu'elle eut fermé la porte derrière elle, nous partîmes en direction des escaliers, les descendîmes, nous retrouvâmes dehors et avançâmes vers la sortie. À mesure que nous approchâmes de l'endroit où la horde s'était trouvée une vingtaine de minutes plus tôt, je sentis la main de Jade serrait un peu plus la mienne. Je lui adressai un sourire et elle parut se détendre. Mais ce ne fut qu'une fois que nous arrivâmes devant le portail et qu'elle vit d'elle-même qu'ils n'étaient plus là, que Jade lâcha un « oh » de surprise avant d'éclater de rire.
— Mais, comment as-tu fait ? s'exclama-t-elle d'une voix soulagée.
— Promis, ça aussi je te l'expliquerai une fois que nous serons en route.
Je lui indiquai du regard une voiture qui venait tout juste de se garer devant nous. Une femme en sortit, et s'en éloigna sans fermer derrière elle tout en me jetant un regard furtif.
— Le bon timing, c'est ça ? se rappela Jade.
— Le bon timing, répétai-je en approuvant d'un signe de tête. Viens, avant que l'on nous repère.
Jade n'en attendit pas plus pour s'exécuter et s'approcher de la voiture. Après avoir fermé la porte derrière elle et déposé son sac dans le coffre, je pris la place du conducteur et démarrai la voiture avec les clés qui étaient restées sur le contact, laissant le monde derrière nous.
Je vous souhaite un très bon réveillon et vous donne rendez-vous l'année prochaine pour plein de nouveaux chapitres ♥
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