10 - Jade
Désolée pour l'attente ❤
Jade
Jeudi 7 février,
Oxford
Le regard perdu sur le plafond de ma chambre, j'attendais.
Quoi exactement me diriez-vous ?
Je n'en savais rien moi-même.
Une dose de courage ? Arriver à sortir de cet état second ? Qu'une de mes innombrables questions s'imposa pour démarrer la conversation ?
Un peu de tout j'imaginais. Mais rien ne venait, alors je continuai à patienter. J'étais à la fois vidée et pleine. Pleine de doutes et de peur, de questions et de tristesse. La petite bulle dans laquelle nous nous étions réfugiés ces derniers temps n'était plus. Elle avait disparu, elle avait éclaté en emportant une partie de nous.
Je n'y connaissais rien à son monde, à la royauté, à la presse. Mais je sentais déjà le changement s'opérer par ce silence. Ce n'était pas la première fois que nous étions seuls tous les deux, sans un bruit. Nous nous retrouvions parfois à nous regarder pendant de longues minutes, sans nous lasser. Nous en étions loin aujourd'hui, car je n'osais même pas détourner le regard de ce maudit plafond.
Je n'étais pas en colère contre lui. Alex m'avait prévenue que cela pouvait arriver. J'en avais déjà bien conscience lorsque j'étais sortie en hâte du pub pour le rattraper et lui dire que je voulais être avec lui. Nous n'en avions alors pas parlé, mais je n'avais pas été si naïve en ignorant les problèmes que son statut de personnalité publique pouvait engendrer. Je n'avais sûrement pas pensé à tout, ne venant pas de ce milieu, mais personne n'ignorait ce qu'était un paparazzi.
Non, je n'étais pas en colère contre lui. J'étais juste perplexe. Sur la marche à suivre, sur les prochains événements, sur la réaction que je pourrai avoir face à certaines choses. Serai-je assez forte pour supporter ça ou nous avais-je voués à une seconde rupture en ayant agi sur le coup de l'impulsivité ce fameux soir ? Aurais-je dû réfléchir davantage ? Aurais-je agi différemment ?
Émotion et raison n'allaient pas de pairs...
La main chaude d'Alex me fit sortir de mes pensées. Je ne bougeai pas d'un pouce pour autant. Mais je ne pouvais nier que ce contact eut quelque chose de rassurant dans ce tourbillon de questionnements et d'angoisse.
Combien de temps était-il resté là, assis à mes côtés, sans rien dire ? Combien de temps m'a-t-il laissé alors que lui-même devait être rongé par la peur ?
Cela ne faisait pas si longtemps que ça que nous nous connaissions, pourtant il me paraissait si simple de le comprendre et d'imaginer ce qu'il pouvait ressentir ou penser. Nous nous étions connectés si rapidement lui et moi. C'était une évidence que l'on ne pouvait nier, que l'on ne pouvait rejeter. J'avais essayé pourtant, mais j'étais revenue à lui. J'étais à lui.
Mes lèvres s'étirèrent légèrement, le soleil « Alex » faisant s'adoucir mes tourments. Je fis pivoter la main, sur laquelle il avait posé la sienne, avant d'entrelacer avec amour nos doigts. Alex se laissa tomber délicatement à mes côtés et ce fut à ce moment-là que je décidai de tourner mon regard vers lui. Je lui souris et attendis plusieurs secondes qu'il fit de même. Rien ne se produisit. Ses angoisses étaient plus fortes que moi, mais je ne déclarai pas forfait.
— Je ne vais nulle part, échappai-je dans un murmure.
Alex sourit, me laissant chasser les mauvaises ondes dans son cœur en y prenant pleinement ma place. J'avais réussi à la rassurer. Du moins un peu, pour quelques minutes, quelques heures. Mais j'avais peur qu'en sortant de cette chambre pour rejoindre la sienne, ses tourments reprissent pleine possession de lui.
J'avais peur que, une fois seule dans cette chambre, les miens refissent surface.
— Pourtant, m'adressa-t-il d'une voix anxieuse, je comprendrais si tu voulais aller ailleurs.
— Eh bien, techniquement, c'est toi qui devrais aller ailleurs. C'est ma chambre, lui fis-je remarquer d'un air amusé.
— Tu as compris ce que je voulais dire, dit-il en gardant le même ton, si tu veux...
— Chut, l'intimai-je en posant un doigt sur ses lèvres. Je ne veux rien d'autre que ce qu'il y a dans cette pièce.
— C'est ce que je veux aussi, Jade, mais...
— Pas de mais !
Je me redressai, prête à avoir cette conversation. Je ne pouvais pas la reporter ad vitam æternam, et Alex avait besoin d'entendre que je ne comptais pas abandonner aussi vite. J'avais aussi besoin d'entendre certaines choses. Des mots de soutien, des paroles de réconforts, des conseils. J'avais déjà fait le nettoyage de mes réseaux sociaux, mais il ne devait pas y avoir que ça.
Alex s'assit à son tour, sans me lâcher la main. Nous étions tous les deux inquiets, mais je le sentais bien plus anxieux que moi. Cela eut pour effet d'accroître mon propre stress. La presse le terrifiait-elle à ce point ? Ou y avait-il autre chose qu'il devait me dire ?
— Tu m'avais prévenu, commençai-je avec assurance. J'étais au courant que cela pouvait arriver. Je ne peux pas dire que j'étais préparée à cent pour cent. Comment pourrais-je être préparée à l'inconnu après tout ? Mais quand même, j'y ai pensé, j'ai accepté que ça puisse arriver. Alors ça ira. Il faut juste que tu me soutiennes et que tu me donnes des conseils. Il n'y a pas de raisons que cela n'aille pas, tu ne penses pas ? Ils peuvent enquêter sur mes amies proches et les membres de ma famille, ils ne découvriront jamais de squelettes. Brooke peut-être un peu revêche quand elle le veut, mais elle n'a jamais tué personne.
— En parlant de Brooke, il va falloir que tu la préviennes. Que tu les préviennes tous. Tes amies proches, ta famille. Il faut qu'ils soient préparés. Il ne faut pas qu'ils répondent aux paparazzis, ils doivent les ignorer. C'est la seule chose à faire dans ces cas-là. Leur répondre, c'est leur donner satisfaction.
— D'accord, dis-je accompagné d'un hochement de tête. Je vais leur en parler, hormis à Brooke.
— Pourquoi hormis à Brooke ?
— Parce qu'elle est déjà au courant de la situation. C'est elle qui m'a prévenue.
— Quoi ? Mais comment a-t-elle fait pour être presque plus rapide que le service de presse de Buckingham ? s'exclama-t-il avec étonnement.
— Brooke est pleine de ressources et de surprises. Elle a dû mettre une alerte sur son téléphone avec « Prince Alexandre » en mot-clé.
— Ta cousine a l'air géniale.
— Oh, elle l'est. C'est d'ailleurs un peu grâce à elle si j'ai changé d'avis pour nous.
— Ah bon ? Tu ne m'en as jamais parlé pourtant. Qu'a-t-elle bien pu te dire pour te convaincre ?
— Eh bien... elle m'a donné quelques exemples de couples composés d'une personne issue de la royauté et d'un... roturier. À partir de là, une voix dans ma tête a fait son apparition et s'est dit que ce n'était pas si impossible que ça, finalement.
— J'aime cette petite voix dans ta tête.
Alex avait retrouvé son sourire. Celui qui me faisait fondre et pour lequel je ne pouvais résister. Il déposa un baiser sur mon front, un peu comme pour remercier cette « voix » dans ma tête.
— Je crois qu'il vaudrait mieux que j'appelle maman au plus vite, dis-je d'une voix un peu angoissée.
— Plus vite tu l'avertis, mieux ce sera. Crois-en mon expérience.
— Je te crois. Pendant que j'appelle ma mère, peut-être que tu devrais en profiter pour appeler la tienne aussi. Je sais que je n'y connais pas grand-chose en monarchie, mais je m'y connais en mère. J'imagine qu'elle doit être en train de s'inquiéter, alors rassure-la. Va également rassurer ton garde du corps pendant que je passe mes coups de fil. Il avait l'air de s'inquiéter, lui aussi.
— Oui, c'est une bonne idée, approuva-t-il. Craig a beau être un employé, c'est aussi mon ami. Je vais aussi m'excuser de lui avoir fait transmettre le message à ma mère. Elle n'a pas dû apprécier, avoua-t-il légèrement embêté. Je reviens dans cinq petites minutes.
— Je ne vais pas disparaître, Alex. Je serai toujours dans cette chambre lorsque tu reviendras.
Alex hocha la tête, les traits du visage un peu plus détendu. J'aurais pu croire que je l'avais totalement soulagé, mais je remarquais ses mains qu'il malaxait l'une contre l'autre avec nervosité. Je n'eus pas le temps d'ajouter d'autres mots de réconforts qu'il déposa un nouveau un baiser sur mon front avant de s'éclipser.
Une légère crampe me traversa le ventre alors que je me levai et attrapai mon téléphone que j'avais laissé à l'abandon sur mon bureau. Je l'avais mis en silencieux, de peur d'être subitement harcelée de messages et d'appels, en particulier de Brooke. Lorsqu'elle m'avait appris la nouvelle, je l'avais mis un peu en « attente » et la pauvre devrait être en train de s'inquiéter. D'ailleurs, en voyant le nombre de messages qui m'attendaient, elle n'était pas la seule. Mais je les mis en suspens, maman était plus importante.
Alors que j'ouvrais mon application de messagerie instantanée, « maman » apparut sur l'écran ainsi que sa photo de profil. J'appuyai sur le bouton « décrocher », avec un certain soulagement. Je savais qu'il m'aurait fallu une longue minute pour m'armer de courage avant de l'appeler.
— Chérie ! s'exclama-t-elle alors que sa tête apparaissait sur mon écran. Brooke m'a averti, est-ce que tu vas bien ?
— Maman, dis-je d'un rire, il ne m'est rien arrivé de mal, personne ne m'a frappée et je ne suis pas à l'hôpital. Respire, d'accord ?
Quelques secondes passèrent sans que maman ne sortisse le moindre mot. Je songeai à une mauvaise connexion, mais je la voyais bouger.
— Pourquoi tu ne parles plus ?
— Ma fille m'a dit de respirer, alors je respire !
Je levai les yeux au ciel, admirant le zèle de maman.
— Mais, reprit-il d'une voix plus sérieuse, dis-moi vraiment comment ça va ? Comment tu vis ça ?
— C'est difficile à dire, maman. Cela ne fait qu'un quart d'heure que ça s'est su. Je suis un peu dans un état second. Je crois que mon cerveau est en train de se préparer à affronter... Dieu seul sait quoi. J'imagine que c'est Brooke qui t'a mise au courant ?
— Oui. Ta cousine est aussi rapide que ces vautours. Heureusement, elle a opté pour une voie plus noble que ces rapaces.
— Tu leur as préparé tout un tas de surnoms dis-moi. Tu as quoi d'autre en réserve ?
— Jade, dit-elle dans un soupir avant de reprendre. Penses -tu que tu as prise la bonne décision en retentant cette relation avec un... un prince.
— Tu as du mal à t'y faire hein ? Le fait qu'il soit un prince ?
— Il faut avouer que ce n'est pas très courant, je ne m'étais pas préparée à cette possibilité quand tu as pris cet avion. Bien sûr, la possibilité d'une rencontre amoureuse m'a traversé l'esprit, mais avec un prince ? Un des deux seuls princes de ce pays ? Il y a combien de millions de personnes en Angleterre déjà ? Soixante-cinq millions ?
— Je vois que tu as pris des cours de géographie, maman, plaisanté-je en refoulant mes angoisses.
— Est-ce que ça en vaut le coup ? poursuit-elle en niant totalement ma pointe d'humour. Est-ce qu'il en vaut le coup, Jade ?
— Oui, maman. Je l'aime.
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