Chapitre 43 - Jade
En vous souhaitant un Joyeux Noël ❤️
« Portrait de la nouvelle petite amie déjantée du Prince Alexandre » titrée un article daté du 21 juillet, le tout accompagné d'une photo où je tenais un verre d'alcool à la main, photo qui avait été vendue par un ancien camarade de l'université.
« 84 % des Anglais ne veulent pas d'une Américaine comme princesse d'Angleterre. Heureusement, les experts sont tous d'accord pour dire que les relations longue distance échouent la plupart du temps, et ce dans les six premiers mois de la séparation. Nous n'aurons donc pas à nous inquiéter de cette histoire de princesse américaine, chers téléspectateurs » avait lâché un journaliste dans une matinale sur la BBC, le 23 août.
« N'aurait-il pas pu trouver quelqu'un comme Lady Charlotte ou Lady Cécilia ? Nos Anglaises ne sont-elles pas suffisamment bien pour notre cher prince ? », 17 septembre.
« Exclusif ! Le prince boude l'anniversaire de la Reine Mère pour s'envoler aux États-Unis rejoindre sa chérie. Plus d'infos en page deux. », 3 octobre.
« Jade Lawson : récit exclusif d'une étudiante d'Oxford. Elle nous dit comment Jade avait prévu de séduire le prince ! », 19 octobre.
« Un employé du palais confirme : Jade Lawson a rencontré la famille royale avant son retour aux Etats-Unis. », 3 novembre.
« Brooke Lawson : la cousine totalement délurée de la petite amie du prince. Photos exclusives d'une soirée bien trop arrosée en page 4 », 8 novembre.
« Le Prince Alexandre et Jade Lawson : le cap des 6 mois, c'est fait ! », 14 février.
« Tout ce que vous aviez envie de savoir sur les ex de Jade Lawson. », 23 février.
Jade
14 septembre
USA, non loin de Savannah
Je pensais qu'au départ, j'avais besoin de savoir. Je voulais me tenir informée sur ce qu'il se disait sur moi. Cela était un concept un peu étrange de se renseigner sur soi-même. Trop étrange pour continuer à le faire. À chaque fois que je tombais sur un article qui parlait de moi ou de l'un de mes proches, souvent de manière peu avantageuse, la colère s'emparait de moins en l'espace d'une demi-seconde, ainsi qu'un sentiment d'injustice. Les pseudo-journalistes pouvaient publier tout ce qu'il voulait, qu'importait si c'était ou non la vérité. Tant que cela faisait vendre, c'était tout ce qui comptait pour eux. Je ne pouvais rien y faire. Je n'avais pas le droit de démentir ni de confirmer la moindre rumeur, je devais me terrer dans mon silence, espérant que le prochain article serait un peu moins blessant, un peu moins intrusif... Il n'en était jamais rien. Alors, j'avais arrêté de les lire et demandais à mon entourage de ne plus m'en faire part non plus.
Cela m'avait pris six mois. Six mois pour comprendre que je me faisais du mal pour rien. Je n'avais aucun pouvoir sur ce qui paraissait, et Alex non plus, à son plus grand désarroi. Je savais que toutes ces méchancetés émises à mon égard le mettaient dans une colère noire. Il détestait quand on m'affublait de certains surnoms et qualificatifs.
« Croqueuse de diamants », « manipulatrice », « bimbo » en étaient quelques exemples. Il y en avait sûrement eu d'autres entre temps, mais ceux-là suffisaient pour hanter mon esprit à longueur de temps.
Ce qui me mettait le plus en colère... En fait, il y en avait deux : lorsqu'ils s'en prenaient à ma famille et mes amies les plus proches, et quand j'apprenais que d'anciennes connaissances avaient vendu informations et photos contre de l'argent. Certes, cela m'avait permis de faire du tri dans mes contacts, mais j'avais été profondément blessée par la réaction de certains.
Cela faisait maintenant plus d'un an que j'étais rentrée chez moi... Un an de montagnes russes. Il y avait eu des hauts et des bas, comme pour n'importe qui.
Les journalistes et presses à scandales faisaient partie des bas, évidemment.
Le travail aussi, en grande partie. Après le premier départ d'Alex, je m'étais focalisée sur ma recherche d'emploi. Je voulais enfin me lancer dans ce que j'aimais, et j'avais également besoin de remplir mes journées pour ne pas trop penser à son absence. Les trois premiers mois furent compliqués. J'avais obtenu des entretiens, mais on ne m'avait jamais retenue. C'était douloureux, mais j'avais gardé le moral : je savais que le marché de l'emploi était très compliqué et que cela pouvait prendre du temps, encore plus dans certains secteurs comme le mien.
Finalement, en octobre, j'avais décroché un poste au Musée d'Histoire de Savannah. Ce n'était que pour une vingtaine d'heures par semaine et c'était pour de l'archivage, mais j'étais ravie de pouvoir enfin mettre un pied dans le domaine qui me passionnait !
Et ça avait été merveilleux. Toute l'équipe était chaleureuse, mon nombre d'heures avait augmenté au bout de trois mois, en début d'année. Je me sentais à ma place...
Et puis...
Et puis, peu avant le retour de l'été, début juin, j'avais surpris un échange entre ma responsable directe et une collègue. Une conversation qui portait sur ma personne et sur les véritables raisons de mon engagement. J'étais certes qualifiée d'après les dires de ma responsable, mais c'était ma notoriété qui l'avait décidé à m'embaucher.
J'avais décroché ce poste parce que j'étais la petite amie d'un prince. Parce que je faisais la couverture des magazines et que, indéniablement, la presse aurait parlé de mon lieu de travail à un moment donné ou à un autre. Et cela était d'ailleurs arrivé plusieurs fois. Ma responsable avait trouvé que toute publicité était bonne à prendre.
J'avais été utilisée. Et j'avais perdu un peu d'estime de moi au passage. Je n'avais pas décroché ce poste par moi-même, pas entièrement du moins, mais grâce à ma relation avec Alex. Involontairement.
Quant aux hauts, il y en avait quelques-uns. D'abord, les photographes. Eh oui, je pouvais les compter dans les points positifs. Si les deux premiers mois qui avaient suivi mon retour avaient été particulièrement compliqués à gérer, il était à noter que le nombre de paparazzis s'était réduit de moitié avant la fin de l'année, pour descendre à un chiffre que l'on pouvait compter sur les doigts d'une main ces six derniers mois. J'arrivais enfin à souffler, même si cette attention pouvait toujours être aussi pesante à certains moments, qu'ils fussent vingt ou trois.
Bien sûr, maman, Scarlett et Brooke comptaient dans les points positifs, comme depuis toujours.
Et Alex. Son absence me tuait chaque jour. Mais, lorsque nous étions réunis, tout ça disparaît. La distance, les photographes, la pression, la douleur. Lorsque ses lèvres touchaient les miennes, lorsque j'étais enfin dans ses bras, tout ça n'était plus qu'un lointain souvenir. Chaque caresse, chaque regard, chaque mot prononcé remettait tout en perspective et me rappelait le chance que nous avions de s'être trouvés tous les deux. Chaque retrouvaille décuplait mes sentiments pour lui et chaque moment passé en sa compagnie devenait un souvenir mémorable, même lorsqu'ils étaient entravés par une présence extérieure, par une photo volée.
Les deux voyages en Angleterre étaient dans mon top 10 de mes moments préférés de cette dernière année. Il y avait eu, tout d'abord, une semaine lors des fêtes de fin d'année. Si j'avais passé Noël avec mes proches, j'avais eu la chance de passer le Nouvel An dans sa famille.
Alex m'avait d'ailleurs présentée à ses grands-parents paternels et à d'autres membres de sa famille. Les premiers étaient quelque peu particuliers... disons froid, pour ne pas être méchante. Quant aux autres, cela s'était plutôt bien passé. La plupart avaient été accueillants, bien que j'avais senti un certain dédain chez certains.
Ensuite, il y avait eu une semaine en mai, durant laquelle nous avions fêté le premier anniversaire de mariage de Cécilia et Edward.
Durant ces deux voyages, j'avais réussi à passer suffisamment incognito pour revoir Mila et Katy à l'occasion d'une après-midi entre filles. Les retrouver avait provoqué, à chaque fois, une vague de joie et de chaleur.
Revoir la famille d'Alex aussi, bien évidemment. Je chérissais chacun des moments passés avec eux. J'étais toujours aussi mal à l'aise dans ces lieux grandioses que j'avais pu découvrir, à savoir Sandringham House à Noël, et Buckingham Palace en mai. J'avais eu droit à ma visite privée par la Reine dans sa demeure officielle de Londres.
« Une visite de Buckingham Palace par la Reine elle-même » pensai-je avec rêverie. Quelle idée farfelue, et pourtant vraie ! Et quelle après-midi magique cela avait été. J'avais ressenti une certaine pression, bien entendu. Je me sentais si petite dans ces galeries, face à ces portraits, face à l'immensité et à la profondeur de toute cette Histoire. Cela faisait plus de mille ans que le Royaume d'Angleterre existait. Mille ans de rois et de reines emblématiques.
Je devais avouer que, depuis que je sortais avec Alex, je m'étais pris de passion pour cette partie de l'Histoire. J'avais un peu délaissé mon amour pour la révolution américaine... étais-je une traîtresse ?
Cette pensée me fit rire, ce qui éveilla la curiosité de maman.
– Me partagerais-tu tes pensées avec moi ?
– Ce n'est pas très intéressant, maman.
– À entendre ton rire et à voir ton sourire, je pense pouvoir te contredire à ce sujet.
– C'est juste que... je me suis rendu compte à quel point j'étais aussi tombée amoureuse de l'Angleterre.
– Fort heureusement, cela pourrait être mal perçue de la part de la petite amie d'un Prince d'Angleterre de ne pas aimer ce pays. Surtout qu'il risque un jour d'être le tien.
Cette remarque me fit lever la tête de mon bouquin. C'était la première fois qu'elle faisait ce genre d'allusion.
– Pourquoi dis-tu ça ? feignis-je l'ignorance.
– Jade, enfin... Vous n'allez pas passer ad vitam aeternam votre temps à faire des allers-retours entre deux continents. À un moment donné, il va bien falloir que l'un de vous... eh bien, tu vois.
Oui, je voyais très bien où elle voulait en venir. Mais je ne me sentais pas encore prête à cette éventualité. Je venais à peine de commencer ma vie ici, et j'avais tellement de doutes et d'incertitudes quant au mode de vie d'Alex que je faisais de mon mieux pour ne pas penser au futur et à ce que cela pouvait impliquer. Parce que je savais qu'il n'y avait qu'une solution et que j'ignorai quelle serait la décision que je prendrais aujourd'hui si j'étais mise devant le fait accompli.
J'avais de nouveau ces titres racoleurs et peu glamours qui tourbillonnaient dans ma tête, et qui ne faisaient qu'accroître mes doutes et mes peurs.
Étions-nous voués à l'échec ?
C'était une question qui m'avait déjà traversé l'esprit, en particulier à des moments où son absence se faisait plus pesante.
– Je pense que tu devrais commencer à te poser la question sérieusement, chérie. Après tout, cela faisait plus d'un an et demi que vous êtes ensemble. Il faudra bien, un jour, que tu saches si tu es prête à vivre cette vie. Sa vie.
– Maman, dis-je en soupirant. Je sais... Et je sais que tu me dis ça pour mon bien. Mais pas aujourd'hui, s'il te plaît.
Et j'enfouissais ma tête dans le sable, encore. Nous aimions faire les autruches Alex et moi, c'était notre spécialité. Oublier le monde qui nous entoure, les circonstances de notre relation, la distance qui nous séparait. Oh nous étions si doués à ce jeu... mais l'un comme l'autre, nous savions que nous ne pourrions pas faire ça éternellement.
Malgré ça, il nous était arrivé de temps à autre de parler du futur. De façon plus ou moins abstraite, sans mentionner de continent ou de mode de vie, simplement de ce que nous voulions. Des bébés, des chiens et des voyages.
Et cette dernière partie continuait demain, lorsque je serai à nouveau dans un avion. Mais, cette fois-ci, ma destination n'était pas l'Angleterre, mais un endroit un peu plus chaud, et surtout plus tranquille pour des vacances en amoureux.
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