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La neige vole sous ces sabots...

La lande déserte se cache derrière ses voiles de brume.


Un bruit régulier mais lointain, puissant mais assourdi trouble la solitude de ce paysage maudit. Est-ce un esprit ? Les sorcières se rendent-elles au Sabbat ? Non... cela semble être une toute autre chose.


Un chevalier galope sur la plaine enneigée. Les sabots de sa monture font voler la neige qui s'éparpille dans l'air comme de la poussière d'étoiles. Il apparaît et disparaît au gré du brouillard, passant d'un monde à l'autre sans s'en apercevoir. Son armure capte la faible luminosité de la nuit et cette lueur fantomatique le rend semblable à un prince des Fées. Qui peut bien être ce jeune cavalier qui galope inlassablement au milieu des ténèbres ? Nul heaume ne protège son visage au teint lunaire, mais le vent ne parvient pas à faire couler des larmes sur ses joues imberbes. Sa chevelure s'emmêle dans les volutes enfumées de l'air nocturne, et l'obscurité semble bien terne quand le regard se perd dans ses mèches noires.


Il chevauche, ivre de désespoir, se perdant volontairement sur le chemin des Esprits.


***

Tout se passa au crépuscule.


Le vieil homme était connu, et craint, des paysans du village voisin. Il vivait dans une tour cabalistique qui se dressait effrontément vers le ciel. « Le sorcier d'la tour du démon », c'est ainsi que ces gens l'avaient surnommé. De la différence naît l'incompréhension, de l'ignorance naît la peur... Leurs peurs, à eux, se nommaient superstitions. Ils évitaient, dans la mesure du possible, d'entrer en contact avec le vieil homme qui était pleinement satisfait de cette tranquillité.


Ce que les autres appelaient « sorcellerie » était, pour lui, de la science : s'il vivait dans une tour, c'était pour pourvoir observer les constellations quand les conditions idéales étaient réunies. Et, il avait consacré la majeure partie de sa vie à cette ingrate maîtresse qu'est l'alchimie, en vain, car la Pierre Philosophale demeurait un rêve inaccessible...


Un jour, à l'heure où la lumière décline et pourtant se sublime, apparut, au pied de la tour, un jeune homme.


Son cheval, efflanqué et essoufflé, semblait à bout de force, et on avait l'impression qu'il pouvait s'écrouler sous le poids de son cavalier en armure d'un moment à l'autre. Quant à son armure, elle était vieille, cabossée et étrangement ajustée à son propriétaire comme si elle n'avait pas été ouvragée pour lui, mais trouvée de manière fortuite. Cependant, les rougeoiements de l'astre déclinant faisaient danser des reflets vermeils sur le métal vieilli et auréolaient la chevelure du jeune chevalier d'un embrasement mystérieux.


Son visage possédait le charme de cet âge éphémère où la gaucherie de l'adolescence a disparu sans laisser encore la place à la rudesse des traits d'un adulte. C'est ainsi, il me semble, que l'on se représente les dieux : un instant de grâce transformé en éternelle jeunesse...


Ses yeux, seuls, trahissaient son enfance définitivement révolue. Il se dégageait d'eux une indicible mélancolie née, peut-être, de la nostalgie de l'innocence.


Le vieux savant accueillit cet étrange visiteur avec un étonnement doublé d'une certaine joie : il n'était pas contre l'idée d'avoir un peu de compagnie de temps en temps, car la solitude peut sembler parfois un luxe bien pesant. Il offrit au jeune homme un repas consistant qu'ils prirent dans la grande salle du rez-de-chaussée.


Une fois restaurés, ils s'assirent dans de confortables fauteuils qui faisaient face à l'imposante cheminée de cette pièce principale. Vint alors le moment où, l'esprit légèrement -et agréablement- embué par les vapeurs de l'alcool bu pendant le dîner, le vieil homme questionna son jeune hôte sur ce qui l'amenait dans cette contrée inculte et reculée :


- J'ai eu vent de votre renommée alors que je voyageais dans cette région, et l'envie m'a pris de vous rencontrer. Ce serait pour moi un honneur infini si vous daigniez m'accepter en tant que disciple, et si vous m'enseigniez les rudiments de votre science.


Alors qu'il prononçait ces mots, la froideur de son regard et l'expression de profonde indifférence peinte sur son visage démentaient, ou du moins nuançaient, l'onctuosité et la flatterie contenues dans son discours. On aurait pu soupçonner une légère ironie de sa part... mais il n'y avait aucune trace de moquerie chez lui. Ce fut exactement les réflexions que se fit le savant, avant de penser que le vin rouge le rendait, décidément, bien méfiant.


- Avant de vous donner ma réponse, j'ai quelques questions à vous poser, car mon enseignement ne peut pas être dispensé au premier venu. Certaines connaissances, voyez-vous, ne doivent pas être dévoilées sans prendre de précautions... Quel est votre nom, jeune homme ?


- Je n'ai pas eu la fortune de connaître mes parents. Ma mère est morte en couches sans avoir eu le temps de révéler à quiconque le nom de mon père. En vous racontant cela, je vous avoue par la même occasion mon triste statut : je suis un enfant né en dehors des liens sacrés du mariage...


- Cela n'a absolument aucune espèce d'importance à mes yeux ! Je ne juge pas un homme à sa naissance ! J'ai d'autres critères personnels que vous découvrirez en temps voulu. Mais je vous ai interrompu alors que vous alliez me révéler votre nom.


L'espace d'un bref instant, un sourire étrange étira les lèvres du jeune garçon.


- Ma mère ne m'a pas nommé. Depuis, on m'a appelé de bien des façons, mais aucune ne m'a jamais réellement convenu... Vous pouvez m'appeler comme bon vous semble, mais je serais honoré que vous me nommiez "disciple". 


Le vieil alchimiste ne put s'empêcher de plisser les yeux en observant la personne assise à ses côtés. Quelle ruse se cachait derrière ces paroles prudentes ? Ce pouvait-il que ce tout jeune homme ne soit pas aussi néophyte qu'il voulait bien l'admettre dans le domaine des sciences occultes ? En effet, comme le sait tout érudit en la matière, il faut se méfier de l'immense pouvoir contenu dans un nom. Donner son nom à quelqu'un de malveillant revient à se mettre à sa merci. Et Dieu n'avait-il pas créé l'Univers en nommant les choses et les êtres ? Il faut signaler, à cet endroit, que si notre alchimiste n'éprouvait que mépris envers les hommes d'église (des béotiens qui pour la plupart ne savaient même pas déchiffrer le latin), il faisait montre d'un grand respect envers la Bible qu'il ne percevait pas comme la justification de dogmes intolérants, mais plutôt comme un texte admirable rempli de symboles et d'énigmes.


- Soit ! Laissons cela de côté, pour l'instant. Avez-vous quelques notions en alchimie, ou en toute autre science ?


- Mon premier maître, chez lequel j'ai passé la majeure partie de mon enfance, était un grand alchimiste qui possédait une bibliothèque très riche en ouvrages occultes. J'ai appris à lire sur des traités qui évoquaient le Grand Œuvre... Malheureusement, mon maître a été victime de l'ignorance et du fanatisme religieux. Il a été brûlé sur un bûcher après avoir été soumis à la question par les inquisiteurs qui lui ont fait avouer, à force de tortures, des pratiques sataniques. Depuis lors, je n'ai pas poursuivi mon éducation en la matière.


A l'évocation de ce souvenir pénible, la colère durcit ses traits et son regard se noircit. Il observait le feu de l'âtre d'un air sombre et les flammes qui se reflétaient dans ses yeux paraissaient contenir l'écho des cris d'agonie de son ancien maître. Le vieil homme fut ému par ce récit et respecta le silence soudain de son interlocuteur. Il comprenait trop bien ce qu'il ressentait : combien de fois, lui-même, avait-il été obligé de fuir afin d'échapper au bûcher ? Il avait passé sa vie entière avec cette peur logée dans son estomac. Et il ne goûtait à une relative sérénité que depuis quelques années. Cela coïncidait avec l'époque à laquelle il avait emménagé dans cette tour perdue, qui se trouvait si éloignée de toute grande ville qu'il doutait fort que les inquisiteurs puissent venir l'en déloger. Et, comme sa quête éperdue de connaissances n'avait pas détruit en lui tout sentiment de compassion envers son semblable, il ressentit de la pitié pour ce garçon que le Destin n'avait guère favorisé. Ce fut peut-être ce sentiment qui influença sa décision...


Finalement, il se décida à briser le silence :


- J'accepte de t'accueillir dans ma modeste demeure afin de parfaire tes connaissances ésotériques. Tu seras donc mon disciple. Mais je te préviens, j'attends de toi un comportement exemplaire : je ne veux pas d'un paresseux et si je m'aperçois que tu n'es pas digne de mon enseignement, tu devras quitter ces lieux sur-le-champ !


- Je ferai de mon mieux afin de ne pas vous décevoir.


Les deux hommes perdirent le fil de leurs pensées dans la contemplation du crépitement du feu, tout en buvant une liqueur sirupeuse.


L'initiation commença dès le jour suivant.


A l'exception des longues nuits durant lesquelles le maître et le disciple observaient les étoiles et consignaient scrupuleusement toutes leurs remarques, l'enseignement du vieil homme consistait à accumuler une grande masse de connaissances diverses et variées. L'étude des différentes théories des grands maîtres de la gnose occupait notre jeune étudiant du lever au coucher.


Il passait ainsi ses journées, enfermé dans la grande bibliothèque de la tour, à prendre des notes et à recopier des passages obscurs à caractère hautement symboliques, mais d'une importance primordiale selon le vieux maître.


Cette bibliothèque était tout à fait stupéfiante. Elle se trouvait dans la partie supérieure de la tour, juste en dessous de l'observatoire astronomique. Ses murs étaient recouverts de multiples étagères qui couraient d'un bout à l'autre de la pièce et qui s'élevaient jusqu'au plafond. Un ensemble assez hétéroclite de livres était disposé sur ces rayonnages : des petits, des grands ; des couvertures rouges, vertes ou noires ; des symboles cabalistiques ou théologiques... Tout cela représentait un spectacle fort captivant et on ne pouvait saisir la richesse de cette diversité en un seul regard.


Un escalier en colimaçon trônait au centre de la pièce et permettait d'accéder au toit. Dans un coin, une table massive en chêne disparaissait sous plusieurs strates de documents : des livres ouverts ou fermés, des parchemins noircis d'écritures cursives ou de hiéroglyphes, des feuillets sur lesquels on pouvait voir divers schémas et symboles magiques... Il flottait dans l'air le parfum caractéristique des ouvrages anciens. Et la seule lumière tolérée en ce lieu était celle des bougies, car aucune fenêtre n'avait été percée afin de préserver certaines œuvres particulièrement fragiles.


Le jeune homme étudiait, penché sur cette table, sans se lasser ni se plaindre. Le vieil alchimiste avait été surpris par tant de sérieux et d'application, mais surtout par l'immense curiosité intellectuelle dont faisait preuve son élève. Et, après quelques semaines, il lui avait accordé non seulement sa confiance, mais également son affection. Il n'observa plus aucune réserve à son égard et se mit à lui dévoiler les savoirs les plus secrets et les plus hermétiques qu'il avait accumulés tout au long de sa vie. L'intérêt du jeune disciple redoubla et ses réflexions, de plus en plus pertinentes, étonnèrent grandement le vieux maître. Cet étonnement se transforma bientôt en fierté : on pouvait voir une petite lueur briller dans ses yeux pâles quand il écoutait son jeune ami.


Plusieurs mois passèrent ainsi. Les deux hommes prirent l'habitude d'entrecouper leurs longues heures d'études par des promenades dans la forêt voisine. Ces balades sylvestres leur permettaient de cueillir des simples et de tester leurs propriétés. Ces interludes enchantaient le jeune homme qui avait l'habitude de vivre au grand air. Malgré sa passion dévorante pour la lecture de tous ces textes ésotériques, il appréciait réellement de passer de la théorie à la pratique. Faire des expériences sur ces plantes l'intéressait au plus haut point.


Cependant, ils n'étaient pas les seuls à arpenter la forêt. Certains villageois s'y rendaient de manière fréquente pour diverses raisons. Deux jeunes gens ramassaient souvent du bois non loin de l'endroit où nos deux alchimistes cueillaient leurs herbes. Ils étaient en âge de se marier et le jeune paysan avait l'intention de faire sa demande à sa camarade dès que l'occasion se présenterait. Mais il ne savait pas vraiment comment s'y prendre, car même s'ils avaient grandi ensemble, leurs caractères paraissaient fondamentalement opposés... Il était d'une nature assez rustre tandis qu'elle, à la différence des autres jeunes filles de son village, avait une propension à la rêverie.


Un soir, alors que la timide lune apparaissait à l'horizon, la jeune fille, qui s'était attardée plus que de coutume dans la forêt, surprit une conversation entre nos deux érudits. Elle se glissa derrière un immense cèdre et espionna les deux hommes. Elle ne fit pas cela par malveillance, mais son comportement lui fut inspiré par un étrange mélange de peur et de curiosité.


C'est alors qu'elle aperçut le profil délicat du jeune homme.


Le sang lui monta brutalement aux joues. Ses membres se mirent à trembler. Une chose invisible semblait comprimer sa poitrine. Sa respiration s'accéléra. Et ses yeux, comme cela était déconcertant, ses yeux ne pouvaient plus se détacher du visage de cet homme.


Elle regagna sa maison, comme dans un rêve, et son regard ne voyait plus le chemin de terre sinueux que ses pieds foulaient, car ses pensées étaient fixées sur les mèches brunes du jeune savant.


Dès lors, la jeune fille saisit le moindre prétexte pour retourner dans la forêt, dans l'espoir d'apercevoir ce mystérieux garçon. Elle passait également de longues heures à rêvasser et à soupirer. Ses proches avaient l'impression qu'elle était lointaine, presque absente, et cela même quand elle se trouvait auprès d'eux... Ses rares sourires n'éclairaient son visage que lorsqu'on lui demandait d'aller chercher du bois pour entretenir le feu.


Cet étrange changement d'attitude n'échappa point à son soupirant, qui toutefois n'en comprit pas la raison. Il se mit à l'observer avec plus d'attention et se rendit compte qu'elle avait l'air heureuse dès qu'elle se dirigeait vers les sous-bois. Il décida donc de la suivre discrètement chaque fois qu'elle prenait cette direction.


Après quelques tentatives infructueuses, il la surprit tandis qu'elle observait, en cachette, un étranger qui cueillait des fleurs rougeâtres. Un éclair de compréhension jaillit alors dans son cerveau habituellement obtus. Et cela lui fit mal, très mal même...


Pourquoi le regardait-elle de cette façon ? Et d'abord c'était qui celui-là ? Maintenant qu'il l'examinait attentivement, il se rappelait l'avoir vu un jour en compagnie du vieux sorcier d'la tour du démon. Pourquoi lui ? Il avait dû lui jeter un sort pour lui faire tourner la tête à ce point. Voilà, l'explication ! Il l'avait ensorcelée ! C'est pour ça qu'elle était devenue toute bizarre !


La jalousie, qui s'était emparée de son cœur, lui soufflait ces mensonges qui le rassuraient et apaisaient sa douleur. Il se promit de ne plus laisser la jeune femme se promener toute seule dans cette maudite forêt. Il craignait que ce suppôt de Satan ne la forçât à assister à des messes noires et autres sabbats. Il rentra au village, tout à ses hallucinations macabres pleines de sacrifices d'animaux et d'orgies démoniaques.


L'hiver revint de manière brutale. Le sol fut recouvert d'une neige durable et le froid ralentit considérablement les activités humaines. La forêt redevint le royaume solitaire dans lequel le silence ne laisse son trône qu'aux murmures du vent.


Un soleil malade brillait faiblement ce jour-là. Le jeune alchimiste était sorti afin de cueillir une plante qui avait la réputation de percer le manteau neigeux. Il jouissait du calme de cet après-midi, ainsi que du silence ouaté de l'endroit.


Mais il ignorait qu'on l'espionnait.


Alors qu'il se penchait au-dessus du cadavre d'un oiseau noir, qui se trouvait sur son chemin, la jeune fille le regardait et ne parvenait pas à le quitter des yeux. Son obsession, loin de s'affaiblir, n'avait cessé de grandir et l'avait même poussée à prendre le chemin de la forêt malgré la morsure du froid. Et elle n'était pas la seule à obéir à ses impulsions car, de l'autre côté du sentier, le jeune paysan, lui aussi, épiait la scène.


Soudain l'air sembla devenir plus épais. Un étrange parfum de fleurs envahit l'atmosphère.


Que se passait-il ? Le jeune homme s'était mis à fixer avec intensité le cadavre du corbeau et il caressait délicatement ses plumes sombres. Les couleurs devinrent plus éclatantes : la blancheur lumineuse de la neige faisait ressortir la noirceur du plumage, et le sang écarlate, tout autour, luisait. Ce tourbillon de couleurs donna le vertige à la jeune fille. Troublée, elle remarqua que la chevelure du garçon possédait exactement les mêmes nuances que le duvet de l'oiseau.


Le parfum qui flottait dans l'air s'intensifia et elle reconnut cette odeur... C'était celle des roses. Et cet effluve était d'une telle puissance que la jeune fille fut persuadée que des milliers de pétales ne tarderaient pas à jaillir des cieux...


Le visage translucide du jeune homme se mit à briller d'une lueur mystérieuse et son sang parut se concentrer exclusivement à l'intérieur de ses lèvres qui s'étiraient en un sourire inexpliqué.


Le monde entier s'était figé dans l'attente insoutenable de ce qui allait se produire.


Inexorablement.


La jeune fille ne percevait plus que le son des battements de son propre cœur.


Alors, le cadavre tressaillit.


Ce n'était qu'un mouvement imperceptible... mais ce frémissement s'affirma, peu à peu, et devint un battement d'ailes. Le corbeau était revenu à la vie. Il s'envola et celui qui l'avait ressuscité reprit son chemin comme si rien d'extraordinaire ne s'était produit.


La jeune femme était bouleversée. Elle s'était retenue de crier à grand peine et la stupeur la paralysait. Elle s'assit dans la neige, et sans réellement en comprendre la raison, elle pleura.


Quant au jeune villageois, sa surprise s'évanouit vite et laissa place à une joie cruelle. Il avait la preuve que cet homme était un sorcier, et peut-être même un démon. Il se hâta vers le village afin de raconter son aventure. Il fallait se débarrasser au plus vite de cet esprit malin, et il était certain de trouver des gens susceptibles de partager son opinion.



Ce jour-là, le crépuscule fut terrible.


Le soleil qui avait illuminé cette journée hivernale, transforma l'horizon en un fleuve de feu. Le paysage enneigé, d'habitude si pur et si lumineux, était souillé du sang du firmament.


Alors que l'obscurité reprenait lentement ses droits, une multitude de torches, qui venaient du village, avancèrent en direction de la tour. Elles suivaient le chemin sinueux et on aurait pu croire qu'un serpent titanesque, aux écailles de flammes, s'était réveillé de son sommeil légendaire... Mais de nombreuses voix humaines s'élevaient au-dessus de ces torches. Ces voix criaient leur colère, leur rage, leur intolérance... et surtout, leur peur.


Le vieil alchimiste étudiait un ancien parchemin grec depuis de nombreuses heures. Son jeune disciple avait soulevé une hypothèse d'interprétation tout à fait intéressante et nouvelle. Ce jeune homme présentait une vision des textes qui pouvait sembler déconcertante, mais qui était toujours très rafraîchissante. Le vieux savant lisait et traduisait simultanément cet écrit et sa concentration était telle qu'il n'entendit pas la rumeur de la foule regroupée devant sa demeure.


Au pied de la tour, la foule en colère perdait patience. Pourquoi le vieux sorcier et le jeune démon ne se montraient-ils pas ? Les regards haineux luisaient dans la pénombre. Les flammes des torches dansaient sur le visage du jeune paysan dont les traits rustres étaient déformés par la rage. Il haranguait les villageois et les poussait à la violence. Il n'avait jamais été un bon orateur mais la haine n'a pas besoin de grands discours pour se propager.


Soudain, il joignit le geste à la parole et lança sa torche sur le bâtiment. Les autres villageois l'imitèrent aussitôt. Le feu se propagea rapidement à l'intérieur de la charpente en bois.


La tour s'embrasa entièrement.


Depuis la forêt, un jeune cavalier contemplait la scène. Les paysans amassés autour de l'édifice ressemblaient à des insectes fascinés par l'incendie. Un cri lancinant s'échappa de la fournaise. Le vieil homme prisonnier du brasier voyait sa vie se finir ... Sa plainte funeste déchirait l'air nocturne.


Le jeune homme frémit d'horreur. La bêtise de ces hommes les avait conduits à une cruauté bestiale. Tant de connaissances perdues à jamais ! Quelle tristesse !


Une expression de mépris, cohabitant avec une colère froide, se lisait sur sa figure diaphane. Il raccourcit ses rênes, et fit faire demi-tour à sa monture.


Il s'éloigna en silence dans la nuit.


***


Il galope désespérément sur la lande enneigée comme s'il pouvait fuir ses souvenirs. Il ne pleure pas. Il en est incapable.


Le brouillard caresse sa peau lumineuse mais il ne semble pas le sentir.


Son apparence se brouille dans la nuit... tout se trouble sous la lumière des étoiles. Sa vieille armure rouillée se métamorphose en une autre splendide, comme si elle avait été façonnée avec de l'argent liquide étincelant. Son cheval boiteux devient un jeune animal qui galope avec fougue et sauvagerie. Le teint du jeune homme se met à briller étrangement... comme si la source de cette lueur surnaturelle était à l'intérieur de son corps, et non le reflet des astres nocturnes. Et ses yeux ... Ses yeux, noirs comme les ténèbres, semblent s'agrandir et miroitent de manière inquiétante.


Soudain un grand éclat de rire prend naissance au fond de sa gorge. Il rit mais son rire n'a rien de joyeux.


Il n'est pas humain.


Derrière la brume, se dessine un paysage qui ne ressemble en rien à la plaine sur laquelle cet être singulier chevauche. Une chaude lumière s'en dégage. Et des senteurs fleuries s'en échappent.


Le cavalier s'engage sur ce chemin féerique qui se referme sur son passage.


L'odeur de la rose flotte un instant dans l'air nocturne de la lande déserte, puis s'évanouit.

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