➳ Chapitre 3
Nous étions enfin vendredi soir et je me réjouissais déjà à l'idée de pouvoir faire la grasse matinée le lendemain matin. Mais avant, il y avait la soirée pyjama avec les garçons. L'idée de faire quelque chose d'interdit m'excitait encore plus, les soirées de n'importe quelle sorte dans les studios du lycée n'étant évidemment pas autorisées. Cela dit, je commençais bien l'année : je faisais quelque chose d'interdit. Moi. C'était bien la première fois, et j'espérais ne pas nous faire surprendre et renvoyer. Car si Sainte-Cécile nous accordait une grande confiance en nous mettant à disposition des chambres, une fois brisée, elle n'était pas renouvelée. Mais ils m'avaient promis de faire attention.
Alice et moi rentrâmes dans notre studio en chantant « Can we dance ». La bonne humeur était au rendez-vous depuis que nous avions découvert avoir des goûts musicaux semblables.
— Il faut qu'on achète des bonbons ! s'écria Alice
— Ne t'inquiète pas, Antoine en ramène, lui rappelai-je
— D'accord, tu as bien ton ordinateur ?
— Oui, ne t'en fais pas, Ali !
— Si tu le dis ma petite Emilie ! me répondit-elle, l'air taquin
Je jetai un coup d'œil à ma montre : ils n'allaient pas tarder ! Ils devaient juste passer à la cafétéria acheter des bonbons au distributeur. Quelques minutes plus tard, les garçons arrivèrent, un peu essoufflés.
— C'était moins une ! souffla Antoine, la respiration saccadée
— On a failli se faire attraper par le surveillant ! renchérit Thomas
— Ouf, heureusement que cela n'est pas arrivé, sinon j'aurais été déçue de ne pas avoir de bonbons ! réagit Alice
— Quoi ? s'exclama son petit ami d'un air offusqué, alors que Thomas et moi éclations de rire, tu t'inquiètes pour les bonbons et pas pour moi ?
— Les bonbons avant toute chose ! réussis-je à articuler entre deux rires.
Cette fois, Antoine et Alice se joignirent à nous, tandis qu'Alice me tapait dans la main.
Après cinq bonnes minutes de fou rire, nous nous assîmes sur le canapé. Je me retrouvai entre Thomas et Antoine et songeai que je riais autant sans doute parce que je n'étais pas encore totalement à l'aise. Des rires nerveux.
— Bref, commença Antoine, on ne se connaît pas encore très bien, déclara-t-il en me regardant, on devrait donc se présenter un à un.
— D'accord, alors je commence ! s'écria Alice, enjouée
— Vas-y, je t'en prie ! Tu es particulièrement de bonne humeur, ce soir, lui remarqua sarcastiquement Thomas
Alice lui tira la langue puis se lança dans une présentation digne de celles que j'avais pu faire en sixième au mois de septembre (et que j'allais aussi faire dans quelques minutes) :
— Je m'appelle Alice Dicfem et je viens de Franche-Comté, de Besançon, comme ces deux imbéciles ici présent, dit-elle avec un regard appuyé vers ces derniers, ce à quoi Antoine répondit par un grand sourire et Thomas un regard noir. Je joue de la batterie depuis que j'ai six ans et je n'ai ni frères ni soeurs, mais cela, tu le sais déjà. Je ne sais pas exactement ce que je veux faire plus tard, mais si je peux me lancer dans la musique, je le ferai ! J'aime aussi tout ce qui touche aux tatouages ! Ah, oui, et j'adore écouter du rock ! Mon groupe préféré est Nirvana. A toi, Antoine ! termina-t-elle en lui donnant un coup de coude, celui-ci étant à côté d'elle.
— Je m'appelle Antoine Cloitelon et j'ai quinze ans, commença-il d'une voix calme, j'habite à Besançon, et...
— Ta façon de parler est trop monotone ! l'interrompit Alice
— Et... reprit Antoine avant d'être de nouveau interrompu, par Thomas, cette fois :
— ... comme tu peux le voir, Alice est complètement déjantée ! Elle ne changera jamais, c'est un cas désespéré, il faudra t'y habituer !
Nous nous remîmes à rire aux éclats, mais nos rires redoublèrent encore lorsqu'Antoine reprit la parole, feignant d'être énervé :
— Mais laissez-moi finir à la fin !
Les rires s'estompant peu à peu, il continua sa description de lui-même :
— Donc, reprit Antoine, j'ai un petit frère, Hugo, et je voudrait être musicien professionnel.
— De quel instrument joues-tu ? interrogeai-je
— Du piano et de la clarinette. Je sais aussi jouer un peu de trompette.
— Génial !
— Thomas est mon meilleur ami. On se connaît depuis la maternelle.
— Oui, cela va faire douze ans que je supporte cet idiot... je mériterais un diplôme... soupira Thomas d'un air blasé.
Antoine ignora la pique de Thomas, et je me rendis alors compte que ma nervosité avait diminué de moitié.
— Cela va faire un an que je suis avec Alice, termina-t-il
— Et, comme tu peux le voir, les opposés s'attirent ! Alice est une véritable folle et Antoine est bien trop réfléchi ! expliqua Thomas, tandis que je m'esclaffais, vivre avec eux est un enfer, tu verras !
— Tais-toi et présente-toi ! le coupa Alice, indignée par sa remarque.
Il soupira, lassé et agacé, puis prit la parole :
— Alors je suis Thomas Phaiméco...
— Tom ou Tommy pour les intimes, précisa Antoine avec un sourire taquin.
Ce dernier le fusilla du regard.
— J'ai quinze ans -tu sais déjà que je viens de Besançon- et j'ai un grand frère, Nicolas et une petite soeur, Léa. Je voudrais être chanteur, ajouta-t-il en me fixant de ses yeux verts. A toi, maintenant !
— Alors, Emilie Dray et j'ai...
— Dray ? Ton nom de famille ne serait pas américain ? me coupa Antoine
C'est vrai que tous les professeurs ont prononcé mon nom à la française, songeai-je, et donc pas correctement.
— Si, mon père est américain et ma mère est française, lui répondis-je. Je parle aussi bien l'anglais que le français.
— On ne t'a pas entendue cette semaine, en anglais, observa Thomas
— Je n'aime pas être au centre de l'attention, expliquai-je, et puis tout le monde m'aurait regardée bizarrement parce que je participe à l'échange alors que je parle déjà couramment l'anglais.
— Mais non ! Tu as été choisie de la même manière que tout le monde, me rassura Antoine
— Mon amie est bilingue ! s'exclama alors Alice dans une voix enfantine
Je lui souris puis continuai, peu désireuse de les laisser s'extasier sur mon côté anglophone :
— Je viens de Lyon et j'ai un grand frère, Simon.
— Présente-le moi à l'occasion, me glissa Alice
— Mais tu m'as déjà moi ! protesta Antoine, jaloux
— C'est pour rire ! le taquina-t-elle.
Antoine afficha une moue boudeuse et Alice lui fit un bisou sur la joue.
— Continue ! me lança-t-elle
— Mon rêve serait de vivre de la musique et je joue de la guitare, achevai-je, décidant de ne pas évoquer mes années collège
— Rajoute dans ta description que tu as une voix angélique, me conseilla Thomas, un sourire charmeur aux lèvres.
J'ignorai mon coeur qui commençait à s'affoler et lui souris, mal à l'aise. Il n'était pas obligé d'employer ce mot ! Je jetai alors mon dévolu sur le sol, cherchant n'importe quoi à dire pour briser le malaise entre Thomas et moi.
— J'ai une idée ! s'écria subitement Alice, tandis que je la remerciais intérieurement
— On écoute ta formidable idée, lui répondit sarcastiquement Thomas
— Chacun d'entre nous va décrire une chose anormale qu'il sait faire !
— Elle est complètement tordue, murmura Thomas de manière à ce qu'il n'y ait que moi qui l'entende.
Je dus me mordre les joues pour ne pas rire.
— Emilie, tu commences !
— Euh, je sais jouer Lettre à Elise à la guitare électrique ? hasardai-je
— Pas assez bizarre, commenta Antoine
— J'adore chanter et écouter des chants de Noël en plein été ? hésitai-je
— Pas mal, mais cela ne sort pas suffisamment de l'ordinaire pour moi ! répliqua Alice
— Excuse-moi ? Mais qui écoute des chants de Noël en plein été ? intervint Thomas, c'est complètement anachronique, poursuivit-il en secouant la tête. Tu le fais vraiment ? ajouta-t-il à mon adresse, un sourcil haussé
— Oui, avouai-je sur un ton appuyé, les sourcils froncés par l'étonnement de sa réaction
— Ne t'en fais pas, Alice adore faire des maquillages d'Halloween à Pâques, me rassura Antoine
— Comme si cela pouvait me rassurer ! m'exclamai-je, ces habitudes ne vont qu'empirer ! conclus-je
— Tape m'en cinq, mon excentrique préférée ! s'écria Alice
Si ensuite je leur signalai qu'on était peut être trop bruyants, ils firent l'effort de parler moins fort, et nous finîmes par regarder un film sur mon ordinateur, tout de même fatigués de la semaine... Un peu après minuit, les garçons avaient regagné leur chambre et nous étions bien sagement au lit. J'étais soulagée qu'il n'y ait pas eu de soucis, et j'étais d'autant plus heureuse de me sentir aussi bien avec des nouvelles personnes : je ne m'étais ensuite plus sentie gênée ou confuse... Mieux encore, je m'étais sentie bien, malgré le fait que tous trois étaient incroyablement proches. Aucun d'entre eux n'avait cherché à m'exclure.
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