Étrangement, je n'ai pas été plus étonné — ni plus surpris — que ça.

— Pourquoi ? ai-je voulu savoir.

Oh, la mauvaise idée !

Quand ton patron — et à plus forte raison quelqu'un comme le Boss — te dit « Fais-ci » ou « Fais-ça », tu obéis sans discuter. Tu ne réponds pas « Pourquoi ? » mais « D'accord », même lorsqu'il s'agit de se jeter du haut d'un immeuble ou, dans mon cas, de tuer quelqu'un.

Le Boss m'a jeté un regard dénué de toute sympathie. Je crois bien que, pendant un instant, l'idée de me tuer lui a sérieusement traversé la tête. Mais il devait être de bonne humeur car il a juste répondu :

— Il interfère dans mes affaires et je n'aime pas ça.

C'était un motif de meurtre des plus discutables à mon avis, et vu que c'est moi qui allais appuyer sur la détente, j'aurais bien voulu avoir mon mot à dire mais le Boss n'aime pas qu'on discute des ordres. Si on ne la ferme pas, c'est lui qui nous faire taire — de manière radicale et définitive —, alors j'ai préféré ne rien rétorquer.

Il a fini d'astiquer la chaise — qui n'avait jamais été aussi propre — et m'a jeté son mouchoir sale à la figure. Il a ensuite claqué des doigts et Skull s'est empressé de lui en donner un tout neuf.

— Ce sera un boulot facile, a dit Little B pendant que je tenais le mouchoir en soie entre mes doigts, comme s'il allait m'exploser au visage d'une seconde à l'autre.

Bah voyons. J'allais juste devoir tuer le maire d'une des villes les plus importantes de notre pays, donc l'un des personnages politiques les plus influents — et sûrement les mieux protégés.

Fingers in the nose.

— Tout a déjà été planifié, a dit le Boss. Vous ferez ça la semaine prochaine, juste après son meeting.

Évidemment.

Le maire actuel est en pleine campagne pour sa propre réélection. Et le Boss n'apprécie pas franchement le personnage, comme vous l'avez sûrement compris, notamment parce qu'il mène une guerre sans pitié contre le crime organisé. Donc, comme toutes les choses désagréables qui le gênent, le Boss a décidé de s'en débarrasser.

Si on devait virer tous les politiciens incompétents, tous les politiciens qui vous chient leurs promesses au visage une fois élus, tous les politiciens véreux et corrompus, eh bien, il n'y aurait plus de politicien du tout. Du coup, ça me peinait un peu qu'on doive tuer quelqu'un qui, pour une fois, faisait un travail à peu près correct.

— Comment on va si prendre ? ai-je voulu savoir.

— Comme pour Clinton, a grogné Skull. Bam ! Bam ! Bam ! a-t-il fait, ses mains simulant un pistolet tirant sur une cible imaginaire.

— Mais non, crétin, comme pour Kennedy ! l'a tancé vertement Mini Boss. Clinton, c'était la secrétaire.

Skull n'a pas réagi à l'insulte — probablement parce qu'il ne l'avait pas comprise.

— Vous... vous comptez l'abattre en pleine rue ? ai-je demandé, une pointe d'incrédulité dans la voix.

Je comprenais maintenant pourquoi le Boss nous avait choisi, Skull et moi. Ce n'était pas une question de boulot bien fait et de promotion. On m'avait pourtant prévenu et je venais d'en avoir la confirmation : on voulait faire de nous des boucs émissaires à lyncher ensuite sur la place publique. C'est nos têtes qui allaient tomber, nos noms qui passeraient à la sombre postérité, à l'instar d'un Lee Harvey Oswald ou d'un John Wilkes Booth, tandis que le Boss garderait les mains propres et pourrait continuer à gérer tranquillement son empire.

Le Boss m'a jeté un regard perçant, comme s'il doutait tout à coup de mes capacités à mener à bien cette mission — et croyez-moi, je m'en serais volontiers passé ; mais ma récente conversation téléphonique avait complètement changé la donne et je devais à tout prix lui faire accepter mon plan.

— Que je me permette de faire quelques petites hypothèses et extrapolations, me suis-je empressé de dire, avant que Little B ne se décide, tout comme pour Karl, de se passer de mes services. Imaginons que le maire actuel décide de faire de sa lutte contre le crime sa priorité numéro une, et même d'en faire le fer de lance de sa campagne. Imaginons que son concurrent est, lui, tout acquis à votre cause — ou, disons, plus conciliant. Imaginons maintenant que notre... notre adversaire soit très bien placé dans les sondages, et même donné largement favori pour les prochaines élections. Il deviendrait impératif, pour ne pas dire urgent, de s'en débarrasser... mais pas forcément avec la méthode que vous proposez.

— Et comment comptes-tu t'y prendre ? a-t-il dangereusement ronronné.

J'ai dégluti, imaginant tout à coup son index se pointer sur moi tandis que son pouce se tournait vers le bas, un peu comme un empereur romain aux jeux du cirque décidant de condamner à mort le gladiateur dans l'arène.

— Eh bien, euh... si on l'abat en pleine rue, ai-je dit, les soupçons se porteront inévitablement sur son concurrent, ce qui pourrait ruiner ses chances de victoire, ou alors sur vous, ce qui pourrait obliger les candidats à reprendre son cheval de bataille.

— Cheval ? a dit Skull, l'incompréhension se peignant sur son crâne épais de marsouin.

— La lutte contre le crime, ai-je patiemment expliqué. Par contre, si on retrouvait le maire mort d'une overdose dans les bras d'une pute, le déshonneur serait total pour lui, sa famille et son parti, et leur ferait perdre à coup sûr les élections.

Le Boss a semblé réfléchir pendant quelques instants puis a fini par hocher la tête.

— Très bien. Je ne sais pas comment vous allez vous y prendre pour le piéger et le tuer, mais vous avez carte blanche. Cela devra être fait avant la fin de la semaine prochaine.

Il m'a alors adressé un sourire de requin dont j'ai parfaitement compris la signification : « T'as pas intérêt à te planter sinon c'est toi qui prendras sa place. »

Puis, au moment de partir, il a lancé :

— Au fait, évite le coup de la pute. Il est autant hétéro que Elton John.

En parlant d'Elton... je savais exactement qui allait pouvoir me renseigner et m'apporter une aide précieuse sur ce coup-là.

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Salut !

J'espère que vous allez bien en ce début d'année et que vous n'avez pas encore laissé tomber vos bonnes résolutions ;)

Pour ma part, j'ai décidé de n'en prendre aucune car je suis incapable de les tenir ^^

Je suis en tout cas ravi de vous retrouver et de vous proposer de nouveaux chapitres de "La Mort m'irait si bien" :)

D'ailleurs, bonne nouvelle, dans ma grande mansuétude, je ne vais pas mettre en ligne uniquement ce chapitre mais 6 nouveaux chapitres, à raison d'un chapitre publié tous les trois jours !

Je sais, Noël est passé, mais je suis comme ça, d'une extrême bonté doublée d'une incroyable générosité !

J'espère que vous appréciez toujours autant les (més)aventures de Bobby ! :D

À très vite !

Thomas :)