- Robert ? a chuchoté mon père, à quatre pattes en haut des escaliers.

J'ai grincé des dents, j'ai levé les yeux au ciel, j'ai poussé un soupir d'exaspération et j'ai prié pour qu'il glisse, chute dans les escaliers et se casse le col du fémur.

(Plus ça va et plus je deviens bigot).

- Robert ? Il est parti ?

Mon père a descendu les escaliers sur la pointe des pieds. Voyant qu'il n'y avait aucun géant caché sous le porte-parapluie dans l'entrée, il a poussé un soupir de soulagement et m'a rejoint dans l'entrée.

- Dis-moi, fiston, qu'est-ce que c'est que ça ?

En voyant ce qu'il tenait à la main, je n'ai pas pu m'empêcher de rougir et d'être en même temps furieux.

- Tu as fouillé dans mes affaires !

- Là n'est pas la question ! a-t-il répondu. J'étais en train de chercher la vieille cassette que je t'avais donnée quand tu étais enfant...

(Cassette vidéo qui s'intitulait « Dans l'intimité des Village People » et qui aurait dû, en voyant les rapports bien plus qu'amicaux qu'entretenaient l'indien et le motard cuir du groupe, me mettre la puce à l'oreille concernant mon père ; à l'époque, j'avais été terriblement déçu qu'ils ne chantent pas YMCA).

-... quand je suis tombé sur cette horreur ! s'est-il écrié d'un air dégoûté en agitant une photo défraîchie datant d'une bonne vingtaine d'années.

- Tu parles quand même de Madonna ! C'est un vrai sex symbol sur cette photo !

- Elle a trahi Elton, a déclaré mon père, comme si ça expliquait tout. Et puis, ce n'est pas en fantasmant sur une vieille photo que tu vas réussir à séduire une femme !

- Je n'ai pas l'intention de coucher avec la première venue, ai-je répondu d'un ton pincé.

Un silence de plomb a suivi mes paroles.

- Attends... ce que tu es en train de dire, c'est que tu comptes... enfin, tu-sais-quoi, tu comptes attendre d'être marié pour le faire ? s'est exclamé mon père, les yeux ronds.

J'ai décidé de ne pas répondre à ses insinuations grotesques. Au lieu de ça, j'ai préféré m'enfermer dans un silence que je jugeais empreint de dignité.

Mon père, pendant ce temps, semblait sur le point de se fêler les côtes les unes après les autres à force de vouloir réprimer son fou rire.

- Tu crois quoi ? Que ta future dulcinée va trouver ça terriblement romantique ?

J'ai hoché la tête malgré moi et mon père a fini par exploser d'un rire gras et peu charitable.

- Un... bon... conseil... fiston, a-t-il réussi à dire entre deux hoquets. Si tu ne veux pas que ta... future femme... ait l'impression de faire l'amour... avec un manche à balai... t'as intérêt à t'entraîner avant !

Une fois son calme retrouvé, mon père m'a fixé droit dans les yeux et, le plus sérieusement du monde, a ajouté :

- Tu sais, c'est un peu comme faire le Tour de France : avant de te lancer dans la course, il faut apprendre à pédaler.

Il s'est remis à ricaner, comme si j'étais la chose la plus drôle - ou la plus risible - qu'il ait jamais vu.

- Ah, vraiment, a-t-il conclu en s'essuyant les yeux, ce que tu peux être niais !

Je me suis précipité dans la cuisine, j'ai pris le plus gros couteau que j'ai pu trouver et j'ai planté mon père.

Il s'est effondré à terre, le regard surpris, ses mains glissant maladroitement sur le manche du couteau enfoncé dans son ventre. Il a levé ses yeux vitreux vers moi, puis sa tête a basculé vers l'arrière et il a fini par mourir au milieu du salon, dans une gigantesque mare de sang.

[FIN DU CHAPITRE]

* * * * *

Petit aparté : ce n'est pas particulièrement énervant, les gens qui terminent systématiquement leur chapitre avec un retournement de situation ou un cliffhanger destinés à jouer avec les nerfs des lecteurs, juste pour les pousser à lire le chapitre suivant ?

(J'adore faire ça).

Un peu comme dans ces soaps mièvres et ridicules où Brad apprend de Rose (et tiens, prends-toi ça dans la tronche, Pouffiasse No. 1) que « Bill n'est pas ton père. Non, mon chéri, je dois t'avouer la vérité aujourd'hui, ton père est... », et on enchaîne sur le générique de fin, tandis qu'une voix grave déclame en fond sonore : « Qui est le père de Brad ? Est-ce Steve, le jumeau maléfique et mégalomaniaque de Bill ? Ou bien Mark, le cousin schizophrène de Rose, qui l'a violée dans la ferme familiale au milieu des brebis et des cochons (oh non, quelle horreur, des cochons !), à l'été de leurs treize ans ? Vous connaîtrez enfin la vérité sur le père de Brad dans le prochain épisode. »

Et, en bons spectateurs crédules, nous sommes persuadés que Rose va enfin dire la vérité à son fils - cette vérité tant attendue qui met les nerfs des ménagères à si rude épreuve !

MAIS NON !

Car dans l'épisode suivant, Rose va faire une crise cardiaque à cause de la tumeur dans son sein gauche, et finalement mourir d'une infection d'un cor au pied. Et Brad n'apprendra la vérité que vingt-huit saisons plus tard (les scénaristes ayant oublié l'intrigue entretemps), lorsque les extraterrestres qui l'auront enlevé le doteront du pouvoir de ressusciter les morts (pouvoir qu'aimerait posséder Skull pour faire revenir Adolph des Enfers).

Que doivent donc retenir les spectateurs crédules que nous sommes ?

D'abord, que les femmes avec une tumeur au sein gauche associée à des durillons ont plus de chance de mourir que celles ayant une tumeur au sein droit ; et ensuite, qu'il ne faut pas s'étonner si l'économie se casse la gueule quand les gens croient en de telles absurdités.

Bref, tout ça pour dire que c'est particulièrement énervant, les gens qui usent et abusent des retournements de situations et des cliffhangers à seule fin d'empêcher les lecteurs de dormir, d'être efficaces à l'école ou au travail, et d'avoir une vie sociale épanouie.

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Salut !

Mais quel retournement de situation !

Vous vous y attendiez, à ça ? Je savais que Madonna déchaînait les passions, mais pas au point de tuer son propre père... Hum, attendez, ça a un air de déjà vu ça ^^

En attendant la suite qui va arriver très vite, n'hésitez pas à voter ★ si vous avez aimé ;)

À très vite !

Thomas :)