08 - L'homme de foi & l'homme d'affaires
- Au nom de l'Éternel Père, de son Saint Fils et de la Douce et Chaste Vierge (petite moue lubrique), moi, Géryon Gregorio McGregor, premier du nom, grand prêtre de la Très Sainte Église (petit sourire satisfait), vais maintenant procéder à la confession et à la purification de... (il m'a jeté un regard interrogateur, a semblé réfléchir quelques secondes, puis a continué :)... à la purification de Robert Roberto Robert, deuxième du nom, qui a tenté de mettre fin à ses jours par quatre fois, et qui a lamentablement échoué à chaque tentative (coup d'œil réprobateur).
C'est moi ou tout le monde a l'air de penser que je ne suis qu'un pauvre minable (déjà parce que j'ai essayé de me tuer, et parce qu'en plus je me suis raté à chaque fois) ?
Géryon s'est tu pendant quelques instants, comme s'il était face à un terrible dilemme.
- Tu sais, a-t-il fini par dire, j'ai deux avis plutôt contraires sur ces échecs. Lequel des deux souhaites-tu entendre ? Celui de l'homme de foi que je suis, ou celui de l'homme d'affaires que je suis également ?
« Aucun des deux », ai-je eu envie de rétorquer, mais j'étais à peu près sûr qu'il cachait un couteau à cran d'arrêt sous sa robe et qu'il n'hésiterait pas à s'en servir si ma réponse lui déplaisait.
- Euh... les deux ? ai-je risqué.
- Excellent choix ! s'est-il exclamé avec un sourire satisfait.
Je déteste quand il fait ce sourire-là, il est carrément flippant ; à côté, les prêtres pédophiles font figure d'enfants de chœur.
- Par lequel veux-tu que je commence ?
- L'avis de l'homme d'affaires ?
Son sourire s'est lentement effacé - c'est encore plus flippant que quand il sourit.
- Non, non, l'autre, me suis-je empressé de dire en voyant sa main passer sous sa robe. L'avis de l'homme de foi !
Sa main s'est arrêtée à un certain endroit de son anatomie pour gratter ladite partie du corps que je ne nommerai point, puis est ressortie, comme si de rien n'était.
- Bien, bien, a-t-il dit en tapotant ma joue avec cette même main.
J'ai eu une brusque envie de vomir, mais je me suis retenu au dernier moment - parce que si je l'avais fait, ce n'est pas le couteau qu'il aurait sorti.
Géryon a ensuite joint les mains et posé son menton dessus. Il a légèrement incliné la tête sur le côté tout en fermant à moitié les yeux. Puis il a pris un air profond et réfléchi (ou qu'il pensait être profond et réfléchi).
- Vois-tu, Robert, Dieu nous a façonnés pour que nous soyons ce que nous sommes.
Ouah. J'ai hâte d'entendre la suite.
- Ce n'est pas pour rien si certaines femmes ont de plus gros seins que d'autres.
- Ah bon ?
- Bien sûr, a-t-il répliqué sur le ton de l'évidence. Sinon Dieu n'aurait pas pu créer les chirurgiens esthétiques et les implants mammaires en silicone, et donc favoriser le plein emploi. Tu vois, Dieu pense à tout.
J'ai émis un bruit de gorge indistinct, qui pouvait tout aussi bien passer pour de la franche incrédulité ou une pleine et entière approbation. Géryon a dû penser que c'était la deuxième option (notamment parce que personne n'oserait jamais le contredire) car il a poursuivi sur sa lancée :
- Je pourrais continuer avec de nombreux autres exemples, mais je suis sûr que tu as compris l'idée générale, n'est-ce pas ?
J'ai hoché la tête, et j'ai eu la désagréable sensation que ma blessure à la tempe s'était rouverte et qu'une partie de mon cerveau s'écoulait à travers.
- Dieu, a dit Géryon, ne se trompe jamais, pour la simple et bonne raison qu'Il est Dieu. S'Il t'a fait tel que tu es, c'est parce qu'il devait en être ainsi et pas autrement. Me comprends-tu ?
- Ouais, ai-je répondu (à défaut de pouvoir répondre autre chose).
- Alors, peut-être que ta vie ne te semble pas si extraordinaire, ni si parfaite, mais sache que d'autres personnes souffrent plus que toi. Sois heureux d'avoir ce que tu as.
J'ai trouvé ses paroles un peu faciles - surtout venant de quelqu'un qui roule en Ferrari, possède un magnifique yacht de trente mètres de long, une somptueuse villa sur la Côte d'Azur, une multitude de comptes en banque secrets, et qui se paye en plus le luxe d'arnaquer le fisc depuis des années sans que personne ne trouve rien à y redire.
- Ne cherche pas à rejoindre Dieu avant qu'Il ne t'ait rappelé à Lui. Lorsque le moment sera venu, tu le sauras, ne t'inquiète pas.
Il m'a adressé un sourire qui se voulait bienveillant mais j'ai failli me faire dessus.
Géryon s'est ensuite tourné vers la porte de ma chambre qui était grande ouverte.
- Ça te dérange si je la ferme ? a-t-il demandé en se dirigeant vers elle.
- Ou... (il a fermé la porte et s'est tourné vers moi)... n-non.
Géryon est revenu à mon chevet et a posé une fesse sur mon lit (enfin, sur moi, principalement). Il y a eu un craquement assez sinistre suivi d'une intense douleur qui m'a fait monter les larmes aux yeux, et j'en ai déduit qu'il venait de me déboîter le genou.
- Maintenant, je vais te donner l'avis de l'homme d'affaires que je suis, a-t-il murmuré en se penchant vers moi.
Sa voix est devenue si glaciale qu'elle a fait baisser la température de la pièce de plusieurs degrés d'un coup. J'ai frissonné.
- Je sais que la petite pétoire que tu as utilisée pour te faire sauter la cervelle, tu l'as prise à ce crétin de géant qui te sert de frère.
- Demi-frère, ai-je corrigé malgré moi.
- On s'en fout ! a grondé Géryon et je me le suis tenu pour dit - c'est-à-dire que j'ai fermé ma gueule en priant de toutes mes forces pour qu'il ne me déboîte pas l'autre genou.
- Ce que je sais, a-t-il continué, c'est que tu dois être aussi abruti que lui pour ne pas avoir réussi à te faire exploser la tête.
- Les médecins ont dit que c'était un miracle, n'ai-je pas pu m'empêcher de répliquer.
Mais pourquoi suis-je incapable de la boucler plus de deux minutes ?
- Les médecins ! Un miracle ! s'est exclamé Géryon avec dédain. Qu'est-ce qu'ils y connaissent ? S'ils savaient ce que je sais...
Il a poussé un long soupir dont le sens profond m'a échappé.
- Mais l'homme d'affaires que je suis n'en a rien à faire, a-t-il repris. Ce qui me gêne, vois-tu, c'est que tu as essayé de te tuer avec un de mes produits.
« Aïe », ai-je pensé - notamment parce qu'il venait de rajouter le poids de sa deuxième fesse sur mon genou déboîté.
- Et ça me met vraiment en rogne, vois-tu. Parce que, et d'un, on va croire que je fournis de la camelote, et qu'en plus je la fournis au premier merdeux venu ; et de deux, peux-tu me dire ce que tu as fait de cette PUTAIN D'ARME ?! a-t-il hurlé si brusquement que cette fois je me suis vraiment fait dessus.
- J-je... Je sais pas, ai-je réussi à bredouiller. Je... pas en état...
- Je vais te dire, moi, où elle se trouve ! a-t-il continué à hurler (mais ça ne m'a plus rien fait, parce qu'il n'y avait plus l'effet de surprise et parce que ma vessie était complètement à sec, maintenant). Chez les flics, qui ne vont pas manquer de venir t'interroger pour savoir où tu l'as eue !
J'ai baissé les yeux - non pas parce que j'avais peur de lui (enfin, si, j'avais peur de lui), mais parce qu'il n'arrêtait pas de me postillonner dessus.
Lui aussi a baissé les yeux, et nous avons alors pu observer un spectacle des plus étonnants, à savoir l'énorme bosse au niveau de son entrejambe.
- Ce... Ce n'est rien, a dit Géryon, gêné. Juste mon Glock.
Je ne sais pas vous, mais personnellement j'aurais préféré avoir autre chose pointée sur moi - et puis, d'ailleurs, qui peut avoir l'idée de ranger son pistolet à cet endroit ?
- Bref, a conclu Géryon comme si de rien n'était, tu nous mets tous dans une merde noire.
J'ai eu la vague impression d'avoir déjà entendu ça. Mais avant d'avoir pu me rappeler exactement : Où ? Quand ? Qui ? Comment ? Pourquoi ?, Géryon s'est penché vers moi. J'ai cru qu'il allait m'embrasser, mais il n'a fait que me foutre un coup de boule (je préfère ça à l'autre idée, et n'importe quelle personne saine d'esprit qui connaît un tant soit peu Géryon aurait été de mon avis).
Cette fois, mon cerveau s'est bien mis à couler à travers ma blessure et je crois que je suis tombé dans les vapes (ouais, c'est pas glorieux, mais c'est comme ça).
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