La Montagne
Le bruit des couverts, les cries et les pleurs d’enfants, les blablas des adultes, tout bourdonnaient dans mes pauvres tympans. Le peu de repos que je m’étais récemment accordé mêlé à ce bouquant tout juste supportable, me donnait le mal de tête, comme si mon cerveau baignant dans le liquide qui remplissait ma boîte crânienne allait fondre par mes cavités nasale, tel le rhume que j’avais depuis 2004. Mais je ne le fis savoir à personne. Pourquoi ? Humm… Je suppose que j’aurai beau avoir des métaphores foireuses pour exprimer ma migraine, je n’allais pas y couper, à cette petite fête. Tout ce que je voulais, c’était m’échapper de cette salle décorée de ballons roses et blanches où parents et enfants s’étaient rassemblés pour un anniversaire qui n’était même pas le mien.
Où je voulais en venir, c’est que cette fille qui fêtait sa première année parmi nous, sur Terre, portait le même prénom que moi. Ça ne me dérangeait pas, au contraire j’étais contente d’avoir un genre de mini-moi. Seulement, c’était troublant de parler de quelqu’un en employant son propre prénom. Même que souvent, je ne savais pas si on parlait de moi ou de cette fillette aux yeux bleus. Jamais je n’arriverai à oublier ce visage aux joues rebondies avec la petite touffe de cheveux blonds et fins qui cadrait son beau visage rond.
On m’appelle, mais je ne répondis pas. Mon prénom se répéta une seconde fois dans mes oreilles et je me résignai finalement à lever la tête de mon plat tout juste terminé. Est-ce que j’allais bien, me demanda-t-on face à mon air fatigué ? Oui, j’allais vraiment bien, j’avais beaucoup travaillé la veille et je me suis couchée tard, certes, mais malgré cela, mon humeur n’avait pas encore décidé de me jouer quelconque mauvais tour. Je répondis d’un hochement de tête, un sourire sincère encré sur le visage. Tout allait bien en ce moment.
Le surplus de bruit ne cessa point. Je me levai et poliment, je fis comprendre que je voulais prendre l’air. Ma veste vert sapin enfilé, mon capuchon à fourrure rabattu sur la tête et mon écharpe bordeaux remonté jusqu’à mon nez, je sortis, laissant derrière cette porte en bois d’un arbre inconnu, la jouissance des invités buvant et mangeant. D’un coup de pied, je fis dégager la neige du bord d’un banc afin de m’y assoir. Il était revenu me tenir compagnie, ce chat marron tigré de fines rayures noires dont j’ignorais l’espèce qui réclamait des caresses depuis mon arrivé.
Il ne neigeait pas. En réalité, le ciel était plutôt dégagé et le soleil caressait le peu de parcelle de peau nu que j’exposais à l’air libre. Il ne faisait pas spécialement froid malgré les -5 degrés Celsius qui rafraîchissait l’oxygène. Je ne ressentais rien de désagréable. Quoique mes mains, elles, étaient gelées. Je les avais sorties de mes poches pour prendre des photos afin de la partager avec ma maman, et impossible de garder mes gants bien trop épaisses pour atteindre le bouton de mon appareil. 1250 mètres je crois, voilà la hauteur à laquelle je me trouvais actuellement.
À deux mètres et demis de moi se trouvait une clôture, la délimitation de la terrasse où je me suis posée. En bas, un parc de jeux. Les rires d’enfants se laissaient entendre derrière la musique de mes écouteurs. Je ne faisais pas tellement attention à ce que j’écoutais, mais plutôt à ce que je voyais et ce que je ressentais. Soudain, un miaulement de chat, le voilà qui s’éloignait, me faussant ainsi compagnie. Tout autour de moi, des chaînes de montagnes. Les forêts tapis sous le manteau cristallin laissaient distinguer faiblement du vert, et les rochers gris en étaient de même, mais dépourvus de végétation. Lorsque je levais les yeux aux ciel, je voyais le sommet des montagnes, tout blanc, comme la neige qui m’entourait. Soudain, un homme que je connaissais que trop bien s’approcha de la clôture. Le chat se baladait près de nous. Le premier ria en remarquant la bête. « C’est ton nouveau pote ? » Demanda-t-il sur le ton de la plaisanterie.
Mes doigts devenaient gelés, elles me faisaient mal. Pourtant, sa bonne humeur m’arracha un sourire, celui qui s’était évanouie lorsque je songeais à la beauté de ces montagnes. « Yep, il s’appelle Chalet. » Lui répondis-je, tenant compte de la couleur de la fourrure de l’animal en question. Il répondit à mon sourire et s’éloigna pour se réchauffer à l’intérieur. Mon regard se vira à nouveau sur le paysage. Mon appareil semblait trembler sous les secousses de mes mains froides ; je devais prendre cette photo au plus vite. Je pressai le bouton et pris un cliché de ce qui me faisait face depuis tout à l’heure.
À chaque fois que je verrai cette photo, je songerai à cet instant précis de plénitude et de calme. Celui où tout allait bien. Pourtant, j’avais hâte de rentrer chez moi pour le retrouver et lui montrer ma photo, ainsi que la montrer à ma mère.
Mon sourire se décomposa à nouveau. Pourquoi songeais-je encore à lui ? À ce visage plein d'expressions mais ce sourire presque forcé, sa manière de s’adresser à moi que je voulais haïr plus que tout au monde, plus que les araignées ou les épinards. Je l’évitais, je le dénigrais en face, mais pourtant, c’était bien la seule personne vers qui je me tournais lorsque mon cœur allait mal. Plus je pensais à lui, plus je me posais des questions à son sujet. Je ne savais pas ce qu'il pensait réellement de moi, je ne connaissais guère son passée, et il ne m’a jamais dit s'il aimait la raclette.
Je soupire.
J’aimerai que cet instant dure pour toujours, sans jamais me relever de ce banc. Mais une partie de moi voulait le retrouver, cette personne que je connaissais si mal, je voulais apprendre à le connaître mais également, continuer de le détester.
Je regardais la photo. « Je devrais dire la vérité à mes parents avant qu’ils ne découvrent sa présence dans la maison… » Me dis-je en levant les yeux au ciel.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro