Neuf - La tombe
Je ne me rendis pas au rendez-vous le lendemain. Peu m'importait la suite, et le rôle d'une Cachée est justement de rester cachée.
Ce jour là, j'avais décidée de me rendre au cimetière : je voulais dire adieu à Givre.
Seulement,... devant la grille du cimetière, un loup attendait. J'amorçais un mouvement de fuite lorsque je le vis, mais il me retint :
- Salut. C'est toi la blessée ?
- Pardon ? demandai-je, ahurie
- Je suis le solitaire M'lizz. Ma grand mère était une guérisseuse, et j'ai reçu d'elle quelques dons. Toi... Ton âme est amputée. C'est pour ça que je t'ai appelé la blessée.
- Ah. dis-je, l'esprit vide devant son discours.
"Non mais c'est qui ce mec ?!" pensai je
- Hum. Donc je suis venu, parce que je n'ai pas pu faire autrement.
- Euh... C'est-à-dire ?
- Ton âme appelle à l'aide. J'ai répondu à l'appel.
"Mais c'est du grand n'importe quoi, il est fou en fait !"
- Mon... "âme" ?
- Ton esprit, ton cœur, ton subconscient, ce que tu veux !
- Et... tu es censé me faire quoi pour "guérir" mon "âme" ?
Il eu un sourire ironique :
- Prend le comme une séance gratuite chez un psy. Tu parle, j'écoute.
- Hum... ok. Et qu'est qui me prouve que tu est vraiment un guérisseur ?
- Ça, déclara t-il en remontant son t-shirt le long du dos. Un tatouage de liane apparu, symbole des guérisseurs.
"Et si je ne veux pas ?" puis je pensais : "Bah, ça peut pas me faire de mal, allons y". Alors je lui dis:
- C'est d'accord.
Nous nous mîmes en route vers sa tombe. Sur le chemin, je racontais, et me plongeais dans de douloureux souvenirs :
- Il était malade. Le jour de sa... mort.
En fait, ce n'était pas tout à fait exact...
<< Toute la journée, Lucas s'était sentit mal : maux de tête, fièvre... Mais ce soir là nous avions rendez-vous avec la meute pour devenir Givre et Météore et il tenait à y aller. Le matin j'avais pourtant appelé Charbon pour avoir son avis.
- Ne t'en fais pas, m'avait t-il dit, ça doit pas être grand chose. Si demain ça n'est pas passé on le forcera à aller chez le docteur.
J'avais acquiescé, confiante dans mon Alpha, puis j'étais retournée le voir.>>
- Il aurait été mon âme sœur si ç'avait existé.
<< On avait passé l'après-midi ensemble, à rire de tout et de rien, à se sourire, s'embrasser... Puis le soir, après avoir averti nos parents, on était partis vers la campagne pour se déshabiller à l'abri des regards et se transformer.>>
- On avait un jeu... Idiot, mais c'était notre truc, tu vois ? Celui qui se transformait en premier courait devant et nous jouions à nous rattraper l'un l'autre.
<< J'avais réussi à me déshabiller avant lui, alors je savais que ça me donnerait quelque secondes d'avance sur lui. J'ai bondi, et je suis partie à fond. Mais ce soir là, alors que je me suis retournée après avoir fait quelques dizaines de mètres, il ne me suivait pas. >>
- C'est ce qui m'a sauvé la vie.
<< Je suis repartie vers notre lieu de départ, et là je l'ai vue... transformé en loup, l'œil fou, la bave aux lèvres... Lucas et Givre n'étaient plus là. Il n'y avait qu'un corps habité par la maladie.>>
- Il avait la rage.
J'étais calme, presque trop.
<< Il s'est jeté sur moi, et je n'ai pu que m'enfuir. Mais ce n'était plus un jeu. Je savais qu'elle existait toujours, mais pour moi elle était complètement éradiquée dans notre pays. Lucas était pourtant la preuve du contraire.>>
Je me suis mise à hurler.
- C'EST CETTE PUTAIN DE MALADIE CENSÉE ÊTRE DISPARUE QUI L'A EU !
<<Chez les humains, la rage couvait environ 1 à 3 mois avant d'éclater et d'entraîner une mort lente chez le malade par arrêt respiratoire et/ou coma, mais la guérison était possible. Chez les animaux, le chien par exemple, c'était beaucoup plus rapide: la maladie se développait entre 15 à 60 jours puis elle donnait la mort au sujet en 4 à 5 jours après les premiers symptômes, et c'était irréversible. Mais la rage, chez les garous, était fulgurante. L'humain qui se transformait avait déjà couvé la maladie, et elle n'avait plus besoin d'attendre dans l'animal, dès la transformation c'était un mort en sursis qui se promenait pendant 6 jours, agressif et incontrôlable, mordant tout ce qui bougeait, sans aucun souvenir d'une quelconque vie humaine.>>
J'ai enfermé la rage, et j'ai repris:
- Il m'a pourchassé. Comme une proie. Je... On était plus rien pour lui, il n'aurait reconnu aucun membre de la meute.
<<Je courrais toujours lorsque je tombais sur Belle-de-Nuit. Cours ! lui ordonnais-je. Elle jeta un regard derrière moi, resta un instant pétrifiée de terreur, avant d'obtempérer.>>
- On a croisé Belle-de-Nuit.
Inutile que je poursuive, pensais-je, il sait ce qui c'est passé. Comme s'il devinait mes pensées, il m'encouragea:
- Continue... Qu'est t-il arrivé après ?
Je n'eu soudain plus la force de retenir mes larmes. Mes yeux s'inondèrent.
<<Je sentais mon cœur qui battait à toute allure, autant à cause de l'effroi que de l'effort physique. Mes pattes frappaient le sol au rythme de notre course. Belle-de-Nuit était juste à côté de moi, et je pouvais apercevoir mon reflet dans son œil, j'avais l'air folle. Nous courrions pour échapper à la mort.>>
- Charbon n'était pas là. L'Alpha doit être là pour les membres de sa meute.
<<Où pouvait bien être Charbon ? C'était l'Alpha ! Il avait promis de veiller sur nous. Et à la place de ça, nous voilà poursuivit par un membre de notre propre meute. >>
- J'ai tenté de lui parler. A Lucas.
<<Givre... Pourquoi ? Mais il ne pouvait m'entendre.>>
- J'étais désespérée. Mais je n'avais pas encore deviné l'issue.
<<Si j'avais ma forme humaine, mes larmes roulerais sur mon visage. Mais je suis louve. Et ce soir, ça pourrait bien me coûter la vie.
Derrière nous, j'entendais ses halètement, tandis qu'il nous poursuivait. Il était tellement atteint... Tellement malade. Comment pouvait-il encore courir ? Arriver à suivre notre allure ?>>
- Et puis, Charbon nous a parlé. Je me souviens avoir pensé, juste un instant "Il a trouvé comment le sauver !"
<<Soudain, j'entendis Charbon : Venez vers le Rocher, sur la rivière ! >>
- Belle-de-Nuit m'a regardé. Juste un coup d'œil. Et j'ai compris.
<<Je vis à son expression que Belle-de-Nuit avait entendu. Elle me regarda, attendant de voir comment je vais réagir. Alors je devinais comment ça va se finir. Par sa mort. Je poussais un geignement. Et je redoublais de vitesse, pour l'attirer vers le Rocher. Vers sa mort.>>
- Mais même à ce moment là, je crois que je n'y croyais toujours pas. Tu vois...
Je m'interrompis.
La tombe, là. Sa tombe. Je tombais à genoux devant, m'éraflant contre le sol dur des graviers.
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