{Chapitre 8} Deux guerriers dans la même pièce...
PDV Obi
Lylas ne savait pas mentir. C'était la seule chose dont j'étais sûr.
J'avais laissé Zayla faire semblant de s'en ficher mais moi, je lui avais bien fait comprendre qu'elle devrait s'expliquer plus tard. Je ne voulais pas qu'on me mente. Pas encore. Pas elle.
Rín et Edwin n'avaient toujours pas pointé le bout de leur nez et ça me troublait au plus haut point. C'était les deux personnes en qui j'avais placé en premier ma confiance. Je me souvenais encore clairement du jour où j'avais attrapé son pied à travers le trou que j'avais déjà commencer à creuser dans la tour. Et je me souvenais encore du petit garçon qui était entré dans l'infirmerie avec le corps de sa sœur et sa mère.
Je voyais leur départ quasiment comme une trahison.
Aux Ombres Perdues, je m'étais senti, pour la première fois, chez moi, à ma place, à un endroit où j'étais toujours censé être. Je n'avais plus aucune envie de partir vers Io et c'était l'enthousiasme des autres qui m'avait poussé jusqu'à ma destination. J'avais finalement trouvé un chez-moi, des gens aussi anormaux que moi et qui me comprenaient. Mais je les avais quittés pour eux, parce j'étais loyal envers eux, et ils avaient fini par m'abandonner.
Ça, j'en étais sûr, jamais je n'allais leur pardonner.
Je voulais me venger, les imiter ; au moment où ils auraient le plus besoin de moi je pourrais les laisser tomber. Je voulais leur faire payer la solitude que je ressentais à ce moment...
Mais je savais que ce n'étais pas comme ça que je devais aider ceux qui, peut-être, étaient toujours dignes de ma confiance.
- Je m'ennuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie ! se plaignit Lyre dans le siège à côté de moi.
- Tu n'as qu'à « Lyre » un livre, plaisantai-je.
- Mais j'aime pas Lyre !
- Tout le monde aime Lyre, protesta Kuraï, il suffit de trouver ton genre de livre.
- Mais je n'ai pas envie de Lyre! ajouta Lylas en appuyant son dos sur une étagère.
Je rigolai en me pinçant la lèvre inférieure, ça donnait une espèce de rire de psychopathe parce qu'ils n'avaient pas compris mon jeu de mot. Mais moi, ça m'avait donné une tournure de phrase totalement différente.
On avait rassemblé quatre sièges autour d'une table pour pouvoir se parler pendant que Lylas dévalisait le rayon « Mémoires et écrits personnels » sans que je sache pourquoi. Je me retenais tant bien que mal de rire de ça aussi d'ailleurs, car trop de blagues et de jeux de mots affluaient dans ma boite crânienne. « Lylas est très silencieuse en ce moment... Je crois qu'elle a un don pour se faire oublier » « Elle est stressée, il a toujours été facile de Lyre dans son esprit comme dans un livre ouvert » ou encore, pour certaines situations « Zayla lit tellement rapidement que l'on dirait que ses yeux font de la gymnastique entre les lignes »
- Parle nous de toi, proposa Zayla.
- Moi ? demanda Lyre.
- Non, le Pape.
- Mais pourquoi tu t'adresses à moi, alors ?
- C'était du second degré, expliquai-je, à moitié exaspéré, à moitié riant de mes propres blagues intérieures.
Quelques secondes passèrent avant que les cheveux verts de Lyre ne se redressent sur sa tête, qu'un sourire narquois apparaisse sur son visage et que la femme ne parle :
- Ah ! Comment ça « parler de moi » ?
- Où tu vivais avant, pourquoi tu aimes tant le combat... suggéra la blonde, Ta vie en accélérée.
- Oui, ais-je soupiré, Passez son temps à Lyre est assez ennuyeux.
- Oh ! Quand j'étais petite, je vivais dans un village près de la mer, au Nord, raconta-t-elle, on y a vécu jusqu'à ce que le Pape ai commencé à s'intéresser aux connaissances de mon grand-père. On a dû fuir avec ma mère parce que mon père s'était barré depuis longtemps et mon grand-père est mort. Ça a été mon enfance.
- Très accéléré, commenta Kuraï.
- Pendant notre fuite, je me suis entrainée pour gagner en force et protéger ma mère avec mes poings tout au temps qu'avec mes stratégies de guerre, j'en ai très vite fait une passion. Mais ma mère a finalement décider de refaire sa vie avec un forgeron, elle a commencé à me dire qu'il fallait oublier les « foutaises » de mon grand père et vivre en se cachant.
- Qu'est-ce que tu as fait ? demandai-je pendant qu'elle marquait un arrêt.
- Je lui ai mis une baffe avec ma force d'adolescente et je me suis enfuie.
- Respect, commenta à son tour Zayla.
- Merci. Plus tard, j'ai rencontré Kuraï, je suis tombée amoureuse de lui, à mon plus grand regret, et je lui ai dit que je voulais aller sur Io. Cette fois, c'est lui qui m'a mis une baffe mais je me suis quand même enfuie.
- Mais pourquoi voulais-tu aller sur Io ? interrogea l'homme à la superbe manucure.
- Ici, les femmes ont-elles aussi le droit de se battre. Ici, elles ont encore le droit de se protéger sans avoir besoin d'un homme.
C'est vrai, elle a dû se déguiser pour entrer dans l'armée...
Soudain, en étonnant tout le monde, je me redressais pour écouter Lyre attentivement. Je ne savais pas ce qu'elle voulait dire, et je dois avouer que j'étais assez confus de ne pas savoir des choses, qui, pour elle semblait évidente.
- Mais... a commenté Lylas en traduisant mes pensées, Ma m... Je veux dire, Ptah, ma tutrice, était apothicaire et se débrouillait bien seule...
Un sourire mélancolique surgit sur les lèvres de Lyre, qui tentait visiblement de trouver des mots sur la situation à expliquer.
- On voit que tu as été élevée dans une haute sphère de la société, ricana Zayla en jouant une mélodie sur la table du bout des doigts et en jetant un regard à Lyre, Ce n'est pas si facile que ça de vivre en société sans être sous l'autorité d'un homme. Tu es fille, femme ou mère. Si tu n'es pas mariée à mon âge, sois tu es mendiante, sois tu es folle, soit tu es mourante. Pour ma part, et en ce moment, je crois que je peux rentrer dans les trois catégories.
J'avais beau faire croire le contraire, ça m'étonnait un peu. J'avais toujours entrepris des voyages seul entre mes évasions de certains endroits, et je ne m'étais jamais arrêté sur ce genre de détails, en fait, je n'y avais jamais fait vraiment attention.
Et je revis mon jugement, j'avais bel et bien relevé ses détails partout où j'allais. Auberges, campagnes, villages avaient la même vision de la société classée des forts aux faibles. Ces détails-là je les avais vu des dizaines et des dizaines de fois, cependant, comme je ne m'y intéressais et que ça ne ne me concernait pas du tout...
Je me rappelais plusieurs personnes et plusieurs situations inadmissibles pour les femmes que j'ai vu tout au long de ma vie, auxquelles je n'avais rien tenté de changer.
J'ai fait semblant de ne pas les voir.
- Je veux rester ici pour pouvoir protéger quelqu'un d'autre que moi-même, termina Lyre en la coupant, Et vivre, sans avoir besoin je cacher qui je ne suis ni ce que je suis, sans plus jamais être seule.
Il y eut un petit silence et Kurai commenta d'un air légèrement moqueur pour le combler :
- Quel charisme...
Seulement, là, quelque chose que personne ne pouvait imaginer se passa... Bon... Peut-être que si... Admettons...
Lyre se leva en envoyant sa chaise valser au passage (Avouez que c'était quand même un peu inattendu) avant de protester d'une voix forte :
- Tu es très mal placé pour dire ça !
- Comment ça ? demanda l'agressé un peu perdu.
- Regarde-toi dans un miroir, bouse de vache à rayures ! Tu es fort, excellent au combat, grand... qu'est-ce qu'il te manque pour rentrer dans l'armée ?! Au lieu de ça, tu restes cloîtré ici, et tu agis comme une none quand on parle d'une quelconque violence qui ne te parait pas nécessaire ! C'est toi qui devrais avoir du charisme !
Au fur et à mesure de son discours, je voyais Kuraï bouillir de colère à côté de moi. J'avais essayé d'interrompre la soldate mais elle m'avait ignorée royalement. C'est quand je le vis enfin baisser les yeux et serrer les dents que je compris que je devais installer un périmètre de sécurité entre lui et moi. Malheureusement, je n'eus pas le temps de m'écarter car il asséna son poing sur la table, la brisant en deux. Je vis les rebords de celle-ci frôler mon nez avant de s'arrêter devant mes yeux.
- Ne-parles-plus-jamais-de-ça, hurla-t-il en tremblant avant de retourner dans les rayons de livres du bâtiment.
Lylas sortie du la rangée qu'elle explorait, se pinça la lèvre inférieure et repartit lire après avoir vu la table, pensant sûrement qu'elle ne devait pas intervenir.
Zayla me regarda d'un air suppliant et, une fois de plus dans ce livre, on eut une conversation par regard :
- Pitié, vas-y !
- Non-non-non-non ! Toi, tu as une ombre qui peut te sauver !
- Tu peux lui faire oublier !
- Tu crois que je vais m'évanouir après ou avant en avoir le temps ?
- Mais je te laisse être le gars bien qui va voir les gens !
- D'accord, je ne te lègue rien si je reviens !
Je m'engageai alors dans les couloirs étroits entre les livres multicolore de toutes les tailles. La bibliothèque était incroyablement grande et même plusieurs anciens livres présents sur les autres continents étaient présents ici, sûrement ramenés par des exilés ou des explorateurs.
Après une dizaine de minutes de recherches, j'arrivai enfin devant une étagère. Vous devez sûrement vous dire « Non ? sans blague ! ». Seulement, cette étagère-là était deux fois plus épaisse que les autres et en levant le regard, je vis Kuraï qui balançait ses pieds dans le vide en lisant un petit livre blanc.
Je m'éclipsai sans bruit pour revenir avec une échelle à roulette qui, elle, crissait bruyamment comme si le parquet ne l'était pas assez.
- Salut, soufflai-je en peinant à le rejoindre.
L'immense homme resta muet.
- Ça va ? Vous voulez en parler ?
- ...
- Comment vous êtes arrivé ici ?
- J'ai sauté.
Evidemment... pensais-je en regardant le sol, quatre mètres plus bas.
- Pourquoi avoir réagi ainsi ?
- Parce que j'en avais envie, répondit-il d'un ton buté.
On change de stratégie. Stop au vouvoiement.
- Qu'est-ce que tu lis ? demandai-je en me baissant comme pour regarder la couverture.
- Moi. C'est le titre.
- Ça parle de toi ?
- Non. De quelqu'un.
- Et qui est-ce ?
- Aucune idée.
- Et... qu'est-ce qu'il fait ?
- Je ne sais pas.
Je restai silencieux alors, sans plus savoir quoi dire. Puis, il referma son livre d'un coup sec avant de me demander :
- As-t 'on jamais essayer de t'imposer quelque chose ?
- Non...
- Alors tu as de la chance, soupira-t-il.
- Mais Lyre a raison, non ? tu as tous les attributs d'un grand guerrier.
Encore une fois, il n'eut aucune réponse à ma question.
Je n'étais pas comme Lylas, je n'allais pas rester le harceler pour obtenir des réponses, je voyais très bien que ça le mettait mal à l'aise. La curiosité peut nous aider mais parfois il faut la mettre de côté.
Je m'apprêtais à redescendre quand il m'interrogea :
- Tu ne vas pas rester ?
- Je suis pas ce genre de personne.
- Merci, mais c'est moi qui te demande de rester.
Ça a fait tilt dans ma tête.
Il voulait que je reste pour lui tirer les vers du nez plutôt que d'avouer qu'il avait besoin de parler à quelqu'un !
Je m'assis en tailleur devant lui pour l'écouter. Il soupira avant de commencer à raconter :
- Quand j'étais petit, j'étais un gamin comme les autres : sans pouvoirs. Tout allait bien.
- Mais... ? demandai-je après son arrêt au bout de la phrase.
- Mais à quelques jours de mes 8 ans, j'ai reçu mon Ombre. Je l'ai découvert en coupant un arbre quand j'étais énervé, c'est là que tout à commencer à changer. Ma famille était aux anges : quoi de mieux qu'un garçon qui allai faire un soldat parfait ? parallèlement, à mon école, je ne contrôlais plus rien, je cassais tout : les plumes, le tableau... rien de m'échappait, c'était drôle au début. Mais, un jour, en jouant au touche-touche, j'ai cassé le bras d'une fille de ma classe.
J'eus beaucoup de peine pour lui, et je le vis enfin comme il était : un homme qui n'avait jamais rien demander. En le regardant, de près, je le reconnaissais presque comme un frère.
- C'était différent de ce que tu as vécu, expliqua Kuraï, on ne me rejetait pas : on avait peur de moi, même ma famille n'osait pas m'énerver et les gens s'éloignaient quand j'arrivai. Pour mes 9 ans, on m'a offert un stage chez les soldats, je devais juste les regarder pour me faire une idée. Je me suis enfui après quelques heures.
- Que s'est-il passé ? l'encourageai-je encore une fois.
- L'entraineur a voulu que je lui montre ma force en tapant dans un épouvantail. Tout le monde me regardait alors j'ai essayé, mais, quand j'ai préparé mon coup... J'ai revu le Visage. Le visage de cette fille qui pleurait par terre dans la cour, l'avant-bras en forme de V. J'ai couru le plus vite possible, le plus loin devant les regards étonnés. Je suis allé jusqu'à la mer et j'ai vu un bateau à l'horizon, qui passait devant la barrière. J'ai pris une barque, ramer le plus vite possible et sauter au-dessus des coraux.
La suite, je la devinai facilement : il avait rejoint le continent, était entré dans les O.A. pour aider Rán et reparti à la première occasion vers son île natale.
- Quand je suis revenu, une dizaine d'année plus tard avec quelques exilés, rien n'avait changé. Je me suis alors refugié dans la lecture. Je lisais toute la journée et partout, personne ne venait me déranger. Alors j'ai collectionné les livres jusqu'à ce que ma chambre ne soit plus assez grande et j'ai décidé d'ouvrir une bibliothèque. Au lieu d'apporter la douleur aux gens, j'allai leur apporter un refuge contre la tristesse et l'impuissance.
Une larme roula sur mes joues. Kuraï s'en étonna :
- Quoi ?
- C'est l'histoire la plus triste que j'ai jamais entendue, reniflai-je pitoyablement.
- Si je t'ai demandé de m'écouter c'est parce que je sais que tu es le mieux placé pour comprendre.
- Comment ça ?
- Comprendre comme ça peut être énervant quand on impose un destin à quelqu'un dès qu'il obtient son Ombre.
- Pourquoi je comprendrai mieux que quelqu'un d'autre ?
- Personne ne t'as dit ?
- Dit quoi ?
Ça sent le lézard grillé...
- Je le savais... maugréa l'homme.
Je n'osais reculer de peur de le rendre triste par ma peur.
- Il sait très bien que tu ne sais pas. C'est pour ça qu'ils t'ont emmené ici...
- Hein... ?
- Ce juge a tout prévu...
- Tu peux m'expliquer... ?
- Il savait très bien qu'en connaissait ton histoire, je déciderai de te conter la mienne ! s'énerva-t-il.
- Mais c'est quoi cette histoire ?
- Il compte sur moi pour te l'expliquer ! CES ABRUTIS N'ONT MÊME PAS LE COURAGE DE LE FAIRE !
- Mais hééééééééééééééééééééééééééééééééé !
Qu'elle était la raison de mon onomatopée très glorieuse me demanderez-vous. Et bien c'est tout simple, Kuraï m'avait soulevé pour me porter comme un sac à patates.
- Je peux marcher tout seul, tu sais.
- Ça ira plus vite.
Voilà pourquoi je suis mort...
...De peur.
Il sauta d'étagère en étagère, et, grâce à sa force, il pouvait sauter par-dessus deux étagères en un seul saut. Moi, pendant ce temps, j'hurlai intérieurement en regardant la distance qui nous séparait du sol, qui atteignait parfois 6 mètres.
Enfin, il atterri devant le rayon des gravures.
- Regarde, ordonna-t-il en me déposant par terre.
- Je ne sais pas lire, répétai-je pour la énième fois de la journée.
- C'est l'autre étagère que tu dois voir.
Je me retournai pour regarder le rayon derrière moi, celui que Kuraï me montrait. Une plaque étincelait dans un coin, avec un nom indéchiffrable pour moi.
L'étagère était remplie de gravures, dessins, peintures de toutes sortes et de toutes les couleurs. Les œuvres différaient beaucoup les unes des autres : elles avaient chacune une saison, un décor différent. Sur certaines, on voyait de paisibles clairière, des montagnes enneigés, sur d'autres des guerres, des combats, du sang, et sur d'autres encore, des scènes de la vie quotidienne.
Cependant, elles avaient touts un seul point commun. Il apparaissait sur tout ce que portait la vieille étagère sans exception. Au premier plan ou caché dans un coin, il était présent. Une personne portant une longue cape brune qui ne laissait voir de quel genre elle était mais en regardant le visage caché dans l'ombre de la capuche, je fus sûr d'une chose.
C'était moi.
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