{Chapitre 13} Le bâton a la parole
PDV Obi :
Le lion blanc rugissait dans les dalles du pont, jucher sur un rocher étant en fait le nom de son créateur. Chaque dalle était signée par l'ouvrier qui l'avait réalisé, ça rendait chaque dalle unique. Même si je ne comprenais pas encore le désir que les artistes avaient de laisser les gens piétiner, littéralement, leurs œuvres... Chacun ses magouilles, comme dirait Rín.
Cette ville a dû mettre des dizaines d'années se construire...
Nous attendions Lyre et Edwin sur la rambarde du pont, devant la maison dont Elijah avait parlé. Rín avait décidé de se transformer en lézard et de « bronzer » au soleil (même si je pensais clairement que c'était une excuse pour se reposer de ses transformations répétitives) pendant que moi et les autres poirautions dans le silence le plus gênant du monde.
Je me demandais comment j'allais annoncer que j'étais l'élu d'une prophétie écrite par un vieux poète sénile et que je n'avais absolument aucune idée de ce que je devais faire, quand les retardataires arrivèrent enfin. (Note De La Sœur De l'Autrice : Sauvé par le retard ! Qui l'aurait cru ! Héhé... Ma sœur fait partie de la secte... *soupir*)
Lyre avait l'air d'avoir confiance en elle et avait repris son air fier pendant qu'Edwin la regardait comme si elle avait fait quelque chose d'extraordinaire. On pouvait presque imaginer des étoiles briller dans les yeux de l'adolescent. Je demandai :
- Ça va ? Est-ce qu'Elijah vous a dit quelque chose ?
- Ça va, acquiesça Lyre, en fait on a parlé de...
- Rien d'important ! la coupa Edwin sans laisser les étoiles perdre de leur éclat, on y va ?
Je ne savais pas de quoi ils avaient parlé mais apparemment Edwin ne voulait pas qu'on soit au courant. La soldate haussa les épaules et se dirigea vers la maison à toit horizontal pendant que Rín reprenait discrètement sa forme humaine dans le dos d'Artémis, qui essayait de la cacher avec ses cheveux (beaucoup moins pratiques après les avoir coupés). Les passants qui l'avaient remarquée continuèrent leur chemin, sûrement en se disant qu'ils avaient hallucinés.
- Mais bien sûr ! s'exclama une mère qui passait avec son enfant, un lézard qui se transforme en demoiselle, pourquoi je n'y avais pas pensé ! Ton imagination n'a vraiment aucunes limites !
- Mais... ! protesta vainement la petite fille qu'elle tenait par la main en essayant de tirer sa mère vers Rìn.
Edwin lança un regard noir à Rín pendant que je soupirais de soulagement et de désespoir.
- Quelle idée de faire des toits horizontaux, remarqua Artémis avec une grimace, en s'arrêtant sur le seuil, doit-on toquer ?
- Non, répondit Firín, elle est sûrement abandonnée. Ça ne serait pas une planque sinon.
On entra à la suite du « Tocard Anorexique ». Je ne savais toujours pas pourquoi Rín l'appelait comme ça. On allait enfin savoir ce qu'Edwin nous cachait, ça me faisait un peu bizarre d'avoir à parler de ça dans une cheminée mais, bon, on allait faire avec.
On arriva directement dans un salon très vaste avec, dans un coin de la pièce, une vieille cheminée couverte de suie qui semblait sur le point de s'écrouler. Sur un rebord de l'âtre était posée une lampe à huile poussiéreuse, Rín la considéra attentivement :
- Je suis sûre que c'est ce truc active le passage secret.
Puis elle s'en saisit et l'observa sous toute ses coutures pendant que Zayla ouvrait la trappe cachée sous les cendres.
- Il a dit « une trappe dans la cheminée », rappela-t-elle.
- Ç'aurait très bien pu être un mécanisme qui ouvrait la trappe, remarqua l'albinos en s'approchant.
- Sur une lampe raccordée à nulle part ? Tu lis trop de livres.
- Ben non, justement.
Lyre s'empara de la lampe, l'alluma et descendit les escaliers qui se trouvaient sous la trappe. Elle s'énerva, impatiente et agacée par le fait que tout le monde ait l'air de prendre la situation à la légère :
- On n'est pas venu ici pour jouer.
Les regards se tournèrent vers moi et Edwin. C'est vrai qu'on avait beaucoup de chose à dire, surtout lui. Il semblait oppressé et portait un intérêt soudain à ses pieds et aux casse-têtes qu'il pouvait créer en emmêlant ses doigts.
On descendit les marches un par un, moi le dernier, légèrement tiré par Zayla, qui avait l'air d'avoir compris ma tendance à vouloir faire demi-tour. C'était une pièce circulaire de seulement quelques mètres de diamètre pour seul mobilier une chaise qui semblait aussi vieille que la maison.
Visiblement, c'était une salle d'interrogatoire, Elijah avait sûrement deviné pourquoi nous étions revenus en ville. Je m'assis sur la chaise, décidé à passer le premier.
Premier à passer, premier à terminer.
- « Après qu'au refuge le feu soit mis,
Et que le vieillard imite la madeleine,
Ils rejoindront l'amie de la martyre,
Les yeux jaunes du dernier des Luweïn,
Brilleront une unique fois,
Pour que les erreurs soient effacées,
Et là-haut, sur le mont Etara,
Sera trouver un repos mérité. », citai-je.
Je m'arrêtai. Comment-avais-je pu retenir toute une prophétie alors que je ne l'avais écoutée qu'une fois ? ça m'a troublé.
J'ai pourtant toujours eu une horrible mémoire.
Je sursautais. Il manquait quelque chose. Il ME manquait quelque chose. Mais quoi ?
Rín toussota, se retenant de pouffer de rire et je revenais à la réalité pour lui lancer nu regarde des plus noir.
- Une histoire de madeleine... Intéressant... Mais, euh... Qu'est-ce que tu racontes ?
- Les yeux jaunes... C'est toi ? demanda Firìn en ouvrant les yeux tandis que Lyre et Zayla croisait les bras dans un même geste perplexe.
Elle arrêta de rire, s'étranglant presque. Je hochai la tête pour lui répondre. Lylas se constitua un siège en mousse avant de s'asseoir dessus, groggy, Firín fit de même avec son verre, Lyre décroisa les bras et se prit la tête entre les mains... Les seuls qui n'avaient pas l'air choqués étaient Edwin et Artémis. J'interrogeai ce dernier du regard :
Comment tu le savais toi ?
- Tout le monde sur l'île était au courant, expliqua-t-il.
- Et tu ne nous l'a pas dit ?! s'énerva Lyre en l'attrapant par le col, qu'est-ce que ça veut dire d'abord ce charabia ?
- J'ai pensé qu'il avait une raison ne pas vous le dire. Ceci est une prophétie ayant pour élu Les Yeux Jaunes, qui est censé faire sortir les Ombres de cette période sombre. Maintenant qu'on est à l'abri, il est temps d'essayer de comprendre ce qu'elle représente : les prophéties sont toujours présentées en énigmes. Parfois en phrases à double sens, c'est vrai, ou bien en phrases simples mais...
- Parce que bien sûr, ce serait trop difficile de nous dire ce qu'on doit faire directement ?!
Je remarquai alors que Lyre avait utilisé « on » au lieu de « il », ils n'avaient pas envie de me laisser derrière, ça me réchauffait le cœur. Seulement Artémis n'avait pas fini son discours, il reprit d'un ton froid :
- Mais avant, j'aimerai qu'Edwin vous explique pourquoi il a été si chaleureusement accueilli sur Io.
On s'était trop écarté du sujet, c'était vrai que, depuis le début, Edwin gardait les cartes en main sans nous les montrer. On avait aucune idée de ce qu'il voulait.
- Je comptais vous le dire au mais... commença-t-il.
- Retire ce « mais » tout de suite.
Rín avait parler un ton plus grave que sa voix habituelle, elle se dressait devant Edwin et lui adressait un regard plus noir que l'encre.
- Nous avons tous fuis nos familles pour toi, on a fui notre paradis pour te suivre et on ne sait rien de toi. Mise à part le fait que tu sois considéré comme un dangereux criminel... Surprenant, n'est-ce pas ? Personne n'est dupe : Ils ont carrément essayé de te tuer. Si tu ne nous dis rien aujourd'hui, nous le saurons un jour ou l'autre.
Mais saches que ce jour-là... Ce jour-là, ne nous demande pas si on t'aidera, ce jour-là, demande-toi seulement si tu courras assez vite pour nous échapper. Nous et notre éternelle vengeance.
Rín n'avait pas l'air de bluffer : ses pupilles s'étaient fendues pour transpercer le noiraud du regard, elle articulait en même temps qu'une sorte de grognement qui vibrait dans sa gorge et, surtout, elle utilisait un vocabulaire recherché... Elle n'était plus tout à fait la même Rín que celle qui était rentré sur Io, je ne savais pas où elle avait puisé cette colère mais elle semblait consciente de ce qu'elle disait. Sa voix chuta discrètement d'une octave lorsqu'elle dit :
- Je te haïrais plus encore si tu nous oblige à faire ça.
- Je ne te le dirai pas, choisis Edwin en gardant son sang-froid, pose-moi n'importe quelle autre question, j'y répondrai.
Deux forces s'affrontaient là, l'une aussi noire et mystérieuse que l'Ombre et l'autre aussi froide et blanche que la neige...
Une fois sorti de ce pétrin, je jure de pas mettre Rín en colère.
Le reste du groupe s'était rassemblé derrière elle pour appuyer ses paroles, et mitraillait Edwin du regard. Pendant que j'observais la scène, tout-à-fait impuissant :
- Où est-ce qu'on va ? commença-t-elle.
- Aux Ombres Perdues pour récolter des infos sur les Yeux Jaunes, répondit-il du tac-au-tac.
- Comment tu sais qu'on va apprendre quelque chose là-bas ?
- C'est le seul endroit où on peut aller et je pense qu'on y serais aller de toute façon pour parler à Rán : elle a des contacts dont on aura sûrement besoin.
- Très bien, souffla-t-elle, quelqu'un veut prendre le relais des questions ?
Mouais... j'en connais une qui arrive pas à avoir du charisme très longtemps...
- Moi ! se présenta Lyre en avançant vers Edwin.
Elle prit une longue inspiration, mis ses mains sur les épaules d'Edwin, s'apprêtant à crier sur lui mais se ravisa, au soulagement de tout le monde : vu la portée de sa voix, on l'aurait entendu dans la rue. Finalement, elle chuchota d'un air sévère :
- Pourquoi tu n'as rien dit au sujet des Yeux Jaunes avant ?
- Tu me voies empêcher 7 personnes de retourner chez eux en leur disant que l'un des leurs doit sauver les autres d'une menace inconnue ? Il fallait qu'Obi rentre, se repose, et voit par lui-même.
- Parce que j'ai tellement l'air de m'être reposé, ironisai-je en montrant les légers cernes qui étaient apparus sous mes yeux ces derniers jours, influencé par la tirade précédente de Rín, si ça continue comme ça je vais avoir les cheveux blancs.
- A ce moment-là, j'hésitai à venir avec vous, expliqua le pauvre adolescent, je ne savais pas si je voulais y aller.
- Vu ton accueil on comprend pourquoi, glissa Lylas.
- Je propose de mettre fin à cette discussion avant que tout le monde ne devienne sadique, proposa Artémis.
C'est à ce moment-là, qu'on a mentalement tous désigner Artémis comme le « médiateur » du groupe, bref : le seul pauvre type normal qui n'avait rien demandé.
Lui, Moi, Firín et Lylas, on formera le « club des gens à peu près normaux ».
Le médiateur se pencha discrètement vers moi et me murmura, sans pause, sans attendre de réponse :
- La véritable question, c'est : Qui est donc ce gosse ? D'après ce que j'ai compris, tu es le premier à l'avoir rencontré, donc celui qui en sait le plus sur lui. Fais un bilan, cerne sa personnalité, sa famille, son passé, pose-lui des questions, où trouve quelqu'un d'autre pour le faire... Je ne peux pas te dire pourquoi, ni comment, ni pourquoi je ne peux pas tout te dire, mais si vous ne découvrez pas le plus tôt possible ce que ce garçon trame, nous sommes tous condamnés à mourir.
Mourir ?
Sur ce, il reprit sa position initiale sans m'accorder un regard.
Il avait raison, Edwin tramait quelque chose de dangereux, c'était évident, il en savait quelque chose. Mais pourquoi ne pas me le dire ? Evident aussi : si nous le savons maintenant, Artémis sera tout de suite accusé. Et 'Win le considérera comme un traître. Ou pire, un danger !
J'ai jeté un regard au garçon timide, gêné, presque un peu attachant, qui se tenait au coin de la pièce.
Mais qui est donc ce gosse ?
Lyre, dans son tempérament de soldat, se leva et ordonna :
- Obi, tu répète la prophétie, Artémis, tu la recopies, Firín, donnes lui une plume, Lylas, fais nous des sièges pendant que moi et les autres commençons à décortiquer cette prophétie de malheur.
Nous nous exécutâmes : Firín transforma son peigne en plume de verre qu'il donna à Artémis qui recopia durement l'écrit que je lui dis à la vitesse de l'éclair pendant que Lylas se donnait beaucoup de mal pour faire pousser la mousse au sol, elle ne pouvait pas faire de sièges en coton puisqu'il n'y en avait pas. Seule Rín n'obéissait pas, elle semblait avoir retrouver sa bonne humeur habituelle et se retenait de rire devant Lylas qui encourageait difficilement les plantes à recouvrir quelques parcelles de pierres :
- Mais bougez-vous les étamines, nom d'un poussin unijambiste !
Elles ne doivent pas être très enthousiastes à l'idée de servir de coussin...
Une fois que tout fut fait et que la mousse eu bien voulu s'étendre un peu. On s'assit dessus en s'excusant (une demande de Lylas qui avait tout de même dû en baver) et on commença à débattre.
Enfin on ne pouvait pas trop appeler ça un « débat » à proprement parler... Plutôt une « série de questions auxquelles personne ne répond parce qu'ils sont trop occupés à en poser d'autres ou à faire des remrques inutiles ».
Petit extrait du quart d'heure qui a suivi :
- Qui est ce vieillard ?
- Quelles « erreurs passées » ?
- Où est le mont Etara ?
- Quelle martyre ?
- Luweín... ça a une tonalité nordique.
- Depuis quand Obi s'appelle Luweín ?
- Elle chatouille un peu les pieds, la mousse, non ?
- Attendez-attendez-attendez !
- Vous n'avez pas faim *gargouillements* ?
Un quart auquel nôtre cher médiateur préféré nous avait regardé sans vraiment prendre attention à ce qu'on disait mis fin :
- Je pense qu'un peu d'organisation est nécessaire, dit Artémis en faisant passer une mèche trop longue derrière son oreille.
- Je suis de son avis, acquiesça Lyre en se remettant dans sa peau de capitaine des troupes, nous allons utiliser la technique ancestrale du bâton.
- La... ? répéta Lylas, confuse.
- Le bâton de parole si tu préfères : on se passe un objet et seulement celui qui l'a a le droit de poser une question.
- ça peut faire l'affaire ? demanda Zayla en tendant un de ses piques à chignon qui lui restait de sa précédente visite chez les Ombres Perdues.
- C'est parfait.
La soldate prit le « bâton » et me le tendit :
- Passe-le à qui tu veux une fois qu'on aurait répondu (ou pas) à ta question.
- Euuhhh... pourquoi moi ? l'interrogeai-je maladroitement.
- Etant donné que la prophétie parle de toi, je pense qu'il vaut mieux que ça soit toi qui commence.
Elle voulait me rappeler que j'étais responsable de tout ça et qu'il était là pour m'aider. C'était presque émouvant de sa part. Je pris le pique et réfléchit un instant avant de demander avec espoir :
- Est-ce que quelqu'un sait où est le mont Etara ?
Tout le monde hocha la tête en signe de négation, ça plomba le moral.
- On posera la question à Rán une fois aux Ombres Perdues, proposa Rín.
Je lui lançai le bâton pour la remercier de positiver. Elle questionna à son tour, sans hésitation, pour détendre l'atmosphère :
- On parle vraiment « d'imiter la madeleine » ?
- C'est peut-être madeleine avec un M majuscule, remarqua Edwin.
- Oui mais dans ce cas pourquoi mettre « la » devant un nom propre ? demanda Firín, ça devrait être une personne connue dans ce cas mais je ne connais aucune Madeleine.
- On parle ne parle peut-être pas « d'imiter » au sens propre mais plutôt de faire un gâteau ressemblant à une madeleine, avisa Lylas.
- Il faudrait chercher un pâtissier alors ?
Rín passa le bâton à Lyre d'un air solennel. Celle-ci intervint :
- Je pense que cette conversation ne mènera à rien, qui vote pour changer de question ?
Toutes les mains se levèrent à l'unisson. La nuit, (ou la journée ? Quel jour on est déjà ?) allait être bien longue...
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