{Chapitre 10} Luweïn ça rime avec madeleine
Désolé à Rín, qui n'a pas eu la parole depuis le chapitre 2.
PDV Obi :
- J'AI JUSTE ENVIE D'ÊTRE SEULE !
Et rebelotte...
- Mais, Rín, une personne doit monter pour surveiller la mer ! protesta Lylas.
- Je serais cette personne ! hurla l'albinos du haut du grand mat.
- C'est vraiment qu'une tête brûlée, soupirai-je.
- Je t'entends !
Depuis quelques heures, notre chère amie avait décider de s'approprier la vigie pour son « espace personnel ». Elle avait besoin de calme, même si elle n'en donnait pas l'impression : elle avait rejeté tout ceux qui avaient essayé de la rejoindre par des menaces de coups de pied bien placés, menaces qu'elle avait failli mettre à exécution.
La plus grande peur de sa vie de matelot...
Tout le monde avait besoin de calme.
- Elle est toujours comme ça ? demanda Artémis.
- Non, les 99% du temps, elle est folle, on est tombé dans le 1% où sa folie disjoncte, l'informa Lyre.
- Je l'envie, ça doit faire du bien d'être comme elle.
C'était vrai. Sa folie l'empêchait d'être triste, elle faisait confiance en ce qu'elle ressentait et en rien d'autre et elle savait trouver des mots pour s'exprimer. Elle avait obtenu le droit de faire ce qu'elle voulait. Sa situation était enviable pour beaucoup.
- Elle a peur de ce qui va arriver, dit Zayla, elle nous le dit à sa façon.
- JE N'AI PAS PEUR ! hurla la concernée du haut de son perchoir.
- N'ai pas peur ! la rassura Lylas, je te ferais pousser des tomates.
- MAIS JE ME FICHE DES TOMATES ! menti-t-elle.
On se regarda tous, désespérés, et nous hochâmes la tête.
(Voix de la marmotte dans la pub Milka) : Mais bien sûr !
Tout s'était enchainé tellement vite depuis deux jours, j'avais l'impression de devoir retourner en arrière pour tout comprendre, alors que j'avais tout compris.
- Fichue pensée paradoxale... chuchotai-je.
Le destin est bien cruel parfois...
- ON A COMPRIS QUE C'ETAIT POUR INTRODUIRE LE FLASHBACK, PATATE ! cria Rín dans l'esprit en panne d'idée de l'auteur.
- Oui, bon, ça va ! répondit l'intéressée.
Mon esprit vagabondant retourna donc au jour précédant, dans la bibliothèque de Kuraï, devant toutes ces œuvres artistiques me représentant.
Mon cerveau était tombé dans le vide sidéral.
Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?
Tout restait un mystère de mon point de vue. Car les pièces du puzzle que constituaient ce mystère apparaissaient les unes après les autres, mais elles étaient de forme si ambigües et si difficiles à placer, que même l'ombre d'une solution ne planait dans ma conscience.
Je sortis rapidement de mes pensées obscures, et rien qu'en voyant la tête du bibliothécaire en face de moi, je pouvais deviner que je devais faire une tête à avoir avaler une cuillère de sel.
- On tient le coup, petit ? demanda Kuraï.
- J'ai l'air ?
- Non, avoua-t-il, mais accroche-toi et regarde.
Il prit un des tableaux en main, un des plus petits, il devait mesurer 2O cm sur 10, et il le retourna avant de me le poser dans les mains avec puissance, même s'il avait plutôt l'air de penser qu'il s'y prenait avec délicatesse. Derrière l'image, des lignes était écrites d'une écriture fine et précise.
- Il y a le même texte derrière chaque œuvre, déclara l'immense homme d'une voix grave.
Une longue minute passa avant que je ne me rende compte que j'étais censé comprendre quelque chose d'après cet arrière de tableau.
Puis les engrenages de mon cerveau se mirent à tourner... Et je compris ce que je devais faire... Malheureusement, j'en étais incapable.
Je lui rendis le tableau et, probablement rouge de honte, je lui demandais :
- Qu'est-ce qu'il y a écrit ?
- OH ! s'exclama-t-il en réalisant que je n'avais pas reçu d'enseignement, Tu ne sais pas lire ? J'aimerai encore moins être à ta place.
- La-ferme-et-lis, dis-je rapidement en serrant les dents.
Je ne voulais pas être dur avec lui mais il ne m'avait toujours pas dit pourquoi j'étais là et pourquoi tout le monde m'avait peint, gravé et autres...
J'avais aussi l'impression idiote que l'on me regardait, où que j'aille et quoi que je fasse. On m'avait représenté de façon tantôt discrète, tantôt centre de l'attention, mais tous ces images étaient uniquement destinées à ce qu'on me voit, moi.
- « Après qu'au refuge le feu soit mis,
Et que le vieillard imite la madeleine,
Ils rejoindront l'amie de la martyre,
Les yeux jaunes du dernier des Luweïn,
Brilleront une unique fois,
Pour que les erreurs soient effacées,
Et là-haut, sur le mont Etara,
Sera trouver un repos mérité. »
Un ange passa. Cela me permit d'incruster ces mots dans ma mémoire.
- Et... qu'est-ce que ça veut dire ? demandais-je en levant un sourcil (oui, je suis dans les 2% de la population qui arrivent à faire ça).
- Aucune idée.
Je pense que si je n'étais pas aussi faible, je l'aurais déjà assommé... Aller... Respire...
- Mais qu'est-ce que c'est ?!
- OH ! oui, pardon. Il y a longtemps, bien avant ma naissance, une Ombre avait le don de voir l'avenir pendant quelques secondes, il s'appelle Sahrgzt (je suis le sûrement le seul à pouvoir le prononcer). Sa passion était la poésie : de ce qu'il voyait dans ses visions, il en faisait des vers. A force de rester cloitré chez lui à écrire, il est devenu sénile.
- Mais... ? dis-je en attendant la suite.
- Mais un jour il est sorti de chez lui et a parlé d'une de ces visions à tout le monde. Il a seulement dit que les Yeux Jaunes nous sauveraient tous, a un moment donné mais, il n'a jamais parler de ce poème. Les autres l'ont trouvé à sa mort avec d'autres papiers, en cherchant dans ses biens pour partager son héritage. Tous les artistes l'ont donc recopié pour ne plus jamais l'oublier, persuadés qu'un jour, leur sauveur viendrait.
Evidemment, c'était un vieux rendu fou par ses visions dans le futur et sénile, qui passait certainement son temps à tricoter des chaussettes, qui m'avait reconnu comme étant le sauveur de je-ne-sais-quoi...
CHERCHEZ L'ERREUR...
- Donc... je suis censé sauvé les Ombres de quelque chose que je ne connais pas et que je ne sais pas contrer ?
- Je suis désolé, dit-il sincèrement, il n'a pas laissé de mode d'emploi avant de mourir.
Voyant que mon cerveau était sur le point de cessé de fonctionner, il se mit à se tordre les doigts, gêné, avant d'ajouter avec un ton que l'on prendrait pour s'adresser à un enfant :
- Mais ce n'est pas ça l'élément le plus étrange.
- Ah bon, chuchotais-je, éberlué, hé ben, on n'est pas sortis de l'auberge.
- Il parle du « dernier des Luweïn ». Ici, pour désigner le dernier-né d'une famille on parle de son clan mais...
- Mais quoi ?
Ma gorge serra, des frissons parcoururent mon dos. Mes membres s'immobilisèrent.
C'était ça, la sensation que j'avais oublié pour un temps qui m'avait semblé être une éternité avec mes compagnons de voyage. La peur.
Les millisecondes s'écoulaient dans un temps beaucoup trop long tandis que le visage du bibliothécaire prenait une expression de tendresse, de pitié. J'étais terrorisé, j'avais peur de prendre un chemin que mes ancêtres avaient choisi pour moi. Et si j'avais jugé sa situation facile à régler, le fait d'avoir un pied dans celle-ci rendait les choses ben plus compliquées.
Mais c'était pire que ça.
- Obi, aucun clan n'a jamais eu comme marque des pupilles fendues, autant qu'il n'y a jamais eu de clan nommé Luweïn, souffla-t-il.
Je ne savais même pas ce que je devais accomplir.
- ... Quoi ?
L'incertitude du futur était mille-fois plus horrifiante que tous les scénarios que j'avais imaginé. Je ne voulais pas avoir à faire des choix importants. Je voulais être le type rigolo de l'équipe, qui n'avait rien à faire, mais qui devait tout de même soutenir le groupe. A la place de ce rôle de rêve, j'obtenais celui qui avait besoin d'être soutenu.
- On a cherché dans toute les archives, les forêts, les maisons pendant des années. J'ai lu tous les livres que j'ai pu. Tout le monde a mis la main à la patte mais nous n'avons trouvé aucunes traces de l'existence de ce clan. Même si ça ne veut pas dire qu'il n'a jamais existé ! se dépêcha-t-il de dire en voyant mon air déconfit et ma pâleur grandissante.
- Mais alors... je n'ai pas de famille ?
- Eh bien, ce n'est pas certain, il y a d'autres-
- Ai-je une famille oui ou non ? le coupai-je.
- Non.
Cela me fit plus d'effet que ce que je pensais.
Bon, aussi loin que je m'en souvenais, je n'avais jamais eu de famille, mais je pense que, sans m'en rendre compte, je devais entretenir l'idée que quelqu'un, quelque part, attendais mon « retour ». Quelqu'un en qui je pouvais vraiment avoir confiance, parce que j'étais lié avec cette personne de façon à ce quelle me ressemble, à ce que je lui ressemble dans mes gestes, mes habitudes, mes tics, ou tout simplement dans mon apparence.
J'avais toujours cru qu'au moins deux autres yeux aux pupilles fendues veillaient sur moi, j'avais même cru avoir l'impression de le ressentir parfois...
Mais non, personne ne m'attendait, personne ne pensait à moi, personne ne souhaitait que je reste en bonne santé ou d'autres choses idiotes qui me traversaient l'esprit...
Je ne comptais pour personne, j'étais destiné à être un pion ou un boulet dans le jeu de quelqu'un qui se servirait de mon pouvoir pour accomplir ses objectifs. Peut-être l'étais-je déjà ?
Je ne pouvais même plus placer ma confiance en mes amis, qui poursuivait des quêtes étranges, seuls eux aussi.
Kuraï toussota pour me ramener à la réalité, c'est-à-dire : moi qui regardais mes pieds en pensant depuis bien une minute pendant qu'il attendait dans l'atmosphère la plus gênante qui soit.
- Désolé, m'excusai-je.
- Y a pas de quoi, gamin.
Et il était reparti sans rien dire après avoir reposer le tableau à sa place. Je m'étais assis sur le plancher pour regarder toutes les œuvres en espérant y trouver un indice quelconque sur ma quête mais ils étaient tous si différents que c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. J'étais resté là jusqu'à ce que les gardes viennent nous chercher.
- Je vais me baigner ! décida Rín tout à coup, du haut du grand mât.
- Oh non... soupira Lylas.
- Je viens avec toi ! cria Artémis.
L'albinos monta avec elle en au poste de la vigie avec elle.
- Tu es sûre que ça risque rien ? demanda-t-il en regardant en bas.
- Bien sûr qu'il y a des risques, rigola sa cousine, mais avoue que ça serait moins drôle s'il n'y en avait pas.
Sur ce, elle monta sur la rambarde de son perchoir et plongea dans l'eau en traversant les dizaines de mètres de hauteur qui la séparait d'elle en quelques secondes.
SPLASH !
Artémis monta à son tour sur la rambarde... Et redescendis prudemment pour regagner le pont. Une baleine à bosse blanche sauta hors de l'eau pour envoyer des éclaboussures sur l'albinos.
- Je n'ai pas encore assez pris de masse musculaire pour survivre au choc thermique et à la puissance de ma chute, j'avais oublié, s'excusa-t-il.
Je m'imaginais alors Artémis couler au fond de la mer, les membres tordus par les fractures que lui avait causer l'impact avec la surface de l'eau.
Ah, oui... Ouille ouille ouille...
- On a frôlé la catastrophe ! s'exclama Zayla.
- Réfléchi avant la prochaine fois, conseilla Firín.
- Ce serait embêtant si tu crevais, remarqua Lyre, qui faisait des pompes et des étirements sur le pont.
Un ange passa. On regarda Lyre avec insistance jusqu'à ce qu'elle s'en rende compte. Elle s'inquiéta :
- Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Rien, la rassura l'albinos en essuyant une larme invisible, c'est la chose la plus gentille que tu m'aie dit jusque-là...
On rigola tous, sauf la combattante qui expliqua :
- C'est parce que c'est la première fois que je te parle, tocard.
Artémis se retourna vers Edwin pour lui demander avec sérieux :
- Ais-je vraiment l'air d'un tocard ?
- Je ne suis pas là pour juger, répondit-il pour esquiver la question.
- Je ressemble vraiment à un tocard...
- Prends ça comme un surnom affectif, suggérai-je.
- Un surnom affectif, très bien, annonça-t-il en colère puis il pointa chaque personne de notre groupe, donc, toi (moi), je t'appellerais Minou, toi (Firín), La Carotte, toi, (Lylas) L'algue, toi (Zayla), La Blondasse, toi (Edwin), Le Blasé, toi (Lyre), Réincarnation ratée d'un gars et TOI (Rín qui remontait sur le pont) LA GROSSE BALEINE ! Vous avez tous pourri ma vie ! Sans vous, je serais encore chez moi, avec mon grand-père en train de batailler pour lui faire avaler quelque chose et je ne serais pas là, dans une quête qui me mènera je-ne-sais-où ou peut-être même à la mort, pour me cacher dans une société que je déteste ! et... ET... !
Il s'appuya sur ses genoux pour reprendre son souffle après cette grande tirade, s'essuya les yeux et monta sur le grand mât pour prendre la place de Rín. Celle-ci s'écria :
- Si ça peut te rassurer, je l'aime bien mon surnom ! Je suis sûre que Minou, Carotte, Blasé, Algue, Réincarnation ratée d'un gars et Blondasse aussi !
J'effaçais la mémoire des pêcheurs en soupirant. Je n'avais aucune idée de quoi il parlait.
Mais j'ai un moyen de savoir.
Je levais les yeux vers lui et utilisais mon Ombre. Je replongeais dans le flux noir, comme j'y étais avec la mémoire des pêcheurs.
S'il se souvient de ce qu'il s'est passé, je le verrai peut-être aussi.
Le flux se transforma en courant : le subconscient d'Artémis cherchait à se rappeler, et il m'emportait involontairement avec lui.
Le courant s'arrêta devant une image, du point de vue d'Artémis, je voyais Edwin qui menaçait un vieil homme qui menaçait lui-même Rín, Artémis s'interposait mais en un éclair, la poitrine du vieil homme se fit percer par une flèche de verre et une cascade de sang tomba sur lui.
Vite, j'effaçais une seconde de la scène pour pouvoir revenir à la réalité, le cœur battant, pour dire tout haut :
- Encore un peu et je devais me racheter un nouveau pantalon...
- Hein ?
C'était la voix de Zayla, derrière moi.
Rouge de honte, je bafouillais des paroles confuses qui parlaient de trous et déchirures de tissus, en essayant de ne pas m'évanouir (histoire de ne pas éveiller les soupçons). Rín, elle, regarda vers Artémis d'un air pensif et soudain demanda à un matelot :
- Vous auriez une grande pièce de tissu ?
- Oui, on a une vieille voile de rechange dans la cale...
- Vous pourriez l'apportez ?
- Bien sûr, acquiesça-t-il en décampant.
Je levai un sourcil.
Elle qui utilise un langage soutenu, je dois halluciner.
Je ne crois pas que j'avais halluciné mais à ce moment-là, à cause d'avoir trop utilisé pour Ombre, je voyais aussi des dauphins qui dansait le tango sur le pont.
- Lyre, va chercher Artémis, ordonna l'albinos, et Firín, passe-moi des ciseaux.
- Pourquoi qui tu te prends pour... protesta Lyre.
- S'il te plait, la coupa-t-elle.
Et la combattante grimpa au mât pendant que le roux modelait son verre pour former des ciseaux transparents et que le matelot revenait avec une voile poussiéreuse.
- Je l'ai ! s'exclama Lyre en redescendant avec un albinos furieux sur l'épaule.
Elle le mit par terre et le regarda d'un air menaçant comme pour le défier de bouger un cil.
- T'inquiète, frérot, le rassura sa cousine en saisissant les ciseaux, on va te refaire une coupe, tes cheveux blancs sont pas invisibles.
J'amenai la voile avec l'aide de Lylas et enroulai Artémis dedans.
- Et si je ne suis pas d'accord ?
- Alors tu représente un risque pour nous d'emprisonnement et, potentiellement, de mort, sourit Firín.
Il n'eut pas le temps de répondre que les ciseaux coupaient déjà sa queue de cheval.
Artémis se dégagea rapidement après ça, sa cousine leva les bras pour faire signe que c'était fini... sauf qu'elle avait au moins 25 cm de cheveux dans une main.
Malgré ça, l'albinos ne pouvait toujours pas être classé dans un genre par son apparence. Rín avait coupé ses cheveux en les laissant tout de même assez longs, et on pouvait deviner par la netteté de ses gestes et son assurance qu'elle avait souvent vu quelqu'un faire la même chose.
A vrai dire, la coupe d'Artémis, était un peu brouillon, (mais c'était plutôt réussi si on comprenait le fait qu'elle avait été réalisée en un seul coup de ciseaux) les cheveux les plus longs s'arrêtaient un peu après son oreille et certaines mèches lui retombaient devant les yeux (ça ne semblait pas le dérange plus que ça). C'étaient des cheveux inter-genre, si on peut dire, et il gardait ses traits fins et caractéristiques qui le faisait ressembler à une femme.
- Beau gosse, le complimentèrent Lyre et Zayla, certainement pour rattraper les méchancetés qu'elles avaient pu dire de lui auparavant.
Il marmonna des jurons et alla s'assoir à l'arrière du bateau pour regarder les vagues.
L'intégrer à un groupe déjà soudé comme le nôtre allait être difficile...
Je m'appuyais contre le mât et m'endormis, épuisé par l'utilisation répétée de mon Ombre.
Une légère brise me réveilla.
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