Chapitre 9:
- Intéressant...
- Quoi donc?
- Votre point de vue.
- Oh! Si vous le dîtes, je hausse les épaules. J'ai parlé sans réfléchir.
Après mes mots un lourd silence s'installe. Je me sens vide à l'intérieur mais en même temps j'entends mes sentiments se bousculer dans ma tête et mon crâne semble vouloir se briser, je ne me sens plus mais je sens tout. Toute la maladie qui me fait vasciller, le monde tourne, il avance sans moi et je vais finir par m'écrouler. Suis-je sûre d'aller bien? Je suis sûre que je ne sais plus rien à part que je ne suis plus moi, plus rien, plus rien...
Et il revient, encore plus fort qu'avant, le doute, la peur où sont passées mes ailes? Comment m'envoler? Comment retrouver la force de diriger ma vie? Aujourd'hui je ne suis plus qu'une feuille trimballée par le vent, plus de contrôle aucun contrôle, ce sont les autres qui décident pour moi. Je ne suis plus la pluie qui décide quant-elle veut de tomber, je suis la marionnette, le pion utilisé par tous sauf par lui-même. Il revient son visage horrible, son expression satisfaite à chaque fois que je ferme les yeux, à chaque fois que je pense à autre choses qu'à ma confusion, à chaque fois que j'oublie que je disparais.
Je ne parle plus durant ce qui me semble durer à la fois une minute et des heures lorsqu'un servant arrive se plie en mille courbettes et en mille excuses de nous déranger mais je cite: il a reçu une importante missive pour mademoiselle Gautier.
J'attrape donc la lettre qu'il me tend, lorsque je la déplie je reconnais immédiatement l'écriture de Louis.
Rejoins moi le plus rapidement possible.
Je me lève et prend congé de leur compagnie en m'excusant. Je prends le chemin de ma chambre vidée de pensées et de sens. J'emprunte le passage secret toujours sans rien penser, je ne suis plus qu'une marionnette, un robot. Soit un robot, un robot ne perd pas le contrôle, un robot n'a pas la tête qui tourne, un robot n'a pas de sentiments. Soit un robot, c'est plus simple d'être un robot.
- Aliénor ma chère.
Je cligne plusieurs fois des yeux, je suis déjà arrivée?
- Plus vous passez de temps avec le prince plus votre absence me pèse, je suis ravi de vous voir mon amour, dit-il en s'approchant et en m'attrapant les mains.
Il... m'aime?
Et... moi? Qu'est-ce que je ressens, suis-je capable de m'en rappeler? Je songe un instant au bal masqué, j'étais redevenu moi, je n'étais plus angoissée, je n'avais plus l'impression de vasciller puis de tomber dans le vide avant de revenir sur terre encore plus perdu qu'avant. J'étais sereine. Et puis, c'était lui de toute façon. Oui. Ça ne pouvait être que lui.
- Aliénor?
Il me regarde avec milles interrogations dans les yeux.
Je ne sais pas pourquoi mais je me retrouve dans ses bras en train de pleurer. Je ne me souviens pas m'être effondrée en sanglots, je ne me souviens pas m'être pratiquement écroulée dans ses bras. Et pourtant je suis là, à pleurer tout mon soûl, le visage noyé de larmes et le regard flou. Je sens sa surprise mais ses bras finissent par m'entourer.
- Aliénor qu'est-ce qui ne va pas?
Ses bras autour de moi, mes larmes séchant déjà sur mes joues j'essaie de comprendre. Mais pourquoi je pleure? Je ne contrôle plus rien, mon esprit perd le contrôle sur mon corps.
- Je ne sais pas, dis-je en m'éloigner de lui, je ne sais pas, je ne me rappelle pas m'être mise à pleurer.
Il me regarde en fronçant les sourcils.
- Un instant de faiblesse probablement, j'avais à vous parler en tout cas j'avais eu une idée par rapport à la situation actuelle, dis-je essayant de retrouver une certaine contenance
- Hum, bien, qu'elle est-elle? dit-il avec un air perplexe
- Donnons au peuple ce qu'il désire, qu'il soit invité au palais, que l'on cesse de vivre dans deux mondes différents, proposez au peuple des référendums pour qu'il puisse donner son avis, que ce soit sur les lois ou autre chose. Ils sont autant citoyens que les nobles et pourtant nous ne nous connaissons même pas. La situation n'est pas normale.
- Je ne sais pas... inviter des personnes du peuple à la Cour ça ne s'est jamais fait, dit-il l'air hésitant
- Ce n'est pas parce qu'une chose et nouvelle qu'elle est mauvaise.
- Je dois y réfléchir je ne peux pas prendre une telle décision à la légère.
- Cette idée n'a aucun défaut si tu veux mon avis.
- Parlons d'autre chose si tu veux bien.
J'ai soudain la vague impression de l'avoir vexé mais je ne sais pas pourquoi.
- D'accord...
- Bien, il passe une main agitée dans ses cheveux, alors, hum, Aliénor?
- Calme toi ton hésitation m'épuise.
- Je t'aime Aliénor, je ne peux pas imaginer ma vie sans toi, ne me quitte pas s'il te plaît.
Ma voix s'étrangle dans ma gorge, il ne voulait me voir que pour ça ? Et... et mon avis... il ne l'intéresse plus? Peut-être que j'interprète mal les choses, j'ai l'impression de flotter et je ne m'en rends compte que lorsque je redescend sur terre.
- Et... et la Reine?
- Catherine? il fronce les sourcils d'incompréhension, tous les rois ont des maîtresses je ne vois pas pourquoi je devrais lui être fidèle.
- Mais... vous ne l'aimez pas? dis-je d'une faible voix
- Non. Aliénor votre réponse à ma déclaration m'inquiète je croyais que vous m'aimiez, n'est-ce pas le cas?
- Si... si... je crois...
Il me sourit et caresse ma joue.
- Je comprends que vous ayez peur, ne vous en faites pas, vous me faites confiance ?
- Oui...
- Alors n'ayons pas peur d'oser nous aimer.
☆
La vie se tord sous mes doigts et se défile à mes yeux. Un bal et je tombe amoureuse d'un visage sous un masque. Un bal et le masque de la Cour s'effrite. Accordez la liberté au noble lors d'un bal masqué et ils seront les plus heureux du monde, à bas les conventions, les politesses, la demi mesure. Une paire d'yeux et des compliments. Je perds la tête.
Matin du troisième jour je deviens la maîtresse du roi. En avais-je envie? Mais de quoi ai-je envie? Étais-ce bien Louis derrière ce masque de plume? Peut-être l'ai-je rêvé, après tout la réalité m'échappe, ma vie n'est peut-être qu'un tourbillon qui me happe et m'emporte, qu'une illusion. Soit forte Aliénor. Soit forte, tu ne fais qu'imaginer ta faiblesse. Soit forte la mort ne t'attire pas dans ses bras.
Aliénor Gautier
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