Chapitre 40 :
À mon deuxième réveil de la nuit, les choses sont bien différentes qu'au premier. Je repose tranquillement sur le torse nu d'Enzo. Je suis apaisée et calme contrairement à mon réveil en sursaut quelques heures plus tôt. En quelques mots je me sens bien tout simplement.
La pièce désormais illuminée par un servant, je commence à me lever mais un bras m'attrape et me ramène avec force. Une main au creux de mon dos, le regard de l'homme à mes côtés fait s'envoler des papillons dans mon cœur.
— Restons quelques minutes ainsi.
— Le futur roi ne se soucie pas d'arriver à l'heure ?
— Juste une minute.
Je souris et replonge dans ses bras.
— Juste une minute, je confirme.
Alors nous restons juste une minute à juste profiter de la présence et de la chaleur de l'autre. Juste une minute de paix, d'affection et de calme. Minute après laquelle nous nous dépêchons de nous préparer : toute la famille royale italienne allait faire une annonce télévisée aujourd'hui. Une annonce qui allait changer l'histoire.
☆
L'histoire allait se souvenir de ce lundi.
En France, ce lundi 9 juillet le roi destitué allait être jugé pour ces soit disant crimes.
En Italie, ce lundi 9 juillet marque le début d'une guerre franco-italienne.
Habillée de velours rouges foncés, j'ai vécu ce jour historique.
Enzo, dès que nous nous sommes levés, était tendu. Cela se voyait dans ses épaules contractées et sa mâchoire fermée et crispée. Cela se sentait dans la façon qu'il avait d'insister pour que nous restions le plus longtemps possible dans la chambre. Je ne cessais de lui répéter que tout allait bien se passer ; je n'en savais rien, je n'en avais aucune preuve. Mais si nous ne l'espérions pas, que nous restait il ? Si même nous n'étions pas capable de le croire, comment notre peuple pourrait le croire ? Nous devions garder l'espoir et ce en toute circonstance. Nous avions besoin de l'espoir, tous les hommes ont besoin d'espoir. L'espoir est la seule à rester fidèle aux hommes dans tous les cas.
Plus qu'Enzo, c'est tout le palais qui était tendu. Le roi l'a bien dissimulé mais cela est resté aussi évident que pour son fils. Les nobles ont semblé absorber, par mimétisme, cette attitude sérieuse et contractée. L'air était à coupé au couteau ce matin lors du petit déjeuner. Dans les yeux, identiques à ceux de son frères, de la reine déchue brillaient un éclat de colère que l'on ne retrouvait pas chez les autres. Une colère mêlée à une profonde détermination et un calme inflexible. Elle était impressionnante, admirable dans son attitude. On lui volait son royaume, on voulait tuer son mari sans raisons valables, elle répondrait coup pour coup et se battrait pour son royaume. Elle ne laisserait pas n'importe quel citoyen, seulement doué d'un talent de persuasion, prendre impunément un trône qu'il n'a absolument pas mérité et dont il ne possède pas les capacités pour y siéger. N'importe qui ne pouvait pas être roi. Être roi rimait avec des années de dures et rudes apprentissages en économie, en finance, en stratégie à la fois diplomatique et guerrière mais aussi en langue et en maîtrise de soi. De ses émotions, de son langage, de son corps (un roi n'a pas de tics et ne fait pas valser des meubles sans raisons [et même avec une raison]). Et encore, j'ai probablement oubliée des éléments. La reine est restée, comme à son habitude, le rocher au milieu de la tempête. Rien ne peut lui faire baisser la tête ou douter. Elle représente la force de la famille royale.
Quelle sera ma place dans cette famille ?
Pour l'instant, je me contente de garder espoir ; espoir en l'avenir.
11h.
11h, la famille royale italienne est réunie dans la salle d'enregistrement. C'était la première fois que j'y allais, Enzo m'a expliqué que c'est le plus souvent dans cette salle que le roi s'adresse en direct à son peuple. A 11h pile, hors du champ des caméras nous observons le Roi. Calmement, il explique la cause de son discours du jour. Il détaille la situation dans laquelle se trouve l'Italie vis-à-vis de sa voisine. Et enfin, finalement il annonce la guerre. Quelques mots qui se répercutent, eux et leurs conséquences, contre les murs qui nous entourent, dans ma cage thoracique, dans les télévisions de tous les italiens et dans tous nos esprit.
J'ai rarement vécu des journées aussi silencieuse. Je suis restée droite aux côtés d'Enzo, mais, la gorge nouée par les enjeux de cette journée nous n'avons pas pu prononcer un mot durant des heures.
14h.
14h, j'ai esquivé le thé avec la Reine, d'un signe de tête, et ma pâleur révélant ma faiblesse, elle ne m'a pas retenu. 14h je scrute les réseaux à l'affut du moindre indice sur le procès de Louis, mais rien ne fuite.
Je ne m'attarderais pas sur les messages reçus par les italiens ; l'annonce du roi les a clairement déçu et, par extension... par mon échec... par ma faiblesse, je les ai déçu, le peu que je leur ai promit, je n'ai pu m'y tenir. Je n'ai pu éviter la guerre...
En fin de soirée, je dessinais dans la suite, les nausées m'ayant repris je préférais rester le plus possible près de la salle de bain, lorsque mon époux est revenu m'annonçant la nouvelle... ou plutôt les nouvelles :
- L'armée italienne allait partir dès le lendemain pour s'attaquer à la France.
- Les populations allaient théoriquement être épargnées.
- Une fois la frontière sûre pour les italiens, sa sœur partirait en France est monterait jusqu'à la capitale accompagnait de seulement quelques hommes et femmes afin de dénoncer la tyrannie que le nouveau roi risque d'instaurer et le faire tomber de son trône, par la force ou par la paix.
- Louis a été condamné à mort et va être exécuté dans une semaine.
Les mots me manquent à présent, après avoir pleuré et m'être énervée, je n'ai toujours pas les mots pour exprimer ce que je ressens. C'est tellement confus. Je suis en colère contre lui pour ne pas avoir su écouter son peuple. Je suis furieuse que les français ont cru un imposteur plus compétent pour les gouverner. Je suis dévastée que la justice est allait contre l'abolition de la peine de mort. Je suis attristée d'imaginer Louis mourir aussi jeune et aussi injustement. Je suis terrifiée que la guerre échoue, qu'Henry Guojènne reste au pouvoir et enfin, que les idées révolutionnaires de la France se diffuse aux autres pays européens... à l'Italie.
Aliénor Denolizzi
Lundi 9 juillet 2322
☆
Je repose mon stylo sur le bureau d'Enzo à l'instant devenu ma table d'écriture en fronçant les sourcils. Le brun est resté sur le canapé non loin de moi, je le sais car j'entends sa respiration seule son avec la mienne à ressortir du silence de la pièce.
— Le temps est une chose étrange, lui dis-je sans me retourner.
— Que veux tu dire par là ?
— Les évènements de la journée me semble si lointain, pourtant il ne date que d'il y a quelques heures. Comment est-ce possible ? Alors que certains évènements plus lointain m'assaille encore avec la même vigueur que la première fois.
J'entends un froissement puis le mouvement de ses jambes qui se frôlent sur les quelques pas qui nous séparent, le bruit de ses pas s'interrompt juste derrière moi.
— Avec toute cette folie j'ai oublié de te le demander... qu'est-ce qui t'as réveillé aussi tôt ce matin ?
Ma langue se noue et les mots ont du mal à vouloir se frayer un chemin en dehors de mon esprit. Je reste de dos, la douleur revient malgré moi et fait s'accélérer le rythme de mon cœur et du sang qui traverse mes veines et mes artères.
— Prends ton temps, on n'a tout le temps, me chuchote t-il d'un ton rassurant.
Je prends une rapide inspiration, plus brusque que ce que je n'aurais voulu et lui dit :
— Un... un mauvais rêve... juste un mauvais rêve.
Il s'accroupit à ma gauche et me caresse les cheveux.
— Es tu sûre que c'était juste un mauvais rêve ?
— C'était tellement réel... ses mains sur moi, sa satisfaction, son corps qui me brise et me déchire. C'était si réel. Je n'y avais plus pensé pourtant, je ne sais pas pourquoi j'y ai repensé hier, je ne sais pas pourquoi. Tu es tout sauf lui. Je ne sais pas pourquoi j'y ai repensé. Je me croyais réparé, j'avais tord, j'ai si souvent tord en ce moment.
Il stoppe d'un doigt une larme qui s'était mise à dévaler ma joue.
— La guérison c'est long. Long et fastidieux. Il y a des hauts, des moments où l'on se sent mieux, où l'on se croit protégé et à l'abri de nos vieilles douleurs. Mais il y a également des bas. Des rechutes accompagnés du doute, de la souffrance, de la tristesse, de la déprime parfois. Ca ne signifie pas que l'on ne guérit pas, au contraire, mais une guérison ne va pas dans un seul sens. On remonte, on remonte, on remonte et d'un coup on loupe une marche et c'est normal. Et alors on dévale, on redescend de quelques marches, mais ce n'est pas grave, une fois qu'on a réussi à se relever, on peut recommencer à avancer, avancer d'un point plus haut que la première fois où on a commencé à avancer.
Je me tourne enfin vers lui. Je cherche mes réponses dans ses yeux et ils me répondent, sans l'ombre d'une hésitation, qu'il sera toujours là pour m'aider à me relever si j'en ai besoin. Alors je me laisse glisser de la chaise et le serre de toute mes forces dans mes bras. Il est ma bouée de sauvetage, mon phare, mon rocher dans la tempête de ma vie. Au bout de quelques longues minutes dans le confort que m'offre ses bras, je le relâche un peu, juste ce qu'il faut pour le regarder, et lui dit comme une formule trop simple pour signifier tout ce qu'il est pour moi :
— Merci.
Il sourit doucement, de la tendresse dans ses yeux et nous décale pour que son dos repose sur le mur et le mien contre son torse.
— J'imagine que tu veux savoir qui est la jeune femme avec qui j'ai parlé hier.
Je hoche la tête pour acquiescer sans rien dire.
— Elle est une des rares personne que je considère comme ami. Elle a réussi à repousser le plus longtemps possible ses fiançailles, je ne savais pas pourquoi, le parti choisit par ses parents n'a que deux ans de plus qu'elle et ce n'est pas un mauvais garçon, il n'est pas quelqu'un de violent ou de cruel, il n'est pas laid, je dirais même qu'il a du charme, mais elle continuait à repousser ses fiançailles malgré le risque qu'il ne finisse par choisir une autre femme et qu'elle puisse tomber sur un parti bien pire pour elle. Mais, ça y est, elle est fiancé. Et elle m'a finalement avoué son secret, je ne m'en doutais pas je l'avoue, je fais un piètre ami. Elle aime déjà quelqu'un, un garde parait t-il. Elle n'a jamais osé le dire à ses parents. Et maintenant... maintenant elle a peur de se retrouver enfermer dans un mariage. J'aurais aimé pouvoir faire plus que l'écouter et tenter de la consoler. Comme pour toi, j'aimerais pouvoir en faire plus. Comme pour mon peuple, j'aimerais en faire plus.
— Tu en fais déjà bien assez, dis-je pour le rassurer je pose ma main sur la sienne qui repose depuis un moment sur mon ventre. Tu en fait déjà beaucoup. Mais, dis moi, sais-tu qui est ce garde ?
— Je dois bien avouer que je n'en ai aucune idée.
— Hum, je me contente de faire plongée dans mes pensées.
— A quoi penses tu ?
— Une hypothèse.
— Ah oui ?
— Je t'en dirais plus lorsque je serais fixée.
— Très bien je te fais confiance, dit-il en déposant un baiser sur ma tempe.
Je continue de caresser inconsciemment le dos de sa main de mon pouce avant de me relever, réalisant qu'il devait avoir mal au dos, appuyé ainsi sur le mur.
Le laissant se changer et se laver dans la salle de bain. Je pointe mon nez en dehors de la chambre. Le garde posté comme d'habitude devant la porte se tourne vers moi.
— Qui a t-il ?
— J'ai compris, dis-je un sourire au bout des lèvres, c'est vous le garde aimé par la femme de cette nuit, vous savez, l'amie du prince.
Ses sourcils se froncent une expression mêlant surprise et vigilance se dessinant sur son visage.
— Que dîtes vous ?
— Vous l'aimez. Et elle vous aime. Si je ne me trompe pas Enzo vous a fait gardé sa porte, sûrement quand elle devenait une femme, il ne voulait pas qu'il lui arrive malheur. Alors, vous vous voyez tous les jours, matin et soir. Au fur et à mesure vous avez développé des sentiments l'un pour l'autre. Satisfait de votre travail auprès d'elle, Enzo savait qu'il pouvait vous faire confiance, alors, il vous a déplacé à mon arrivé, pour que vous surveillez ma propre chambre. Cela expliquerait plus précisément, votre immédiate hostilité à mon égard mais également que vous vous permettiez de me parler comme à n'importe qui : vous n'aviez plus rien à perdre et tout à gagner si Enzo vous retirait de devant ma porte. Cela justifie également votre réaction lorsque j'ai ouvert la porte cette nuit, vous craignez que je n'interrompe Enzo qui consolait la femme que vous aimez alors qu'elle en avait besoin. Peut-être même craignez vous que je ne lui jette quelque chose à la figure, dis-je d'un ton ironique, ce que je comprends tout à fait.
Il soupire et quitte pour la première fois son expression de marbre et parfois moqueuse montrant sa faiblesse une seconde. Avant de redevenir sombre.
— Peut importe, elle est fiancée maintenant.
— Vous lui en voulez ?
Je précise voyant son interrogation silencieuse :
— Quelle n'est pas dit à ses parents qu'elle aime quelqu'un ; qu'elle vous aime.
— Non. Je ne peux pas lui en vouloir. Elle est noble, le destin attend d'elle autre chose.
— Notre destin ne devrait appartenir qu'à nous.
— Peut-être. Mais ce n'est pas le cas.
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