Chapitre 34 :
Les yeux fermés, je me sens émerger du monde des songes. J'ai l'impression que mes muscles sont enveloppés de coton. Même si je sens un matelas sous mon corps j'ai l'agréable impression de flotter doucement. J'aimerais rester là à flotter mais je sens ma raison m'inviter à me réveiller. J'ouvre un œil fatigué, le décor que je vois ne me donne pas envie de me réveiller. L'épuisement et mon œil qui m'a piqué lorsque je l'ai ouvert m'invite à retourner sur mon nuage, ce que je fais avec reconnaissance. Je laisse mon esprit dans le brouillard et mes muscles dans leur atrophie. La réalité n'est fait que de douleurs et de déception, autant y échapper un peu plus longtemps.
La seconde fois où j'ouvre les yeux je suis debout sur un sol en pierre inégale. Mes bottines violettes serrées autour de mes chevilles. Au dessus de moi le ciel est d'un bleu limpide, sans l'ombre d'un nuage. Je reconnais immédiatement les jardins autour de moi, les hautes statues d'inspiration gréco-romaine, les haies taillées à la perfection. Je passe un doigt sur l'un des azalées en fleurs à ma gauche. Sous mon doigt je peux sentir la douceur et la fraîcheur de son pétale. Je souris me sentant apaisée sans réellement en connaître la raison. Je ne comprends pas réellement la cause de mon retour à Versailles mais autant en profiter. Mon cœur se sent allégé, mon âme reposé et mon cerveau en paix, alors autant en profiter. Je ferme les yeux, la brise fraîche me caresse doucement le visage et me souhaite un bon retour. Je suis là, une main près des fleurs, le visage face à la brise et de dos au palais lorsqu'une voix grave et plus assurée que je ne les connus m'appelle me faisant me retourner. Devant moi se tient Louis, un sourire sur le visage comme je ne les pas vu depuis longtemps. Il s'avance vers moi et me prend les mains.
— Aliénor, ça me fait plaisir de te revoir.
— Moi aussi.
Je pense réellement ce que je dis malgré tout ce qu'il s'est passé, après tout il reste mon petit frère dans mon cœur.
— Je suis désolé, si j'avais su que ce n'était pas de la fatigue j'aurais agi.
— De quoi parles tu ?
Je fronce les sourcils et étudie son visage essayant d'y déceler une réponse. Je n'y lis cependant aucune de ses pensées. Il ne répond pas à ma question et me détaille de haut en bas.
— Tu es magnifique, comme toujours bien sûr, mais tu aurais pu choisir autre chose pour un tel rêve.
— Je te demande pardon ? Je ne comprends pas le sens de tes paroles.
Il se penche vers moi et me susurre à l'oreille ses prochains mots.
— Ne t'inquiète pas. Tu vas rapidement comprendre. Détends toi, laisse toi aller, ceci n'est qu'un rêve. Profite du moment.
Ses lèvres se posent sous mon oreille pendant que ses mains trouvent leur place sur ma taille.
— Mais, je...
Toujours au creux de mon cou, il me dit :
— Je sais, tu es mariée, mais ce n'est qu'un rêve... et c'est le tien.
Il reprend ses baisers chauds m'empêchant de penser raisonnablement. Je lui réponds alors seulement ce qui me passe par la tête :
— C'est le mien ?
Je le sens hocher de la tête avant d'embrasser plus sensuellement la peau de mon cou. Instinctivement, je passe ma main derrière son crâne. Mes doigts s'emmêlent dans ses cheveux alors qu'il me dévore. Je ferme les yeux, perdues.
— Ne risquons nous pas d'être vu ? dis je soudain.
Il soupire contre ma peau et se place devant moi, me regardant dans les yeux en me répondant :
— Regarde autour de toi, nous ne sommes que tous les deux... comme tu l'as toujours voulu.
— Non, je secoue la tête, non je ne l'ai jamais voulu.
— Pourtant, c'est bien ton rêve.
Ne me laissant pas le temps de répliquer quoi que se soit, il fond sur mes lèvres. M'enserrant contre lui, il joue avec ma langue. J'essaie de comprendre ce que je veux, ce que je ressens mais mon cœur semble avoir disparu. Jetant un regard sur ma droite j'aperçois Enzo, l'air faible et abattu. Je sépare mes lèvres du baiser enflammé de Louis et me précipite vers mon époux, une joie indescriptible fleurissant dans ma poitrine. Qui disparaît immédiatement en voyant le regard qu'il a sur moi. La douleur dans ses yeux me tord les entrailles.
— Enzo ? Enzo, je ne voulais pas !
Il continue de me regarder sans rien dire.
— Parle moi, s'il te plaît.
Il demeure stoïque et silencieux.
— Ne reste pas muet s'il te plait. Je t'en prie exprime toi !
Cependant, il demeure sourd à mes supplications. Des larmes se mettent à couler de mes yeux. Elles dévalent mes joues et s'écrasent sur ma jupe. Je continue de le supplier en pleurant, je le secoue, lui hurle à la figure mais il demeure statue de pierre et âme de glace. Je me jette dans ses bras et le serre. Mes larmes s'écoulant désormais sur sa veste, mais il ne pose pas même une main autour de moi. J'attrape son visage des deux mains pour le regarder au plus près de son âme. Sa peau est effroyablement froide sous mes doigts.
— Enzo ?
Son silence me glace autant le sang que la tâche rouge écarlate qui s'étend sur sa chemise.
— Enzo ! je m'exclame. Non ! Non ne meurs pas ! Tu ne peux pas mourir ! Non tu n'en as pas le droit ! Je te l'interdit ! Enzo !
Mes hurlements demeurent inutiles, ils s'effacent dans la nuit. Personne n'y prétend l'oreille. Deux mains chaudes se posent sur mes bras.
— Tu n'as sûrement plus de mari dans le monde réel, alors profite au moins de ce que t'offres ton rêve.
Je me retourne furieusement vers Louis.
— N'as tu donc aucun cœur !
Il se tourne vers la gauche en m'ignorant.
— Tiens donc, on dirait que quelqu'un d'autre viens pour toi.
Je me tourne à mon tour dans la direction qu'il regarde. Je vois avec stupeur l'ambulancier avancer vers moi à grand pas.
— Je peux te faire oublier ta douleur même si je ne suis pas médecin. Je peux tout de même te guérir d'une certaine façon, je te le promets.
Son souffle s'arrête à quelques centimètres de ma joue. Ses sourcils se froncent.
— Qui a t-il ? lui dis je d'une voix que je ne reconnaissais pas.
Je regarde dans la direction opposée à celle qu'il vient d'emprunter. Le garde italien est déjà très près de moi.
— Profite de ton rêve, me dit une dernière fois Louis, ils n'ont aucune incidence. Et ta douleur sera bien là à ton réveil, alors autant en profiter.
— Autant en profiter...
Trois paires de bras m'entourent, au loin je ne vois plus Enzo. Je ferme les yeux, coupant mes pensées et ma raison, mes sentiments et mon cœur. Embrassée et désirée, il n'y a plus que le plaisir et un désir animal qui existent. Je les laisse m'embrasser, les bras, le cou, le visage, les mains, mais lorsque l'un d'eux pose ses lèvres sur les miennes, mon cœur se réveille hurlant son amour pour quelqu'un d'autre. Lorsque je rouvre les yeux je suis seule au milieu du parc à l'arrière du palais de Versailles et la seule chose à laquelle je peux penser est : Comment va Enzo ?
Alors je me mets à courir. Je cours dans la direction que me fait prendre mon cœur. Je cours en regardant le ciel au dessus de moi désormais gris et assombri. Je cours en luttant de toute mes forces afin de trouver le chemin de l'éveil. Je cours, mes talons claquent sur le sol, ma jupe et mes cheveux volent dans mon sillage, mon cœur bat à vive allure et mon souffle se fait plus bruyant mais je ne m'arrête pas de courir. Jusqu'à ce que le sol se dérobe sous mes pieds, et que je tombe en hurlant.
J'ouvre les yeux en sursaut. Une lumière vive me fait immédiatement plisser les yeux. Après m'être accoutumée à la luminosité, je distingue la pièce aux murs entièrement blancs. Je suis couchée sur un lit aux draps tout aussi blancs, tout aussi vide de vie. Des câbles me relient à plusieurs perfusions, ma tête me semble être dans un étau. Et c'est seulement à l'instant que je me souviens de l'opération. Enfin. Des opérations pour être exact. En cherchant aux chevets de mon lit, je trouve un bouton. Je le presse, j'espère que quelqu'un arrivera rapidement.
Je ne voulais pas savoir comment c'était passé mon opération. Je suis réveillée, c'est déjà bien, et comme de toute manière je ne sais toujours pas ce que j'avais ou ai, je me fiche pas mal de savoir si tout c'était déroulé comme prévu. Je voulais savoir où était mon mari et comment il allait. Comment s'était déroulé son opération ? A quel point sa blessure était grave ? Ont-ils pu le sauver ? J'avais besoin de savoir, il n'y avait plus que lui qui pouvait compter dans ma vie, plus que lui à qui me raccrochait, puisque j'avais du me faire à l'idée que je ne pouvais me fier à moi-même. Je m'étais accrochée à lui comme à une bouée de sauvetage. J'avais besoin de son amour pour vivre désormais. C'est pour cela que je trépigne d'impatience d'avoir de ses nouvelles, et d'être de nouveau à ses côtés.
Si j'en avais eu la force, j'aurais bondi de mon lit en voyant un infirmier entrer dans ma chambre, faute de quoi je me suis contenter de me redresser. Ce qu'il suffit à le faire se précipiter vers moi pour me faire me rallonger.
— Vous avez été opéré du cerveau. Vous devez allongée et vous reposer, Votre Altesse.
— Assez de Votre Altesse, je murmure comme un constat à moi-même, j'en ai plus qu'assez de Votre Altesse, je ne mérite pas ce titre.
— Mais vous le possédez.
— Peut importe, j'aime Enzo, pas sa couronne, je hais sa couronne.
Je ne regardais plus l'infirmier en parlant, je retourne mon visage et fixe mes yeux sur lui.
— Comment va t-il ?
— Il est en salle de réveil, nous en saurons plus quand il sera sorti de son sommeil.
— Je veux le voir.
— C'est impossible.
— Je dois le voir !
— Non, vous ne devez pas vous lever.
— J'ai besoin de le voir...
— Navré. Un interne viendra vérifier votre état.
— Cela m'est bien égal.
Je le laisse partir après avoir jeté un œil à mes constantes cardiaques, sans dire un mot de plus, je n'avais rien de plus à lui dire.
Allongée sur un lit, sans pouvoir s'en relever avec à observer que des murs et un plafond blanc et du matériel médical, on s'ennuie vite. Alors, mes pensées prennent le relais, envahissant mon esprit d'images et de paroles confuses et mélangées. Elles vont de l'état d'Enzo à la situation politique dans laquelle se retrouvait l'Italie et la France. Le roi allait sûrement mener une opération pour ramener sa fille à ses côtés. Mais est-ce qu'il irait jusqu'à déclarer la guerre à ma maison ?
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