Chapitre 33 :
- La France ne ruinera pas l'Italie ! Il faut tuer la malchance avant qu'elle ne nous touche !
Ses mots résonnent de la bouche d'un des conseillers avant qu'il ne quitte la salle, traîné par les gardes sur ordre du Roi.
La Reine est agenouillée à mes côtés près de son fils.
- On a appelé une ambulance, ils vont arriver.
Je ne sais pas à qui elle parle, moi, son fils ou elle-même.
Pour ma part, les seuls mots qui sortent de ma bouche en un flot faible mais continu sont des supplications.
- Je t'en prie ne meurs pas pour moi... je t'en prie...
Je ne remarque l'arrivée des urgentistes que lorsqu'une main essaie de m'éloigner du blessé.
Je me retourne vivement et croise une paire d'yeux étonnament rassurant. Devant ce regard, j'accepte de reculer laissant ma vie de mon mari à quelqu'un d'autre.
Je les regarde s'affairer autour d'Enzo comme si j'étais dans une dimension éloignée et que je ne pouvais qu'observer la scène.
Pendant qu'il est emmené, mon esprit semble se réveiller, je m'empresse de les rattraper et les supplie de me laisser venir à l'hôpital avec eux. Je sais que je ne dois pas le laisser. Il faut que je l'accompagne. Je ne peux pas rester seule sans lui et attendre sagement dans notre chambre en pleurant sa chaleur. Il faut que je reste le plus près possible de lui. Je sens en moi son sang qui s'échappe de son corps, je sens sa plaie au fond de ma poitrine. J'ai aussi mal que si j'avais pris la balle et je ne veux pas que quelqu'un d'autre soit au près de lui. Il est le centre de mon univers maintenant que je ne suis plus rien seule, je dois m'accrocher à lui. À notre amour.
Les urgentistes acceptent de me laisser monter en voyant mon air désespéré. Durant tout le trajet je tiens la main de mon époux, incapable de le lâcher ni de le quitter des yeux, comme si il risquait de disparaître si j'avais le malheur de le quitter des yeux ne serais-ce qu'une seconde.
Je lui murmure ce qui me passe à l'esprit en français. Mes paroles vont du fait que je l'aime au fait que je le déteste d'être si nécessaire à ma vie. Quoi que les urgentistes puissent penser de moi ils ne disent rien. Et je continue de le supplier dans ma langue de me revenir en vie. Si il meurt, je meurs avec lui. Il est la seule personne à avoir encore confiance en moi, même moi j'en suis incapable. Et entre nous deux il est certain que celle qui doit mourrir c'est moi, lui il a une famille, un peuple qui l'aime, la vie lui ouvre les bras, la folie me tend les siens. Il ne peut pas mourir.
Lorsque l'ambulance s'arrête, je lâche sa main et recule laissant des médecins le récupérer et l'emmener. Je reste figer jusqu'à ce qu'une main se pose sur mon épaule. Je ne me retourne pas, continuant de regarder dans la direction qu'il a prise. Je ne peux pas le quitter des yeux, il risque de s'effacer et alors je me rendrais compte qu'il n'était qu'un mirage.
- Votre Altesse, ne restez pas ici. Laissez-moi vous faire entrer dans l'hôpital.
Je sors de ma léthargie et secoue le visage en signe de refus.
- On risque de me reconnaître dans cette tenue. Toute l'Italie me déteste hormis lui, je ne crois pas que se soit une bonne idée.
- Ne voulez-vous pas qu'il voit à quel point vous l'aimez ? Ils comprendront alors que vous êtes humaines, comme nous tous.
- Vous ne me haïssez pas ? je demande sincèrement surprise.
- Par principe, je ne haïs que des personnes que je connais personnellement. Vous venez votre Altesse ? Il me tend une main pour m'aider à descendre de l'ambulance.
Je l'empoigne et de mon autre main je tiens mes jupons pour ne pas déraper dessus en descendant la haute marche.
Je lui lâche la main aussitôt et le suis dans les urgences. À l'intérieur c'est l'effervescence, je me demande si c'est toujours le cas. Je me décale plusieurs fois du chemin de médecins pressés.
- Où est Enzo ?
- Je vais demander.
J'attends qu'il s'entretient avec un médecin en observant ce qui m'entoure. Il y a tellement de souffrance et de peine en ces lieux que ça me presse le cœur.
- Altesse. Altesse ?
Je ne l'entends pas la première fois qu'il m'appelle.
- Venez avec moi, poursuit-il.
Lui et un jeune médecin m'emmène en dehors des urgences et me font m'assoir dans une grande salle d'attente.
Le médecin m'explique la situation :
- Votre mari a immédiatement été emmené en chirurgie. Il faut enlever la balle et empêcher une hémorragie. On ne saura l'ampleur des dégâts qu'en ouvrant, mais à priori, ni sa colonne ni ses poumons, ni son cœur n'ont été touché.
- Vous... vous pensez qu'il va s'en sortir ?
- Nous donnons toujours les meilleures chances de survie à chacun de nos patients, mais, croyez moi, pour notre prince, les chirurgiens feront encore plus que tous ce qu'ils peuvent faire.
- D'accord... merci. Vous devez avoir du travail, ne vous attardez pas auprès de moi. Vous non plus, je rajoute à l'intention de l'urgentiste.
- Êtes-vous sûr de vouloir rester seule Votre Altesse ?
- Je ne mérite aucun traitement de faveur, et vous avez un important travail à effectuer. Donc oui, je suis sûre.
- Très bien. Au revoir Votre Altesse, j'ai été ravi de vous rencontrer.
- Moi aussi, dis-je sincèrement, bien que les circonstances auraient plutôt tendance à me déplaire.
Il me fait un petit sourire désolé, avant de s'en aller tout comme le médecin avant lui, me laissant seule avec mes idées confuses et pessimistes. Je regarde les autres personnes qui attendent, toutes ont l'air à la fois désespéré et rempli d'espoir. Je comprends que nous attendons tous quelqu'un en chirurugie. Je me fais rapidement remarquée avec ma robe et mes bijoux de pierres précieuses et l'on me dévisage, on murmure, on s'interroge peut-être.
J'essaie de les ignorer, toutes mes pensées tournées vers Enzo. Je peux voir son visage en train de me sourire devant moi et ceux sans avoir besoin de fermer les yeux. Je peux même sentir la chaleur de son bras autour du mien ou même de son souffle sur la peau de ma nuque. Je ferme les yeux et mon esprit est assaillie par une image terrifiante : son corps tremblants après avoir pris une balle, balle qui m'étais destinée. Si il mourrait je ne me le pardonnerais jamais.
Soudain, je pense au secret qu'il garde pour lui. Je suis dans un hôpital, celui où je m'étais réveiller, celui où les informations à mon propos sont stockés dans un dossier. Mais comment y accéder ? Personne n'acceptera de me donner des informations. C'est certain.
Je laisse ma tête tomber sur mes mains jointes. Quelques larmes dévalent mes joues. J'ai déjà tellement pleurer depuis un mois. Je les efface rapidement du bout des doigts et me redresse. Sur ma droite, je vois quelqu'un en train de me filmer. Je regarde l'appareil d'un œil morne.
- Je vous amuse ? Suis-je suffisamment distrayante pour la caméra ou voulez-vous que je m'énerve ? Que je m'évanouisse ? Que je perde mes moyens ?
Il semble d'abord pris au dépourvu. Puis, il se reprend se disant sûrement qu'il vaut mieux maintenant dire quelque chose que rester muet.
- Vous semblez sincèrement triste... juste une question Votre Altesse, aimez-vous notre prince ?
Je suis surprise par sa question et le dévisage. Je plonge à l'intérieur de mon cœur, là où se cache le torrent de mes émotions. Je ne parle ni pour lui, ni pour la caméra mais pour moi-même.
- Je l'aime, je murmure en pleine réflexion en mon fort intérieur, je l'aime tellement que j'aimerais qu'il m'abandonne et prenne quelqu'un en pleine santé pour être sa reine. Je l'aime tellement que j'aimerais remonter le temps et ne jamais le rencontrer pour qu'il puisse faire un choix de raison et pas d'amour. Mais en même temps... je l'aime tellement que je sais que je ne pourrais désormais pas réellement vivre sans lui, exister oui, mais pas vivre. Je l'aime tellement que je ne peux m'empêcher de penser à lui même en étant en train de vous parler.
Je soupire.
- Vous pouvez penser ce que vous voulez de moi, l'épuisement m'assaille à chaque mots prononcés, tout ce qui importe réellement c'est ce que lui pense de moi.
J'ai bien du mal à sortir cette phrase avant de préférer me laisser aller à la noirceur.
Lorsque je me réveille et que je vois des draps blancs autour de moi je comprends que je suis couchée dans l'un des lits d'hôpital. Ne sentant pas le poids de ma robe, je devine porter une chemise d'hôpital. À côté de moi, une infirmière ajuste des perfusions.
- Bonjour, je souffle difficilement.
- Oh ! elle se retourne, vous êtes réveillé. Tant mieux, les médecins ont besoin de votre consentement.
- Mon consentement pour faire quoi ?
- Je vais appeler votre médecin, il vaut mieux que se soit lui qui vous explique.
- Mais... attendez, s'il vous plaît, dîtes moi ce qu'il m'arrive.
- Je suis désolé. Votre dossier est très clair, nous ne devons pas vous le dire. Nous ne pouvons pas aller contre la volonté du prince.
Je la laisse partir sans un mot, déçue. Je regarde par la fenêtre attendant que l'on vienne. Je pense à Enzo sur la table d'opération, à ceux pour quoi les médecins ont besoin de mon consentement alors que je n'ai rien eu à dire jusque là. Je pense en avoir une idée assez sûre. Une idée assez effrayante même lorsqu'on sait quelle est notre maladie, alors en étant ignorante de son mal c'était assez dur à imaginer et accepter.
Malheureusement, mon impression était la bonne.
Le même médecin que la dernière fois apparaît à ma porte.
- Bonjour Votre Altesse, comment vous sentez-vous ?
- Ignorante, docteur Paretti. Je me sens ignorante et cela dure depuis des semaines.
- Je suis navré, votre ignorance ne fait pas parti de nos consignes habituelles, mais les ordres du prince ont une autorité supérieur au principe des médecins.
Je soupire.
- Et pourtant vous avez besoin de mon consentement.
- Oui, puisque le prince est lui-même en train d'être opérer.
- Alors c'est cela ? Je vais être opérer sans savoir de quoi ?
- Oui c'est cela, dit-il une expression de regret sur le visage.
- Le traitement n'a donc pas fonctionné ?
- Les informations récoltées par votre infirmière au palais montraient une amélioration, malheureusement ce traitement finit toujours par n'avoir plus aucun effet, et la.... le mal, se reprend t-il vivement, après s'être rétracter s'étend de nouveau, et parfois plus vivement. Nous espérions, enfin le prince espérait que le traitement ferait effet jusqu'au couronnement mais nous ne pouvons pas prendre le risque que votre mal s'étende, bien sûr la décision vous revient.
- De décider si je veux être opérer alors que mon mari est en train de l'être ? je soupire de nouveau. J'imagine que je dois me fier à vous. Et bien j'accepte, je souffle sans me rendre réellement compte de ce qu'il m'artive et de ce qu'il va m'arriver.
- Je vais envoyer quelqu'un pour vous préparer, puis on vous emmènera au bloc.
- Très bien, dis-je peu réjouie. Juste une chose, avant que ne vous repartiez. Il se retourne vers moi, ayant obtenu son attention je lui demande :
Avez-vous des nouvelles de mon mari ?
- Non, navré.
- Ce n'est pas grave, dis-je sans le penser.
Il m'observe un instant, se demandant peut-être si je vais revenir sur ma décision, cependant ne voyant que je ne le regarde même plus il sort de la chambre.
Après cela, un interne arrive, il me rase la tête pour réaliser une neurochirurgie, c'est tout ce que je saurais de plus à propos de mon opération même si cela, j'aurais pus le deviner seule. En étant emmené dans les couloirs, couchée sur une civière, j'observe le plafond blanc. Il est juste blanc. Rien d'incroyable, je ne supporterais pas de rester plusieurs heures à ne voir que cela, je plains les personnes avec des minerves médicales qui ne peuvent voir que ce plafond. En entrant dans le bloc, je peux observer la différence d'ambiance même en regardant le plafond. Allongée sur le lit d'hôpital, habillée d'une chemise d'hôpital prête à ce que l'on m'ouvre le crâne, je ne suis plus personne. Je suis n'importe qui. Ma noblesse, mon mariage, tout ça ne comptait plus, je suis aussi désarmée que n'importe qui. Mes rangs disparaissent, qu'est-ce qui me reste pour faire mon identité ? Un nom peut-être. Celui de mes parents décédés et dont je me suis rapidement séparée ? Celui d'un mari ? Mais est-ce que ce nom représente l'individu aimant ou le prince presque roi dont les responsabilités de tout un peuple repose sur les épaules ? Et seule, seule qui suis-je ? Je n'en ai aucune idée. C'est ma dernière pensée avant que le docteur Paretti penché sur moi avec un masque et des gants enfilés ne me demande si je suis prête et de compter jusqu'à 10. Je ne sais pas quel numéro j'atteignis avant de disparaître de nouveau.
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