Chapitre 31 :
Le roi de France est tombé.
Je suis mariée.
Les dieux sont joueurs avec nous. Nos destins, quels qu'ils soient, semblent se fondre dans l'obscurité et emprunter un chemin de boue couvert de ronces.
On entend que ça sur les réseaux, le roi de France a sombré, malgré toutes ses tentatives. Débat, référendums, discussions avec le peuple par le biais d'internet, rien n'a fonctionné. Henry Guojènne lui a demandé : 《 Voulez-vous le bien de votre peuple ? 》, ceux à quoi Louis aurait répondu qu'il ne désirait que cela. Il a donc laissé sa couronne de son plein grès, si tel en est la volonté du peuple.
Une vidéo circule de lui en train de dire à son concurrent que si il ne voulait que le bien de la France, il ne serait pas là à convoiter le pouvoir et qu'une couronne pèse le poids de rudes années d'éducation, et que jamais le premier venu ne supporterait son poids.
La royauté est sur toutes les bouches des internautes, en concurrence à Louis, une vidéo de moi enguirlandant mon époux à peine marié. Les commentaires s'en donnent à pleine joie et m'enfonce déjà comme la pire future reine que l'on ai jamais vu, un véritable plaisir.
Aliénor Denolizzi
Lorsque je me réveille ce matin là, je suis d'abord sentie désorientée. Autour de moi flotte une odeur différente de d'habitude, le matelas n'a pas la même fermeté et mon oreiller est dure. En ouvrant les yeux je vois un torse nu juste sous mes yeux. Ma tête repose contre son épaule et tout mon corps est dans la diagonal. Mon mari est à moitié en dehors du lit tellement je prends de la place. Je passe mes bras autour de son ventre et rapproche le reste de mon corps de lui pour me serrer contre sa peau chaude. Les yeux toujours fermés il se tourne vers moi et me prend dans ses bras. Je ne peux plus rien voir.
- Je ne peux plus bouger, il me serre encore plus fort, je ne peux plus respirer tu prends trop de place.
- Tant qu'un domestique ne vient pas nous réveiller je dors donc je ne peux pas t'entendre, grogne t-il.
Un léger rire s'échappe de mes lèvres. Je referme les yeux et me laisse aller contre lui.
Au bout de ce qui pourrait être une heure ou quelques minutes les volets des appartements princiers sont ouverts et nous deux réveillés difficilement. Soudain je me souviens que la veille nous n'avions pas pris la peine de nous habiller pour dormir. Je me colle encore plus à Enzo et serre la couverture contre moi.
Mon mari, semblant plus à l'aise que moi, prend la parole et ordonne au serviteur d'aller chercher mes propres femmes de chambre et une robe.
Après un bref salut, le jeune homme part sur le champ. Enzo dépose un baiser sur le haut de mon crâne.
- Bonjour, marmonne t-il un sourire dans la voix.
Je me retourne pour lui faire face et le regarder.
- Bonjour.
Il sourit de toutes ses dents.
- Tu es magnifique toute décoiffée.
Je cache mon visage à moitié sous la couette.
- J'ai des cheveux de sorcière le matin.
- Non... disons que... c'est une œuvre d'art.
Un rire sort de ma gorge. Le sien suit rapidement et nous rions tous les deux lorsque mes dames de chambre arrivent.
- Je ferme les yeux, dit-il, vous pouvez l'emmener dans ma salle de bain.
Je lui donne une tape avant de sortir de sous la couette et d'enfiler les sous-vêtements que l'on me tend.
Les femmes me poussent gentiment en direction de la salle de bain qui se révèle être immense. Et heureusement, vu le nombre de jupons de ma robe. Elles me font mettre un corset, des couches et des couches de tulle, des bijoux, des escarpins et des joyaux pour parer mes cheveux. Lorsque je sors mon mari m'attend, prêt à passer cette journée. Un sourire revient sur son visage en me voyant.
Il me tend le bras.
- Prête à les éblouir ?
- Oui.
Je suis l'épouse du prince, je suis forte, je suis puissante, je dois rayonner de majesté et ceux malgré l'impression de voir légèrement flou d'un œil depuis mon réveil. Au bras d'Enzo, nous nous rendons dans la salle à manger éblouissante de fleurs blanches, de candélabres allumées et de parfums du petit-déjeuner. À notre arrivée, le Roi et la Reine sont déjà installés ainsi qu'une partie des ministres, des conseillers et des nobles. Je ne me laisse pas impressioner et dépasse les deux tables verticales acceuillant la Cour pour m'arrêter devant celle au bout de la pièce disposée de manière à être perpendiculaires aux deux autres, ainsi personne ne tourne le dos aux souverains. Je lâche le bras d'Enzo et fais une révérence parfaitement maîtrisée à ses majestés. Personne ne doit avoir encore plus conscience de ma faiblesse. Je suis une future reine, je dois me comporter en tant que telle et être irréprochable. Je ne les laisserais pas me trouver encore plus de défauts. Je reprends le bras d'Enzo, un sourire mesuré aux lèvres, parfaitement contrôlé il renvoit une image douce et confiante. J'ai été parfaitement maître de moi-même avant, je peux le redevenir, j'en suis persuadée. Il suffit d'un peu de volonté. Mon époux me mène à nos places. Lui à côté de son père, moi à côté de lui.
Tout du long du repas, seuls les ministres parlent, à voix basses bien évidemment, alors que les conversations vont bon train aux deux tables secondaires. Je ne me formalise pas de cette froideur, je dois m'y habituer, me blinder, hériger ma muraille pour me protéger, pour mon bien. Je ne dois plus prendre les choses tant à cœur. À la table du roi l'utilisation du téléphone est proscrite. Ainsi nous ne sommes pas au courant de ce qui cause l'engouement des nobles qui se montrent aux uns et aux autres l'écran de leur téléphone. Agacé par le remue-ménage, le Roi ordonne le silence. Tous les visages se tournent immédiatement vers lui, toutes les bouches se taisent et toutes les conversations se rompent.
- Que se passent-ils donc aujourd'hui ? sa voix puissante résonne dans la salle pareil au tonerre grondant dans le ciel. Alors ? Que l'on me réponde. Vous seriez tout à coup devenu timide ?
Un noble finit par se lever, d'un âge mûr ses cheveux bruns sont blanchis au niveau des tempes, il se courbe face au Roi avant de révéler :
- Le Roi de France est tombé.
Je suis prise d'un haut le cœur. Je porte une main à ma poitrine alors que l'envie de laisser ressortir la viennoiserie que j'ai pris pour le déjeuner me saisit. Je sens le regard d'Enzo se poser sur moi mais je ne peux retirer le mien du noble alors que les questions se bousculent dans ma tête.
Est-il mort ? Y a-t-il eu une invasion de Versailles ? Une tuerie des nobles ? Comment mon pays va surmonter cette épreuve ? Je repousse violemment cette pensée, la France n'est plus mon pays. Louis m'en a chassé en m'abandonnant, en cessant de m'accorder sa confiance. Je sais qu'il est responsable de ce qui lui arrive mais ne peux m'ôter de l'esprit la possibilité que j'aurais peut-être pus en faire plus, insister pour renouer le contact avec le peuple. J'aurais du en faire plus. Après tout, si j'ai été incapable de me battre pour ma patrie comment pourrais-je le faire pour mon nouveau pays ?
Aucun son ne peut sortir de ma bouche, aucune larme ne peut s'écouler de mes yeux, aucune émotions ne peut s'emparer de moi, je les chasse et m'efforce de les enfermer à triple tour. C'est ce qu'il y a de mieux à faire. Prête, je me tourne vers Enzo, sans sourire mais le regard confiant je lui fait comprendre que le sort de la France ne m'affecte pas. Une Reine ne doit pas se laisser abattre par ses émotions. Je me souviens tout à coup de ce jour où Enzo nous avait demandé quelles qualités devait avoir la Reine. Quand était venu mon tour, j'avais affirmé, à contre-courant de mes camarades, que l'on exigait de la Reine toutes les qualités possibles et aucune faille et que la seule chose que l'on devrait en réalité demander d'une reine était d'aimer son époux. Peut importe ses qualités ou ses défauts. Alors pourquoi ça ne me suffit pas de l'aimer ? Pourquoi est-ce que ça ne peut pas suffire ?
Le noble s'est rassit, le Roi l'ayant remercié, puis, le silence s'est abattu dans toute la salle ce qui est particulièrement étrange à vivre en vu du nombre de personnes qui sont, en ce moment même, dans la pièce. La rhapsodie des couverts ne reprend que lorsque le Roi recommence à manger, cette mélodie est la seule chose que l'on entend après cette intervention jusqu'à la fin du petit-déjeuner.
Après celui-ci, le Roi demande à ses minsitres et ses conseillers de se rendre en salle de Réunion. Il se lève et pose un regard dépourvu d'émotion sur son fils.
- Toi aussi tu participeras à la réunion.
- Très bien, père, lâche Enzo sans avoir l'air de le penser.
Il se lève à son tour, effleurant ma main sur la table au passage avant de suivre son père sans me regarder une seule fois. Une fois la porte rabattue derrière le père et son fils, la mère se lève à son tour et se tourne vers moi.
- Accompagnez-moi ce matin dans le boudoir.
Ce n'était pas une question, ni vraiment un ordre, c'était une déclaration, ni plus ni moins. C'est ainsi que ma journée de noce s'annonçait être une difficile journée.
Je suis la reine dans son sillage. Robe rouge derrière robe bleue, elle emprunte les couloirs sans me regarder à aucun moment, ne prenant même pas la peine de s'assurer que je la suivais. C'était inutile, lorsque la Reine exige ta présence, tu t'y soumets sans broncher. Telle une vague, les soldats postés au coin des couloirs et ceux menant leur ronde baisser la tête sur le passage de la Reine, respectueux et fidèles. Un domestique ouvre une porte à l'arrivée de la Reine sans qu'elle n'ai besoin de dire un mot ni faire un geste. Une pointe de jalousie me pince soudain le cœur. Elle est très impressionnante, elle respire l'autorité, elle est respectée et elle est forte et puissante. Ce n'est pas un jeu, c'est son être, pas juste une apparence mais son essence. Elle est reine dans tous les pores de sa peau.
Je n'avais encore jamais vu le boudoir du château italien. Il est douillet, et invite au calme, à la douceur, aux chuchotis et à la volupté. Des rideaux fins sont accrochés aux fenêtres. Des bougies sont allumées même si la lumière s'écoulent à flot des fenêtres. Des canapés, fauteuils et tables basses sont installés pour répondre au confort de ses visiteuses. Il y a une cheminée aux belles pierres apparentes qui est éteinte en ces temps estivaux. Les teintes de bruns chauds et de rose poudré dominent l'espace et contribuer à cette impression de douceur.
Elle s'assied sur l'un des fauteuils. Même sans la couronne sur sa tête on ne peut oublier ou douter de sa position royale. Je refais une révérence.
- Relevez-vous. En croisant les yeux d'obsidienne de la reine je ne peux m'empêcher de penser à ceux de son fils, remplis de chaleur et de douceur, ceux de la reine était froids. Elle reprend. Vous pouvez-vous assoir.
J'obtempère, prenant place dans un fauteuil en face d'elle, la boule au ventre.
- Dans un mois, vous serez reine. Il n'y a plus d'échapatoire, plus de possibilités alternatives, qu'on le veuille ou non, vous serez reine. Or, vous n'êtes pas prête. Pas du tout. Fini les journées à révasser, je vais moi-même vous former à être la meilleure reine possible pour mon fils et pour mon pays.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro