Chapitre 24
Darly m'a assez bien cerné. Déjà elle m'a ramené une robe, cependant elle me va mi-cuisse et dans sa salle de bain je me regarde dans le miroir incapable de bouger alors que j'entends sa voix m'encourageant à sortir.
Étouffé par la porte, je distingue le timbre doux et grave d'Enzo.
- Laissez-moi lui parler.
Je le devine juste derrière la porte.
- Aliénor. Je sais que tu m'entends. N'aie pas peur de ton reflet, n'aie pas peur de celle que tu es. Réponds moi. Je m'inquiète, si tu n'ouvres pas je pars de l'idée que tu es inconsciente et je me débrouillerai pour forcer la serrure.
Tout en restant face au miroir, je tends la main derrière moi et tourne la serrure. Je l'entends soupirer de soulagement en ouvrant la porte.
Je le regarde dans le miroir, ses joues se rosissent, il a la bouche ouverte comme un poisson en manque d'air. Les extrémités de mon champ de vu sont assombris.
- Je ne suis pas décente.
- Tu es magnifique.
Il m'attrape la main et me tourne doucement vers lui.
- Ma mère en aurait fait une syncope, les nobles seraient devenus fous, il avait raison je suis une pute. Sauf que ma mère est morte, que je m'éloigne des nobles pour en retrouver d'autres qui seront pareils et que je ne suis plus pure pour mon futur époux.
Ma gorge se noue de dégoût envers moi-même, les larmes brouillent ma vue. Comme si il répondait à mon désir, il me serre dans ses bras. Je me laisse aller et pleure de tout mon soûl contre son torse.
- Il n'y a plus rien qui va chez moi, dis-je les paroles entrecoupées par des sanglots.
- Tu n'as pas besoin d'être parfaite, dit-il rassurant en me caresant les cheveux.
- Je, je, je suis si loin de la perfection. Je n'ai aucune qualités, je ne contrôle même plus mon image.
- Laisse-toi aller, arrête d'y penser. Tu te fais du mal pour rien.
- Il y a quelque chose que tu ne sais pas à propos de moi... je ne suis plus vierge.
- C'est pas grave.
Je ris jaune.
- Tu ne le penses pas.
- Si. Si. Je t'assure.
- Tu mens très mal.
- Louis ?
Je fais non de la tête.
- Un comte de Versailles, quand j'y pense j'ai mal. Je ne sais pas si j'ai mal physiquement ou mentalement. Mais j'ai mal. Ça fait si mal. Ça fait si mal de ne pas être à la hauteur.
Il me serre plus dans ses bras, je sens son souffle dans mes cheveux quand il me dit :
- Je ne le suis pas non plus. Et ça ne change rien pour moi. Je t'aime. Pleure autant que tu en auras besoin. Je serais toujours là pour que tu pleures dans mes bras. Je t'aime. Je t'aime tout simplement.
Je sens mes muscles se détendre, je ne m'étais même pas rendue compte à quel point j'étais tendue, je repose ma tête contre son torse et ferme les yeux. Je respire doucement son parfum qui m'apaise.
- Qu'est-ce que je ferais sans toi ?
- Tu t'en sortirais, tu es forte. Plus que tu ne le crois.
- Si tu le dis, je soupire.
Je relève la tête pour le regarder et lui sourire sincèrement.
- Merci, d'accepter que je sois plus qu'imparfaite.
Mais la couronne italienne ne l'acceptera, ne puis-je m'empêcher de penser.
Je quitte les bras réconfortants d'Enzo, et sèche d'un doigt les larmes qui dévalent mon visage. Je me retourne vers la sortie et remarque que notre hôtesse nous a laissé.
- Allons retrouver Darly.
Il hoche la tête d'acquiescement. Tout en gardant un contact avec moi nous nous aventurons dans le petit appartement. Nous la retrouvons assise sur le canapé du salon.
- Nous aimerions sortir, dit Enzo.
- Je m'en serais doutée, mais c'est quand même une mauvaise idée.
- Nous passons inaperçus habillés ainsi, il n'y aura aucun soucis.
- Votre façon de parler vous trahira. Mais bon, elle hausse les épaules, faites ce que vous voulez.
- Je sais que vous nous aviez conseillé de rester ici au moins une semaine, mais nous serons plus en sécurité en Italie.
- En sortant d'ici, vous prendrez à gauche, vous finirez par tomber sur une station de l'express. Il vous emmènera jusqu'à l'aéroport de Paris si vous le prenez dans le bon sens.
- Merci Darly.
- Ne me remerciez pas, vous ne m'avez jamais vu.
Elle se détourne de nous et retourne à la contemplation muette de l'écran disposé dans le mur face à elle.
C'est donc seuls que nous empruntons en sens inverse les escaliers pentus.
- Nous devons rejoindre le plus rapidement possible l'Italie.
- En espérant que rien ne nous arrive de mauvais.
Il me serre la main dans un geste de réconfort, me soulignant son affection et sa présence.
Nous suivons la direction qu'elle nous a indiqué, il y a encore du monde dehors. Je serre fort la main d'Enzo pour ne pas le perdre. Plus nous approchons de la station de transport en commun plus il y a de monde, je pensais qu'en quelques heures l'excitation serait retombée. Mais non, à intervalle régulier une vague de parisiens en colère déferlait dans la ville. Ils crient follements leurs injures.
- Quel chaos...
- Aliénor attention !
Dans la cohue, je me prends un poing dans le visage. Mes oreilles se mettent à siffler, le bruit ambiant s'estompe, mon crâne pèse lourd, je vois Enzo se disputer avec celui qui m'a frappé par accident sans pour autant parvenir à distinguer ses paroles. Je pose une main sur son épaule. Mes oreilles continuent de siffler mais je distingue de nouveau mieux ce qui m'entoure comme si j'étais de retour dans la réalité.
- Laisse, laisse, inutile de se chercher des ennuies.
Il me regarde abasourdi avant de se montrer coopératif et de repartir.
On a aucune difficulté à trouver la station mais beaucoup plus à s'y repérer et se déplacer. Je ne lâche pas un seul instant mon fiancé, mieux vallait être perdus à deux que seul. On finit par rentrer dans un express en direction de la capitale et à laisser ces fous derrière nous.
Nous sommes assis l'un à côté de l'autre, face à nous un homme en costume et une femme a l'air particulièrement fatiguée.
L'homme a une allure distinguée avec sa coiffure où pas un seul cheveux ne dépasse et ses chaussures cirées. Il nous jaugeait, forcément, avec les vêtements que Darly nous a donné nous n'avions plus rien d'un couple royal, nous étions justes normaux et méprisables pour un businness man.
- C'est surprenant... dit-il, de voir des jeunes aller vers Paris et non pas venir de Paris pour faire leur petite révolution.
- Nous préférons éviter les ennuies, répond simplement Enzo.
J'aurais préféré passer le trajet en silence, malheureusement l'homme face à nous ne semblait pas de cet avis.
- Vous avez un drôle d'accent, soulève t-il, c'est étrange je croyais que plus personne n'avait d'accent.
Je ne sais pas si il faisait référence à son accent italien ou à son accent princier, dans un cas comme dans l'autre nous risquons de ne finalement pas passer inaperçue. Darly avait raison.
- Ce n'est qu'une impression.
Ce qu'il avait dit sur les accents disparuts m'intriguait mais j'allais paraître étrange si je posais une question alors je n'ai rien rajouté et me suis tournée vers la fenêtre.
- Vous aussi vous avez un accent.
- Si vous le dîtes.
Quelque chose me dérange chez cet homme, je jette un coup d'œil à Enzo, comme à son habitude, il me prend la main pour me rassurer.
Je songe à Darly, elle avait un accent, ce fait rend d'autant plus étrange les propos de l'homme.
Je serre plus fortement la main de l'homme à mes côtés lorsque l'inconnu se lève, mais il se contente de s'excuser en sortant un téléphone comme Enzo m'avait montré avant de s'enfoncer un peu plus loin.
Je chuchote à l'oreille d'Enzo :
- Que part-il faire à votre avis ?
- Il va sûrement appeler quelqu'un.
- Les téléphones sont fascinants.
Ma remarque lui fait échapper un rire. On se regarde gentiment.
- Excusez-moi, dit timidement la jeune femme, vous devriez vous méfier de lui, dit-elle d'une voix si faible que je l'ai à peine entendu.
- Pourquoi ? demandons nous en cœur avides de plus d'informations.
- Je...
Elle s'arrête brusquement lorsque l'homme revient le sourire aux lèvres se rassoirent à sa place.
- Chérie, tu disais quelque chose ?
- Non... rien...
- Très bien, il nous sourit, pardonnez la si elle vous a dérangé.
Je fronce les sourcils et tourne mon regard vers la personne qui sait si bien me calmer.
Il caresse mes cheveux tout en gardant son autre main autour de la mienne.
Le reste du trajet se passe en silence, je me contente simplement de regarder le paysage en appuyant ma tête sur l'épaule de mon fiancé. Nos mains ne se quittent pas une seconde.
Pour rester polis lorque nous arrivons nous disons au revoir et souhaitons une bonne journée à nos voisins. L'homme nous sourit d'un air qui ne me satisfait guère et la femme marmonne un vague au revoir les yeux baissés.
En sortant de l'express, nous sommes comme assaillis par le flot de voyageurs, à un tel point que j'en ai presque la tête qui tourne. Nous cherchons du regard où est la sortie lorsque deux hommes en uniforme nous accoste. Je fais un pas en arrière, savent-ils qui nous sommes ?
- Suivez-nous, disent-ils en nous liant les mains derrière le dos.
- Quoi ! Mais nous n'avons rien fait !
- Vous en parlerez au commisariat.
Je suis totalement paniquée, Enzo fait alors en sorte de capter mon regard. Il me dit :
- Aliénor, ne t-en fait pas... tout va bien aller.
Il est tellement sûr de lui, tellement confiant que je le crois immédiatement sur parole. Lorsque les policiers nous emmènent à travers la foule j'aperçois avec un frisson glacé l'inconnu qui sourit satisfait de lui.
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