Chapitre 20:
Après être sorti de cette entrevue avec le souverain il reste près d'une heure avant le déjeuner. Je quitte la compagnie du garde pour finalement retourner tout de même dans mes appartements. À l'origine je voulais les éviter vu les souvenirs que j'y garde mais je n'ai nulle part où aller. Je me sens désormais terriblement seule. J'ai tant changé, avant j'étais avenante, je discutais avec de nombreux nobles, j'étais un membre incontournable de la Cour. Désormais je suis misérable et seule.
Ennuyée je remplis mon carnet des derniers événements en portant une attention aux détails. Je ne dois plus rien taire. Si je veux comprendre les chose dans leur intégralité je dois tout mettre au clair. Je m'épanche sur mes sentiments, détaille ce que je sais sur la situation politique actuelle et décrit mes craintes, mes questionnements et surtout mes suppositions et ceux qu'elles engendrent: je dois agir pour le bien de la France et ensuite pour celui de l'Italie.
Après cela je remarque avec soulagement que les choses m'apparaissent effectivement plus clairement et elle me conforte dans mes convictions, si je faisais partie du tiers état je serais sur le point de faire tomber la tête du roi. Et cela, il était hors de question que ça arrive.
Je demande à Emilie d'améliorer ma coiffure, une fois cela fait. Je me rends, avec une attitude que j'espère digne, au déjeuner.
Lors du repas toute mes pensées sont tournées vers une seule chose: la mission que je me suis attribuée. La difficulté étant de réussir à parler à Louis d'autant plus qu'en le revoyant ainsi, à la place du Roi, je ne pus m'empêcher de penser que s'était son problème si il ne voulait plus rien avoir à faire avec moi. L'amertume que j'ai ressenti il y a quelques heures est revenu si rapidement. Je m'en veux de ressentir cela pour lui mais d'un autre côté je ne peux m'empêcher de penser qu'il a mérité mon amertume, il a si facilement cru le Comte que je n'étais qu'une nymphomane. Comment ne pas le détester après cela.
De l'autre côté, il y a Enzo, si exapérant et intéressant, courtois et attentionné et par dessus tout à l'écoute de mes besoins et réussissant à m'apaiser. Cruellement charmant et désespérant, il essaie de m'ignorer mais je remarque les oeillades furtives qu'il me lance régulièrement. Mais je dois être forte et c'est un futur roi, il est fort, ce n'est quand même pas une petite duchesse qui va le briser. Il survivra et moi aussi mais plus important encore son royaume survivra. Avec moi, ce ne serais pas aussi sûr. Il mérite mieux que moi, il ne reste plus qu'a l'en convaincre.
L'un comme l'autre il me pose tout deux soucis mais j'imagine qu'il vaut mieux d'abord parler à Enzo, le problème étant qu'il ne peut pas se montrer avec une seule de ses prétendantes aujourd'hui, pas avant le bal de ce soir où il annoncera ses fiançailles.
Je mange donc en silence réfléchissant à ce que je vais bien pouvoir dire et faire. Je suis tellement absorbée par mes réflexions que je sursaute en entendant mon nom. Je relève les yeux et remarque le regard insistant du prince, c'est probablement lui qui m'a parlé. Encore une fois je n'ai aucune idée de ce que l'on m'a demandé, pour une fois la cause est différente. Précautionnement, il me répète sa question sans se vexer, j'espère simplement qu'il n'est pas trop inquiet.
- Vous êtes vous remise mademoiselle Gautier ?
- Oui, merci pour votre attention Votre Altesse.
- C'est normal.
Il y a plein de choses que j'aimerais lui demander, mais il m'est impossible de le faire ici devant toute la Cour.
Après le dessert, le Prince nous signale à toutes les cinq qu'il doit discuter avec sa famille et qu'il nous laisse donc pour l'après-midi. J'essaie de lui faire lire dans mes yeux qu'il ne doit en aucun cas m'épouser mais dans les siens je ne vois qu'un pétillement.
Pourquoi ne peut-il pas comprendre qu'il a besoin d'une reine et non d'un poids? Cela est pourtant si évident, et pas que pour moi.
Je le laisse partir, persuadée que ni pour lui ni pour la France je ne peux désormais faire quoi que ce soit.
Malgré mes réticences initiales, j'accepte de quitter ma broderie pour qu'Émilie me change. Elle choisit une robe d'un fushia foncé, une couleur majestueuse comme le bordeaux mais en même temps plus délicate, un brin romantique même. Elle est belle, elle est à la hauteur de l'événement, c'est moi qui ne le suis pas. Ma femme de chambre prend le temps de me remaquiller et de me recoiffer. Elle apporte un soin particulier au détail alors que moi même n'en est rien à faire. Des épingles de diamants et de rubis sont plantées dans mes chignons, c'est très élégant. Des boucles d'oreille mettent en valeur mon port de tête ainsi qu'un collier, tout est assorti tout est parfait. Pourquoi les choses doivent-elles toujours être parfaites?
Lorsqu'enfin je suis prête je reprends mes travaux de broderies tandis qu'Émilie fait le ménage. Cette ambiance m'apaise et détourne mes pensées de la soirée qui, comme le laisse présager la couleur dont le ciel se teinte, arrive plus rapidement que je ne l'aurais voulu.
À 20h tapante, toute la Cour est en place dans la Galerie des Glaces, un lieu d'exception pour un évènement d'exception, l'avènement d'un roi et l'assurance d'une alliance diplomatique.
La crême de la crême. Tout le gratin de la bonne société. La richesse du royaume se tenait là entre ses murs pour célébrer la fin des célébrations du couronnement du Roi.
À 20h tapante le Roi se leva de son trône, déplacé pour l'occasion, et annonça.
- La fin d'une ère et toujours le début d'une nouvelle. Mon père, un si bon roi, me laisse sa place. Je suis Roi, et j'espère être à la hauteur de mon père, je ferais tout pour y arriver. Pour être le Roi que la France espère. Un nouveau règne basé sur la confiance entre un Roi et son peuple.
Espérons-le.
Vive le Roi! Vive le Roi! dit-on toujours.
- Il est temps de profiter de ce dernier bal, merci à tous pour votre présence.
Tout le monde s'agenouille devant le monarque avant de commencer à discuter et à célébrer.
Notre Roi reste sur son trône, ses parents et sa Reine à son côté. Les autres monarques discutent avec lui tandis que leurs enfants s'intègrent au reste des nobles. J'observe le prince se diriger vers Priscillia et l'inviter à danser. Il va faire de même avec chacune d'entre nous avant d'annoncer à minuit celle à qui il demande la main.
Louis est inaccessible dans tous les sens que peut prendre ce terme, je ne peux pas l'atteindre et il ne voudra plus jamais me parler.
Dieu protégeait la France.
N'ayant que peu envie de rester seule j'engage la conversation avec la Comtesse de Dordogne et la Baronne de Châtillon-sur-Seine. Cela faisait longtemps que je n'avais pas discuté avec d'autres nobles, ormis les prétendantes. Et avant, j'étais très proche d'elle.
- Duchesse, cela faisait longtemps.
- J'ai été occupé cette dernière semaine, je le regrette.
- Nous comprenons.
Elles échangent un regard.
- Le Roi n'a pour l'instant pas fait grand-chose depuis son arrivé sur le trône. C'est un peu décevant.
- J'imagine qu'il doit prendre ses marques.
- En parlant de marques, renchérit la Baronne, avez-vous déjà eu une tâche de café sur un oreiller?
Une tâche de café sur un oreiller...
Je souris. Elles sont arrivées à la même conclusion que moi.
- Je ne crois pas Baronne.
- Tant mieux pour vous alors, ma domestique a eu un mal fou à en nettoyer.
- J'imagine qu'elle a du paniquer.
- Oui, elle craignait que je prévienne l'intendante et qu'elle ne soit renvoyer. Je l'ai rassuré, je ne suis pas un monstre tout de même.
- Oui, certain sont des monstres mais pas tous.
Elle sourit.
- Exactement.
- Ravie que vous soyez de retour Duchesse, me dit la Comtesse.
- Moi de même.
Nous nous saluons d'un signe de tête avant de se séparer.
Une tâche de café sur un oreiller...
Les nobles ne boivent quasiment que du thé, rares sont ceux qui boivent du café. Le café n'est pas considéré comme noble, au contraire...
Le message des deux nobles est on ne peut plus clair pour quelqu'un qui sait le lire.
Cependant, changer cela n'est plus de mon ressort. Tant pis pour la France.
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