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Chapitre 61

Il semblerait que l'expression « sentir la rose » eut été inventée rien que pour elle.

Cela faisait une heure qu'Elwina et Ascelin étaient rentrés de leur excursion, pour arriver dans une maison endormie. Une heure, qu'Ascelin était assis en tailleur sur son lit, à observer la paume de sa main, cette main qui avait touché la sienne, cette main qui l'avait fait rire. Cette main qui sentait la rose. Le jeune homme n'avait aucune idée de ce que hurlaient les pensées dans sa tête ; il ne savait qu'une chose : cette odeur l'obsédait. Il se voyait enfouir son nez dans ses cheveux, dans son cou, dans ses mains si douces, pour respirer encore et encore cet exhalant bouquet.

Malgré le froid saisissant de la nuit hivernale, le métamorphe avait laissé la fenêtre de sa chambre ouverte, dans l'espoir qu'un petit chaton vienne s'introduire en silence.

Mais elle n'était jamais venue.

Ascelin avait fini par s'endormir, d'un sommeil sans rêves. A son réveil, le lendemain matin, le soleil était déjà bien haut dans le ciel, et la maison familiale était probablement vide. Le jeune homme, qui avait posé un congé, était le seul à ne pas travailler aujourd'hui. Il avait saisi le livre posé sur sa table de nuit, pour s'y plonger jusqu'à l'heure du déjeuner, se languissant dans ses draps chauds. Peu avant midi, le blond avait fini par se glisser hors des couvertures, pour enfiler un large pull et sortir de sa chambre, dans l'idée d'aller déjeuner. Or, à peine un pas posé à l'extérieur de sa chambre, son attention avait été posée sur la porte de celle d'Elwina. Elle était là. Il en était sûr. Il pouvait sentir sa présence, comme jamais il n'avait pû le faire avec quelqu'un d'autre, avant qu'ils ne découvrent leur lien d'âme-sœur. Le jeune homme avait laissé une expansion de son aura glisser sur le sol, précautionneusement, avant de lui-même se diriger vers la porte pour y toquer calmement.

La poignée s'était baissée. Non pas sous la main d'Elwina, mais sous la pression de la masse noire, qui s'était rapidement rétractée au contact du garçon. La brunette, quant à elle, était assise en tailleur au centre de son lit. Ses cheveux tombaient en cascade sur son dos dans un bordel monstre, et ses yeux fatigués ne disaient rien qui vaille.

— Quoi ? Avait-elle lancé sur un ton agressif, attendant visiblement que son interlocuteur explique sa présence. Pour toute réponse, l'intéressé avait fait un pas à l'intérieur de la pièce. A l'odeur, il avait compris pourquoi l'étudiante n'était pas allée en cours, et son aura corrosive, qu'il avait frôlée du bout des doigts, avait confirmé ses soupçons. Ascelin s'était approché du bureau, sans un mot, pour saisir avec inquiétude une boîte de médicaments totalement vide. C'étaient ceux qu'elle utilisait toujours pour ses menstruations.

— Tu as tout avalé ? Avait-il soufflé, tout en jetant un rapide coup d'œil aux effets secondaires. Il ne doutait pas de l'incroyable capacité de régénérescence de la métamorphe, mais, aux dernières nouvelles, cela ne faisait pas d'elle un être invincible.

— Il ne m'en restait aucun. Avait craché l'intéressée, visiblement rendue amère par la situation. Elle se serait bien traînée jusqu'à la pharmacie pour en racheter, mais sa dernière ordonnance avait eu la malchance de s'expirer, et elle ne savait même pas où était le cabinet médical de Kerdoueziou. Son teint pâle lui donnait des airs de morts-vivants, et ses bras étaient serrés contre le bas de son ventre, dans un élan visible de colère.

Le jeune homme n'avait pas perdu son temps à lui demander à quel point elle souffrait : le contact avec l'aura d'Elwina lui avait déjà tout transmis. Il s'était contenté de fourrer la boîte vide dans la poche de son jogging, avant de sortir en trombe de la chambre, sous les yeux éberlués de la brunette.

Sans davantage se préoccuper des intentions du blond, la jeune femme avait reporté toute son attention sur l'écran de son téléphone, où défilait la série qu'elle avait commencée au milieu de la nuit, alors que la douleur était trop intense pour réussir à dormir. C'était l'adaptation cinématographique d'une trilogie qu'elle avait lue quelques mois auparavant, et à défaut d'être conforme à l'histoire originelle, elle faisait passer le temps.

Et, alors qu'elle terminait tout juste son épisode, Ascelin avait de nouveau toqué à la porte de sa chambre, pour y entrer presque immédiatement. Il lui tendait, du bout des doigts, un sac de pharmacie, et elle devinait aisément ce qui s'y trouvait. La jeune femme ravala ses remerciements et ouvrit la petite boîte pour gober deux pilules bleues, avec un soupir de soulagement. D'ici quelques minutes, tout allait s'arranger, et elle allait oublier à quel point cette douleur était outrageusement handicapante. La présence familière d'Ascelin avait don de consoler sa souffrance, bien qu'aucune partie d'elle-même ne daignait l'admettre.

Dans sa précipitation, la brunette s'était coupée avec le papier de l'emballage. Elle avait secoué son doigt blessé en ronchonnant, tout en observant la cicatrisation s'opérer à vue d'œil. Une légère goutte de sang avait survécu, pour glisser le long de sa main, et finir par s'étaler sur son poignet. Elwina l'avait observée, tétanisée, avant de relever lentement la tête vers le blond.

— Ça a mis moins de temps que d'habitude.

Il savait très bien de quoi elle parlait. En temps normal, la métamorphe cicatrisait si vite qu'aucune goutte de sang n'avait le temps de s'échapper de son corps. La jeune femme avait relevé sa main, légèrement tremblante, alors que son cerveau lui donnait l'impression de tourner à mille à l'heure.

Sa période de menstruations était la seule où son corps ne la guérissait pas de ces maux spécifiques. Par conséquent, elle était bien plus faible qu'en temps normal. Se pouvait-il que, par un pur miracle, sa capacité de régénérescence soit amoindrie ? Avant qu'Ascelin ne puisse réaliser ses intentions, la métamorphe s'était subitement levée, pour se diriger avec précipitation jusqu'à son bureau qu'elle avait commencé à fouiller. Elle n'avait pas mis longtemps à trouver ce qu'elle cherchait, et, en un élan, la brunette avait violemment planté un compas dans son avant bras, alors que le jeune homme se jetait sur elle d'un air horrifié, pour lui retirer l'objet des mains.

— Arrête !

Un filet de sang eut le temps de s'écraser par terre. Alors que la jeune femme relevait à nouveau le regard vers son interlocuteur, ses iris brillaient. La douleur de son bas-ventre et de son dos, qui commençait peu à peu à partir, fut pour elle une véritable révélation. Elwina s'était rassise sur son lit, calmement, sous les yeux consternés du blond. Elle avait fermé les siens, et, comme projeté en profonde méditation, son corps s'était relâché. Son aura ébène avait tapissé le sol, pour remonter contre son corps, et venir le recouvrir à l'instar d'une seconde peau, faite de chair et de fumée. On aurait dit un nuage d'orage, prêt à lâcher sa foudre, et Ascelin n'avait pas osé la toucher. Il avait, au contraire, reculé d'un pas, le compas toujours en main, bien décidé à ne jamais le lui rendre. Il avait observé la scène, dans un état d'hébétude, ayant l'impression d'être à l'intérieur d'un de ces tableaux dramatiques du dix-septième siècle. Pour la première fois depuis ces dernières semaines, il ne comprenait pas le comportement d'Elwina. D'un seul coup, elle lui semblait si lointaine, alors que quelques secondes plus tôt, il était persuadé de connaître l'entièreté du calice de ses maux.

Ce furent deux, voire trois minutes plus tard, que la brunette avait de nouveau ouvert les yeux. Sans un bruit, son aura s'était évaporée, et la jeune femme s'était levée, tout en disant d'une voix calme :

— Merci beaucoup, pour l'Antadys.

Ascelin aurait pu lui sourire, oublier la déraison qui brillait dans les yeux féminins. Ignorer l'odeur de sang qui pinçait ses narines. Feinter l'inexistence de ce filet rouge qui coulait du doigt d'Elwina, à l'endroit même où elle s'était coupée. Il n'eut pas le temps de relever la blessure rouverte qu'elle avait déjà disparu.

— Tu vas mieux ?

Il avait frôlé son dos du bout des doigts, sans qu'Elwina ne réagisse.

— Merci beaucoup. Avait-elle répété, sur le même ton.

Il l'avait suivi dans la cuisine, d'une démarche robotique.

— Tu vas à la fac ?

— Non, j'irai juste au travail ce soir.

Cette fille avait de la chance : elle faisait ses études dans un domaine qui la passionnait, et il en était de même pour son job étudiant. La brunette avait commencé à farfouiller dans les placards, à la recherche de nourriture, mais le blond l'en avait immédiatement empêché, en lui attrapant calmement le poignet pour l'asseoir à une chaise.

— Je m'en charge. Avait-il lancé, tout en sortant du frigo une brique de lait et lui en servir un grand verre, avant de s'atteler à la cuisine. Elwina avait observé de liquide immaculé quelques secondes. Elle avait l'impression que jamais elle ne pourrait s'habituer à recevoir tant d'attentions. C'était une routine, chez les gens normaux, de ressentir cette petite boule de chaleur dans le cœur, à chaque fois qu'on leur accordait une simple bonté ? Comment faisaient-ils pour ne pas fondre, au final ? Elle avait presque immédiatement noyé ces pensées, morose : se lamenter faiblement sur sa vie n'était pas une habitude qu'elle comptait prendre.

Une demie heure plus tard, Ascelin s'était assis en face d'elle, deux assiettes fumantes dans les mains. C'était du riz, avec du poulet et des légumes sautés. L'odeur même des aliments lui donnait l'eau à la bouche, et la jeune femme s'était jetée dessus avec plaisir.

Il s'en rend compte, à quel point il est affectueux ?

Car, elle en doutait. Elwina avait toujours lu dans les yeux d'Ascelin ce qu'il y avait dans le sien : de l'aversion de soi.

— Ecoute-moi.

Ce n'est pas tant le ton dont elle avait usé qui l'avait fait ployer, mais l'ordre qui avait été formulé. Écoute-moi. Elwina parlait peu. Elle n'attendait jamais d'être écoutée. Elle se drapait du silence comme de la plus belle des soies. Et, aujourd'hui, pour lui, tout changeait. Calmement, le jeune homme avait posé ses couverts, et avait avalé la bouchée qu'il venait d'engloutir, avant de plonger ses yeux dans ceux de son interlocutrice, à la fois curieux et sur ses gardes quant à ce qu'elle souhaitait lui dire.

— Tu es quelqu'un rempli de gentillesse.

Elle avait à son tour recommencé à manger, nonchalante. Comme si cette simple phrase valait tous les arguments du monde.

— Tu dis ça car tu n'en as jamais eu l'habitude.

Ascelin avait ressenti le goût de l'hypocrisie, au fond de sa gorge, et sa mâchoire craqua tant il l'avait serrée. Lui-même avait grandi dans un environnement hostile, il ne faisait qu'agir par mimétisme en donnant aux autres ce qu'il rêvait de recevoir.

La métamorphe, de son côté, ne s'était pas vexée face à cette phrase. Après tout, c'était la stricte vérité. Sa grand-mère, les foyers, ses familles d'accueil... jamais personne n'avait été gentil avec elle. Sa misanthropie l'avait toujours mise à l'écart, et face à son comportement étrange les gens avaient toujours parlé d'elle à voix basse. Jusqu'ici, ceux qui l'entouraient lui avaient juste permis de survivre, par devoir davantage que par humanité.

— Alors, je te remercie de me donner cette habitude.

Il n'avait su que répondre. Il n'y avait rien à répondre. Les deux jeunes gens avaient terminé leurs repas en silence. C'est Elwina qui avait fini par se lever en premier, pour débarrasser ses affaires dans le lave-vaisselle, très vite suivie par le garçon. Juste avant de quitter la pièce, elle s'était arrêtée dans l'embrasure de la porte, pour se retourner vers Ascelin, d'un air placide.

— Les enfants abandonnés se demandent souvent ce qu'ils ont fait de mal. Moi, j'ai toujours su que j'étais une abomination, et jamais personne n'a tenté de me persuader du contraire.

— Tu n'es pas...

Mais, froidement, elle l'avait coupé :

— Jusqu'à toi.

Et, décrétant qu'elle n'avait rien à ajouter, Elwina était sortie de la cuisine, tout en fermant la porte derrière elle. Alors qu'elle était de retour au rez-de-chaussée, quelques minutes plus tard, le blond semblait patiemment l'attendre dans le canapé. La brunette, en le voyant, avait lancé avant même qu'il n'ait le temps de poser sa question :

— Je vais peindre en forêt.

C'était évident, qu'il allait l'accompagner, mais sa présence de ne l'incommodait pas. Elle avait trouvé en Ascelin un double, une version d'elle-même qui ne la quittait jamais, et la jeune femme s'acquittait aisément de la situation.

Naturellement, l'artiste s'était dirigée vers le Moger, mais au dernier moment, son accompagnateur l'avait retenue :

— J'ai un autre endroit à te montrer.

Curieuse, la jeune femme l'avait suivi sans broncher, en s'enfonçant un davantage dans les bois sombres. Après quelques minutes supplémentaires de marche, rendue difficile par les multiples ronces et branches sauvages qui entravaient leur chemin, Elwina avait commencé à entendre un cours d'eau, dont ils semblaient se rapprocher à chaque pas. De toute évidence, c'était là-bas que le blond souhaitait l'emmener.

Une fois arrivée au lieu, Elwina était restée bouche bée. Le spectacle qui s'offrait à elle semblait sortir d'un livre féérique, négligé par l'auteur. Il y avait, sur la droite, quelques rochers empilés naturellement les uns sur les autres, et recouverts d'une mousse épaisse. De là jaillissait un court d'eau, une petite source pure, qui glissait rapidement sur la roche en formant une cascade, pour venir alimenter un étang. Ce dernier finissait par déborder, sur la gauche, pour former un ruisseau qui partait se perdre dans la forêt. Sur le sol, quelques touffes d'herbes avaient réussi à survivre, au milieu des feuilles séchées, et des pierres qui formaient un champ de petites bosses. Ce petit coin de paradis était en friche, il fallait bien admettre, mais sa beauté restait authentique.

La jeune artiste s'était assise en tailleur sur le bord de l'eau, avant de sortir de son sac son carnet à croquis, et une palette d'aquarelle. Très vite, elle s'était plongée dans son art, tandis que quelques mètres à sa droite, appuyé contre les lourdes pierres, Ascelin s'était décidé à lire un livre. Ce n'était pas la première fois qu'il sortait l'ouvrage en plein air, et, à cause de l'humidité, les pages se gondolaient un peu. L'histoire lui semblait morne, sans couleur. C'est que, pour l'une des premières fois de sa vie, il appréciait davantage de vivre dans le monde réel. Blasé, le lecteur avait fini par poser son livre en soupirant. Ses yeux s'étaient naturellement posés sur la jeune femme assise à quelques mètres de lui, pour remarquer qu'elle le fixait avec intérêt, tout en mâchonnant le bout d'un de ses pinceaux.

— Les sirènes peuvent survivre dans l'eau douce ? Avait-elle fini par demander, d'une voix curieuse.

— Tout dépend de leur race, mais pas celles de Kerdoueziou.

— Il n'y a aucune créature là-dedans ?

Elle avait pointé le petit lac du doigt. L'étendue d'eau n'était pas bien grande —dix mètres de large et trente de long, tout au plus— mais on en devinait aisément la profondeur abyssale.

— Non. A Kerdoueziou, nous avons les Kelpies. Des métamorphes qui prennent l'apparence de chevaux aquatiques.

— De chevaux aquatiques. Avait répété la brunette, comme s'il s'agissait d'une absurdité.

— Une espèce étrange. Des chevaux, qui aiment nager.

Elwina avait froncé les sourcils, étonnée, avant de reporter toute son attention sur son carnet à croquis. Elle avait pris l'eau de la source, pour humidifier son aquarelle, et Ascelin avait continué à l'observer peindre, sans un mot. Elle avait également sorti un crayon noir, peut-être pour faire les contours des formes, il n'arrivait pas à le voir d'où il était posté.

— Tu fais toujours des dessins...

Il ne trouvait pas ses mots, et elle l'avait complété d'une voix sans émotions :

— Prémonitoires.

Et, après s'être relevée pour lui apporter l'esquisse qu'elle venait de terminer, l'artiste avait rajouté :

— Je peux simplement comprendre les choses telles qu'elles le sont dans l'Autre Monde.

Il y avait, sur la feuille, une représentation de la source et de l'étang bel et bien réel qu'ils pouvaient admirer. Et, sortant de l'étang, un cheval noir, ou bleu, ou vert, la couleur qu'elle avait utilisée n'était pas très distincte. L'équidé, majestueux, tout en muscles, observait son reflet humain dans l'eau miroitante. Ascelin reconnaissait les traits d'un homme du quartier Mac'h, qu'ils avaient croisé la veille à la pizzeria. Par simple curiosité, il avait machinalement tourné la page du calepin, pour être projeté face à un tout autre tableau. C'était Roméo, de dos, reconnaissable seulement par ses cheveux blancs, et le bas de ses jambes tatouées. Il y avait particulièrement cette flèche, sur sa jambe droite, qui débutait du haut de son mollet pour finir en pointe sur son talon. Le reste de son corps était invisible, caché derrière une aile rosâtre, entièrement dépliée et protectrice. Le jeune dragon, Askre, observait l'homme avec tant de dévotion que s'en était émouvant. Ascelin tourna une autre page. Cette fois-ci, c'était lui qui était couché sur le papier, assis sur un trône. Un vrai trône, fait d'argent et d'or, d'une valeur brute, avec à ses pieds des dizaines de loups qui l'observaient. Ce spectacle le troubla fortement, et il jeta un coup d'œil interrogateur à son interlocutrice.

— Tu es le plus puissant de ta meute.

Et, ils savaient tout d'eux que la hiérarchie des métamorphes se faisait au pouvoir.

Ce trône métaphorique était celui de l'Alpha, il le comprenait bien. Pour Elwina, la vérité de cette peinture n'était qu'une évidence plutôt banale. Pour lui, c'était la réalité catastrophique qui venait lui cracher au visage.

— Je n'ai jamais voulu de cette place.

Elle le savait, et comprenait parfaitement à quel point le poids de telles responsabilités devait peser sur les épaules du blond. Celui-ci avait fermé le carnet, tout en continuant à parler :

— Ils me détestent tous. Si je défie Armel, ma vie sera un enfer.

— Ils ne te comprennent pas, c'est différent.

— Ils ont peur de moi.

— Et tu as peur d'eux.

Les yeux bleus du jeune homme étaient glacials. Il aurait aimé lui hurler qu'elle ne pouvait pas savoir ce que ça faisait d'être rejeté, jusque par ses propres parents. Ce que ça faisait, de grandir sans amour, de voir les gens changer de trottoir sur son passage. Ce que ça faisait, de voir les parents conseiller à leurs gosses de ne pas être ami avec lui. Ce que ça faisait, de pleurer tous les jours dans son lit, sans jamais être consolé.

Mais il ne pouvait pas le faire. Parce qu'elle savait tout. Elle savait ce que ça faisait. Alors, le garçon s'était contenté de laisser tomber sa tête en arrière, pour la poser en un soupir sur la mousse trempée.

Quelque chose de tiède s'était posé sur sa joue. C'était la main d'Elwina. Le bout de ses doigts avait frôlé ses cheveux, par-delà ses tempes, et elle avait fait un tout petit cercle sur sa pommette, avec son pouce. La jeune homme avait fermé les yeux. Il aurait aimé mettre la main sur la sienne, pour la retenir.

Mais trop tard. Elwina s'était déjà levée. Et elle était partie, sans même qu'il n'ait le courage de rouvrir les paupières. Il l'avait fait longtemps après, alors que la brise avait enlevé toute trace de chaleur sur sa joue. En se redressant, le garçon remarqua avec surprise qu'elle avait laissé une feuille de papier traîner. Non, pas traîner : pour lui. Encore un croquis de lui. Il était debout, et semblait regarder le spectateur du dessin droit dans les yeux. Un trou béant ornait sa poitrine, là où aurait dû être son cœur. Il se l'était arraché, visiblement, et le tenait dans sa main tendue, ensanglantée. L'organe vital était si bien fait qu'il aurait juré le voir battre.

Et, ce n'était pas des gouttes de sang qui en tombaient pour s'écraser sur le sol.

Mais des pétales de roses.

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