- Chapitre 6 -
Seokjin se lança à la suite de Jimin, dévalant les marches aussi vite que lui pour rejoindre leur ami. Le ventre noué, sa lampe de poche projetant sa lumière orangée sur les murs délabrés, il le chercha du regard.
— Qu'est-ce qui se passe ? dit Jimin devant lui dans un chuchotement bruyant, avant que Yoongi n'apparaisse enfin dans son champ de vision.
Le teint livide, les yeux écarquillés, il tenait dans sa main aux ongles rongés — n'était-il pas censé avoir arrêté ? — un carré de papier. Sa lampe était posée au sol, elle traînait à ses pieds, inutile maintenant qu'ils éclairaient le couloir de la leur.
Sans pleinement réaliser ce qu'il était en train de faire, Seokjin s'approcha, assez pour comprendre que c'était en fait un Polaroïd, que l'autre brandissait à présent sous leur nez.
— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il, incertain.
— J'ai pris un Polaroïd de la cuisine, répondit Yoongi, s'adressant davantage à Jimin qu'à lui, et il s'est passé un truc bizarre... Y a une putain de silhouette sur le cliché, et...
— Je vous l'avais dit ! l'interrompit Jimin en claquant des mains.
Le bruit alerta Gollum, qui vint se coller près de lui et mordilla un bout de sa chemise orange.
— Cette maison est hantée ! continua-t-il, et on aurait dit qu'on venait de lui annoncer la sortie prématurée de sa BD préférée.
— Jimin, essaya Seokjin d'un ton calme.
— Fais voir ! insista celui-ci, tout en s'emparant violemment de la photo.
Il parlait fort, ce qui, quelque part, était rassurant, mais cet éclat de voix portait peut-être aussi les signes de sa propre nervosité. Il se pencha par-dessus son épaule afin d'y voir quelque chose lui aussi, et, pendant un instant, un silence haletant et oppressant s'installa entre eux. Il retint son souffle, comme dans l'attente que le Polaroïd prenne soudain vie, lui saute à la gorge ou se mette à exploser sous ses yeux. Il ne se passa rien de tout cela ; sur le cliché, fraîchement sorti de l'appareil, figurait la cuisine de la maison, avec ses meubles jaune pâle, qui se découpaient sur un carrelage affreux, sa gazinière blanche, puis ses casseroles accrochées au mur. Mais quelque chose n'allait pas : on aurait dit qu'une autre photo, de la même pièce, était posée sur la première, que les éléments de la cuisine étaient superposés les uns sur les autres, de manière imparfaite, de telle sorte qu'on apercevait un minuscule décalage.
— Il y a sûrement eu un problème avec l'appareil, dit-il au bout d'un moment.
— Regarde ! s'écria Jimin, le doigt pointé sur l'un des coins de la photo. Là, tu vois ? C'est carrément quelqu'un !
Seokjin constata que sa main, lorsqu'elle s'était approchée du cliché, était tremblante. Il s'attarda un instant sur lui, sur ses yeux écarquillés et sa bouche ouverte, humide comme s'il y avait passé la langue à répétition, puis se reconcentra sur le Polaroïd. Parler d'une silhouette était probablement exagéré, pensa-t-il, tâchant d'ignorer la sensation désagréable qui grandissait au creux de son estomac et lui gelait les entrailles. Il y avait effectivement une tache sombre, aux contours imprécis, qu'on aurait pu associer à une forme humaine, d'accord, mais ça pouvait très bien être autre chose. La salle était mal éclairée, ce qui rendait la photo plus sombre encore que la réalité.
Il leva les yeux vers Yoongi, qui faisait les cent pas, marmonnant pour lui-même, son avant-bras plâtré formant un angle étrange. Jimin, quant à lui, se dirigeait vers la cuisine, probablement pour vérifier la concordance des détails de la photo. Seokjin voulut le suivre, il détestait l'idée d'en savoir un tout seul dans la maison ; il ne pouvait se détendre que lorsqu'ils étaient tous bien en vue, mais Yoongi n'amorçait aucun mouvement pour quitter la pièce :
— ... j'comprends pas pourquoi c'est sorti comme ça, j'ai pris la photo comme d'habitude, tout était ok au début, et après...
Il parlait de plus en plus fort et de plus en plus vite, mâchant ses mots, les écrasant sous sa langue, le corps agité et une sonnette d'alarme au fond des yeux. Seokjin le connaissait bien ; il en fallait beaucoup à Yoongi pour perdre son calme, mais quand cela arrivait et qu'il se mettait dans un état pareil, il était difficile de lui faire retrouver ses esprits. Seokjin ferma les yeux une seconde. Les marteaux dans ses tempes empiraient à mesure que Yoongi déversait un flot de paroles, celles-ci se vidant progressivement de leur sens pour ne devenir que des fragments de mots.
— ... pas normal... truc bizarre...
— Ça ne pourrait pas être un problème de superposition de photos ? tenta-t-il.
— C'est pas possible sur un Polaroïd, lui répondit l'autre, pas le moins du monde rassuré.
— Alors il y a dû avoir un truc au niveau du négatif, ou bien elle s'est mal développée.
— J'ai tout fait corr...
— LES GARS, VENEZ VOIR ! retentit la voix de Jimin dans la cuisine, suivie d'un aboiement de Gollum.
Après un dernier regard vers Yoongi, qui refusait obstinément de lever la tête dans sa direction, Seokjin quitta le couloir pour rejoindre Jimin. Il le trouva debout au milieu de la pièce, ses yeux plissés faisant l'aller-retour entre la photo et ce qui l'entourait. Il s'approcha, s'arrêtant brièvement lorsqu'un grand froid lui traversa le corps, comme une vague qu'on prendrait de plein fouet, puis jeta un nouveau regard sur le cliché. Il entreprit lui aussi d'observer les lieux, éclairés par leurs lampes.
La cuisine était une pièce tout en longueur, avec un carrelage blanc à petits carreaux sur les murs, un autre épais et brunâtre en guise de sol. Ce dernier était si sale que Seokjin dut gratter avec sa chaussure afin d'identifier son aspect d'origine. Identique sur la photo, constata-t-il. La poussière formait une épaisse couche sur les surfaces présentes, les pattes de Gollum y avaient déjà laissé quelques traces. Les meubles jaunes s'alignaient contre la paroi du fond, néanmoins la couleur semblait plus fraîche sur le polaroid, moins fanée. Sans doute était-ce un effet du flash de l'appareil photo, et puis, l'éclairage de la lampe de Yoongi au moment de la prise avait dû altérer un peu la lumière.
Seokjin monta sa lampe au niveau de son visage et essaya d'ouvrir le four, qui crissa désagréablement, entouré de graisse et de moisissure. Le bruit le fit presque sursauter dans le silence pesant qui régnait. Au centre de la pièce, juste là où se tenait Jimin, se trouvait la gazinière blanche, qui jurait avec le reste, paraissant étrangement neuve au milieu des tons fanés. Le revêtement autour des boutons, probablement d'un noir flamboyant à l'époque, s'écaillait. Il passa ses doigts dessus et observa presque avec satisfaction les petites particules sombres s'effriter. Au-dessus, d'autres meubles et une lignée de casseroles en cuivre, disposées de la plus petite à la plus grande, se noyaient dans un enchevêtrement de toiles d'araignées opaques. Malgré la saleté qui lui piquait les yeux et la gorge ainsi que la vétusté des lieux, Seokjin sentit l'étau qui lui enserrait le ventre se détendre doucement : la photo était certes singulière, avec cette superposition inexpliquée, mais les deux cuisines étaient bel et bien identiques en tout point. Il n'y avait rien à signaler.
— Vous voyez, dit-il, ça doit vraiment être un souci au niveau du développement. C'est assez humide ici, ça a peut-être fait baver la photo et donné cette impression de dédoublement. Et puis, il n'y a pas de lumière, c'est sombre, on ne voit pas bien.
— Ce jaune est vraiment dégueulasse, maugréa Yoongi en passant un doigt sur la surface des meubles. Et cette silhouette alors ? ajouta-t-il pour lui répondre.
— C'est sans doute une illusion... On voit une silhouette parce qu'on veut en voir une.
— Bien sûr, je voulais voir une forme humaine sur ma foutue photo ! rétorqua Yoongi en haussant légèrement la voix.
Seokjin leva les yeux au ciel pour réfléchir, et son regard, en redescendant, s'accrocha à la gazinière. Son cœur manqua un battement, tandis que la curieuse sensation qu'il avait ressentie en entrant dans la maison annonçait son grand retour. Non, ça ne pouvait pas...
— Jimin, passe-moi voir la photo, s'il te plaît.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda aussitôt Yoongi.
Seokjin balaya l'air de sa main en voyant l'expression du cadet, comme pour minimiser la chose.
— Jimin ? répéta-t-il devant le silence de l'adolescent.
— Dites... leur demanda finalement ce dernier. On est d'accord qu'il n'y a rien sur le gaz ?
Seokjin se figea. Il savait ce qui allait suivre.
— Ouais, y a rien, pourquoi ? fit Yoongi en claquant la langue.
Jimin se tourna lentement vers eux, son regard passa de Yoongi à lui, et, peinant visiblement à dissimuler son excitation, il déclara :
— Parce que sur la photo, il y a clairement une poêle sur la gazinière.
À partir de là, ce fut le chaos. Yoongi laissa échapper une flopée de jurons, au milieu desquels Seokjin reconnut un « je me casse » prononcé à voix basse ; Jimin continuait de parcourir la pièce tout en poussant des exclamations enthousiastes. Seokjin, lui, se débattait avec les remous de son esprit et les tambours dans son crâne, tout en essayant d'apaiser le benjamin à l'aide de paroles que celui-ci ne paraissait même pas entendre, tant il était excité par sa découverte.
Certes, cette histoire de photo était étrange ; tous étaient sous tension depuis leur arrivée dans la maison, lui le premier, mais il était persuadé que la meilleure manière d'agir était d'éviter de s'emballer trop tôt, du moins, pas avant de s'être correctement reposés. Après tout, la nuit était déjà bien avancée, ils avaient fait un long voyage ; ce ne serait pas étonnant qu'ils commencent à voir des choses qui n'existent pas. Cette poêle, c'était... Il y avait forcément une explication. Était-ce vraiment une poêle, d'ailleurs ? Seokjin avait vécu son lot d'expériences paranormales, mais cette fois, il n'y avait aucune raison qui expliquerait la présence d'un tel objet. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Il prit la photo des mains de Jimin et observa la tache sombre sur la gazinière, le manche long et gris ; puis, il leva les yeux devant lui, désespéré de trouver la même forme, le même objet, comme si elle avait pu se matérialiser entre temps, comme si tous l'avaient manquée. Mais rien.
La poêle n'apparaissait que sur la photo.
Yoongi fit la même chose, il s'empara à son tour du cliché à l'aide du bout de ses doigts dépassant du plâtre, puis se frappa le front de sa main libre en pestant une nouvelle fois.
Soudain, il baissa son bras, regarda autour de lui et leva la tête pour renifler l'air.
— Vous sentez pas un truc bizarre ? Je rêve ou y a une odeur de cramé ?
— T-Tout est éteint, pourtant, répondit Seokjin en laissant traîner son regard sur la gazinière et le four à micro-ondes.
En plus, il n'y avait même pas d'électricité.
— Je la sens aussi ! s'écria Jimin. Pas toi ?
Si, lui aussi la sentait, une odeur de nourriture brûlée, agressive et entêtante. Yoongi avait recommencé à s'affoler, il parlait vite, passait ses doigts dans son undercut blond platine. Seokjin n'aimait pas son expression, la peur qu'il lisait dans ses yeux et qui devenait contagieuse, ni sa lèvre fendue tremblotante. Il avait envie de lui ordonner de se calmer, le temps qu'il reprenne sa respiration et desserre le fameux nœud dans son estomac, mais il ne dit rien.
Au bout d'un moment, poussé par une irrésistible envie d'agir, d'apaiser la situation et soulager sa propre agitation, il s'avança vers Yoongi et effleura sa nuque de ses doigts, la bouche ouverte, prêt à réitérer son discours rassurant. Mais celui-ci se dégagea avec brusquerie d'un coup d'épaule :
— Me touche pas ! souffla-t-il, les yeux brillants, bouleversé.
Seokjin recula instantanément, blessé, mais aussi légèrement irrité. Il essaya de capter son regard, ne se laissant pas démonter par son attitude, sachant qu'il était à cran. Puis, constatant son échec, il s'apprêtait à se tourner vers Jimin en quête de soutien, quand soudain un grand fracas retentit derrière eux.
Il pivota si vite vers la source du bruit que sa nuque craqua. Il aurait pu jurer que son cœur s'était arrêté de battre et, par réflexe, il porta une main contre lui.
— Qu'est-ce que... commença-t-il.
Il eut juste le temps d'apercevoir un trou béant dans l'un des murs, avant que la voix de Yoongi, chargée d'angoisse, ne s'élève à quelques pas :
— Jimin ?
*
Jimin atterrit brutalement sur le dos dans un bruit sourd, la bouche ouverte en quête d'air. Il resta immobile quelques secondes, le squelette vrombissant en écho au choc qu'il venait de subir. Au loin, derrière ses oreilles bourdonnantes, lui parvenaient des voix qu'il pensait reconnaître.
Désorienté, encore incapable de parler, il tourna la tête pour éclairer les lieux, avant de réaliser que sa lampe frontale avait glissé autour de son cou.
Il faisait si sombre que ses yeux, pourtant habitués à l'obscurité jusqu'ici, pouvaient à peine distinguer les contours de son corps. Poussière et moisissures furent les principales informations que lui indiqua son nez. Ses oreilles, quant à elles, ne captaient rien d'autre que ces voix étouffées, comme s'il était enfermé dans une boîte quasiment hermétique. C'est à cet instant que son cerveau se raviva : Sous terre, je suis sous terre.
Avec précaution, il tenta un premier mouvement pour vérifier s'il était encore en un seul morceau. Malgré un élancement au niveau du coccyx, il constata avec soulagement qu'il était toujours aussi indestructible. Jimin tâta sa gorge, trouva la lampe et la remit à sa place.
Alors qu'il se redressait sur ses fesses avec une grimace de douleur, l'idée de les faire assurer – en raison du nombre de fois où il tombait dessus, ou manquait de le faire – lui traversa l'esprit.
La lumière engloba alors une partie du décor : au-dessus de lui, une ouverture rectangulaire dans un mur de béton nu. Il en conclut qu'il était passé à travers un conduit reliant la cuisine au sous-sol, peut-être un ancien monte-plat que l'on avait condamné.
Il s'en approcha et comprit bien vite qu'il allait être impossible de remonter en l'empruntant. Alors qu'il s'apprêtait à appeler ses amis et leur demander de le rejoindre, il entendit, le cœur serré, les jappements désespérés de Gollum. Il envisagea de le siffler pour le rassurer, quand il prit conscience du ton animé de ses compagnons et interrompit son geste en soupirant. Au moins, ils se parlaient, ce n'était pas le moment de se faire remarquer. Il décida plutôt de chercher un escalier ; Gollum finirait bien par le retrouver, comme toujours.
Pour se donner du courage, il prit une grande inspiration en faisant volte-face. C'était la première fois qu'il se retrouvait complètement seul dans un endroit aussi sombre. D'habitude, même effrayé, Gollum ouvrait la marche ou trottinait à ses côtés de façon rassurante. Et dans le meilleur des cas, la présence non loin de ses compagnons donnait des ailes à sa confiance, tel l'animal grégaire qu'il était.
Isolé, son imagination débordante devenait difficile à contenir et se retournait contre lui. En effet, tandis que le faisceau de sa lampe traînait sur un bric-à-brac de meubles et d'objets aux contours tordus et effrayants, des images terrifiantes fusaient dans son esprit : une silhouette humanoïde passant à toute allure dans la lumière, des yeux rouges et luisants braqués sur lui dans un recoin, les contours d'un corps inanimé se dessinant sur le sol... Cette avalanche d'idées sordides menaçait dangereusement de souffler la maigre flamme de sa bravoure alors que l'unique pensée de se retrouver tétanisé dans ce lieu incroyable lui donnait des boutons. Ça n'allait pas du tout.
Allez du nerf, songea-t-il, ce n'est pas le moment de se décevoir.
C'est alors qu'une robe de chambre et un panama sur un vieux mannequin de couture lui valurent le sursaut du siècle, persuadé un court instant qu'une espèce « d'Invisible Man » malveillant se tenait debout dans le noir à quelques mètres de lui. Il lui fallut de longues secondes pour calmer les ruades terrifiées de son cœur, mais il finit par se reprendre et prit la décision d'aller de l'avant. L'expérience et la science lui avaient appris à contrer rapidement le mécanisme bien huilé de la panique : 1) respirer profondément et lentement ; 2) relâcher les muscles ; 3) rester en mouvement ; et 4) s'accrocher à une pensée drôle ou agréable. Même s'il aurait été malhonnête d'affirmer que cette méthode fonctionnait à tous les coups, au moins opéra-t-elle cette fois-là.
Il repéra l'escalier permettant de monter à l'étage relativement facilement, soulagé d'avoir la confirmation définitive qu'il n'aurait pas à jouer de ses muscles imaginaires pour rejoindre ses amis dans la cuisine. À l'image du grenier, ce sous-sol était loin d'être rangé. On aurait dit une espèce de caverne d'Ali Baba mais dans une version « Horror Movie ». Celle où Ali ne ressortirait pas avec de l'or plein les poches mais du sang plein les mains et les yeux fous.
Il était difficile de faire état de l'espace dans cette pièce. L'obscurité ne l'aidait pas, pas plus que le désordre, mais il statua qu'elle devait pratiquement recouvrir la surface du rez-de-chaussée.
Face à lui, une porte semblant donner sur un petit cellier l'intrigua. L'accès en était condamné par plusieurs petits meubles en bois qu'il n'eut aucun mal à pousser sur le côté. Un certain nombre de vases poussiéreux et vides reposait sur les étagères qui l'entouraient et des guirlandes de Noël abandonnées pendaient sur les côtés. Jimin s'approcha et remarqua un simple trou dans le bois, là où aurait dû se trouver la poignée.
— Ouch, dans les films c'est jamais bon signe, ça...
Pourtant, il n'hésita qu'un millième de seconde avant de passer son doigt à travers l'ouverture et de tirer le battant vers lui qui s'ouvrit dans un grincement. Ce qu'il trouva à l'intérieur fut plutôt décevant : une vieille chaudière, de vieilles bonbonnes de gaz et quelques outils rouillés. Pas l'ombre d'un démon ou d'une créature dangereuse maintenue prisonnière. Rien d'intéressant. Néanmoins, immobile, il continua de fixer les étagères poussiéreuses comme s'il attendait qu'un mystère se présente à lui de son plein gré.
Dans un sursaut, il secoua la tête pour reconnecter ses méninges. Son regard fut alors attiré par une planche peinte, semblable à un plateau de jeu, coincée derrière le ballon de la chaudière. C'était précisément le genre de choses qui piquaient sa curiosité. Il se dirigea vers elle et se tordit le bras pour s'en saisir, faisant tomber quelque chose à ses pieds, qu'il ignora. La texture sous ses doigts lui indiqua que le bois était travaillé et il devina, avant même d'avoir totalement délogé l'objet rectangulaire, peut-être parce qu'il l'avait un peu espéré, qu'il s'agissait d'une planche Ouija. En effet, un instant plus tard, il distingua sur sa surface orangée – et sous une couche de poussière – les lettres de l'alphabet, une série de chiffres ainsi que les mots « oui », « non » et « au revoir » gravés en noir.
Un long frisson lui souleva les poils des bras ; l'excitation et la peur formaient un tandem étonnamment solidaire chez le jeune homme. Il semblerait qu'on entame les choses sérieuses, songea-t-il avec gravité.
Il resta planté là, la planche entre ses doigts tremblants, comme un enfant tiraillé entre la curiosité et l'obéissance. Deux petites voix se querellaient dans sa tête : la première, qui lui faisait un peu penser à Seokjin, lui recommandait la prudence ; l'autre lui soufflait à l'oreille que quelque chose d'important se jouait là, maintenant, et qu'il ne pouvait se permettre d'attendre.
Les tensions dans son esprit se répercutèrent dans son corps. Un à un, ses muscles se contractèrent, si bien qu'ils en devinrent douloureux et qu'il lui fut difficile de respirer correctement.
Les voix lointaines de ses amis agirent alors sur lui comme un coup de fouet. Arrête de me coller les basques ! Il sursauta et profita de l'impulsion afin de se laisser tomber au sol, la planche sur les genoux. Tu te casses ! entendit-il encore. De toute évidence, ce n'était pas le moment de les interrompre avec sa découverte.
Il déposa donc la Ouija sur le sol et s'installa en tailleur devant elle, avec autant de précaution que son état émotionnel le lui permettait. Il fouilla au sol à la recherche de l'œillet précédemment tombé, et inspira un grand coup. Des séances de spiritisme, il en avait déjà fait, toutes aussi effrayantes que fascinantes ; et puis il avait rencontré un véritable médium en la personne de Seokjin, qui l'avait toujours mis en garde contre ces choses-là. Pour cette raison, il ne désirait pas particulièrement se lancer dans une telle entreprise ; d'ailleurs, il n'était même pas certain qu'il puisse le faire seul, mais une sorte d'instinct primaire, comme à chaque fois dans ces moments-là, le poussa à explorer la surface boisée de la planche, à en tâter les irrégularités, à poser sa main sur l'œillet.
Il hésita à le bouger, se demanda quoi écrire, quand une vibration se fit sentir au bout de ses phalanges. Sous sa paume, pourtant légère, l'œillet se déplaça de lui-même.
Il demeura tétanisé, les oreilles bourdonnantes et le cœur figé dans sa poitrine. Il regarda sa main glisser lentement vers le H, s'arrêter un instant avant de continuer sur le E, puis s'immobiliser sur la lettre Y.
« H-E-Y »
D'accord. HEY. Aucun souci. Un rire nerveux, presque étranglé, lui échappa. Son champ de vision semblait s'être réduit à cette fameuse planche, juste là, sous ses yeux. Le souffle court, il décolla sa main tremblante, moite de sueur, et frotta sa paume contre son jean. Ses mouvements étaient hachés, maladroits. Pendant un instant, les entrailles tordues par la peur et l'excitation, il ne sut que faire, comme si un ensorceleur avait aspiré toute la substance de son cerveau. Il se contenta de fixer l'œillet, puis se rendit compte qu'il allait finir par pleurer s'il ne clignait pas des yeux.
C'est alors qu'il prit une grande respiration et entama son message.
*-*-*-*-*
👻😈
Et voilà pour le chapitre de la semaine !
Qu'auriez-vous fait à la place de Jimin, vous ? 🤔
On se répète, on le sait, mais on est vraiment heureuses de voir à quel point cette histoire vous plaît !
À lundi prochain pour le chapitre 7 ! 💙
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