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Chapitre 3 : Un tour en carrosse

L'attente et le stress font rarement bon ménage. Je piétinai à en creuser des trous dans le couloir alors que je guettai l'amphi. Le cours de Layla aurait dû se terminer depuis déjà cinq minutes. Oui, en détective pathétique, j'étais allé jusqu'à dénicher l'emploi du temps de son cursus. Si elle ne prenait pas peur avant même que j'ouvre la bouche, il s'agirait d'une victoire.

Je réprouvai de recourir à ces méthodes infamantes, mais j'avais passé ces derniers jours à arpenter le Réseau, décortiquer les forums, les brèves, les témoignages... Ceux-ci apparurent bien vite gangrénés par les fidèles d'Ahriman — un courant religieux eschatologique qui estime que l'action des sahir consistant à empêcher le déferlement de l'haiwa et donc, la fin du monde, s'oppose à la volonté divine. Je découvris avec fascination leurs stratégies édifiantes pour ramener les aria-sil égarés dans leur giron, et surtout, les tirer des griffes des sorciers.

Dans ces marécages, la seule source d'information fiable était la page de la Ziggurat, l'organisation d'État pour toutes les affaires relatives aux sahir — encore que celle-ci n'était pas exempte de discours prosélyte. Hélas, en ce qui concernait la mise en relation entre des aria-sil et des sahir, le site invitait à se rendre dans une permanence, une délégation temporaire — pour les villages les plus reculés — ou directement à l'Esagil.

Difficile de ne jamais l'avoir aperçue quand on vivait à Ourane : la zone interdite englobait toute la première colline de la cité. À son sommet, s'érigeait un édifice impressionnant de tours pyramidales et d'imposants piliers gravés de sigils. La Ziggurat ; l'officine quasi sacrée des mages où se jouaient les décisions régissant le monde du visible comme de l'invisible.

L'endroit me dressait la chair de poule dès que je l'apercevais depuis le tramway entre chez moi et l'université. Je n'avais pas le courage de m'y rendre seul, la fleur au fusil. La perspective d'aborder une étudiante inconnue me semblait, en comparaison, bien moins effrayante.

Les portes s'ouvrirent avec fracas et déversèrent une cohue d'élèves excités par la fin des cours. Je me dressai sur la pointe des pieds dans l'espoir de retrouver la silhouette élégante qu'Ashkan m'avait désignée à la cafétéria. Par chance, Layla était difficile à oublier.

Entourée d'un groupe d'amies pouffant et jacassant, elle avançait aussi impériale qu'une reine abeille au cœur de sa ruche. Le moment était très mal choisi, mais j'ignorai quand une autre occasion se représenterait. D'un entrechat, je m'immisçai dans la foule et... trébuchai contre un élève. Je ne dus qu'à des réflexes salvateurs de retrouver l'équilibre dans une petite danse. Je me rétablis à seulement deux centimètres de son chemisier qui sentait bon la lavande, ainsi qu'une odeur particulière ; l'aria.

La procession se stoppa, les rires aussi. Une dizaine de paires d'yeux se rivèrent sur moi dans l'attente d'une explication. Je ne pus que bégayer :

— Je... Hum... Excuse-moi, Layla, est-ce que ce serait possible de... enfin... de parler cinq minutes ?

Les rires reprirent, un cran au-dessus, mes oreilles chauffaient de honte. Je faillis m'excuser et prendre la fuite, aussi brave qu'un mulot devant un chat. D'autant plus lorsqu'une des filles à sa droite s'esclaffa d'un ton perfide :

— Non, mais tu te prends pour qui ? Layla a autre chose à fai...

Une main s'interposa entre moi et le désobligeant clapet. Vue de près, Layla était moins jolie que ce que sa silhouette distante m'avait laissé fantasmer — bien moins jolie que Hasna ! Je réalisai qu'au-delà de sa mise élégante, elle restait une étudiante comme les autres, avec un nez busqué qui marquait son visage, des lèvres fines pincées de perspicacité et un front trop grand qu'une frange dégradée voilait. Son regard, en revanche... Son regard était un piège. Cerné de khôl et d'un brun doré fascinant, il voyait à travers moi comme si l'enveloppe de mon cerveau ne protégeait plus la moindre de mes pensées et intentions.

— Allez-y, ne m'attendez pas, adressa-t-elle à ses amies sans me lâcher des yeux.

L'ordre avait tué dans l'œuf toute trace d'hilarité ambiante, l'essaim s'en alla butiner plus loin, non sans messes basses et œillades à la dérobée. Je soupirai, conscient d'être à l'origine d'une future rumeur. J'espérais que Hasna n'en aurait pas vent. Je n'avais pas encore renoncé à elle, à l'époque.

Layla m'entraîna un peu à l'écart et s'appuya contre le mur du couloir avec décontraction. Sans me lâcher des yeux ni décroiser les bras, elle balança :

— T'es un aria-sil.

Cela n'avait pas le ton d'une question. C'était quelque chose que nous sentions instinctivement, aussi sûrement que deux individus se savent de la même espèce.

— Je... cherche des conseils... bredouillé-je le nez rivé sur mes doigts entortillés.

— Va à l'Esagil.

Elle décolla de son appui et tourna les talons. J'ignorai ce qu'elle espérait de moi, j'avais vraisemblablement déçu sa curiosité et lui faisais perdre son temps.

— Attends...

Je réagis de la pire façon : je lui saisis la manche. Elle s'arrêta, ce ne fut que pour me retourner un regard noir amplement mérité.

— Quoi ?

— Je sais déjà où il faut que j'aille, c'est juste que...

Les mots ne voulaient pas sortir, j'attendais un rire moqueur en représailles, au lieu de ça Layla me dévisagea avec ce qui ressemblait presque à de... l'empathie ?

— Tu as peur de te retrouver pris au piège ? Qu'on te force la main ?

J'acquiesçai, entre gêne et soulagement. Elle soupira.

— Mon chauffeur m'attend. Est-ce que ça te va de faire un bout de trajet avec moi ? On discutera en route.

J'étais si nerveux que je ne songeai pas à lui demander où elle se rendait. Je ne pouvais pas bouder l'occasion : je la suivis en trottinant comme un chien zélé derrière sa maîtresse. Cette image peu gratifiante me collait aux basques, alors que les ricanements de sa bande d'amis nous poursuivaient. Layla les ignora copieusement.

Elle remontait l'allée principale de Sidih-Ur. À cette heure chaude de la fin de journée, les palmiers offraient un agréable passage à l'ombre, et les fontaines le jouxtant vaporisaient dans l'air une brume fraîche et salvatrice. Cela ne m'empêcha pas de transpirer abondamment.

Passé le portail — haut et doré pour gonfler le prestige de l'université — Layla tourna sur une placette où une longue voiture noire attendait. Difficile de la manquer : le modèle luxueux tranchait avec les tacots d'occasion des autres étudiants. Je sentais bien le poids de leurs regards nous suivre, alors que mon guide ouvrait la portière et m'invitait à entrer d'un geste froid.

J'hésitai, le temps de balayer les environs et de m'assurer que Hasna ne s'y trouvait pas, puis m'engouffrai dans le véhicule. Le cuir beige de bonne facture couina sous mes fesses, ajoutant à mon malaise. Qu'est-ce que je fabriquais dans la voiture d'une parfaite inconnue ?

— Bonjour Omar, on passera déposer mon ami, adressa-t-elle au conducteur avant de se tourner vers moi. Tu habites où ?

— Dans le Canaan-Ur.

Le quartier le moins cher et, par extension, le moins coté d'Ourane. Elle hocha la tête, une légère moue s'invita sur ses lèvres. Difficile de savoir si elle jugeait ou si elle compatissait.

— Ça te va si on te dépose sur l'avenue Al-Larsa ?

— Oui, bien sûr. Merci...

Elle n'eut pas l'air d'entendre ma gratitude. Elle transmit l'instruction au chauffeur et lui intima de fermer la séparation pour la discrétion. J'étais halluciné de découvrir cet homme en uniforme et aux gants d'un blanc immaculé presser un bouton pour se plier aux volontés d'une étudiante.

— C'est ta voiture ?

— Non, celle de mon sahir.

— « Ton » sahir ? Comment ça ? Il y a un lien de propriété entre vous ?

J'avais conscience de la stupidité de mes questions et, en même temps, la situation — coincé dans une voiture fusant à toute allure sur la voie du milieu entre une fille intimidante et son serviteur aux gants trop propres — ne me mettait pas à l'aise. Par chance, Layla rit et je détendis un peu mes muscles contre la banquette.

— Vois cela comme un protecteur : je m'assure d'être disponible selon ses besoins, de lui réserver suffisamment d'aria. De son côté, il me garantit quelques privilèges et une paye généreuse. Bon, où en étions-nous... Ah oui, est-ce qu'un sahir t'a déjà pris de l'aria ?

Layla devait craindre une discussion moraliste vu la vitesse à laquelle elle avait changé de sujet. Pourtant, à mon niveau de méconnaissance, je n'étais pas à même de juger de ses actes. En tout cas, la diversion fonctionna, sa question me troubla.

— Euh... ben... mmh... non.

— Tu mens. Si on ne t'avait jamais touché, tu serais allé te faire tester comme tout le monde et on t'aurait tout expliqué à ce moment-là. T'es conscient que c'est à ça que ça sert vraiment, ces « campagnes de dépistage », parce qu'entre nous, on le sait très tôt si on a une affinité avec l'aria ou pas, hein ? Enfin... laisse-moi deviner : tu ne viens pas d'Ourane — pas de la ville — tu as eu une mauvaise première expérience, tu t'es dit que tu te tiendrais éloigné de ce milieu, sauf qu'en arrivant en ville, tu t'es rendu compte que tes préjugés n'étaient peut-être si fondés que ça. J'ai bon ?

Je dus être infichu de refermer la bouche, ce qui n'eut pas l'air d'émouvoir Layla. Son regard restait droit, rivé sur le coin de pare-brise encore visible. La voiture filait sur le pont entre la cinquième et la troisième collines survolant les quartiers industriels, enlisés de fumée, des Creux.

— Comment tu fais ?

— Ne le prends pas mal, mais t'es plutôt facile à décrypter comme gars. Ton visage affiche la moindre de tes émotions.

Je tiquai, mais ne protestai pas. Ma mère ou Hasna me l'avaient souvent fait remarquer, cela ne m'avait jamais dérangé. C'était différent quand une inconnue usait de cette faiblesse.

— Puisque tu penses que mes préjugés sont infondés... Qu'en est-il ? Réellement.

— Il en est que, des connards, on en trouve partout, dans tous les pays. Ourane a beau se donner une image lisse, elle n'en est pas exempte. Par contre, il y a une différence notable : nos lois protègent les aria-sil. Ourane tient à être la capitale qui montre l'exemple de relations saines et respectueuses entre nous et les sahir. Ça ne veut pas dire que personne ne te touchera jamais sans ton consentement, mais si ça arrive, tu as tout intérêt à dénoncer le contrevenant et il s'exposera à de lourdes sanctions. Donc, crois-moi, les sahir font très attention, ici.

Elle me laissa quelques secondes pour méditer ses paroles. D'une certaine façon, je les trouvai rassurantes, elle n'essayait pas de me convaincre que tout était parfait. Ça rendait son discours sincère. Elle poursuivit :

— Si tu te rends à l'Esagil pour te renseigner : oui, bien sûr qu'ils voudront que tu donnes ton aria. C'est leur objectif, d'en récolter un maximum. Par contre, on respectera ton refus. Le meilleur conseil que je puisse t'offrir, c'est de poser tes limites clairement. Si tu sens que quelqu'un essaye de te la faire à l'envers, de forcer... T'as le droit de tourner les talons. N'oublie pas que c'est toi qui as quelque chose de précieux à monnayer, pas l'inverse.

— Ils ont l'argent, en retour, quand même...

Sans cette motivation, nous n'aurions pas cette conversation.

— Certes, mais l'argent, tu peux le trouver ailleurs, auprès d'un autre sahir. Tu connais le ratio de catalyseurs par rapport aux sorciers ? Deux pour trois. La demande est en notre faveur, alors n'hésite pas à te montrer difficile et à te donner à quelqu'un avec qui le contact passe bien.

— Qu'est-ce que tu entends par « te donner à quelqu'un » ?

Elle décrocha son regard de la vitre pour le planter sur moi. Ses yeux me sondaient avec une telle intensité que je fus tenté, dans un réflexe stupide, d'ouvrir la portière pour m'y soustraire.

— Tu ne sais même pas ça ?

— Si ! Enfin, je sais qu'il faut un... contact physique.

Je baissai la tête sur mes genoux, incapable de masquer ma gêne. Son rire acheva de m'enfoncer.

— Il faut un peu plus que ça, espèce de têtard à peine sorti de l'œuf. Si un sahir se contente de te toucher sans rien d'autre, il va tout juste goûter ton aria. Il faut que tu éprouves quelque chose, des émotions, n'importe lesquelles : de la peur, de l'excitation, de la douleur, de la joie... du plaisir. Tu ne peux pas rester neutre. Et comme je suppose que tu souhaiterais éviter tout ce qui rapporte aux émotions négatives, mieux vaut être dans de bonnes dispositions.

— Tu veux dire que... Ça peut aller jusqu...

— Ça peut aller jusqu'au sexe, trancha-t-elle. C'est même la manière la plus efficace pour eux de récolter de l'aria. Bien sûr, tu n'es pas obligé d'en venir à cette extrémité. Mais c'est payé plus cher.

Dire que je tombais des nues serait un mensonge. Je m'y attendais. Et je fermai les yeux en songeant à Hasna. Est-ce que coucher avec quelqu'un d'autre pour de l'argent signifierait la tromper ? Pouvait-on seulement parler de tromperie alors que nous n'étions plus ensemble ? Dans ma tête, cela y ressemblait.

— Tu comprends pourquoi j'évoque les limites et les relations de confiance ? renchérit Layla.

La voiture s'arrêta, avenue Al-Larsa, comme promis. Je n'aurais plus qu'à marcher un petit quart d'heure entre les blocs d'immeubles avant de regagner le modeste studio où mon ex jouerait de fausses politesses. À l'époque, je n'imaginais pas qu'il soit possible de rebâtir une amitié après une telle déflagration. Dans un premier temps : éteindre le brasier. L'éloignement physique me semblait être le seul moyen de sauver les meubles avec Hasna.

Je sursautai quand la portière s'ouvrit d'elle-même. Tout à mes pensées, je n'avais pas réalisé que le chauffeur était venu la tirer.

— As-tu d'autres questions ? me demanda Layla en braquant son regard intimidant sur moi.

Des milliers se bousculaient dans ma tête, j'étais incapable de les agencer.

— Non. Enfin, pas pour le moment, je suppose qu'il faut que je réfléchisse à tout ça.

Je m'apprêtais à me lever quand sa voix me rattrapa :

— Écoute, tu m'es sympathique. Et... pour être tout à fait honnête avec toi, je connais quelques personnes susceptibles de renflouer ton compte en banque. Prends mon numéro, tu me contacteras en fonction.

Elle me tendit une carte de visite que je saisis comme si je craignais de la voir s'effriter entre mes doigts.

— C'est très gentil à toi de m'aider...

— Je te rassure, ce n'est pas complètement désintéressé. Je m'arrangerai pour prendre une petite commission au passage. Mais tu t'en rendras pas compte, ce sera pour le sahir. Toi, tu n'auras que le bénéfice de pouvoir rencontrer quelqu'un de fiable. On est bons ?

J'ouvris la bouche avant de la refermer aussitôt. J'appréciais son honnêteté. Même si son sourire en coin me déstabilisait, je lui faisais confiance.

La voiture redémarra, je la suivis un instant du regard. Elle descendit sur les berges de l'Euphros — le fleuve traversant d'Ourane — pour prendre la direction de la première colline. D'ici, on distinguait, sous le voile de sable rouge, la silhouette trouble de la Ziggurat, perchée au sommet. À son entour, l'interminable muraille crénelée protégeait l'Esagil des yeux profanes.

D'un geste nerveux, je fourrai la carte de Layla dans ma poche et tournai les talons vers l'appartement de Hasna.

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