chapitre 2 - kitchen's curtains ☼
juillet 2015
Le soleil se couchait sur le foyer d'un été alors que dans une des chambres le début d'une longue soirée s'annonçait. La cigarette se consumait lentement entre les lèvres de son propriétaire, étouffant ses poumons déjà bien usés. Une chose est sûre, au vue de ses pupilles dilatées et des substances posées sur la table on pouvait supposer que Minho planait, présent mais absent en même temps, une sorte de transe jouissive causée par ces quelques pilules et ces nombreuses cigarettes « faites maisons ». Rien de grave, pour lui en tout cas.
Il ne se souvenait plus vraiment de comment tout ça avait commencé. Non, la vérité c'est que de là où il venait c'était comme ça, consommer de telles substances si jeunes c'était une norme pour ceux qu'il côtoyait depuis le berceau. Minho n'était pas quelqu'un d'empathique, c'était un vrai isolant à émotions, un électron libre qui se sentait bien seul en étant prisonnier de ses sentiments. Malgré sa pauvreté, son enfance n'avait pas été particulièrement difficile, la vie l'avait juste forgé comme ça et il l'avait toujours subit, donc au final ça lui allait, même si au fond il avait envie d'exploser, de pleurer, de hurler, tout ce qui pouvait faire naître ses papillons dans son ventre ou serrer son cœur, il voulait que son cœur ose battre pour les autres, ou en tout cas il voulait pouvoir retranscrire ce qu'il ressentait dans le moindre petit détail de ses actes.
Là où il avait grandi, c'était plutôt une qualité tout ça, mais il n'avait jamais cessé d'envier tous ces gens qui savaient si bien transmettre leurs émotions, tous ces visages expressifs, ceux des enfants heureux, comme ceux des vieillards tristes. Ces gens en lesquels on pouvait lire comme dans un livre ouvert. Son livre à lui était fermé, cadenassé et abîmé, qui sait peut-être que finalement c'est ce qu'il avait à raconter qui ne valait pas le coup ?
Il enviait tous ces sourires, ces rires sonores, ces pleurs silencieux, il les enviait autant qu'il les détestait, et il en était sûr : ça finirait par le tuer si ce n'était pas lui qui s'en chargeait avant.
Alors il laissait ces bouts de tabac arrangés et ces quelques pilules colorées simuler ses émotions, celles qu'il n'arrivait pas à ressentir, celles qui s'accumulaient, celles qui un jour ou l'autre finiraient par exploser, emportant tout sur leur passage. Ouais, il avait l'impression de frôler le « bonheur » grâce à ces merdes.
Lui ? Accro ? Oui.
Les gars paumés comme lui, ils n'avaient pas leur place en société il le savait, il en avait fait l'expérience bien plus de fois qu'un autre que lui aurait pu le supporter, alors il estimait n'avoir rien à perdre. C'était sa philosophie de vie ou en tout cas quelque chose qui y ressemble, il n'avait jamais été très attaché à la philo. Puis, même si ça finissait par le tuer il serait satisfait d'avoir expérimenté ne serait-ce qu'une illusion de ce qu'était le bonheur.
Alors que ses pensées le tourmentaient, alors qu'il s'apprêtait à rouler l'énième joint de la soirée pour oublier tout ça, on toquait à sa porte. Minho s'empressa donc de ranger tout son « matériel » dans sa table de chevet avant de s'asseoir, le dos posé contre l'immense tête de lit qui s'accordait au style de la demeure.
"Entrez" souffla t-il
On poussa la porte alors qu'une petite tête apparut, un grand sourire visible sur ses lèvres. Le cœur de Minho s'adoucit alors qu'il ouvrit ses bras où son petit-ami ne perdit pas de temps pour s'y nicher.
Le tableau parfait
Jisung était un soleil sur pattes, c'était typiquement le genre de personne que Minho enviait tant.
C'était bien pour ça, Minho le savait.
Il n'était pas amoureux de Jisung.
Il aimait son sourire, sa façon de le regarder, la sensation de ses lèvres contre les siennes ou bien les mots si doux qu'il lui susurrait.
Han Jisung était un très bon acteur.
Il appréciait sa présence à ses côtés et l'attention douce et innocente qu'il lui apportait, c'est tout.
Quand il avait compris l'attirance du plus jeune pour lui, il avait décidé de succomber à ses avances, c'était un bon moyen de le garder à ses côtés.
Il savait aussi que Jisung recherchait en lui ce qu'il n'était pas, ce qu'il ne serait jamais, il voulait qu'il soit son premier amour, cette personne qui l'aiderait à s'aimer un peu plus, celle qui l'aiderait à se découvrir.
Cette personne si précieuse à cet âge-là, ce repère dans ce labyrinthe où rare était ceux qui trouvaient la sortie.
Malgré son comportement de connard (dont il avait conscience), il restait un minimum de valeurs à Minho, le reste étant été piétiné dans les rues en bas de son immeuble sous le soleil de minuit.
Ce reste de valeurs empêchait Minho de toucher son amant comme il le voudrait, il ne voulait pas être celui qui empoisonnerait les premiers souvenirs de cet acte exquis à ses yeux. Puis, il savait bien se contenter ailleurs, trouver du réconfort dans son dos n'était pas rare et peu complexe pour un tombeur comme le violet.
Vraiment un cliché de bad boy sur pattes.
Jisung était tombé amoureux d'un bad boy, triste destin d'après ces nombreux films d'ados américains.
À ses yeux Jisung n'était qu'un gamin un peu perdu et en recherche d'affection, un soleil qu'il voulait garder à ses côtés pour conserver ses rayons de la menace lunaire.
"Je suis content qu'on soit là" murmura le plus jeune
Ce que Minho se retenait bien de penser, c'était qu'il jouait ici le rôle de la lune.
Mais lui aussi était content.
Même si, fait prisonnier de son propre esprit, de ses propres choix, il aurait préféré mille fois être ailleurs.
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Les jours avaient passés, on pouvait dire que les vacances d'été avaient maintenant bien commencé. Le petit groupe d'amis avaient pris leurs marques, ils enchaînaient les sorties et les soirées légèrement alcoolisées alors que les premiers rapprochements se faisaient sentir.
Une soirée de fin de juillet avait vu naître un de ces rapprochements.
Leurs lèvres se cherchaient, se caressant doucement sans précipitation alors que leurs hanches dansaient au rythme de leur lent baiser. Le plus jeune était assis sur le bassin de son partenaire penché sur ses lèvres, celui-ci était allongé sur le matelas, sa tête reposant sur l'oreiller. Les mains de l'aîné encadraient le visage de son amant qui, lui, laissaient ses paumes serrer maladroitement sa nuque.
"Innie..." grogna le plus âgé dans leur baiser langoureux
Le nommé eut à peine le temps de réagir à son prénom gémit qu'il sentit son dos plaqué avec force contre le matelas, alors que le blond qui tenait ses poignets le surplombait à son tour. Jeongin rit doucement en observant les joues rouges de son ami.
"On peut dire que t'as perdu ta langue Jisung..." souffla t-il contre ses lèvres
Il n'en fallu pas beaucoup plus au blond pour repartir à l'assaut des lèvres de son cadet, resserrant sa prise sur ses poignets.
Ni l'un ni l'autre n'avait réellement compris comment les événements avaient pu s'enchaîner de la sorte, comment en étaient-ils arrivés là. Ça avait commencé par un baiser volé par le plus grand une semaine après leur arrivée, puis finalement ils étaient là, se retrouvant une énième fois dans la chambre du plus jeune pour s'embrasser passionnément encore et encore, leurs mains découvrant le corps de l'autre, un corps qui n'était pas le leur, le corps d'un autre homme. Ils savaient que c'était une bêtise, ils pensaient avoir suffisamment conscience des conséquences de leurs actes, Jisung était en couple depuis plusieurs mois déjà avec Minho après tout. Mais ils se disaient qu'ils étaient jeunes et encore curieux de ce qu'ils pouvaient offrir à l'autre. Il n'y avait rien de romantique entre eux, ils se servaient juste des lèvres de comme expérience, chacun y trouvait son compte.
Jeongin ne culpabilisait pas vraiment, cet état de liberté dont ces vacances loin de chez eux faisaient illusion semblaient les inviter à expérimenter toujours plus, à se trouver. Puis il savait que la relation entre ses deux amis était bien plus complexe qu'elle n'y paraissait.
La vérité c'était que Jisung trouvait en Jeongin ce que Minho refusait de lui donner, c'est tout.
Ils finirent par stopper leurs activités pour rejoindre les autres pour la soirée. Quand ils sortirent de la chambre de Jeongin ils croisèrent Félix qui leur souriait, un sourire bien étrange, une émotion indéchiffrable, un sous entendu illisible collé sur les lèvres de l'australien. Mais le regard de Jisung sur l'autre blond ne trompait personne, alors qu'il maintenait le contact visuel on pouvait y lire comme une forme de provocation implicite, non personne ne pouvait se tromper sur la nature de leur échange.
Félix était la raison de pourquoi Jisung avait si subitement embrassé Jeongin ce soir-là.
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