Partie 8
Comme promit, Elian alla en cours le lundi matin et Vincent ne le lâcha pas d'une semelle. Il l'embarqua avec lui dans son studio pour récupérer sa guitare et le tira jusqu'au bar puis jusque dans les loges. Quand ce fut leur tour de monter sur scène, Elian les laissa et alla se poster, comme à son habitude, au fond de la salle, adossé à un mur pour les écouter, loin de la lumière, des fans et de l'alcool.
C'était particulier pour eux, le public n'était pas le même, des adultes plus âgés avaient pris la place des étudiants et ceux-là les écoutaient différemment, avec un œil beaucoup plus critique. De son poste d'observation, Elian voyait les différences. C'était l'occasion de se faire un nouveau public et peut-être même plus.
‑ Nous allons passer à notre dernière musique, annonça Vincent dans le micro.
Elian s'étira. Il allait enfin pouvoir se décoller du mur.
‑ Et pour celle-ci, nous avons une petite surprise pour l'un de nos membres.
Le jeune homme haussa les sourcils. C'était l'anniversaire de Nicolaï ou Marlon et il l'avait oublié ?
‑ Vous n'êtes pas sans savoir que nous sommes un groupe de quatre, alors ce soir, je vais demander à Elian, au fond de la salle, de monter sur scène.
Alors que les spectateurs se retournaient pour trouver la personne dont le chanteur parlait, Elian, les yeux écarquillés, resta planté à l'arrière, les bras ballants.
‑ Dépêche-toi, il y a un autre groupe après nous !
Le jeune homme fit un pas en avant, les spectateurs s'écartèrent de son chemin. En attendant qu'il arrive, Vincent expliqua :
‑ Elian est notre parolier et guitariste. Sans lui, ce groupe n'existerait pas et vous ne pourriez pas écouter ma belle voix.
Il fit un clin d'œil, les filles sifflèrent.
‑ Seulement, à cause d'un accident qu'il a eu il y a un mois, il ne peut pratiquement plus utiliser sa main gauche et par conséquent, jouer de la guitare. Pour lui remonter le moral et pour lui dire qu'on ne l'a pas oublié, je l'invite à monter sur scène ce soir. A-t-il un mot à dire ?
Elian, qui venait de mettre un pied sur scène, regarda Vincent, complètement dépité.
‑ Tu me haïrais donc à ce point ?
Ce n'était pas censé être drôle. Les groupies rigolèrent.
Le jeune homme récupéra la guitare qu'on lui tendait en coulisses et la passa autour de son cou. Vincent ajouta :
‑ Joue ce que tu peux. Ne fais qu'un accord ou pas du tout, comme tu veux. C'est parti !
La musique commença et Elian fit ce qu'il put. Il ne fallait pas le sous-estimer, il savait jouer et connaissait les musiques du groupe par cœur. Avec seulement six cordes, sans utiliser sa main gauche, il suivait le rythme et se débrouillait. La voix aiguë de Vincent masquait ses potentielles fautes.
Il leva le bras gauche, il voulut placer un accord à un endroit précis de la chanson et il le manqua. Elian pinça les lèvres. Les larmes au bord des yeux, il ne pouvait pas jouer, c'était bien ce qu'il pensait. Il ne pouvait pas s'amuser sur scène.
‑ Chante, Elian !
Le jeune homme croisa le regard brillant de Vincent et s'accrocha à cette bouée. Le refrain allait commencer. Il s'approcha de son ami et se colla au micro et par conséquent à lui. Il plaça ses doigts sur le manche et tira sur son bras gauche pour faire marcher ses muscles à la place de sa main. Ils commencèrent à chanter. Elian réussit à placer plus ou moins son accord simple. Vincent n'arrivait pas à se départir de son sourire, Elian avait toujours eu une voix chantée beaucoup plus grave que la sienne, son corps vibra tout entier.
La musique se termina trop tôt au goût de Vincent mais c'était déjà trop long pour Elian.
‑ Merci de nous avoir écoutés ! On laisse la place au groupe suivant et nous on se retrouve jeudi soir ici même !
Ils quittèrent la scène et furent tout de suite remplacés. Dans l'ombre des coulisses, Elian se figea, tête baissée. Vincent lui enleva sa guitare et la tendit aux deux autres musiciens.
‑ Vous pouvez les ranger à notre place ? On vous rejoint.
Nicolaï soupira mais s'exécuta, lui et Marlon rejoignirent leurs sacs. De son côté, Elian fixait sa main gauche et ses doigts qui tremblaient sous l'effort qu'il venait de produire. Vincent prit sa main dans la sienne. Elian était en pleurs.
‑ Alors ? Tu as vu ? Tu as pu jouer. Tu t'es éclaté, non ?
Elian leva les yeux vers lui. Dans un élan de courage, il colla ses lèvres contre celles de Vincent et l'embrassa. Celui-ci écarquilla les yeux. Lorsque Elian se détacha de lui, Vincent était à son tour au bord des larmes.
‑ Tu vas pas t'y mettre toi aussi..., fit Elian.
‑ J'osais pas faire le premier pas, tu m'as dit que tu doutais...
Elian hocha la tête.
‑ J'ai mis du temps.
Vincent mit sa main sur la joue d'Elian et passa le bout de son pouce sur ses lèvres. Il pouvait enfin le toucher.
‑ Tu es décidément beaucoup mieux avec ton maquillage, Vince.
Vincent rigola.
‑ Tu choisis bien ton moment pour me dire ça. Allez, on y va, Nicolaï et Marlon vont nous en vouloir si on traîne.
Elian attrapa le poignet du chanteur avant qu'il ne parte.
‑ Je peux me faire opérer pour ma main.
Vincent se tourna vers lui et mit ses mains sur les épaules d'Elian.
‑ Quoi ?! Mais fonce !
‑ Il y a des risques. Le médecin ne voulait pas m'opérer juste après l'accident car je faisais des progrès et il pensait que je guérirais seul, mais ce n'est plus le cas. Il a dit qu'il fallait se dépêcher mais il est probable que je subisse des raideurs toute ma vie et dans le pire des cas, que je ne puisse plus utiliser ma main.
‑ Elian, tu n'as rien à perdre ! Le pire des cas arrive rarement, tu le sais très bien. Et puis, dans le doute, tu sais, avec toutes les technologies qui existent, on pourrait juste enregistrer des sons sur un appareil et tu pourrais les faire jouer sur scène avec juste ta main droite.
Elian sourit.
‑ Tu y as déjà pensé, hein ?
‑ Bien sûr, je t'aime. Tu peux te faire opérer quand ?
‑ Très vite si je me décide.
‑ Fonce. Je veux te revoir sur scène, moi. Vincent se pencha vers lui pour l'embrasser. Lorsque Nicolaï vint les voir pour savoir ce qu'ils fabriquaient, il n'osa pas les déranger.
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