La mort de maitre Sechot et de Françoise n'a donné lieu à aucun regret, la pendaison en place publique s'est faites sous les huées de la foule déchainée et les cris de joie. Les villageois s'amusaient à jeter des pierres sur les deux cadavres.

La mère de Françoise n'avait même pas été prier pour sa fille, jetée à la fosse commune sans une messe et seule Marie avait manifesté un peu de chagrin.

Phili devait d'ailleurs la protéger des autres placières qui avaient envie d'en découdre avec quiconque osait regretter Françoise ou le maitre et même ses anciens favoris se terraient.

La nouvelle se répandit le jour même de la pendaison, le nouveau maitre des bans avait été désigné par les marchands.

Le bourgeois Arnaud avait déjà fait parler de lui à plusieurs reprises, en se montrant extrêmement dur en affaires. Une allure d'honnête homme mais un monstre comme son père. Phili ne le connaissait pas mais c'était le fils du maréchal Ferrand, il se vantait d'avoir survécu aux mauvais traitements de son père et d'être increvable. Ceux qui avait eu à faire à lui disaient qu'il était pire que son père. Ses affaires marchaient bien et il avait plusieurs commis pour tenir ses forges. On disait qu'il était aussi riche que les banquiers juifs.

─ On va regretter maitre Sechot prédit Judith, car il a battu comme plâtre un de ses commis qui a gâché un peu de fer et il ne quitte pas son travail avant la nuit.

La répartition serait faite par lui aujourd'hui et certains placiers avaient prévu de faire trainer les choses comme avec le bourgmestre.

Apres avoir installé leurs bans Phili et Marie allèrent à la messe en faisant attention à ne pas lever les yeux sur le pendu qui se balançait lugubre, aussi laid mort que vivant.

A la sortie de l'église, Phili soigna l'œil infecté de Lucas un enfant des rues, avec une préparation épaisse en mélasse de propolis et d'échinacée.

Désormais elle avait toujours sur elle une petite sacoche avec des potions et des plantes.

─ Merci Phili, murmura le petit.

─ De rien mon enfant. Lave-toi les mains à la rivière plusieurs fois avec cette plante dit-elle en lui tendant de la saponaire et garde bien l'emplâtre. Tu devrais vite guérir.

Phili arriva à la répartition pour constater que maitre Arnaud était là, maigre et sombre à côté du maire, le visage barré de cicatrice, un costume sobre noir, il était impressionnant. Phili ne l'avait jamais vu.

─ Placiers dit le maire, maitre Arnaud va s'occuper de vous, soyez respectueux il agira dans l'intérêt du marché, nous l'avons choisi à l'unanimité à la guilde des marchands.

Phili eu l'impression que le maire la fixait en parlant ce qui n'avait pas de sens et pourquoi maitre Van Rampen s'était-il mis à sa recherche ainsi.

Maitre Arnaud hocha la tête et pris la parole.

─ Il est célibataire, demanda Jehanne.

─ Pas pour longtemps, je vais le faire succomber et à moi la belle vie, repris Hannah. Au fait il a quel âge ?

Il parait qu'il a 25 ans et qu'il est riche comme crésus. Ne te transforme pas en diablesse comme l'autre salope, répondit Jehanne mais je te préviens moi aussi je veux tenter ma chance.

─ Et moi aussi, dit Clara, il est plutôt beau.

Les autres pouffèrent mais Phili comprit ce que Clara avait voulu dire, il avait du charme.

Maitre Arnaud continua son discours sans s'occuper des bavardages.

Nous allons procéder à quelques modifications, les rues de la bouette, des savetiers et des ferronniers ne seront plus défaites. Les équipes de placiers sur ces rues iront aider les autres rues, expliqua Maitre Arnaud. Il appela les placiers concernés et à chacun, il donna une nouvelle rue et un nouvel horaire.

Phili n'en revenait pas, elle ne serait plus seule avec Marie pour faire sa rue, mais elles auraient aussi l'aide de Gauvin un grand garçon costaud.

─ Bon allez tous aux halles des marchands pour votre repas.

Ils crurent avoir mal entendu et tous se regardaient avec stupéfaction.

─ Le maitre des bans nous interdisait d'y aller, protesta Piedoux un ancien qui faisait souvent des histoires.

─ Je ne veux pas que vous me disiez ce que faisait l'ancien maitre des bans qui a été condamné à mort, râla maitre Arnaud.

Piedoux fit un ridicule bruit de gorge ce qui provoqua quelques rires dans l'assemblée.

Aux halles on leur servi un bon repas chaud et maitre Arnaud fit l'affectation. Tous se regardaient ébahis on n'avait jamais été si bien traité de mémoire de placier.

─ Je passerai dans la journée vérifier que vous faites votre travail et je ne donne pas de seconde chance. Il affecta Gérard à la tannerie hors celui-ci avait toujours eu une place aux rôtisseries et il se leva menaçant annonçant qu'il refusait de s'y rendre.

Maitre Arnaud leva la main doucement, ce qui fit taire les cris de Gérard.

─ Écoutez-moi tous ! Quand je vous donne votre affectation, on ne négocie pas, je ne l'avais pas dit, donc je vais donner une dernière chance à Gérard. Si quelqu'un conteste mon ordre de placement, il sera renvoyé et cela s'applique maintenant.

─ Donc je reprends, Gérard tu vas à la tannerie.

Celui-ci s'assis secoué, comme tout le monde il avait deviné que Maitre Arnaud ne plaisantait pas.

La répartition se poursuivit dans la consternation générale, malgré le bon repas.

Phili fut appelé dans les dernières, et il lui jeta un bref coup d'œil.

Il provoqua quelques soupirs car Phili fut affecté à la boulangerie, elle n'en revenait pas elle n'avait jamais été à cette place.

─ Je veux désormais que vous ayez une allure correcte. Cela implique les mains propres et les cheveux coiffés. Il fixa plusieurs hommes négligés, qui regardèrent le sol gêné.

Maitre Arnaud n'était pas désagréable comme patron et ne cédait pas plus devant les marchands que devant les employés et entendait agir comme il le voulait, au moins il était juste. Il ne supportait pas les excuses et les discussions et n'aimait pas la fainéantise. Il n'était pas vicieux ce qui était toujours une bonne chose.

La plupart approuvait le changement même si tous se méfiaient de ce nouveau maitre qui pouvait se montrer sans pitié.

Deux avantages immédiats de l'arrivée du nouveau maitre fut qu'ils commençaient plus tard, et ils étaient mieux nourris. Le cuisinier des halles leur raconta qu'il y avait toujours eu de la nourriture prévue pour les placiers mais maitre Sechot la revendait pour son profit personnel.

Maitre Arnaud se révéla vite impitoyable et certains furent renvoyés, il n'hésitait pas à mettre des coups.