Phili à l'auberge
La porte St Martin jetait son ombre sur la métairie, des ambulants tirant leur charrettes patientaient déjà. Ils préféraient dormir en dehors de la ville pour ne pas payer la taxe de sécurité.
Un gent d'arme allait ouvrir les portes de la ville à Laudes.
Elle était une des rares placières à emprunter la porte et pour cela on l'appelait la pauvresse. Cependant Phili aimait mieux sa maison, plus grande que celle que l'on trouvait en ville. Sa famille pouvait glaner dans les pâturages et surtout elle avait la liberté d'aller dans la forêt.
Phili longea le clos de la Madeleine et passa devant les grandes portes du couvent ou vivait une communauté de religieuses.
La grande place st jean, déserte à cette heure, marquait l'entrée du marché au pied du beffroi et s'entendait jusqu'aux anciens remparts de la haute ville avec le château fort seigneurial.
C'était le calme avant la tempête, car l'activité serait bourdonnante toute la journée. Tout l'artisanat de France était représenté à Troyes, les cordonniers, menuisiers, des drapiers aux orfèvres et les artisans se regroupaient en corporation dans la même rue, ce qui permettait de donner des noms aux rues, la rue des savetiers, la rue de la grande tannerie.
Les greniers des maisons de chaque côté de la rue se rejoignait créant une arche naturelle qui protégeait la rue et permettait de passer d'une maison à l'autre. Dans la ville, nul n'avait le droit de jeter par la fenêtre, car en dessous il y avait des marchandises et gare aux contrevenants.
Phili commença d'installer les bans de la rue de la corderie, une longue rue qui partait de l'église Saint joseph et se terminait à la porte des forains. Elle n'avait pas à défaire les bans le soir, d'autres placiers s'en occupaient.
Il paraît qu'il existait des villages minuscules dans le royaume où on n'avait jamais vu un marchand.
Les foires de Troyes permettaient aux commerçants et savants de toutes les nationalités de se rencontrer. Elle entendait des histoires incroyables de ces marchands qui voyageaient au printemps ou à l'automne en grande caravane et passaient l'été ou l'hiver en foire. Ils savaient tant de choses et ne craignaient personne, pas même le Comte de Champagne.
Le bruit qu'elle faisait en installant ses tréteaux résonnait dans la nuit froide mais cela ne réveilla aucun des pauvres bougres étendus sous les porches. Phili travailla un long moment seule, avant que les cloches de sextes ne sonnent. Enfin ses amies arrivèrent.
─ Vivement les fêtes, dit Noémie qu'on puisse s'enfourner des plâtrées. Tu as l'air mieux Phili.
─ Toujours seule ma pauvre Phili ? Françoise mériterait des coups de bâtons, remarqua Marinette.
─ Ça n'a pas d'importance, répondit Phili.
─ On va t'aider, décida Noémie le cou déformé par un goitre, forte comme un bœuf qui l'avait prise sous sa protection depuis son premier jour. Sa fille de 13 ans Pauline, la seule enfant vivant qu'il lui restait des 8 qu'elle avait eu, travaillait aussi sur les marchés, la petite avait perdu un œil l'hiver dernier une infection qui avait failli lui coûter la vie. Noémie tenait plus que tout à sa dernière fille. Elle formait une drôle d'équipe avec Marinette fripée et le visage tordu par un mal mystérieux et qui citait constamment les saintes écritures.
Ses amies Hannah et Blanche avaient perdus leurs hommes à la guerre comme Margot et elle.
Hannah regrettait tous les jours son ancienne partenaire, Margot. Désormais elle était avec Sara, une vrai peste.
Blanche avait une partenaire hautaine, Marguerite qui méprisait Phili. D'ailleurs celle ci la regardait avec dégout.
Gontran et Henri le bossu deux autres placiers, avaient déjà fini, ils se reposaient à l'échoppe de maître Tintagel.
─ Les gars vous ne voyez pas que la petite Phili a du mal, vous pourriez l'aider, cria Noémie.
─ Nous on a fait notre part, rétorqua Le bossu, c'est son problème si elle n'a pas fait le sien, on a mérité notre repos.
─ Quelle bande de sale type, râla Marinette, ils sont aussi méchants que leur physique.
Gontran avait le visage grêlé de trou suite à la vérole, il fit un énorme rot.
─ Dire que j'ai été traîné avec le Henri, plusieurs fois j'aurai mieux fait de m'abstenir, fit Hannah.
─ Allons pas besoin de ces brelans on va aider Phili entre gens de bonne compagnie, dit Blanche qui les avait rejoint. Marguerite poussa un grognement de dépit et parti à l'église se reposer.
Les marchands ambulants arrivaient et la ville s'animait déjà alors que l'angélus sonnait.
Phili termina d'installer ses bans, bonne dernière et couru à la messe, ses amies lui avaient réservé une place. Si son travail n'avait pas été fait, le maître des bans aurait pu la renvoyer ou la faire fouetter, dans les deux cas, cela revenait à la condamner à mort
Personne n'écouta le sermon, la plupart dormaient. Monsieur le curé aimait son confort et plusieurs braseros allumés en permanence, chauffaient l'église.
Phili affamée avait hâte que la messe se termine, car à la sortie ils auraient leur repas du matin. Heureusement elle avait mangé cette nuit sinon elle n'aurait pas tenu.
Elle bailla à se décrocher la mâchoire et dormait profondément quand Marinette lui donna un coup de coude alors que les cloches sonnaient la fin de la messe.
La ville allait se transformer en une grande foire, une chose que l'on ne voyait qu'ici.
Françoise sa partenaire n'était même pas venue à la messe. Elle était à la rue lorsque Phili l'avait aidé en demandant à maître Sechot de l'embaucher. Françoise avait décidé qu'elle serait la maîtresse d'un marchand, elle voulait être riche.
A Troyes les bourgeois étrangers ne s'encombraient pas de leurs épouses qui restaient à leur lointain domicile. Dans leurs belles maisons, ils installaient des jeunes femmes qui n'étaient pas de bonnes chrétiennes, mais obtenaient richesses et faveurs, les plus avisées tenaient les boutiques quand les marchands repartaient chez eux.
Même le maire Charles Gandin avait une maîtresse, une femme qu'il avait ramené d'un lointain pays ou paraît-il tous les hommes étaient noirs, les maures. Ancien juif converti, il dirigeait la ville, aussi puissant que le comte de champagne. Dans la ville marchande il avait obtenu un beffroi pour la confrérie des marchands, à l'opposé du château comtal.
Les rumeurs avaient enflé sur le marché la semaine dernière, car la mauresse était mourante, parait-il et certaines filles se voyaient déjà à sa place.
Sous les ordres du maire, plusieurs bourgmestres dirigeaient la ville. Gremmel celui qui s'occupait du marché était honnête, vieux garçon, mais il ne supportait pas la populace et passait son temps avec son mouchoir devant sa bouche pour éloigner les odeurs.
Il laissait donc Maître Sechot, faire ce qu'il voulait, ce qui était une mauvaise chose, car il était libertin et violent. il fallait surtout ne pas se faire remarquer, quand il était dans un de ses mauvais jours.
Il affamait les placiers et souvent supprimant leur repas de sexte, au prétexte qu'ils ne travaillaient pas assez bien et la petite armée de souillons qu'il commandait, plus d'une soixantaine d'hommes et de femmes n'avaient qu'à obéir.
C'est cet homme que Françoise faute de mieux, avait pris comme protecteur.
Les placiers se regroupèrent tous au pied du beffroi et le cuisinier apporta une marmite. Le repas fut un maigre bouillon de poireau avec une galette et du pain.
Françoise arriva à ce moment-là, elle avait un châle neuf, mais des traces de coup sur le visage.
Sans surprise Françoise fut placée chez le boulanger le généreux maître Doux qui donnait du pain. Phili elle irait travailler à a taverne. Normalement les placiers allaient en poste par deux, sauf Françoise et Phili.
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De retour au moyen âge pour la découverte du quotidien de Phili
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