Le lundi de Phili (2)
Françoise depuis qu'elle était la maitresse de maitre Sechot semblait lui en vouloir particulièrement, sans doute d'être un témoin de tout ce qu'elle avait fait, pour en arriver là.
Les placiers n'aimaient pas Françoise et ne manquaient pas une occasion de la critiquer.
Phili ne comprenait pas comment elle avait pu aussi mal tourner. Pour sa part elle préférait les vertus du partage à l'enrichissement. Plus tôt ce matin, elle avait déposé du pain, une couverture et un couteau à Corinne qui vivait dans une cahutte dans sa rue avec deux enfants en bas âge. Il lui semblait que si elle partageait les bienfaits de Laurie se seraient mieux, que de tout garder pour elle et de s'enrichir.
Phili repensait à toutes les choses qu'elle avait apprises grâce à son amie. Elle se releva quelques minutes pour soulager son dos douloureux et admira les lettres des enseignes des commerces et reconnu quelques-unes que lui avait appris Laurie hier soir. Cela était finalement assez simple, il y avait un nombre de lettre à connaître qui permettaient de former des mots. Laurie lui disait des choses étonnantes, ainsi l'endroit où il vivait la terre était une boule qui tournait sur elle-même et autour du soleil. On connaissait la taille de la boule et on pouvait mesurer la distance pour aller sur la lune et d'autres choses tout aussi invraisemblables.
Les savants arriveraient au printemps pour échanger des textes et des idées, voyageant en sureté en compagnie des caravanes de marchand. Phili avait hâte qu'ils arrivent pour vérifier si elle les comprenait mieux.
─ Est-ce que ça va comme cela ? demanda la petite l'interrompant dans ses pensées.
Phili sursauta puis la regarda : Oui c'est très bien, tu m'aides beaucoup et le travail va plus vite ainsi.
Phili nota les différences de comportement les deux sœurs. La petite mourrait de faim mais travaillait avec application. Malgré ses résolutions d'indifférence, Phili lui donna un morceau de pain qu'elle avait dans sa poche.
─ Tiens petite, prends, je le gardais pour moi.
─ Ce n'est pas la peine Phili et je te remercie de m'avoir obtenu ce travail.
─ Prends en la moitié alors s'il te plait. Tu as surement faim.
─ Oh merci, s'exclama Marie ravie.
Au croisement des rues, elles pouvaient discuter avec les autres placières sans interrompre leur tâche, car il n'était pas question de trainer.
A la première rue qu'elles croisaient la rue des savetiers, Blanche les héla et demanda qui était la petite. Marguerite, la collègue de Blanche ne se tourna même pas pour les saluer.
─ C'est Marie, la petite sœur de Françoise, expliqua Phili en la prenant par l'épaule pour la présenter.
─ Cette race-là est à écraser comme des insectes ! Pesta Marguerite en s'approchant menaçante de Marie.
─ Tout doux, Marguerite, je suis contente de Marie et elle m'aide beaucoup. Racontez moi plutôt votre soirée, vous vous êtes bien amusée, s'interposa Phili, alors que Marie lui écrasait la main terrifiée par Marguerite.
─ Comme des folles, dit Blanche.
Et Marguerite hocha la tête : On n'a pas dormi de la nuit et on a trouvé deux galants forts vigoureux qui ont combattu les loups.
─ Qui était-ce ? demanda de la rue voisine, Clara une autre placière qui les avaient entendues.
─ Des métayers de St Jacques ils sont venus au bal chez nous, car ils sont conscrits mais on ne les reverra pas.
Phili trouvait cela imprudent de se compromettre avec des hommes. Si elles étaient enceintes elles seraient blâmées par l'église et leurs enfants au mieux seraient confiés à l'assistance. En plus Clara était un peu commère et le répéterait partout.
Elle préféra s'éloigner, surtout qu'elle avait du mal avec Marguerite.
Cela ne gêna pas Blanche qui continua de raconter ses histoires, j'avais tellement bu que je ne l'ai même pas bien vu ! Tu n'y étais pas au bal, la Phili ! Tu veux devenir bonne sœur ? Le Géraud il ne reviendra jamais, comme mon Rémi.
─ Je sais. Bon on doit continuer les bans, on en reparlera au repas, les salua Phili.
Une fois les bans installés comme elles étaient en avance, Phili et Marie allèrent se reposer dans l'église. Le curé acceptait les petits mendiants et les manants avant les heures de messe dans l'église bien chaude. Cependant comme l'évêque s'était plaint que les petits envahissaient l'église, une fois la messe finie, tout le monde devait sortir.
Pendant la messe, la petite Marie s'endormie dans les bras de Phili.
─ Ou as-tu eu cette robe, demanda Jehanne une placière de 15 ans toujours jalouse et prête à dénoncer les autres.
─ Elle est à Margot, se contenta de répondre Phili, la mienne était tellement usée et ma sœur...
Elle n'acheva pas sa phrase, mais Jehanne hocha la tête, elle avait perdu toute sa famille à part sa grand-mère. Marinette et Hannah arrivèrent et frappèrent Jehanne.
─ Encore à faire des commérages la petite moucharde.
Celle-ci se dépêcha de s'éloigner. Marinette prit sa place, les deux truies t'ont raconté leur soirée ?
─ Tu parles de Blanche et de Marguerite ?
─ De qui d'autres, parlerai-je.
─ Quelle garce la Marguerite, approuva Hannah. Elle se donne des grands airs mais c'est une traînée.
La messe se termina trop vite et à la surprise de tous c'était la neige qui tombait quand ils sortirent. On était au mois de Mars, à quoi pensait le Bon dieu, maugréa Phili. Le ciel ne leur faisait pas de cadeaux et les derniers survivants de la peste et de la guerre seraient fauchés par le froid. Phili et Marie se rendirent à la place des halles ou elles auraient leur affectation.
Le maitre des bans était d'une humeur exécrable et Françoise aussi, elle avait des marques sur le visage, son amant la battait de plus en plus souvent.
Quand ce fut le tour de Phili, le maitre des bans lui indiqua qu'elle travaillerait à la boucherie de maitre Bonneau, la petite Marie suivrait systématiquement.
Phili n'était que rarement affecté à la boucherie, car le travail en force pour découper des quartiers de viande était réservé aux hommes, l'avantage c'est que le boucher donnait de la nourriture.
Les bouchers occupaient une rue à eux seuls et la plupart ne réclamaient pas de placiers. De chaque côté de la rue, toute la journée on abattait des bêtes pour le château ou les riches bourgeois qui pouvaient se payer de la viande.
Marie sans un regard pour sa sœur alla se placer avec Phili.
─ C'est une bonne place dit elle a la petite tu pourras peut être ramener un peu de viande à ta maman.
─ C'est une indigente elle ne mérite rien, dit Françoise qui les avait entendu.
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