Festivités (2)
Trois jours de fête, puis ce serait le carême, quarante jours de privation ou en temps de disette, nombres de gens allaient mourir de faim.
Ces deux derniers jours, elle avait cherché Laurie parmi les dames qu'elles dévisageaient plus qu'il ne convenait. Malheureusement la ville était grande et des quartiers entiers étaient interdits aux manants.
Les nobles dames sortaient peu, pour ne pas se gâter la peau. Toutefois, ce tantôt la noblesse et les bourgeois de Troyes seraient là et Phili espérait voir Laurie.
Après avoir fait boire Margot, elle se leva et alla vérifier le gilet et la robe donné par Laurie, ils étaient presque secs. Elle mit la robe neuve et alla faire sa toilette et trouva l'eau gelée dans les seaux à l'intérieur de la maison, la température avait encore fraichi. Elle cassa la fine couche de glace puis se lava rapidement les mains et le visage. Elle alla au lavoir nettoyer la couverture, la vieille robe de Margot, et la sienne, après avoir enveloppé Margot dans le gilet.
Au lavoir il n'y avait pas grand monde, quelques commères discutaient. C'était le lieu de rencontre des femmes, comme la taverne pour les hommes.
C'était un grand bâtiment avec un bassin d'eau qui s'écoulait. Les rebords de pierre permettaient de battre le linge et des arcades abritaient les femmes. Alberte, Claudie et la Bertrade la regardèrent surprise quelques instants.
─ Qu'est-ce que c'est que cette tenue Phili ? Demanda Alberte une voisine.
─ Une robe que je mettais de côté pour plus tard.
─ Tu t'es fait belle pour le bal, mais tu aurais dû garder ta vieille tenue pour faire le ménage, la jeunesse est toujours si impatiente, ajouta Alberte.
─ Le bal, approuva Claudie, une vieille femme répugnante avec une chique sur la joue qui vivait dans une cabane de roseau à hauteur de la seine.
On la surnommait la sorcière et les rumeurs disaient qu'elle y avait noyé tous ses enfants.
─ Oui, se contenta de répondre Phili qui ne voulait pas polémiquer, mais ne comptait pas aller au bal. Elle se rappelait comment Margot et François dansaient heureux. Géraud ne l'avait jamais invité à danser sauf l'année où il était parti, il avait 16 ans et elle 14 et danser avec Géraud cela avait été spécial et curieusement agréable. Elle s'était sentie bien dans ses bras à sa place, leur temps avait été trop court.
─ Matias sera avec ton père en forêt, lui dit la vieille Bertrade interrompant les rêveries de Phili. Matias était son fils un vieux garçon de 40 ans, le dernier enfant vivant qu'il lui restait des 12 qu'elle avait eu et ils avaient recueilli Philipot, un de ses petits fils. La Bertrade était si vieille qu'elle marchait toute voutée et restait un personnage dans la métairie, la mémoire des lieux.
─ Oui ma mère, c'est une bonne chose, dit Phili qui frottait avec vigueur les deux robes. La technique pour laver quand on n'avait pas de savon, c'était de battre le linge avec une tapette en bois à s'en user le bras, la crasse partait avec l'eau. Cela abimait les tissus et les mains.
─ Prend un peu de ma mousse de savon, dit la Bertrade j'ai eu une grosse commande et je n'ai pas pu finir hier.
─ Merci, dit Phili toute contente, qui n'avait jamais de savon car cela coutait une fortune.
─ Ils vont dormir au monastère, les premières nuit, lui apprit Bertrade, peut être que le bon dieu aura pitié d'eux.
─ Espérons ! se contenta de répondre Phili. Elle n'osait trop parler, car souvent des conversations de lavoirs étaient répétées et on se retrouvait pendu, sans avoir compris comment on avait pu en arriver là. Elle soupçonnait d'ailleurs la Claudie d'avoir dénoncé quelques voisins, pour récupérer des piécettes.
─ Il faudrait aussi que tu arranges tes cheveux pour aller danser, reprit Alberte, qui aimait diriger les conversations et n'avait pas apprécié que l'on change de sujet sans son accord. Elle était mariée à Daru le boiteux, un des adjoints du contremaitre et elle estimait qu'on lui devait la déférence et parlait toujours avec autorité.
─ Oui da, la mère, dit Phili, je le ferai. J'utilise des branches de cade un peu plus loin.
─ Rien ne vaut les ronces, dit la Claudie en s'approchant. J'ai bien dansé dans le temps moi aussi.
Les villageoises reparlèrent entre elle et Alberte semblait au courant de pas mal de chose grâce à son mari. Une autre villageoise arriva, Marguerite, dont le fils était commis à l'auberge de l'évêché, le meilleur endroit pour apprendre toutes les nouveautés de la ville. L'évêque y venait manger les midis car il aimait bien la femme de l'aubergiste. Marguerite leur raconta que les moines avaient demandé au seigneur, de protéger davantage les chemins, car plusieurs moines pèlerins avaient disparus.
A côté du lavoir, une grande bâtisse permettait d'étendre le linge, si on n'avait pas la place chez soi, c'est là aussi qu'on faisait bouillir le linge au printemps et à l'automne, pour que tous, à la métairie bénéficie d'un linge blanchi.
Les commères parlaient des tournois et de cette guerre qui n'en finissait pas.
─ Phili peux-tu m'aider à écarter mes draps, toi qui est de la première jeunesse, demanda La Jehanne qui avait un petit commerce de drap.
─ Bien sûr, dit Phili qui avait terminé sa lessive. Elle se leva et s'étira les reins douloureux de s'être penchée dans le froid et suivit la Jehanne pour l'aider à écarter les draps dans la bâtisse commune.
Elle tissait les draps elle-même. Ils étaient épais et chaud et se serait merveilleux d'en avoir, songea Phili mais posséder des draps, comme du savon, c'était le comble du luxe.
Jeanne avait sa maison au pied des remparts, la première maison avant la ville. Tout le monde l'admirait d'avoir réussi la prouesse de monter son propre commerce, surtout que son mari était parti à la guerre depuis plus de 10 ans et n'était jamais revenu.
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