23 - Mon destin
Je suis dans une plaine et une odeur de brûlé me pique le nez.
Je crois que c'est le Rohan. Qu'est ce que je fais si loin de ma forêt ?
Je me retourne et je tressaute.
Je suis devant un village en proie aux flammes. Des gens hurlent et courent entre les maisons qui brûlent comme des torchères, des corps jonchent le sol et des ombres se mouvent comme des serpents malfaisants.
Je cours vers les flammes, j'essaie de les diminuer, de les contrôler pour les stopper et soudain je la vois : jonchée sur un gigantesque cheval noir embrasé, elle me sourit.
Je fais demi tour et j'essaie de fuir dans les plaines mais j'entends le galop sonore d'un lourd cheval qui se rapproche.
Quelque chose me heurte dans le dos et je tombe à plat ventre en poussant un cri étouffé. Une chose me saisit et me retourne comme une poupée de chiffon. Lourdement équipé d'une sombre armure, l'être est immonde, dégueulant de Ténèbres.
Je me débats, frappant au hasard des mains et des pieds. Je heurte son casque orné d'un œil de feu et il chute en arrière, dévoilant un doux visage.
Des cheveux noirs coupés courts, des yeux bleus, un maquillage noir et un sourire carnassier : c'est moi !
Je hurle mais la sombre moi m'attrape par la gorge étranglant ma frayeur.
- Tu pensais m'échapper ? Me susurre t'elle.
J'ai peur, horriblement peur. Comment j'ai pu devenir ainsi ?
Non, ce n'est pas moi...
- Je suis ce que tu dois être, ce que tu vas devenir.
- NON !!
C'est faux, je sais que c'est faux ! Je ne suis pas comment ça !
- Tu vas le devenir, petite et faible Isil. Tu vas le devenir, tu n'as pas le choix.
La sombre moi rigole, son rire me glace le sang et je n'arrive plus à me débattre.
Soudain je tombe.
Je me retrouve sur mes pieds au bord d'une corniche. Au loin, je vois des bâtiments en feu : Imladris.
Je sursaute et je vois mes mains rougies, c'est mon feu ! C'est moi qui ai fait ça !
Tout à coup, je vois le bureau d'Elrond comme si j'y étais mais ma vision ne cesse de se troubler et de revenir. J'ai mal à la tête. Je porte mes mains à mes yeux et je me retrouve dans le noir.
Que le noir, rien d'autre.
Qu'importe où je regarde, je ne vois que les Ténèbres.
- Tu as perdu.
La voix est neutre, presque enfantine.
- Tu as voulu jouer avec des choses qui te dépassent et tu as perdu.
Je n'arrive plus à bouger, ni à parler.
- Tu as plongé trop profondément dans les Ombres, tu n'en es pas ressortit idem, et tu le sais. Tu es en train de pourrir de l'intérieur. Tu te ronges. Et bientôt tu détruiras tous pour te rallier au Sombre Seigneur.
C'est faux. Complètement faux !
- Alors pourquoi il te cachait ? Ce n'était pas pour te protéger mais pour protéger le monde de toi. Parce que tu es mauvaise. Dangereuse. Et sombre, si sombre.
J'ai mal, tout mon corps me fait mal. Je ne sais plus quoi croire. Où est la vérité ?
- Il le sait aussi. Le Seigneur Elrond, le semi-Elfe, il veut emplir ton cœur de joie et de bonheur mais il ne sait rien. Il ignore que la haine se nourrit des mêmes sentiment que l'amour. Il veut que tu aimes, que tu construises mais toi, tu vas haïr. Tu vas détruire. C'est ton destin.
Je me réveille en sursaut. J'ai des sueurs froides et je suis en panique totale. Je bondis hors de mon lit et je regarde autour de moi. Tout est calme.
La nuit tire à sa fin.
J'ai peur. Ce n'était pas un cauchemar ordinaire.
Je cherche l'esprit d'Équinoxe. Il est tout proche et inquiet. Il me demande ce qui se passe.
Comprenant mon incompréhension, il m'explique qu'il a sentit une chose sombre et malfaisante dans ma chambre puis il y a eut un cri et des lumières se sont allumées. Je visualise les images qu'il m'envoie : c'est le bureau d'Elrond.
Je suis paniquée, ma respiration est saccadée et mon cœur résonne dans mon crâne.
Équinoxe est inquiet. Il me supplie d'aller voir Elrond et de lui en parler.
J'hésite. Lui avouer qu'une petite voix dans ma tête m'a dit que mon destin était de tout détruire, y compris Imladris, me paraît risqué.
Mais j'ai besoin d'aide...
Je sors en trombe dans le couloir.
Je marche aussi vite que possible dans la pénombre de cette fin de nuit.
La porte du bureau est ouverte. C'est mauvais signe.
Je fais les derniers mètres à pas de loup. J'entends alors des voix.
Je reconnais à coup sûr celle de Glorfindel et je crois celle d'Arwen.
- Nous venions de sortir du bureau quand père a été pris de vertige, fait elle. Il semblait mal et j'ai préférée le faire s'asseoir, puis j'ai appelé à l'aide.
- Vous avez bienfait, Dame Arwen, répond Glorfindel. Vous vous sentez mieux, mon ami ?
- Ça va, répond la voix d'Elrond. Cette vision était... très éprouvante.
- Qu'avez vous vu ? Demande Arwen.
Je me penche un peu plus vers la porte, la réponse m'intéresse aussi.
Aurais je partagée une vision avec Elrond ?
- C'est au sujet d'Isil, n'est ce pas ? Ajoute Glorfindel après un temps.
Je réprime mon envie de regarder dans le bureau. Le ton de l'Elfe laisse sous entendre que c'est une chose courante. Ça ne me plaît pas vraiment.
- Qu'est ce qu'Isil à avoir avec cela ? S'étonne Arwen formulant ainsi ma question.
J'entends un bruit de verre qu'on pose puis un soupire.
- J'ai des visions sur la jeune Isil depuis bien avant son arrivée ici, avoue Elrond. Mais si jusqu'à présent ce n'était que des brumes, elles sont devenues très nettes depuis un moment... Je ne vois plus qu'elle depuis des jours.
Ma gorge est sèche et j'ai du mal à avaler ma salive.
- Je l'ignorais, reprend Arwen surprise. Mais que voyez vous de si alarmant ? Isil est une jeune Elfe, certes étrange, mais non mauvaise.
Je tressaille à ce mot : mauvaise.
- Au début, je la voyais tantôt scintillante de lumière, tantôt aussi sombre qu'un abysse, explique Elrond. Elle était en équilibre entre la Lumière et l'Ombre et son cœur incertain. Mais depuis quelques jours... Les visions sont de pires en pires.
Le silence tombe et j'ai l'impression qu'on m'a sonné. Je me sens bizarre comme déconnecté de mon propre corps.
- Qu'avez vous vu de si horrible ? Demande Glorfindel après un temps.
- Je l'ai vu détruire un village des Hommes, puis... réduire en cendre Imladris.
- C'est impossible ! S'alarme Glorfindel. Elle n'est pas comme ça et vous le savez ?
- Elle va le devenir, répond Elrond la voix tendue. Je ne sais comment mais elle va finir par tout détruire. J'ai beau tout tenter pour la maintenir dans la Lumière quelque chose la tire dans les Ténèbres.
- Père, je ne peux y croire, intervient Arwen avec calme. Quelqu'un capable de ressentir la complaisance de l'amour ne peut être aussi maléfique. N'avez vous pas vu Elrohir ce soir ?
- De quoi parlez vous ? S'intéresse Glorfindel.
- Isil et lui sont partis en forêt cette après midi. Elrohir lui a fait part de ses sentiments et ils sont réciproques...
- Mais Isil s'y refuse, je le sais, la coupe Elrond. Elle s'isole car quelque chose la ronge à l'intérieur et je crains que la grandeur de cet amour naissant engendre d'autres sentiments bien plus néfastes.
Je plaque ma main devant ma bouche pour étouffer un sanglot.
Quelque chose me ronge et je le sais...
La peur.
La peur de recommencer, de faire du mal, de blesser...
Cette peur engendre la colère, et la colère mène à la haine.
- Qu'allons nous faire ? Reprend Glorfindel la voix peinée.
- Je l'ignore, répond Elrond las. Je ne peux me résoudre à demander à Isil de partir, cela reviendrait à l'abandonner à son sort, mais en même temps... elle représente un réel danger pour Imladris et ses occupants.
Un sanglot me secoue et des larmes coulent telle une cascade sur ma main plaquée sur ma bouche.
Je suis un danger pour Imladris...
Mon destin est de tout détruire, y compris ceux qui m'ont tendus la main...
Non, je refuse !
Elrond n'aura pas à me demander de partir car je vais le faire moi même.
Depuis trop longtemps je subis les choses sans être maître de mon destin, je ne peux pas continuer comme ça !
Je suis un danger pour quiconque reste près de moi, alors je vais aller là où ma dangerosité sera un atout : au Mordor.
Je me décolle du mur contre lequel je me suis adossé et je prends la direction de ma chambre.
Cette fois, j'ai choisi. Je prends en main mon destin.
Elrond m'a dit que rien n'était vraiment écrit, alors je vais tracer ma propre route. Je refuse d'être un danger sauf pour ceux qui sont contre la liberté d'autrui.
Je lance mon esprit dans celui d'Équinoxe.
- Prépares toi, nous partons, soufflé je.
Il s'inquiète et me demande où on va.
Je m'arrête devant la porte de ma chambre.
- Rejoindre la Communauté.
Équinoxe est surprit mais il sent ma détermination. Je prends peu de décisions graves mais quand c'est le cas, rien ne peut m'en dissuader.
Il acquiesce et part m'attendre près des écuries. Il nous faudra partir furtivement et courir aussi vite que possible jusqu'aux frontières, avant qu'Elrond ne comprenne.
J'attrape un sac, il n'est pas aussi grand que ce que j'aurai voulu, je vais donc devoir prendre peu de choses.
Je prends des vêtements de rechange et mes armes. J'hésite un instant devant la commode. Une armure, même légère, pourrait être un plus mais je veux fuir les Ténèbres et tout ce qui m'y raccroche...
Je n'ai pas le temps de tergiverser. J'attrape l'ensemble et je le fourre comme je peux dans mon sac qui est déjà presque plein.
Je cours à la porte où je jette un dernier regard à ce qui fut mon refuge. Soudain je vois quelque chose scintiller sur le rebord de la fenêtre.
J'avais complètement oublié l'infusion de la Siffleuse. Je laisse tomber mon sac et je vais à la fenêtre. Au fond du verre se trouve à présent un liquide brillant et pâteux.
Un puissant somnifère.
J'attrape une petite fiole qui me servait lors des soins pour mes côtes et je verse la mixture dedans.
On dirait que des étoiles sont entrés dans le liquide tant il brille.
Je glisse la fiole dans ma poche avant de récupérer mon sac et de sortir.
Je cours jusqu'aux cuisines, heureusement désertes à cette heure ci. J'ouvre les placards, j'attrape du pain, du fromage et quelques fruits. J'aurais aimée un peu de viande de voyage mais je n'en trouve pas.
Je ressors en laissant la cuisine en état, je ne veux pas perdre de temps à ranger tout ça. Je ne sais pas quand Elrond comprendra ma fuite mais je veux être loin à ce moment là.
Je coupe par les jardins et Équinoxe vient à ma rencontre. J'en profite pour lui envoyer des images des cartes que j'ai vu et du probable chemin prit par la Communauté.
Équinoxe m'informe qu'il est en pleine forme et pourra galoper des heures durant. Je n'ose pas lui dire que ça sera peut être des jours...
On arrive aux écuries. Je dois récupérer au moins la selle et les sacoches latérales, voir un peu d'avoine pour la route.
Équinoxe fait le guet et j'entre sous les arches. Les battements soutenus de mon cœur semblent résonner tel des tambours sous les arcades. Il ne me reste plus que quelques mètres. Je visualise l'emplacement de la sellerie d'Équinoxe, en espérant qu'ils ne l'aient pas changés de place. Je dois être rapide et efficace.
Soudain la porte des écuries s'ouvre. Je me fige en voyant un Elfe en sortir : Elrohir.
Pourquoi de tous les habitants d'Imladris il fallait que je tombe sur lui ?
- Isil ? Vous êtes matinale, me lance t'il jovial.
Je ne réponds pas. Ma gorge est si serrée qu'aucun son ne pourrait en sortir. Le regard d'Elrohir passe alors de moi à mon sac bien plein.
- Vous partez ? S'enquit il surprit.
Je ne sais pas quoi dire, du moins si je pouvais parler.
- Où allez vous ? Me questionne t'il en avançant.
Mon sac glisse et tombe au sol dans un bruit mou. Elrohir fronce les sourcils en le regardant tandis que moi je détourne le regard. J'ai envie de pleurer, je vais devoir trouver un prétexte ce qui va sûrement le blesser. Je vais encore faire du mal à un être qui m'est cher.
J'essuie mes mains moites sur ma tunique quand je sens quelque chose dans ma poche : le somnifère.
Oui, ça pourrait marcher...
Je sors discrètement la fiole alors qu'Elrohir avance vers moi. Je l'ouvre avec précaution et je glisse mon doigt dedans. Le liquide est étrangement tiède.
Faisant semblant de regarder au loin, je passe mon doigt sur mes lèvres en faisant très attention à ne pas m'en mettre dans la bouche.
Je n'ai pas le choix.
- Qu'est ce qui se passe ? S'inquiète Elrohir tout proche à présent.
- Je suis désolée, soufflé je la gorge nouée.
- Qu'est ce que vous allez faire ?
Son inquiétude n'est pas feinte, il est sincère. Il s'inquiète sincèrement pour moi.
Je me tourne vers lui. La situation lui échappe et ça se lit sur son visage. Il a l'air dépassé ce qui l'attriste. N'y réfléchissant pas plus, je me penche vers lui et je pose mes lèvres sur les siennes.
Il se fige un instant, surprit, avant de répondre avec envie à mon baiser. Je sens sa salive sur mes lèvres et je sais que j'ai réussit, mais je n'en ressent aucune satisfaction.
Ma peau devient ardente m'obligeant à reculer. Le flacon m'échappe et tombe au sol dans un tintement clair.
Elrohir n'y prête pas attention, il est aussi surprit que ravi. Je suis contente pour lui qui attendait cela depuis bien longtemps. Je vois le bonheur dans ses yeux mais soudain il se rend compte que quelque chose ne va pas. Il passe sa langue sur ses lèvres puis vacille en arrière.
- Qu'est ce que...
Je l'attrape par le col mais il est plus lourd que ce que je pensais et je tombe avec lui. Ses paupières papillonnent, il lutte contre le sommeil. Je m'agenouille à ses cotés.
- Ne luttez pas, soufflé penché sur lui. Je suis profondément désolée.
Ses yeux se ferment et sa respiration s'apaise.
Des larmes tombent de mes yeux et coulent sur ses joues.
Je m'essuie la bouche avec ma manche, histoire de ne pas m'auto-endormir bêtement.
J'hésite puis je dépose un nouveau baiser sur ses lèvres. J'en avais juste envie. Juste envie de l'embrasser, de le toucher une dernière fois...
A vrai dire, Elrohir a l'air si serein que je pourrais rester là à le contempler.
Soudain j'entends du bruit provenant de l'écurie. Il y a du monde à l'intérieur.
Tant pis pour la selle et les sacoches.
Je ramasse mon sac mais je délaisse la fiole de somnifère dont une grande partie s'est déversée sur les pavés.
Je cours rejoindre Équinoxe et je lui fais part du changement de plan. Ça ne le dérange pas, il n'aime pas vraiment être sellé mais le voyage sera bien moins confortable pour moi.
Équinoxe s'élance et atteint rapidement sa pleine vitesse.
On traverse le pont à toute allure avant de s'enfoncer dans les bois. Équinoxe ralentit à peine et je me colle à son encolure. Il connaît le chemin, on va là où j'ai laissée la Communauté.
On avance vite et je m'étonne qu'Elrond ne se soit pas encore alarmé. Des larmes continuent de couler en sillons froids sur mes joues.
La lumière croit à l'Est quand on arrive en vu des limites d'Imladris.
Équinoxe grimpe aussi vite que possible la côte et je me plaque encore plus sur son encolure, je ne veux pas voir la cité en contre bas. Je ne veux pas voir ce que je fuis.
- Isil, arrêtez !
La voix d'Elrond a résonné dans ma tête. Surprit, Équinoxe s'arrête brusquement manquant de m'envoyer dans les buissons.
- Ne faites pas cela, reprend la voix d'Elrond. Restez à Imladris.
- Je ne peux pas ! M'écrié je. Je... Je vais vous conduire à votre perte !
- Non, vous...
Je lui envoie les images que j'ai vu et sa petite discutions avec Glorfindel et Arwen.
- Vous voyez mon avenir... Vous voyez ce que je vais devenir mais je ne veux pas ça et le seul moyen est d'écrire mon propre destin. Vous l'avez dit vous même, l'avenir se trace en fonction des choix que l'on fait ! J'ai choisi : je vais me battre. Je vais tout faire pour aider les Peuples Libres !
- Vous allez au Mordor, s'alarme Elrond.
- A la Montagne du Destin, et s'il le faut...
Mon avenir se dessine à mesure que je fais mes choix et je me vois sauter dans l'antre en fusion de la montagne.
- Ne faites pas ça...
- J'ai le droit de choisir et si mon destin est de tout détruire, alors je commencerai par moi.
Je talonne Équinoxe qui bondit en avance et l'on sort des terres du Seigneur Elrond.
Je l'entends crier mais sa voix s'amenuise jusqu'à disparaître complètement.
Me voilà de nouveau seule, mais cette fois je l'ai choisi.
Fin du chapitre.
Que pensez vous du choix d'Isil ? ^_^
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