Chapitre V
- Non ! Arrêtez !
Le cri de Jean déchira l'air. Tous les cavaliers se tournèrent vers lui lorsqu'il s'interposa entre Lupa et la lance.
- Ôte-toi de mon chemin, garnement ! gronda l'homme qui tenait l'arme.
- Je ne vous laisserais pas lui faire du mal s'écria Jean, alors que Lupa se relevait péniblement.
- Cette bête est dangereuse ! tempêta l'homme. Vous autres, paysans, aviez pour ordre de ne pas la cacher ! Serais-tu prêt à désobéir à ton seigneur ?
Les yeux sombres de Jean se firent de jais.
- Oui ! répondit-il, en caressant la fourrure de Lupa. C'est mon amie ! Elle a une famille à nourrir ! Si je devais recommencer, je le ferais sans hésiter ! Et si notre seigneur a des objections, qu'il vienne me les poser lui-même ! Je l'attends !
Un grand silence succéda à la diatribe de Jean. Chacun était trop choqué pour penser à réagir.
- En voilà assez, insolent ! s'emporta son interlocuteur. Très bien, écoute, mauvais drôle : je suis le seigneur de Franche-Dame !
Jean se sentit pâlir.
- Et voici mes objections : cette bête est dangereuse ! Elle a dévoré nombre de mes brebis, mes oies, mes coqs !
- Elle a une famille à nourrir ! répondit Jean, désespéré.
- Qui, comme elle, doit être abattue, rétorqua le seigneur en toisant durement Braise.
Devant tant d'animosité, Lupa feula et montra les crocs.
- Vois-tu ? Elle est dangereuse !
- Non, attendez !
Jean s'agenouilla auprès de son amie et fredonna la mélopée que Lupa avait appris à reconnaître. La louve sembla se calmer, mais son regard tourné vers les chasseurs ne perdit rien de sa rage.
- Cela suffit ! fulmina le seigneur en levant sa lance et en écartant Jean, qui tomba dans la neige glacée.
Le seigneur abattit sa lance. Jean poussa un cri. Lupa se ramassa autour de Braise...
Un hurlement furieux et terrifié retentit. Le geste mortel fut arrêté.
- Père ! Par Dieu, cessez cette folie !
Tous se retournèrent. C'était Mathilde, qui arrivait enfin.
- Ma fille ! s'étonna le seigneur. Tu connais cet olibrius ?
Sans répondre, Mathilde courut à son père, et lui arracha la lance des mains, le regard enflammé.
- Sans cette louve, je serais morte ! J'ai chuté dans le lac, et elle m'y a repêchée !
Un grand silence succéda à la révélation de Mathilde.
- Est-ce vrai ? demanda le seigneur à Jean.
Le jeune paysan opina timidement de la tête.
- Dans ce cas, c'est une autre paire de manches... soupira le seigneur.
Il se retourna et se concerta avec ses chasseurs pendant quelques minutes. Et, quand il se retourna, une étrange lueur brillait dans son regard émeraude.
- Après maintes réflexions, j'ai décidé...
Le cœur de Jean battit à tout rompre, il pouvait presque l'entendre, et il était sûr que celui de Mathilde battait aussi fort.
-... de laisser la vie sauve à ton amie, poursuivit le seigneur. Elle est, certes, sauvage, mais, cela dit, je ne peux imaginer une vie sans ma fille. Et, sans cette louve, j'aurais dû me résoudre à vivre sans elle. Je ne sais pas si je l'aurais supporté.
Jean laissa exploser sa joie.
- Merci, mon seigneur, merci mille fois !
- Inutile de me remercier, dit le seigneur, en souriant. Tu es le diable en personne ! Aussi malin, aussi déterminé ! Mathilde ! Nous partons !
La jeune fille se tourna vers Jean.
- Merci pour tout, Mathilde, chuchota Jean, les larmes aux yeux. Sans toi, Lupa serait morte...
- Tu sais... répondit la fille du seigneur, cela me ferait plaisir de te revoir. Tu seras toujours le bienvenu au château, avec Lupa et les louveteaux. N'est-ce pas, père ?
Le seigneur hocha la tête, souriant, et prit sa fille pour la placer derrière lui. Mathilde s'accrocha à son père, et avec un dernier clin d'œil à Jean, elle s'en fut avec son père et la troupe de chasseurs.
Restés seuls, Lupa prit Braise prit Braise entre les crocs.
Et, elle adressa un signe de la tête à Jean, une étincelle amicale dans ses yeux glacés.
"Merci pour tout, enfant des hommes."
Elle fit volte-face, et s'enfuit, majestueuse, comme toujours.
Et ses pas laissèrent dans la neige les empreintes légères de la louve de Franche-Dame.
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684 mots.
Cette fois, j'étais vraiment très très près des 700 mots !
Et voilà, c'est la fin de cette histoire ! J'espère qu'elle vous aura plu !
Renars
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