XIV - Le frère du géant.
La Forêt Interdite était certainement l'endroit le plus effrayant de l'école de magie Poudlard. Les légendes sur les effrayantes créatures vivant à l'intérieur dissuadaient même les plus téméraires des élèves d'y mettre les pieds. Même les jumeaux Weasley n'avaient pas encore eu le courage de s'y rendre, bien qu'on leur suggéra plusieurs fois qu'ils pourraient y faire les meilleures farces. Non, personne n'osait vraiment mettre les pieds là-bas. Pourtant, c'était la troisième fois qu'Hermione s'y rendait.
Hagrid marchait bien loin devant eux, son chien à ses côtés, éclairant un des chemins qu'il avait lui-même dégagé, à l'aide d'une vieille lampe à huile. Quelques pas derrière lui, cachés par la cape d'invisibilité, le trio avançait à petits pas, chacun essayant tant bien que mal de dissimuler sa peur aux deux autres. Le visage de la jeune fille marchant au milieu était impassible, mais les battements effrénés de son cœur lui donnaient l'impression qu'ils allaient se faire repérer par la plus monstrueuse bête peuplant la forêt. Un instant, elle songea à son ancien professeur de Défense contre les Forces du Mal, Remus Lupin qui était en fait un loup-garou et qui avait essayé de la tuer lors de sa troisième année, alors qu'elle et Harry cherchaient simplement à lui venir en aide.
―Je maintiens que c'était une mauvaise idée, chuchota Ron pour ne pas se faire entendre du demi-géant.
―On ne risque rien avec Hagrid, répondit Harry.
Mais ses amis ne furent pas dupes et perçurent l'angoisse dans sa voix. Le souvenir de sa rencontre avec Voldemort en première année devait lui être revenu en mémoire, lui rappelant de biens mauvais instants. Hermione savait que la rencontre entre les deux sorciers avaient été étonnante, puisqu'à ce moment-là, Voldemort devait partager le corps d'un autre homme pour pouvoir survivre. Sauf que les choses avaient changé depuis et il avait à présent entièrement forme humaine. Si ce n'est ses yeux rouges à vous glacer le sang.
―Justement ! fit le rouquin.
Ils avaient parcouru plusieurs centaines de mètre lorsque le garde chasse les autorisa enfin à retirer la cape les rendant invisibles aux yeux de tous. Hermione soupira de soulagement lorsque le tissu fut retiré du dessus de sa tête et s'éloigna de ses amis de quelques pas, en prenant de grandes inspirations.
―Où sommes-nous ? s'enquit Ron.
―Près de la gare, répondit Hagrid. Encore quelques mètres et nous serons bientôt arrivés.
À mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, Hermione sentait l'inquiétude envahir le demi-géant. Ses coups d'œil fréquents en arrière, comme s'il craignait que quelqu'un les aient suivis, la lueur d'angoisse dans ses prunelles qu'elle apercevait en dépit de la noirceur environnante, sa main qui ne cessait de venir fouiller dans une des poches de sa cape, sûrement là où il cachait sa baguette magique, bien qu'il eut interdiction formelle d'en faire usage.
Ils arrivèrent finalement devant un monticule de terre presqu'aussi grand que Hagrid. Hermione sentit la frayeur l'inondait lorsqu'elle réalisa qu'il s'agissait de l'entrée d'une tanière. D'un animal immense à en juger par la hauteur du trou. Ron gémit à ses côtés, marmonnant qu'il ne supporterait pas une nouvelle rencontre avec Aragog tandis qu'Harry sortait sa baguette magique de laquelle s'échappa soudainement un faisceau de lumière. Des arbres avaient été déracinés tout autour et leurs troncs entassés formaient une sorte de clôture, ou plutôt de barricade, derrière laquelle ils se tenaient tous les quatre.
―Il dort, chuchota Hagrid.
―Qui dort ? demanda Hermione en fronçant les sourcils.
Il y eut une sorte de grondement lointain qui faisait penser à la respiration de gigantesques poumons. La jeune fille écarquilla des yeux en réalisant que la chose qui se cachait à l'intérieur devait être immense. Bien plus grande que Hagrid. D'un geste rapide, elle sortit sa baguette magique et la pointa en direction de l'entrée de la tanière.
―Lumos.
―Hagrid... souffla Harry. Qui est-ce ?
Un sanglot s'échappa soudainement des lèvres serrées du demi-géant. Des larmes de la taille d'une balle de golfe firent leur apparition au coin de ses paupières et il posa son regard sur chacun d'entre eux avant de se détourner, honteux et rassuré de voir qu'ils ne s'enfuyaient pas en courant. Doucement, Hermione se rapprocha et posa sa petite main sur le bras gigantesque du garde chasse qui esquissa un faible sourire.
―Vous pouvez tout nous dire, Hagrid, assura-t-elle.
―Je sais, Hermione, je sais, renifla-t-il.
Le grondement se fit plus fort, poussant les trois élèves à reculer. Comprenant qu'il ne pouvait à présent plus reculer, Hagrid sortit le parapluie dans lequel il cachait sa baguette et enjamba la barricade pour s'approcher du monticule de terre. Hermione réalisa alors qu'il ne s'agissait pas d'un tas, mais le dos arrondi d'un...
D'un géant.
―Par Merlin ! s'exclama-t-elle en posant sa main contre sa bouche, les yeux écarquillés d'horreur. Hagrid...
―Je ne pouvais pas le laisser seul, s'expliqua-t-il en approchant à petits pas de la créature endormie. Les autres géants lui faisaient du mal et comme il est plus petit qu'eux, il n'arrivait pas à se défendre... C'est mon frère, je ne pouvais le laisser seul !
―Mon frère ? répéta Ron avec terreur.
―C'est lui qui vous a fait tous ces hématomes ! réalisa-t-elle alors en jetant un regard aux marques sur le visage du garde-chasse. Il vous a frappé !
―Il ne connaît pas encore sa force, bafouilla Hagrid en se dandinant d'un pied sur l'autre. Il est... ma mère l'a abandonné comme elle l'a fait avec moi et il a du apprendre à se débrouiller tout seul... Mais depuis que nous sommes rentrés, j'essaie de lui apprendre qu'il ne faut pas être aussi méchant avec les autres ! Il ne comprend pas bien l'anglais alors c'est un peu difficile... mais...
―Hagrid... souffla-t-elle. Vous ne pouvez pas...
―Je sais Hermione, soupira-t-il alors que de nouvelles larmes tombaient sur sa barbe broussailleuse. Mais je ne pouvais pas le laisser là-bas.
―Oui mais... tenta-t-elle sauf qu'Harry la coupa rapidement.
―Est-ce que le professeur Dumbledore sait qu'il se trouve là ?
―Oui, bien entendu. Il a accepté que Graup reste ici le temps que je trouve un endroit plus sûr pour lui.
―Graup ? marmonna Ron.
Hermione jeta un regard implorant au brun à lunettes qui fit mine de ne pas le voir. La colère domina la peur et elle se demanda si elle était seule à avoir une idée des conséquences que la présence du géant allait avoir sur l'école ? Et s'il était aussi violent que le le laissait entendre les marques sur le visage de Hagrid, quelles seraient les chances pour qu'il ne s'attaque pas aux élèves aussi ? Il y avait peut-être une certaine distance entre le château et ici, mais la forêt était vaste, et les échappatoires aussi.
―Je me doute bien que lorsqu'Ombrage viendra inspecter mon cours, les probabilités pour que je reste à l'école sont bien infimes... avoua Hagrid. Alors, à ce moment-là, il faudra bien que quelqu'un s'occupe de mon frère. Qu'on vienne lui tenir compagnie.
Hermione sentit son cœur se serrer en percevant la détresse dans la voix du demi-géant et elle s'en voulut aussitôt d'avoir songé un seul instant qu'il avaitt ramené son frère ici dans le but qu'il fasse du mal aux étudiants. Non, Hagrid était la bonté incarnée. Les raisons qui l'avaient poussé à emmener Graup ici étaient évidentes. L'amour, la générosité et l'inquiétude. Et c'était des sentiments qu'elle comprenait parfaitement.
Un soupir lui échappa, et doucement, elle se rapprocha de la barricade. Le géant dormait encore, sa respiration apaisée résonnant dans le silence effrayant de la forêt. Ce n'était qu'un enfant, bien que cet enfant mesura près de cinq mètres de haut. C'était un petit qui avait encore besoin d'attention et de soutien pour se développer. Alors, laissant la terreur de côté, elle promit au garde chasse qu'ils seraient là pour Graup s'il devait lui arriver quelque chose.
[...]
La rencontre avec Graup semblait s'être mieux passée que Hagrid ne l'avait imaginé puisqu'il ordonna au trio d'aller se coucher une fois qu'ils furent de retour près de sa cabane, quelques minutes plus tard. Le soulagement était perceptible dans son regard, et bien qu'elle se demandait encore si c'était une bonne chose, Hermione comprit qu'ils avaient pris la meilleure décision. En dehors du professeur Dumbledore, c'était en eux que le demi-géant avait le plus confiance. Au point de leur confier la responsabilité de s'occuper de son frère si Dolores Ombrage jugeait un jour nécessaire de le renvoyer de l'école. Elle n'était pas encore arrivée jusque-là, mais les rumeurs circulaient beaucoup dans les couloirs.
Le retour au château se fit sans encombres, notamment grâce à la cape d'Harry qui les rendait invisibles aux yeux de tous. Seul le portrait de la Grosse Dame parut contrariée de les voir débarquer en plein milieu de la nuit pour qu'elle leur donne accès à la salle commune. Mais elle obtempéra néanmoins et Hermione s'empressa de monter se coucher, tandis que ses amis en faisaient de même.
Elle était en train de prendre son peti-déjeuner dans la Grande Salle, le nez plongé dans son manuel de Sortilèges lorsqu'une ombre se dessina au dessus d'elle, lui arrachant un cri de surprise qui attira l'attention des deux autres personnes présentes dans la pièce. Elle leva les yeux au ciel en reconnaissant le rouquin qui souriait, fier de lui, tout en s'installant face à elle.
―Tu trouves ça amusant ? fulmina-t-elle alors que son cœur battait la chamade dans sa poitrine.
Nouveau sourire. Avec cette même lueur de malice dans le regard.
―Tu es mignonne quand tu t'énerves, commenta Fred.
Hermione leva les yeux au ciel en esquissant un sourire, ne parvenant pas à être en colère contre le garçon alors qu'il venait de lui faire la peur de sa vie. Elle se contenta de le regarder se verser du chocolat dans un bol, notant qu'il prenait toujours le même petit déjeuner chaque matin et mordre dans un morceau de pain.
―Je trouve ça presque étonnant de te voir debout aussi tôt un dimanche matin, fit-elle en fermant son livre.
―C'est parce que je voulais te voir, répondit-il avec un sourire charmeur.
Rougissante, Hermione détourna le regard, sous le rire du garçon. Elle avait un peu de mal à s'habituer aux compliments du rouquin, se demandant sans cesse s'il était réellement sincère avec elle ou il disait ça juste pour la mettre mal à l'aise.
―Et t'embrasser aussi, lâcha-t-il après quelques secondes de silence.
Son rythme cardiaque s'accéléra dangereusement, accentuant le feu sur son visage, au plus grand bonheur du rouquin qui aimait particulièrement la teinte que prenaient les joues d'Hermione lorsqu'il lui faisait des compliments. Il savait bien sûr qu'elle rougissait souvent, mais quand c'était lui, il y avait toujours cette lueur dans son regard. Cette lueur de joie qu'il avait cru perdue à jamais mais qui revenait peu à peu faire briller les prunelles de la jeune fille.
― Tu n'oserais pas ? souffla-t-elle.
Elle manquait cruellement d'assurance, alors qu'elle aurait tant voulu paraître détachée. Faire croire qu'elle ne se souciait pas du regard des autres, ni des rumeurs. Mais c'était faux. Et elle n'était pas encore prête à faire face à tout ça. S'habituer au fait que Fred Weasley l'avait choisie elle, que c'était elle qu'il voulait embrasser, était une chose. Devoir s'y habituer en sentant le regard des autres rivés sur soi à chaque instant en était une autre. Il dut percevoir la crainte dans sa voix puisqu'il secoua négativement la tête, avant de lui sourire avec douceur, la faisant fondre.
―Non, je ne le ferai pas, la rassura-t-il. Peut-être pas tout de suite. Plus tard. Dans un endroit plus sombre.
Hermione leva les yeux au ciel en l'entendant prononcer ces derniers mots. Elle se rappela qu'il les avait déjà prononcées quelques temps auparavant, pour faire enrager un Ron soupçonneux. Que dirait-il à présent s'il savait toute l'histoire ? Hermione se promit de lui en parler, quand elle trouverait le courage de le faire, pour faire comprendre à son meilleur ami qu'elle était réellement heureuse avec Fred. Ce ne serait pas simple, bien moins qu'avec Ginny, mais elle ne voulait pas qu'Harry et lui aient l'impression qu'elle était de moins en moins avec eux à cause de Fred.
―On verra bien, dit-elle en portant son verre de jus d'orange à ses lèvres.
Les yeux du septième année s'illuminèrent et elle se rappela soudainement qu'elle n'avait toujours pas eu l'occasion de profiter du pari qu'elle avait gagné. Un sourire amusé se dessina lentement sur ses lèvres, attirant l'attention du garçon qui arqua un sourcil.
―D'ailleurs... il me semble que j'ai gagné un certain pari...
Le rire de Fred résonna dans toute la pièce, à son plus grand bonheur. Profitant du fait qu'il ne la regardait pas, elle détailla chaque trait de son visage, s'efforçant de l'imprimer dans sa mémoire. De la fossette autour de ses yeux, du grand de beauté sur sa joue, de la petite cicatrice au coin de ses lèvres, des tâches de rousseur sur ses joues. De la lueur malicieuse dans ses yeux. De la moue amusée déformant son visage. Du sourire sur ses lèvres.
―Tu es beau, souffla-t-elle en rougissant.
Il se pencha si près qu'elle crut qu'il allait réellement l'embrasser, à la vue de tous, mais l'arrivée de son frère et de Lee interrompit son avancée. Hermione inspira profondément en se rendant compte qu'elle avait retenu sa respiration en voyant le rouquin amorcer son geste. Elle fit mine de ne pas voir le clin d'œil de George lorsqu'il prit place près d'elle.
―On dirait qu'il y a de l'ambiance ici, se moqua-t-il.
Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, Hermione remarqua que Fred semblait gêné. Et il y avait de quoi en distinguant l'expression de surprise sur le visage du métisse, qui laissa son regard dériver de la jeune fille à son meilleur ami pendant quelques secondes, avant de le poser vers George, qui riait à gorge déployée, se délectant de la situation.
―J'ai loupé un épisode ? demanda-t-il au rouquin.
―Tout un lot, confirma le jeune Weasley.
―Et depuis quand ça dure ce... commença-t-il avant de s'interrompre à cours de mot.
Ce " quoi " en effet ? pensa Hermione en détournant le regard. Son cœur se mit à battre la chamade, et elle réalisa alors qu'elle avait très peur d'entendre la réponse de Fred. Parce que ce qu'ils vivaient tous les deux lui semblait tellement irréel qu'elle craignait qu'une fois qu'on aurait mis un mot dessus, la magie perdrait tout son sens et qu'il ne voudrait plus d'elle. Elle était comme une sorte d'interdit, et les jumeaux Weasley étaient connus pour aimer contourner les lois. Mais une fois que l'inaccessible était atteint, que restait-il ?
Se sentant stupide d'être aussi terrifiée, Hermione prétexta un devoir à finir pour quitter la salle, sans laisser le temps au rouquin de répondre. Elle ramassa rapidement ses affaires et sortit tout aussi vite de là pour se réfugier dans la salle de classe vide qu'elle avait découvert. Mais au détour du premier couloir, elle perçut le bruit de ses pas dans son dos. Elle ne ralentit cependant pas le pas et s'engouffra dans la pièce jusqu'à venir coller son front contre les vitres embuées.
Les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu'elle sentit Fred lui prendre doucement la main, la forçant ainsi à se tourner pour lui faire face. Délicatement, il souleva son menton du bout des doigts et plongea son regard dans celui de la jeune fille. La peur qu'il lut dans son regard lui fit comprendre qu'Hermione était encore très fragile, en dépit de son masque de fille forte, et qu'un petit rien pourrait la faire sombrer de nouveau.
―Je suis désolée d'être partie comme ça, souffla-t-elle en reniflant.
―Ce n'est pas pour te faire le moindre reproche que je suis venu, Hermione, chuchota-t-il en posant une main sur sa joue, l'inondant de chaleur.
―Je sais. Mais j'avais tellement peur d'entendre ce que tu allais dire. C'est idiot, hein ? lâcha-t-elle avec un rire nerveux.
―Pas du tout.
Elle esquissa un faible sourire avant de trouver le courage de lever la tête et de croiser son regard. Elle n'y décela pas la moindre trace de colère, ni de rancœur. Au contraire, il semblait aussi perdu qu'elle et elle réalisa alors que lui non plus n'avait jamais eu de relation sérieuse avant tout ça. Il avait beau faire croire au monde entier qu'il savait ce qu'il faisait, ce n'était pas du tout le cas. Comme elle, il marchait à l'aveugle, mais il semblait plus confiant en l'avenir. Préférant vivre au jour le jour plutôt que de s'inquiéter pour le futur. Préférant profiter de l'instant présent plutôt que de se faire un sang d'encre pour un moment qui n'était pas encore écrit.
―Je n'ai jamais connu ça... avoua-t-elle en rougissant, trouvant réconfortant de regarder l'emblème de Gryffondor sur le col de sa robe plutôt que ses yeux. Et je ne sais pas comment réagir. C'est...
―Agaçant ? rit-il doucement.
―Oui, confirma-t-elle en se mordant la lèvre.
Comment faisait-il pour toujours deviner le fond de sa pensée ? Il savait anticiper la plupart de ses réactions et avait toujours le mot juste pour la réconforter. C'était formidable bien sûr, puisque malgré toutes leurs différences, ils parvenaient néanmoins à se comprendre sans parler. Simplement par un regard. Mais, elle, elle n'arrivait jamais à deviner ce qu'il pensait. C'était frustrant, puisqu'elle avait l'impression de ne pas avoir de rôle bien défini dans cette relation. Qu'elle devait sans cesse se reposer sur lui pour comprendre et avancer sur le droit chemin.
―Alors, arrête de t'inquiéter, souffla-t-il doucement avant de poser ses lèvres sur les siennes.
Elle s'abandonna totalement et profita de la chaleur qui se dégageait du corps de Fred. Cette chaleur qui la réconfortait tout le temps. Qui lui rappelait combien elle était heureuse. Qu'elle voulait que ça dure éternellement. Qu'elle n'avait pas à douter de lui. Elle avait enfin atteint le sommet de ces montagnes russes et il ne tenait qu'à elle de trouver le moyen pour ne pas en tomber.
A bout de souffle, elle s'écarta légèrement pour croiser le regard brillant de Fred qui déposa un nouveau baiser sur ses lèvres avant de l'entraîner vers le fond de la salle, où il fit apparaître un canapé identique à celui des lions dans la salle commune. Hermione rougit légèrement lorsqu'il les fit asseoir et qu'il colla son corps au sien.
―Quel est le programme de la journée, petite lionne ? dit-il avec une once d'humour dans la voix, redevenant le garçon qu'elle appréciait tant. Il me semble que je suis à ton service...
―Je ne sais pas trop, répondit-elle en réfléchissant.
Elle sourit lorsqu'il attrapa sa main et qu'il commença à jouer avec ses doigts.
―Parle-moi de toi, dit-elle alors.
―De moi ? rit-il doucement.
―Oui, l'encouragea-t-elle. De ton enfance, des inventions que tu as créées avec George, de tout ça quoi !
―Pourquoi, tu comptes écrire un livre sur moi ? plaisanta-t-il.
―Bien sûr que non, idiot ! soupira-t-elle en levant les yeux. Mais réfléchis un peu. Qu'est-ce que tu sais vraiment de moi ?
De longues secondes, Fred resta parfaitement silencieux, avec une expression sérieuse qu'Hermione ne lui connaissait pas. Et elle savait parfaitement qu'il ne trouverait pas grand chose à dire. Ils avaient beau se côtoyer depuis quelques années maintenant, les connaissances qu'ils possédaient l'un de l'autre étaient minimes. Et s'ils devaient vraiment s'engager sur la même voie, elle désirait en savoir plus sur lui. Mis à part faire des farces, rire et passer du temps avec son jumeau, il devait bien apprécier d'autres activités. Le Quidditch. Mettre Dolores Ombrage en rogne.
―D'accord, tu as peut-être raison, admit-il avec une moue qui amusa beaucoup la jeune fille. Mais il y a une chose dont je suis certain et que tu dois déjà savoir.
―Laquelle ?
―C'est que j'ai envie d'être avec toi.
Et il l'embrassa de nouveau, lui faisant oublier tout ce qui n'avait pas un rapport avec le garçon en train d'emprisonner son cœur.
[...]
―Je ne vais jamais y arriver ! se lamenta Neville en reposant sa plume d'un geste sec sur le parchemin qu'il était en train de remplir.
Surprise, Hermione releva la tête de son propre devoir et croisa le regard déboussolé de son camarde. L'angoisse faisait luire ses prunelles, donnant à son visage un aspect plus fragile qui lui valait des moqueries quotidiennes de la part des élèves de Serpentard. Alors qu'au fond, il était aussi courageux que tous les autres lions. Il n'avait pas encore découvert cette bravoure qui sommeillait en lui, mais la jeune fille ne se faisait aucun soucis pour lui. Neville ferait de grandes choses plus tard, elle en était certaine.
D'un regard, elle l'invita à déballer ce qu'il avait sur le cœur et esquissa un sourire amusé lorsqu'il lui tendit son devoir de Défense contre les Forces du Mal. L'écriture, ordinairement si soignée du garçon, dévoilait à présent une angoisse extrême. Les mots étaient pour la plupart illisibles, et les rares phrases inscrites n'avaient aucun sens. Avec patience, Hermione agita sa baguette sur le bout de parchemin et effaça les gribouillis de Neville qui poussa un nouveau soupir exaspéré en plongeant sa tête entre ses bras croisés.
―Qu'est-ce que je disais ! marmonna-t-il en gémissant.
―Il faut que tu te concentres, souffla-t-elle avec douceur. Tu es tout à fait capable d'y parvenir, sinon tu ne serais pas ici.
L'assurance dans sa voix du réconforter un tant soit peu son camarade puisqu'il récupéra son parchemin avec un soupir, avant de se repencher dessus, sous les conseils de la jeune fille. Sans la moindre hésitation, Hermione l'aida à trouver ce qu'il fallait noter sur le devoir, désireuse de le voir réussir.
Ils se trouvaient dans la salle commune de leur maison, profitant de l'absence de la plupart de leurs camarades, s'étant rendus au terrain de Quidditch pour assister aux recrutements organisés par Angelina Johnson, en quête de deux nouveaux batteurs et d'un attrapeur. La rancune de la capitaine envers les jumeaux et Harry était tenace, et l'ambiance était glaciale entre les septième année, selon les dires de George. La métisse leur en voulait de ne pas s'être conduit plus civilement, ce qui lui aurait évité de consacrer des heures entières d'entraînement à chercher de nouveaux joueurs. Et d'après Ron, les bons candidats se faisaient rares, redoublant l'exaspération de la jeune fille.
Une fois certaine que Neville n'avait plus besoin de son aide, Hermione se replongea dans son propre devoir, portant sur la métamorphose d'animaux en objets immobiles. Le professeur McGonagall avait estimé qu'ils avaient passé assez de temps sur les révisions de quatrième année, et qu'il était temps pour eux de se plonger dans celes, bien plus intenses, de cinquième année. Au bout de laquelle découleraient les BUSE, examens de fin d'année, favorisant ou non un passage en classe supérieure.
Mais ses pensées ne cessaient de revenir vers un certain rouquin. Elle l'imaginait assis dans les gradins du stade, maugréant contre Dolores Ombrage qui l'avait privé de jouer à vie, détaillant chaque batteur potentiel, analysant leurs points forts et leurs faiblesses, se demandant s'il serait capable de le remplacer. Non, personne n'était capable de remplacer les jumeaux Weasley. Leur union faisait leur force et les rendait invincible, faisant d'eux l'atout majeur de l'équipe de Gryffondor.
Un instant, elle se demanda s'il lui en voulait encore pour les retenues infligées par McGonagall. En effet, après l'altercation avec Malefoy, leur directrice de maison avait débarqué en furie dans la pièce, après avoir appris par les fantômes du château que les jumeaux Weasley avaient passé à tabac le Serpentard. Les trois garçons en étaient sortis avec un mois de retenue chacun, plus un retrait de cinquante points pour Malefoy. Le blond se tenait à carreaux depuis, mais la jeune fille sentait son regard noir posé sur elle à chaque fois qu'ils se trouvaient dans la même pièce.
Comprenant qu'il ne pourrait plus s'en prendre à elle directement, Malefoy avait trouvé un nouveau moyen de se venger, et depuis quelques jours, une rumeur circulait dans chaque couloir du château, sous laquelle Hermione Granger sortait avec un des jumeaux Weasley. La première fois qu'elle en avait entendu parler, elle se trouvait dans la Grande Salle en compagnie de Ginny. Lavande et Pavarti, commères de leurs états, s'étaient approchées des deux amies et avaient demandé à Hermione si ce qu'on disait sur elle était vrai. Incapable de réagir, elle n'avait pas répondu et la rouquine avait menacé les deux colporteuses d'un Chauve-Furie bien placé pour les faire fuir. Mais les lions les plus proches avaient entendu et la rumeur s'était propagée comme une traînée de poudre, à la plus grande fierté de son créateur.
Depuis cet instant, Hermione avait l'impression que tous les regards étaient braqués sur elle. Décidant de faire comme si de rien était, elle et Fred n'avaient jamais chercher à démentir la rumeur, laissant le plaisir à George de s'en amuser. Lui et Lee passaient le plus clair de leur temps à charrier les deux principaux concernés, allant même jusqu'à en rajouter, pour donner un aspect plus farfelue à cette rumeur. Leurs camarades, dans un premier temps très excités d'apprendre l'histoire, avaient fini par se lasser, en comprenant que rien d'officiel ne serait prononcé. Hermione n'était pas prête. L'idée que quelqu'un apprenne ce qu'il se passait entre elle et le septième année la terrifiait considérablement.
―Enfin ! s'écria soudainement Neville en la faisant sursauter.
Un rire lui échappa lorsqu'elle remarqua la lueur de soulagement dans les yeux de son condisciple qui s'empressa de refermer son manuel de Défense contre les Forces du Mal. Il rangea tout aussi vite ses affaires dans sa besace.
―Tu vois que j'avais raison, lui fit-elle remarquer avec un sourire.
―Tu avais raison, admit Neville.
―Raison sur quoi ? s'éleva alors la voix de Ron.
Surprise, Hermione croisa le regard interrogateur de son meilleur ami, avant de remarquer qu'il portait encore sa tenue d'entraînement. Son étonnement augmenta lorsqu'elle nota l'absence d'Harry à ses côtés.
―Hermione m'a aidé pour le devoir de Défense contre les Forces du Mal, indiqua Neville. Harry n'est pas avec toi ?
―Il est resté avec les autres.
La jeune fille fronça les sourcils face au ton revêche de son ami. Neville dut également comprendre que quelque chose n'allait pas chez Ron puisqu'il s'éclipsa rapidement, remerciant une nouvelle fois la Préfète pour son aide. Hermione reporta son attention vers le rouquin et remarqua qu'il avait les traits tirés.
―Est-ce que tout va bien ? souffla-t-elle pour que lui seul entende.
―C'est Harry, avoua-t-il en soupirant.
Le cœur d'Hermione s'emballa. Et à en juger par l'expression grave de son meilleur ami, ce qu'il avait à lui dire devait être plus grave qu'elle ne pouvait le penser. Elle lui proposa d'aller se changer avant de la rejoindre dans la bibliothèque, sachant pertinemment que personne ne viendrait les déranger là-bas. Ron accepta, soulagé de pouvoir enfin se confier à quelqu'un sur le comportement étonnant de son meilleur ami, avant de monter dans son dortoir, précisant qu'il serait près dans une dizaine de minutes.
Songeuse, la jeune fille rangea ses affaires, et ne remarqua même pas l'arrivée de jumeaux dans la pièce. Elle les dépassa sans les voir, sous leur regard étonné, et passa le portrait de la Grosse Dame. Les couloirs étaient déserts pour la plupart, sauf ceux menant vers l'extérieur. En dépit du froid hivernal, les plus courageux des élèves osaient braver le froid pour s'aérer un peu la tête après une journée de cours. Ce qui en résultait une infirmerie pleine à craquer à chaque instant de la journée, malgré les recommandations des professeurs qui enjoignaient leurs élèves à rester au chaud. Mais s'éloigner le plus possible d'Ombrage et de ses décrets quotidiens était la seule option.
La bibliothèque était déserte, si ce n'est la présence discrète de Mrs Prince, occupée à ranger plusieurs ouvrages. Hermione s'installa à la table la plus éloignée, et attendit patiemment l'arrivée de Ron, l'esprit en ébullition, se demandant ce que le rouquin avait de si important à dire. Cela devait certainement avoir un rapport avec Voldemort pour qu'il décide de ne rien avouer devant Neville. Un lien avec les rêves qu'Harry faisait souvent ? Il en avait fait part à son parrain, mais Sirius n'avait pas pu trouver d'explication logique, lui conseillant toutefois de se confier au professeur Dumbledore.
Harry s'y était refusé, encore vexé de l'ignorance du directeur à son égard, qui ne lui avait pas adressé la parole depuis son audience disciplinaire. Hermione sentit son inquiétude croître en songeant que s'il se passait quelque chose de grave, le directeur ne serait peut-être pas là pour aider le Survivant. Pas cette fois.
Ron arriva quelques minutes après elle, douché et changé. Avec un soupir, il prit place sur la chaise face à elle, et après s'être assuré que la bibliothécaire ne se trouvait pas dans les parages, se pencha vers sa meilleure amie.
―Harry a toujours des cauchemars, avoua-t-il, confirmant les pensées de la jeune fille. Il se réveille de plus en plus la nuit.
―Toujours le même ?
―Non, répondit Ron en secouant la tête. Il dit que maintenant, il voit Tu-Sais-Qui en train de parler à une autre personne. Ils sont dans une pièce remplie de boules en cristal. Il y a un serpent aussi.
―Est-ce qu'il t'a dit autre chose sur son rêve ? insista-t-elle.
―Rien. Hermione, j'ai un mauvais pressentiment !
―Moi aussi, j'en ai un, avoua-t-elle en soupirant. Depuis la mort de Cedric, Harry n'essaie même plus de s'éloigner de Tu-Sais-Qui. Au contraire, j'ai l'impression qu'il laisse faire les choses pour que le Seigneur des Ténèbres vienne à lui.
La terreur dans les prunelles du rouquin fit écho à la sienne.
―Hermione... souffla Ron d'une voix tremblante. Je crois que... dans son rêve, Harry voit quelqu'un en train de se faire tuer.
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