Duvet de Lierre entrouvrit légèrement les yeux. En relevant la tête, il croisa le regard protecteur de sa mère, Aile Nocturne, qui l'observait avec tendresse. Au loin, le chaton entendait des bruits de bataille.

-Qu'est ce qui ce passe ? miaula le petit matou, inquiet.

-Notre Clan se bat contre celui du Tonnerre pour récupérer la clairière entre nos deux frontières. Ses pupilles s'illuminèrent, soudainement intéressé.

-Tu penses qu'on pourrait aller voir ? suggéra-t-il trop curieux pour rester sur place. Il s'était relevé et sautillait à présent dans la pouponnière du Clan de l'Ombre. Sa mère lâcha un petit rire à la fois railleur et nerveux.

-Tu rigoles ? Les chatons ne sortent pas du camp avant l'âge de six lunes, encore moins pour aller voir une bataille. Son regard s'était durci et le félin baissa la tête, honteux de se faire réprimander de la sorte.

-Désolé, c'était déraisonnable de vouloir y assister... miaula sans conviction le jeune chat. Sa mère hocha la tête puis fit signe à son fils de se rendormir. Ne parvenant pas à se retirer son idée de la tête, il attendit que sa mère s'endorme. Une fois que ses ronflements apaisants retentirent dans la tanière, il attendit encore quelques minutes avant de se redresser doucement. A pas de velours, il sortit de l'antre puis du camp. Au moment où il pénétra dans la pinède, un tas d'odeurs inconnus l'assaillit. Il reconnut le faible effluve de ses camarades partant au combat, mais aussi le parfum bien plus fort et plus musqué des conifères et de leur sève. La lune éclairait de sa lueur blanche et blafarde, le tapis d'aiguilles qui recouvrait le sol de la forêt. L'ombre des arbres était immense et effrayante dans ce lieu inconnu au chaton. Ne sachant pas par ou passer pour rejoindre rapidement la clairière où se déroulait la bataille, Duvet de Lierre se dirigea grâce aux cris de guerre qui résonnait entre les troncs. Au bout de quelques instants à marcher dans l'inconnu, les hurlements de rage et de douleur s'intensifiaient, et, après avoir franchi un bouquet de fougères, il se retrouva à la lisière de la pinède. Deux chats qui roulaient au sol dans une tempête de feulements et de poils passèrent à une longueur de queue de renard de lui. Le chaton brun tigré recula, terrifié. Il remit en doute le bien fondé de son escapade nocturne. Alors qu'il allait faire demi-tour pour rentrer chez lui avant que sa mère ne se rende compte de sa disparition, des bruits de pas retentirent derrière lui. Une grande chatte brune s'approcha. Le félin vit qu'elle n'avait qu'un œil valide, le deuxième recouvert de griffures. Sans savoir pourquoi, ses pattes réagirent plus vite que son cerveau. Une fois qu'il reprit conscience de la situation, il comprit qu'il s'était mis à courir, comme si sa vie en dépendait. Des crocs s'enfoncèrent délicatement par la peau de son cou, et il se retrouva suspendu au-dessus du sol.

La tête lui tournait mais il essaya de donné quelques coups de griffes à son ravisseur, en vain. Une fois le chaton calmé. La guerrière à l'odeur inconnue, le déposa dans son bouquet de fougère.

-Le Clan de l'Ombre n'a pas changé depuis Etoile Brisée : un ramassis de chats cruels entrainants des chatons bien avant l'âge règlementaire. Grogna l'étrangère. Ne comprenant pas ce qu'elle voulait dire, Duvet de Lierre voulut l'interroger mais la combattante la coupa avant que le moindre son ne sorte de sa gueule.

-Viens, avec le Clan du Tonnerre, tu seras en sécurité. Le petit matou voulut protester mais n'en n'eut pas le temps car la chasseresse ennemie le souleva de nouveau et l'emporta loin du champ de bataille, loin de chez lui, loin de sa mère, loin de tout ce qu'il connaissait.