4.Heather
« Parfois, l'ombre d'une présence est pire que son absence. »
Adam sonna ma porte le lendemain matin, un grand sourire aux lèvres.
—Prête pour le lycée?
Je hochais la tête avec un léger sourire et saisit mon sac à dos. Ma mère me recommanda pour la énième fois de ne pas marcher trop près de la route.
—Je n'ai plus dix ans, maman, m'exclamai-je alors, légèrement outrée.
—Oui, mais tu es encore plus maladroite qu'un enfant de cet âge! rétorqua-t-elle depuis la cuisine, et Adam éclata de rire.
—Elle n'a pas tort, Heather, répondit-il au moment où je fermais la porte, et je lui lançais un regard noir.
Je finis par lui pardonner lorsqu'il me passa l'un de ses écouteurs.
Nous marchâmes en silence jusqu'à l'établissement. Cela aurait pu être pesant, mais Adam fredonnait de temps en temps un morceau de sa chanson préférée, et je me contentais d'écouter en fixant mes pieds pour m'assurer de ne pas trébucher.
Le garçon était beaucoup plus présent pour moi depuis que Cal n'était plus vraiment avec nous. J'avais l'impression qu'il essayait d'assurer toutes les places que mon meilleur ami avait prise, comme si cela me rendrait moins triste si elles ne restaient pas vides.
Et rien que pour ça, il était un ami génial.
Mais il était encore plus que génial, parce qu'il ne dit rien lorsque je cherchais après Cal dans la cour. Il ne dit pas non plus quelque chose lorsque je l'observais assez longtemps pour qu'il se retourne sous le poids de mon regard.
Et, au fond, c'était ce que je cherchais. Je voulais qu'il sente mon inquiétude. Je voulais le secouer jusqu'à ce qu'il s'excuse et m'explique ce qui n'allait pas.
—Heather...
—Je sais, t'inquiète, soufflai-je en lui adressant un petit sourire timide.
Il me rattrapa machinalement avant que je ne fonce sur un des casiers qui était resté ouvert, et soupira lorsqu'on arriva devant ma classe.
—Ca va aller?
—Bien sûr que oui.
Je vis au regard qu'il m'envoya que je ne l'avais pas convaincu.
En début d'années, Caleb et moi étions l'un à côté de l'autre dans chacune de nos classes, et on s'était toujours arrangé pour les avoir toutes en commun. Depuis sa petite crise existentielle, il était parvenu à changer de place pour chacune d'entre elles, hormis pour le cours d'anglais. Le prof était strict comme jamais, et il avait refusé de changer les emplacements de début d'années.
Et je ne savais pas ce qui faisait le plus mal: le fait qu'être à côté de moi le dérangeait autant, ou qu'il parvienne à m'ignorer totalement pendant ce cours.
Depuis, je faisais toujours attention d'arriver avant lui dans la classe. C'était stupide, mais j'avais peur de rentrer un jour et de recevoir un regard noir.
Adam m'ébouriffa les cheveux avec un dernier sourire avant de partir en classe à son tour.
J'avançais alors jusqu'à ma place attitrée et posais ma trousse sur mon bureau. Je relisais ensuite mon agenda pour m'assurer de n'avoir oublié aucun devoir.
La classe se remplit rapidement, et Cal entra dans les derniers. Je savais qu'il le faisait exprès. Je savais qu'il attendait la dernière minute pour être certain que je ne pourrais pas lui glisser le moindre mot.
—Aujourd'hui, vous allez me rédiger un texte. Je veux mille-cinq-cent mots sur l'avenir. Ce qu'il représente, où vous vous voyez dans dix ans, déclara alors le prof en écrivant le sujet sur le tableau noir.
Je sentis mon meilleur ami se tendre à côté de moi, et je dus m'empêcher de saisir sa main comme je l'aurais fait l'année passée. A la place, je saisis mon crayon et commençais la rédaction.
Où me voyais-je dans dix ans? J'avais l'impression que c'était tellement loin. Je marquais alors les choses banales que tout le monde noterait. Je serais probablement mariée, j'aurais même peut-être déjà un enfant. Si tout se passait bien, je serais à la tête de ma propre petite entreprise. Je boirai probablement du café le matin, et aiderai mes enfants à faire leurs devoirs le soir.
J'entendis alors un bruit et, lorsque je relevais les yeux, je remarquai que Caleb venait de casser son crayon en deux.
Il fixait la page blanche, les poings serrés. Je ne savais pas ce qu'il trouvait de si difficile, mais je savais qu'il n'aurait pas le moindre point.
Je glissais doucement un crayon jusqu'à son côté du banc.
—Merci, rétorqua-t-il à voix basse, comme si cela lui coûtait de me parler.
—Tu me le rendras en fin de journée, rétorquai-je alors.
—Je le déposerais dans ton casier.
—Je veux que tu me le rendes après le cours de math, rétorquai-je en détournant enfin les yeux de ma feuille.
J'étais en colère, et je n'avais pas du tout envie de le laisser filer cette fois-ci. Et il dût le voir, car il soupira et repoussa le crayon de mon côté.
—Alors je n'en ai pas besoin, déclara-t-il d'une voix sombre.
Et j'avais envie de lui hurler à la figure, vraiment. A la place, je retournai brusquement mon regard sur ma feuille pour éviter ses yeux froids. Et ce ne fut qu'en essayant de lire mon texte que je réalisais que mes yeux étaient embués.
***
Caleb se leva rapidement lorsque la sonnerie retentit, mais j'avais déjà prévu sa fuite. Je balançais en vrac mes affaires dans mon sac et courus après lui. Le professeur nous regarda un peu ébahi tandis qu'on fuyait sa classe.
Mon meilleur ami slalomait entre les personnes, tentant de me semer.
—Attends, Cal! Mais merde à la fin!
Je ne sus pas si c'était son surnom ou le juron qui le fit s'arrêter, mais il se décida enfin à me regarder. J'avançais alors le plus rapidement possible pour le rattraper avant qu'il ne change d'avis, et il me retint avant même que je ne puisse véritablement tomber.
Et c'était pour cela qu'on se complétait si bien: il anticipait mes chutes avant même que je ne puisse vraiment trébucher.
—Cal... soufflai-je lorsque sa main s'attarda juste un peu plus de temps que nécessaire sur mon poignet.
—Fous-moi la paix, Heather.
—Pourquoi tu me dis pas ce qui va pas? Je t'aiderais, je te le promet. Cal, on se dit tout depuis qu'on a six ans. Tu sais que je ne te jugerais jamais, déclarai-je sans prendre la peine de respirer.
Maintenant que j'avais une chance de lui parler, j'avais peur qu'il ne me coupe et ne s'éloigne comme la dernière fois.
—Heather.
—Je t'aiderais pour n'importe quoi. Je t'aiderais même à cacher un cadavre si jamais tu t'es enfin décidé à fermer le clapet à cette vieille voisine qui t'énervait tant. Je... Je ferais tout ce que tu veux, Cal, mais je ne te lâcherais pas, continuais-je tout aussi rapidement.
Mais son regard restait toujours aussi froid. Et cela me faisait bizarre, parce que Caleb ne m'avait jamais adressée un tel regard auparavant. J'avais toujours comparé ses yeux à ces forêts dans lesquelles on se baladait l'été. Pour moi, ils avaient toujours été d'un vert chaud, presque doux.
—J'ai pas besoin de tes grands discours. Laisse-moi juste respirer, merde! s'énerva-t-il avant de tourner les talons.
—On s'était promis, m'exclamai-je alors, et j'espérais qu'il n'avait pas entendu le petit tremblement à la fin de ma phrase.
—C'est du vent les promesses, Heather. Grandis un peu, ok? cracha-t-il avant de s'éloigner pour de bons.
Je serrais les lanières de mon sac à dos un peu plus fort, et me mordais la lèvre. Je tentais de retenir mes larmes, parce qu'il ne les méritait pas.
—T'es con, Cal, murmurai-je, même si plus personne n'était là pour m'écouter.
Et c'était peut-être ça le pire. Le fait qu'il soit là sans véritablement l'être. Je pourrais l'observer sans m'approcher, et cela faisait diablement mal après avoir passé autant de temps juste à ses côtés.
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Coucou les filles (et garçons s'il y en a) ❤️!
Voici le nouveau chapitre de la semaine! J'espère qu'il vous a plu, même si Cal doit commencer à vous taper sur le système xD! On trouvera une vengeance, vous inquiétez pas ;)
J'ai aussi remarqué qu'on avait dépassé les 500 vues cette semaine, et ça me fait tout drôle, parce que j'avais dû attendre tellement longtemps pour en avoir autant sur mon premier livre xD! Merci à tous et à toutes de me lire 😘!
Gros bisous,
Sarah
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