12. Caleb
« Il y a différents types d'amour. Le premier, on le ressent lorsqu'on tient un tout petit être dans nos bras. Et on promet alors qu'on ne laissera jamais rien le blesser.»
J'avais choisi une photo dégueulasse, je m'en voulais un peu d'avoir choisi ce stupide selfie. J'aurais dû choisir l'une des photos de notre camps de vacances, lorsqu'on avait dix ans. J'aurais dû choisir la photo de notre première soirée cinéma dans mon salon, ou de la première fois que j'avais choisi d'être le photographe plutôt que le sujet de la photo.
A la place, j'avais juste choisi la photo de mon fond d'écran. C'était tellement cliché que j'avais failli vomir. Je voulais juste qu'elle comprenne que je voulais pas vraiment l'abandonner, que j'avais juste peur de lui parler. J'avais peur de redevenir son meilleur ami et de ne plus savoir garder ces mots pour moi.
Et c'était juste trop dur de les crier autour de moi pour le moment. C'était trop dur d'en parler à Heather, et de la voir endosser ça comme si c'était son problème, à elle. Parce que c'était ce qu'elle ferait, je le savais.
—Tu descends manger? me demanda alors ma mère, et je sursautais.
—Tu n'as pas frappé à la porte, assénai-je immédiatement.
Ma mère me regarda alors pendant une seconde, avant de donner un petit coup dans la porte.
—Tu viens manger, maintenant?
—Tu es censé frapper avant d'entrer, bon Dieu, grommelai-je en me relevant de mon lit.
Ma mère leva les yeux au ciel, et rejoignit mon père dans la cuisine. Et, ouais, le diner serait forcément tendu. On n'avait jamais crevé l'abcès depuis notre dispute, et chaque rassemblement de famille me paraissait lourd de non-dit.
Et j'étais fier, beaucoup trop fier. Je tenais de ça de lui. Alors je n'avais pas du tout envie de m'excuser en premier, et je savais qu'il ne commencerait pas non plus.
On aurait pu probablement pu en parler comme de grandes personnes, et livrer tout ce qu'on avait sur le coeur. Mais, chez les Dewel, les hommes ne parlaient pas de sentiments. Ils étaient un peu trop orgueilleux, et beaucoup trop idiots pour juste avouer ce qui les déranger. Alors il laissait la plaie pourrir, et devenir complètement nécrosé.
C'était débile, et pourtant je me connaissais assez pour admettre que je ne me serais jamais assis à une table pour discuter d'émotions avec mon père.
Pour le moment, ma mère était trop heureuse que j'ai parlé à Doc pour retomber de son nuage. Elle préférait gentiment ignorer le fait que papa et moi ne parlions plus, et faire la conversation pour trois.
Je n'avais jamais autant entendu parler des pétunias qu'on avait dans la jardinière que depuis que ma mère guidait les conversations.
***
J'entendis frapper à ma porte après le repas, alors que je rangeais mes affaires et me préparais à trainer sur internet jusqu'à m'écrouler sur mon lit.
—Maman? Tu peux rentrer.
—Tu as vu, j'ai frappé, fit-elle remarquer avec un regard espiègle.
Je roulais des yeux tandis qu'elle refermait la porte derrière elle, et s'asseyait sur mon lit. Eh merde, ça sentait la fameuse conversation remplie de sentiments à plein nez.
Parce que si mon père n'aurait jamais accepté le moindre mot, ma mère adorait qu'on s'épanche longuement sur ce qui n'allait pas. C'était d'ailleurs bien pour ça que j'avais le droit à une séance de psy par semaine.
—Je voulais te parler de ton père, déclara-t-elle alors, et je m'installai à côté avec un haussement d'épaule.
—Que veux-tu dire? On ne se parle pas.
—Exactement, vous ne vous parlez plus. Cal, ton père ne pense pas du tout que c'est de ta faute...
—Mais si, maman. Et c'est ok. Moi aussi, je le pense. Et je suis certain qu'une petite partie de toi m'en veux, aussi, continuai-je d'une voix un peu plus basse.
—C'est faux.
—Mais c'est vrai. J'aurais dû mieux connaitre cette fille, ne pas lui faire confiance ou, je sais pas, mettre une capote. J'aurais jamais dû coucher avec elle.
—Caleb, des milliers d'adolescents oublient de se protéger. Des milliers croient que seul la pilule suffit. Cette fille aurait dû t'en parler. Et, c'est vrai, tu aurais dû réfléchir davantage et mettre un préservatif...
—J'ai jamais cru... J'ai jamais cru que ça m'arriverait, à moi, tu vois? J'ai cru que ce genre de chose... Un bébé, ou des MST... J'ai cru que ça ne pouvait qu'arriver aux autres, avouai-je en baissant les yeux, un peu honteux.
—Mais, maintenant, on se fiche de comment ça s'est passé. On se fiche de comment tu as attrapé le virus, par qui ou à cause de quoi.
—Toi, tu t'en fiches, l'interrompis-je en me reculant légèrement.
—Ton père aussi s'en fiche. On veut juste être là pour toi, et il ne sait pas trop comment s'y prendre...
—Maman, arrête. Ca sert à rien.
—Mais il faut que tu saches...
—Tu penses que les gens diront quoi, lorsqu'ils apprendront qu'il a un fils séropositif? Tu crois que ça fera quoi à sa carrière?
Ma mère sembla interloquée, comme si elle n'y avait même jamais réfléchi.
—Tu vois, la différence? Crois-moi, lui y a déjà pensé, rigolai-je aigrement.
Elle se tut alors, et sembla y penser plus longuement. Et elle ne rétorqua rien de plus, se contentant de se lever.
—Tu sais, Cal? Je ne t'en ait voulu que le premier jour, au moment de faire ces examens. Je t'en voulais d'avoir pris un stupide risque alors qu'un simple bout de latex aurait pu te protéger, déclara-t-elle en tenant la porte.
—Je suis désolé.
—Il ne faut pas. Depuis, je ne t'en ai plus jamais voulu. Tu n'as que dix-sept ans, Caleb. Tu as cru que tu aimais cette fille, qu'elle en valait la peine... Mais tu ne connais encore rien à l'amour mon chéri. J'espérais juste... Je voulais juste être capable de protéger mon petit bébé jusqu'à la fin du monde, tu vois? Et j'ai parfois juste l'impression d'être impuissante face à tout... face à tout ça, continua-t-elle avant de refermer la porte derrière elle.
Et cette nuit-là, je n'arrivais pas à dormir. Mais ce n'était pas à cause de ces excès de colère, ce n'était pas à cause d'une culpabilité étouffante.
Pour la première fois, c'était parce que les cris qui retentissaient en bas depuis le salon était bien trop fort.
-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*
Coucou les amis ❤️!
J'espère que ce chapitre vous a plu, on en apprend un peu plus sur Cal, sa mère et un peu son père aussi. Pensez-vous vraiment que Papa Dewel pense autant à sa carrière? Ou pensez-vous que Cal se fait des idées?
Plein de bisouuuuuuuus ❤️❤️!
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro