XII.
Sans doute
Est-il fou
De (ne pas)
Parler de ses
Souvenirs.
Durant une nuit sans lune, YoonGi se lève. Il laisse le corps endormi d'HoSeok dans le lit aux draps froissés et traverse le couloir qui mène à la cuisine. L'appartement est plongé dans la noirceur, et il peine à trouver le chemin de la cuisine. Quand il repart dans le salon, une tasse d'eau froide dans les mains, il lève les yeux vers les grandes fenêtres aux rideaux tirés.
Et quand il voit une ombre derrière les vitres, il ne sait pas si c'est son imagination qui déborde, ou s'il y a réellement quelqu'un accroché à sa fenêtre.
Il n'est pas vraiment rassuré par le fait de se trouver à l'intérieur, même s'il est protégé par les murs et la porte blindée s'il parvient à courir assez vite. Le cœur battant, il s'approche des carreaux. Il hésite en jetant un regard au couloir menant à HoSeok, puis avance encore.
Il n'y a rien derrière, il s'en persuade.
Il tire les rideaux.
Et le sourire aux dents pointues de Jimin accueille sa tasse qui se brise sur le sol.
Lorsqu'HoSeok se réveille, la tête lourde et le corps en manque de la chaleur habituelle de YoonGi, il a peur. Parce qu'un vil pressentiment lui tord les entrailles et tambourine dans sa tête, il sort du lit en chancelant. Il ne sait pas s'il est surpris quand il fait le tour de l'appartement vide, mais il est tellement inquiet que ses mains tremblent. En arrivant dans le salon, il s'écorche les pieds avec des bouts de verre.
HoSeok relève la tête pour voir les rideaux balayés par les vents, une vitre explosée, et des morceaux qui jonchent le sol.
Il se laisse tomber à genoux, et vomit.
Devant lui, sur le canapé, sont posés une feuille de papier et un doigt humain.
HoSeok sanglote si fort quand il reconnait l'index de YoonGi. Il ne le touche pas, les doigts pris de spasmes violents. Il croit hurler quand il lit les quelques lignes de l'écriture de YoonGi, certains mots effacés par les larmes, et d'autres tachés par le sang.
HoSeok,
Tu comptais faire taire tes souvenirs encore longtemps ?
Parce que tu as trop tardé.
L'homme que tu aimes en paie le prix,
N'est-ce pas dommage ?
Il va mourir par ta faute.
Il s'écarte comme si le papier l'avait brûlé. L'instant d'après, il s'est rué sur le téléphone et appelle la seule personne en qui il a vraiment confiance.
« - NamJoon, YoonGi a disparu, c'est Jimin, y'a son doigt sur le canapé.
- Parle moins vite, je ne comprends pas.
- Jimin a enlevé YoonGi.
- J'arrive. Ne touche à rien. »
Le grand homme raccroche, et HoSeok laisse les tonalités sonner dans le vide.
Il sent son cœur mort se décrocher de sa poitrine pour rouler dans le verre éclaté et se planter dans chacun des regrets que son cerveau trouve. Il n'entend pas NamJoon rentrer, le souffle court et la main sur la bouche. Il ne sent pas le plus vieux attraper son épaule et le balloter dans tous les sens.
Il ne voit que son visage, les traits tendus et la bouche ouverte pendant qu'il lui crie de se réveiller, merde, parce que faut agir, putain, bouge toi, HoSeok, aller, pense à YoonGi, il aurait agit, lui, sois comme lui, bordel de putain de merde !
« - HoSeok ! Répond-moi !
- Je suis désolé.
- C'est bon.
- Ce n'est pas bon, NamJoon, t'as lu la lettre.
- Une équipe est en route, ok ? »
Il l'entend à peine et le regarde, les yeux brouillés de larmes. Il murmure, pourtant il a l'impression de crier.
« - Il faut qu'on aille chercher YoonGi.
- Je sais.
- On attend quoi ?
- Que tu parles. Dis-nous tout ce que cache ta tête, HoSeok. On a besoin de toi pour savoir où il est. »
Le brun baisse la tête, les joues noyées. Le temps qu'il se redresse, se ressaisisse et comprenne ce qu'il se passe autour de son corps égaré, l'équipe était arrivée. Puis NamJoon le transporte au commissariat, et réunit tous les membres de l'équipe.
Sauf YoonGi.
HoSeok expire si fort que ses épaules se secouent. Devant lui, debout, JungKook le toise. Dans son regard, le brun y lit un mélange de pitié et de colère. Mais c'est la colère qui est la plus flagrante quand il crache, les mots moins durs que sa pensée :
« - Parle. Maintenant. YoonGi va mourir, putain !
- Calme-toi, JungKook.
- Ta gueule, Tae. »
HoSeok relève la tête, en exposant sa faiblesse vulnérable et retrousse la manche de son tee-shirt. Il fait glisser son doigt le long de la cicatrice, vieux réflexe qu'il a gardé lorsque son âme est en peine, et commence à parler d'une voix frêle qui ne le veut pas vraiment. D'un hochement de tête, il demande à NamJoon de lui donner le dossier sur les anciens détenus. Il l'ouvre d'un geste lent, puis repose sa main sur la table.
« - C'est l'homme qui a tué mon père qui m'a fait ça. Celui que Jimin recopie. Il nous surveillait déjà quand mon père a commencé à agir contre le gouvernement. La première fois, il a reçu des lettres de menaces. Il ne s'est pas arrêté. Il disait que nous étions plus forts, et que c'était trop lâche d'abandonner. Je crois que mon père était terrifié par l'idée de ne pas atteindre ses objectifs. La deuxième fois, quand il a envoyé ces documents à la police. Il est venu, avec quatre hommes en noir. Ma mère m'a dit de rester caché dans ma chambre, mais je suis descendu parce que je croyais être assez fort pour les sauver. Je n'aurais pas du. Quand je suis arrivé dans le salon, l'assassin m'a attiré vers lui, et m'a fait cette cicatrice. En prévention, qu'il disait. Le sang gouttait sur le plancher, et je me souviens que l'un d'eux s'est penché au sol, pour le lécher sur le carrelage. C'était le plus jeune des hommes en noir, et il devait être à peine plus jeune que moi. Vous savez qui c'était ? »
JungKook expire et SeokJin se laisse tomber lourdement sur une chaise. C'est TaeHyung qui lance, le regard sur les yeux fermés du plus jeune :
« - Jimin. »
Et il y a un silence pesant avant qu'HoSeok ne reprenne.
« - Quand il s'est relevé, il avait la bouche rouge, et un air si bestial qu'il en devenait monstrueux. Ils sont partis en nous menaçant, et mes parents se sont discutés. Quelques jours plus tard, nous partions, moi et ma mère. Mais mon père restait sur place, pour continuer son projet.
- Où êtes-vous allez ?
- A Ulsan. J'ai repris l'école, et je parlais au téléphone avec mon père tous les soirs. Mais un jour, il n'a plus appelé. Ma mère n'a rien dit sur le moment, mais elle pleurait tous les soirs. Puis les hommes en noirs nous ont retrouvés.
- Comment ? »
SeokJin se fait impatient, parce qu'il a si peur. Il ne veut pas brusquer HoSeok, mais c'est trop important pour qu'il omette des choses.
« - Je n'en sais rien. J'étais jeune, et je ne comprenais pas vraiment ce qu'il se passait. Toujours est-il qu'on était de nouveau en fuite. Une nuit, alors qu'on dormait dans un motel, ma mère m'a réveillé. Elle m'a dit de ne pas faire de bruit en me cachant dans la salle de bain, et elle est descendue en bas. Je n'étais même pas avec elle quand ils l'ont éventrée. Puis, je les ai entendus monter dans les escaliers. Ils ont retournés la chambre et ils m'ont trouvé, replié sous le lavabo. Ils m'ont emporté, et en descendant, j'ai vu le corps de ma mère étendue dans son sang sur les marches. Je crois que j'ai pleuré et qu'ils m'ont giflé. »
HoSeok ferme les yeux, et ses doigts griffent lentement les contours de la cicatrice. Il les rouvre quand TaeHyung lui demande :
« - Pourquoi est-ce qu'ils ne t'ont pas tué ?
- Ils pensaient que mon père m'avait donné des informations sur ses camarades. Sauf que je ne savais rien, et qu'ils ont été obligés de me torturer pour s'en rendre compte. »
JungKook a les mains plaquées sur la table lisse, le regard dans le vague et la voix basse quand il demande :
« - Est-ce que tu te souviens d'une maison, d'un entrepôt, un endroit où il retient YoonGi ?
- Je ne crois pas, mais je ne sortais jamais du bâtiment où nous étions allés, la dernière fois.
- NamJoon, tu ne penses pas qu'il aurait pu y aller ?
- J'ai déjà envoyé des hommes et ils n'ont rien trouvé.
- Ils ne connaissent pas le bâtiment. Je dois y aller. »
HoSeok se relève et sort précipitamment de la pièce. Il est arrivé à la moitié du couloir quand NamJoon le rattrape, et l'arrête. Le plus grand a les yeux rouges, la lèvre tremblante et les paumes charnues qui martèlent ses épaules.
« - HoSeok, écoute-moi. Y'a rien là-bas, ok ?
- Je dois chercher partout, Jimin est imprévisible.
- Et tu crois qu'il irait là où nous pensons en premier ? Réfléchis, HoSeok. »
Alors, le brun réfléchit, aussi vite qu'il le peut, parce qu'il doit agir. Et quand l'image fugitive d'une femme folle riant en se tuant traverse son esprit, il s'en saisit avec l'énergie du désespoir.
« - KangHee !
- Pourquoi chez elle ? Tu as dit qu'ils ne se connaissaient pas.
- J'en sais rien, mais faut qu'on aille voir.
- Je vais chercher les autres. Monte dans le van, on te rejoint. »
HoSeok court, dévale les marches des escaliers, manque de tomber, puis court plus vite, encore plus vite, toujours plus vite. Il se jette dans la première voiture vide qu'il trouve, mais comme les autres sont trop lents, et qu'il n'a pas le temps d'attendre, il démarre le van noir. Il est hésitant pendant les premiers kilomètres, parce que son cerveau peine à se souvenir du chemin tortueux.
Puis, il commence à repérer les éléments qu'il avait déjà vus, et il accélère encore, pour aller plus vite.
C'est dans l'ivresse de la vitesse qu'il se gare en trombe sur le sentier qui mène à la maison de pierre. Le moteur ronronne dans le vide quand il s'élance en courant sur l'allée de graviers, et la lourde porte en bois craque quand il la fracasse contre le mur.
Il écrase une chose molle étendue sur le sol, et quand il baisse la tête, ses yeux effrayés croisent ceux, morts, de la femme qui s'est tuée. Un frisson violent le traverse, et il rentre dans la maison avec des sueurs froides qui glissent le long de son dos. Il y a toujours cette odeur rance et tenace qui s'accroche aux murs comme les lambeaux de papier-peint.
Et le cœur d'HoSeok se flagelle sur les graviers quand il s'échoue dans le salon trop lumineux.
Sur les murs désossés sont accrochées des photos de YoonGi.
Sur certaines, les hématomes de son visage forment un contraste maladif avec la blancheur de sa peau. Sur d'autres, le sang qui coule de ses blessures glisse sur les courbes de son corps replié. Sur toutes, le malheur d'HoSeok et ses larmes qui trempent le sol inégal.
Et alors qu'il se relève, les yeux ruisselants et la tête hurlante de menaces, il voit le bout de papier, accroché sur le visage d'un YoonGi devenu violet. Il avance et arrache la feuille du mur, pendant que d'infimes secondes ne s'écoulent.
Son corps est si doux.
Je comprends pourquoi tu prenais tant de plaisir à le toucher.
Je suis un peu jaloux, tu sais.
Tu lui accordais trop d'attention, et à moi, pas assez.
Maintenant, tu me vois, je suis content.
Retrouve-moi.
C'est une traque, mais es-tu
traqué ou traqueur ?
Alors HoSeok écrase la feuille dans sa main.
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