VII.
Sans doute
La vérité
N'était
Pas
Si loin.
Un peu avant d'entrer dans le commissariat à l'allure austère, HoSeok attire YoonGi dans une ruelle à l'écart. Il n'ose pas s'approcher trop près, et le devin est obligé de coller leurs fronts pour qu'il le regarde enfin dans les yeux. Il sent son souffle sur sa peau, puis ses poils qui se hérissent.
Il sombre dans les yeux noirs du plus jeune quand il parle.
« - YoonGi, cette nuit, quand je me suis réveillé, je n'étais pas blessé, juste dans tes bras, et je n'ai pas compris, normalement tu cours pour m'échapper, mais là, tu m'as juste souri.
- Tu n'as bougé.
- Pas du tout ?
- Non. Tu as grommelé, je t'ai serré plus fort et tu t'es tu.
- Je suis guéri, tu crois ?
- Je n'en sais rien, HoSeok. Mais je l'espère de tout mon cœur. »
Et ils s'embrassent quand les rayons d'un soleil froid traversaient les nuages.
Puis, ils rentrent dans le grand bâtiment, les joues rouges et la respiration saccadée. Ils traversent les couloirs, et sont les derniers à entrer dans la salle de réunion. Dès qu'ils passent la porte, JungKook se jette sur eux, surexcité.
« - On a les résultats du labo ! »
Et il sautille autour de la table, avant de s'asseoir, survolté, à côté de TaeHyung. NamJoon décroise les bras pour pointer le tableau du doigt. Le devin et l'amnésique tirent leurs chaises et se concentrent quand le grand brun parle de sa voix profonde.
« - HoSeok a dit vrai quand il nous a montré l'endroit dans l'entrepôt : ce sont bien ses cheveux. Mais il y a un autre ADN, que le labo a trouvé dans le sang et les morceaux de peau.
- L'entrepôt d'hier ? Il s'est passé quelque chose ?
- Tu ne te souviens pas ?
- Non. »
Alors, TaeHyung lui explique ce qu'il a fait, et ce qu'ils ont vu. HoSeok hoche la tête avec l'air grave de celui qui est habitué à ne pas se souvenir. Puis, quand il a finit d'entendre le récit de la veille, il se redresse silencieusement et la discussion reprend.
« - On sait à qui appartient l'ADN ?
- Ce serait celui d'un certain Park Jimin. Il a été fiché il y a dix ans pour avoir piraté le système informatique d'une entreprise à Busan. »
NamJoon tapote le visage d'un homme assez âgé sur une photographie en noir et blanc. Il a des grands yeux, un nez droit et des lèvres épaisses entrouvertes en un demi-sourire.
« - A peu près en même temps que la mort de Jung.
- Et au même endroit.
- Vous pensez que Park et mon père ont un lien ?
- Ce serait très probable. On a son adresse ? »
JungKook consulte les fiches étalées sur la table avant de répondre.
« - Il a changé plusieurs fois, mais il ne bouge plus depuis quelques mois. Il habite au Nord de Séoul, à l'extérieur de la ville. Je t'envoie l'adresse sur ton téléphone.
- Merci.
- On le convoque en entretien ?
- Non, HoSeok et moi allons lui rendre une petite visite. SeokJin, je veux tous ses contacts au moment de son piratage.
- Ca marche, YoonGi.
- JungKook, relevés bancaires et déplacements, et TaeHyung, tu cherches s'il a de la famille encore en vie.
- OK.
- Super. HoSeok, on y va. »
Ils se lèvent d'une démarche cadencée et quittent la pièce. HoSeok jette un regard vers les autres qui se mettent au travail automatiquement, puis il se concentre sur la nuque de YoonGi et les mouvements de son corps. Il s'arrête dans l'encadrement du bureau du devin pendant que celui-ci récupère des affaires. Quand HoSeok le voit glisser un revolver dans l'étui à sa ceinture, il frémit.
Et si cet homme était dangereux au point de les tuer ? Etait-il prêt à mourir ? Et était-il prêt à voir YoonGi mourir ?
Il secoue la tête en espérant que ses sinistres impressions seront fausses, et ouvre les yeux pour voir le visage du blond à quelques centimètres du sien. Il navigue entre ses yeux et ses lèvres, puis surtout sur ses lèvres ; son cœur balance et s'envole. Les lèvres chaudes s'écrasent dans son cou, sur sa clavicule et la courbe de sa mâchoire ; et c'est si bon qu'il doit faire un effort surhumain pour se retenir de plaquer YoonGi sur son bureau et lui faire l'amour avec cette fougue qui réchauffe son ventre.
Mais YoonGi se détache, et voilà qu'ils roulent déjà sur la route grise. Le GPS donne des indications d'une voix monotone, par-dessus la musique classique qui inonde l'habitacle. Ils se regardent du coin de l'œil sans vraiment tourner la tête,
Ils arrivent, après deux heures de routes sinueuses, devant une maison de pierres grises. Les volets blancs sont rouillés et claquent dans le vent, pendant que le toit de tuiles noircies par la pluie laisse entrevoir un vasistas ouvert.
YoonGi toque contre la lourde porte en chêne, et tend sa carte de représentant légal à la vieille femme qui lui ouvre.
« - Min YoonGi, police de Séoul. Est-ce que Park Jimin est là ? »
La femme sourit sans qu'ils ne sachent pourquoi, et elle chuchote si bas qu'ils sont obligés de se pencher vers elle. Elle révèle comme un secret inavouable :
« - Il est partit dehors. Mais il devrait rentrer ce soir. »
Et elle éclate de rire, les rides de ses yeux se creusant pendant que son sourire déforme son visage. Puis, elle rejette ses cheveux en arrière, fait craquer sa nuque, et tend sa main aux deux hommes.
« - Appelez-moi KangHee.
- Je suis Jung HoSeok, enchanté. »
La vieille femme lance un regard en biais au brun et son pull glisse un peu le long de son épaule. KangHee les regarde durant un court instant, avec de faire une moue tristement ridicule avec ses lèvres et de se taper le front du plat de la paume.
« - Mais je suis bête, entrez donc !
- Merci. »
YoonGi hésite à la suivre quand elle disparait dans l'obscurité de la maison, alors HoSeok noue leurs doigts et ils entrent ensemble en refermant la porte. Ils la trouvent allongée dans le canapé, les jambes écartés pendant qu'elle regarde une émission de variété stupide. KangHee ne les regarde pas, comme si elle avait déjà oublié qu'ils étaient là, et tape sur la télécommande.
Une odeur rance qui traine dans la pièce, des mouches volent dans un coin et des casseroles sales pourrissent dans la cuisine. YoonGi fait le tour du salon, HoSeok sur les talons et s'arrête devant des photos de famille. Il en pointe une de l'index et se tourne vers la femme.
« - C'est Park, l'homme assis sur la balançoire ? »
Le regard qu'elle lui lance le glace et elle répond, son œil droit tremblant d'un tic nerveux.
« - Park ? C'est qui, Park ? Y'a pas de Park chez moi, bande de fous ! Vous êtes tous fous, vous ne voyez rien ! C'est fou d'être fou autant que vous l'êtes, et c'est moi qui dois prendre des médicaments ! Ils me donnent mal à la tête et m'empêchent de voir mon petit. Mon enfant, mon tout-petit, mon amour. Il l'a tué, vous savez. Enfin non, vous ne savez pas, parce que vous ne savez rien ! »
KangHee hurle, la salive rougeâtre s'échouant sur le sol, ses cheveux voletant autour de son visage bouffi de rage. Quand elle se lève vers eux, les doigts tremblants de spasmes et le souffle erratique, ils se rendent compte qu'elle leur bloque la sortie. Elle s'avance rapidement, les yeux écarquillés.
Ils se précipitent à l'étage, dévalent les escaliers et s'engouffrent dans la pièce au fond du couloir. Ils se plaquent contre la porte quand ils l'entendent se ruer contre tous les battants du couloir. KangHee beugle dans la maison, et ses hurlements se répercutent contre les murs. HoSeok traine une grosse commode contre la porte, et au moment où ils la collent au battant, le visage fou de la femme apparait dans l'ouverture.
« - Je vous ai trouvé ! Rendez-moi mon enfant ! Vous êtes tous fous ! »
Elle continue de scander ses propos de démentes en se jetant contre la porte. Les deux hommes entendent le craquement de ses os et ses plaintes saccadées. Quand l'adrénaline retombe, que seuls des sanglots et les raclements faiblards résonnent dans le silence, le devin s'autorise à regarder la pièce.
Il inspire un grand coup et sent HoSeok se tendre si fort à se côtés qu'il se demande s'il va se casser.
Sur le lit qui trône au centre de la pièce se trouve le cadavre de Park Jimin. Ses yeux noirs contemplent le plafond qu'il ne voit plus et ses doigts sont raides sur les draps tachés. Des poignées de ses cheveux gras sont étalées sur le parquet luisant du sang qui ne coule plus de ses plaies aux bords arrachés. Ses poignets sont attachés à la tête de lit, ses chevilles à l'autre bout, tendant son corps et la peau craquelée de son ventre.
HoSeok se demande combien de temps il est resté ainsi, aux mains de cette folle.
Il sent YoonGi bouger contre lui, et le sert instinctivement plus fort. Puis, le devin embrasse doucement sa tempe, jusqu'à ce que le brun le laisse sortir son téléphone de sa poche et mitrailler le cadavre en se retenant de vomir. Quand il a pris toutes les photos qui lui fallait, il retourne se blottir contre HoSeok, à l'opposé de la porte. Ils se serrent dans leurs bras tremblants et YoonGi prend une décision.
« - HoSeok, il faut qu'on sorte d'ici.
- Mais elle est derrière, elle va nous tuer comme Park.
- Elle ne nous aura pas, parce qu'on a quelque chose que ce pauvre homme n'avait pas. »
Et il sort le pistolet de son étui. HoSeok déglutit en regardant l'arme luisante dans les reflets du jour qui se couche.
« - YoonGi, on est obligé de faire ça ?
- On ne peut pas descendre par la fenêtre. C'est notre seule issue. »
HoSeok expire l'air saturé de la pièce, les particules de poussière et l'odeur de charogne décomposée. Il murmure, ses lèvres contre la peau tendre de l'autre :
« - Je t'aime.
- On ne va pas mourir.
- Je t'aime quand même.
- Moi aussi, mon amour. »
YoonGi le force à se camper sur ses jambes flageolantes. Ils s'approchent silencieusement de la porte, les sens en alerte. Ils soulèvent la commode pour pouvoir se glisser à l'extérieur, mais quand YoonGi entrebâille furtivement la porte, il ne voit qu'un couloir désert. Il fait signe à HoSeok de le suivre, et il s'engage à découvert, l'arme dans ses mains assurées.
Il pointe chaque coin de l'étage du canon de son arme, mais il est vide. Ils descendent prudemment l'escalier, le cœur serré et la gorge nouée par la peur.
HoSeok étouffe un glapissement quand il voit KangHee dos à eux dans la cuisine. Elle ne semble pas les voir, et ils sortent dans la maison avec des larmes dans les yeux tant le soulagement est grand.
Mais au moment où ils grimpent dans la voiture près à s'éloigner de cet enfer, la lourde porte en chêne s'ouvre. La femme sort sur le perron, les joues barbouillés de sang et un sourire immense sur un visage angoissant. Son épaule a un angle étrange, distordant la peau violacée.
Elle les salue d'une main, l'autre tenant un torchon qui nettoie un grand couteau de cuisine. Sa voix portée par le vent leur donne des frissons, même s'ils sont loin de la maison en pierres grises.
« - Dommage que Jimin ne soit pas rentré. Je suis sûr qu'il aurait aimé vous rencontrer. A bientôt, YoonGi et HoSeok. »
Et elle éclate de rire en se plantant le couteau dans le ventre.
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